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From the library of
Lloyd Cabot 'Briggs
1909 - 1975
Tozzer Library
PEABODY MUSEUM
HARVARD UNIVERSITY
r
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1906
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T^pTT.wr
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Pénétration française
en
Afrique
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Extrait de la Reçue coloniale
Publication du Ministère des Colonies.
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Lieutenant de la VERGNE de TRESSAN
La
Pénétration française
en
Afrique
Ses caractéristiques et ses résultats
1^
'^ ilBUOTHÈQUE"
PARIS
Augustin CHALLAMEL, Editeur
Rue Jacob, 17
Librairie Maritime et Coloniale
1SK)6
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/»/-//, ^/J»//, l/iV7^,
I
»
■RËciivÊD
I
i
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PRÉFACE
Quiconque a suivi avec quelque peu d'attention le mouvement
colonial de ces trente dernières années a pu être frappé de la pro-
gression lente mais continue et acharnée avec laquelle s'est effectuée
Texpansion française sur le sol africain. Sans se laisser rebuter
par les obstacles matériels et humains, nos explorateurs, nos offi-
ciers, nos administrateurs coloniaux ont sans cesse poussé de l'avant
et ont réussi à créer notre splendide empire d'Afrique occidentale,
en prolongeant toujours plus loin et en unissant sur les bords du
Tchad, ces petits établissements côtiers du Sénégal, de la Guinée, du
Gabon, que nous possédions seuls au milieu du siècle dernier.
En réfléchissant à une pareille œuvre, on est naturellement amené
à se demander quelle a été la genèse de cette pénétration française
si tenace, sous quelles formes caractéristiques elle s'est produite,
quelles ont été les difficultés rencontrées.
Dans les pages qui vont suivre, on s'est proposé cette tâche com-
prenant tout à la fois Vanalyse des milieux traversés et des moyens
employés et la synthèse des résultats obtenus.
N'est-il pas profitable, en effet, de jeter quelquefois un coup
d'œil en arrière et de mesurer du regard le chemin parcouru avant
de poursuivre sa route et de se proposer un nouveau but ? La cons-
tatation des brillants avantages conquis est susceptible de donner
du courage et de l'espérance, celle des erreurs inhérentes à tout
apprentissage, de quelque genre qu'il soit, est le meilleur des en-
seigpiements pour l'avenir...
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— 6 —
La scienQe géographique contemporaine repose essentiellement
sur l'analyse des milieux climatologiques, physiques et ethnogra-
phiques et sur l'influence réciproque qu'ils exercent les uns sur les
autres. La situation politique, économique et sociale des peuples
découle de là et, sans s'en apercevoir, on s'élève de l'étude de la
nature à celle de l'homme.
Chacune de nos grandes colonies du continent a donc été étudiée
en elle-même et comme voie de pénétration vers le centre africain,
en prenant pour bases les éléments fondamentaux que nous venons
d'énumérer et qui caractérisent vraiment un pays. Si nos modestes
forces n'ont pas été en rapport avec la grandeur de la tâche entre-
prise, qu'il nous soit permis, du moins, de trouver une excuse dans
le sincère désir de faire œuvre utile et patriotique.
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tact
La Pénétration française
en Afrique
Ses caractéristiques et ses résultats
INTRODUCTION
DE LA XECESSné DE l'eXPANSION COLONIALE POUB LES PEUPLES
CONTEMPORAINS ET EN PARTICULIER POUR LA FRANCE
C'est un fait historique qu'à chaque nouvelle civilisation éclose
dans le monde a correspondu un mouvement d'expansion vers lé
■dehors.
Dans l'antiquité, la colonisation phénicienne est venue se gref-
fer sur l'Egypte de l'époque la plus brillante; puis, la Grèce a jeté
des colonies sur les rivages de la Méditerranée, Rome, enfin, a sub-
mergé de son immense et lourde puissance tout le monde connu
des anciens. Trouver des exemples analogues chez les peuples mo-
dernes de toutes les époques serait aisé.
Il faut en outre remarquer que ces mouvements d'expansion ont
présenté chacun des caractères particuliers, images des civilisations
qui les ont produits. Dans la colonisation hellénique, nous retrou-
vons le souci artistique qui caractérise l'ancienne Grèce. L'expan-
sion romaine s'offre à nous sous un jour plus solide et plus utili-
taire, toute pleine de cette force et de ce grandiose composant
l'essence même du génie romain. Le mysticisme et l'esprit batailleur
du moyen âge se retrouvent dans les croisades. Les grandes entre-
prises de la Renaissance sont rendues possibles par le développement
scientifique et les découvertes de l'époque.
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— 8 —
La connaissance des temps écoulés nous fournit donc cette don-
née qu'à toutes les époques brillantes de l'histoire a correspondu un
mouvement d'expansion coloniale.
Il est intéressant d'étudier la genèse de oet esprit colonial, tout
au moins en ce qui concerne l'Europe moderne.
Le premier élément qui ait influé sur son développement est,
semble-t-il, la situation géographique de notre vieux continent.
L'étendue des côtes de l'Europe est énorme, comparée à l'espace
qu'elle occupe. Son littoral déchiqueté, creusé en une multitude de
points, de baies et d'anses susceptibles de devenir des ports a dirigé
ses aspirations vers la mer. Les habitants des rivages furent, de
tout temps, naturellement portés à chercher leur nourriture dans
la pêche, le long de la côte. Les progrès de la navigation leur per-
mirent bientôt de s'aventurer plus loin en mer ; ils se lisquèrent
enfin dans de grandes traversées.
De l'autre côté des océans, on trouva de nouvelles côtes et la
curiosité s'emparant des esprits, amena les découvertes de la He-
naissance. Les aventuriers partis à la recherche de terres inconnues
ne tardèrent pas à se proposer un but plus pratique que la gloire.
La vue des richesses du Nouveau-Monde excita leurs convoitises,
le commerce et le gain attirèrent leurs efforts. Ils en vinrent même
à se substituer aux anciens possesseurs du sol, pour se réserver
l'entière exploitation de ces pays merveilleux. Ce fut alors le règne
de la colonisation espagnole par la violence et l'extermination de la
race la plus faible.
La métropole ne tarda pas d'ailleurs à employer vis-à-vis des
colons les mêmes procédés despotiques que ceux-ci exerçaient en-
vers les indigènes. Elle considéra la colonie comme une mine dont
elle puisait sans cesse les richesses, sans chercher à favoriser en
échange son développement propre. Elle voulut se. réserver les pro-
duits de ses possessions à l'exclusion de toute autre puissance, ap-
pliquant sans cesse le système protecteur dans sa plus étroite signi-
fication.
Il vint fatalement un jour où, suivant Texpression bien connue,
« les colonies se détachèrent de la métropole comme les fruits trop
mûrs se séparent de l'arbre qui les a produits ».
Une autre conséquence de l'extension du commerce au delà
des mers fut la naissance des guerres maritimes. On en vint à se
disputer le trafic, puis bientôt les pays mêmes sources de ce trafic.
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Il fallut créer des ports de guerre et de relâche, jalonner les routes
du ]K ou veau-Monde, organiser enfin d'une façon plus sérieuse
les établissements coloniaux. Ainsi prit peu à peu naissance Tim*
mense expansion contemporaine des peuples de l'Europe.
Chaque jour, de plus en plus, « le mouvement d'expansion colo-
niale apt>araît comme la manifestation fatale et nécessaire de la
vie des nations » (1).
Cette résultante provient de considérations dWdre agricole, éco-
nomique, ethnographique, intellectuel même.
Actuellement, dans bien des pays d'Europe (2), le paysan a
souvent une pit>priété trop petite pour y déployer tout son potentiel
d'activité et avoir la faculté de vivre de sa culture. On a pu faire
remarquer (3), par exemple, qu'en France, l'agriculture manque
aux bras autant que les bias manquent à l'agriculture et ceci en
raison de la mauvaise répartition de la propriété. Les cultivateurs
trop à l'étroit dans certaines régions ne pourraient-ils donc trouver
aux colonies un champ d'action proportionné à leurs forces P
Nombre de familles basques et normandes ont émigré dans
l'Amérique du Sud. Il est malheureux de constater que nos colonies
de peuplement n'ont pas profité de cet appoint de force vive.
Il semble que de nos jours on commence à comprendre cette néces-
sité d'expansion. Des enfants de :fomilles nombreuses créent des
exploitations en Algérie et en Tunisie. Le sol de notre pay^ ai^>anvri
par la culture intensive exige des engrais coûteux que seule la
grande culture peut employer en quantité assez considérable. Or,
le terrain presque vierge des régions intertropicales peut se suffire
à lui-même. En bien des points, le labeur consiste uniquement à
semer pour récolter.
D'autre part, le mouvement incessant de la population de la
campagne vers les villes a occasionné un développement excessif de
l'industrie. Devant la concurrence sans cesse grandissante, c'est
pour elle une question de vie ou de mort de trouver des débouchés.
Les colonies sont susceptibles de les leur fournir (4).
(1) De Lanessan, Ueœpanèion cêloniale de la France.
(2) En bien des points de la France, notamment.
(3) M. Rambaud, dans sa préface à la traduction de l'ouvrage de Seeloy : L'ea;-
pansion coloniale de l'Angleterre.
(4) Citons notamment l'extension immense prise par le commerce des cotonnades
avec les colonies. Rouen en fabrique des quantités très considérables.
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— 10 —
Bien des pays de l'Europe et en particulier la France ne peu-
vent suffire à leur propre nourriture. La quantité de blé importée
annuellement de Hussie et des Etats-Unis est énorme. X'est-il donc
pas plus profitable pour une nation d'aller chercher ce qui lui
manque dans ses propres colonies plutôt que chez les autres ?
On doit enfin prêter attention à une autre considérsttion non
moins importante pour un i)euple. Nous voulons parler ici de situa-
tion occupée par la race dans le monde. Au milieu du struggle for
life général, il en est des races humaines comme des espèces végé-
tales et animales : les plus faibles sont appelées à dispaïaître.
En prenant le cas particulier de la France, celui qui nous inté-
resse par-dessus tout, nous voyons qu'en demeurant enfermés dans
nos frontières maritimes, tandis que toutes les autres nations s'éten-
dent dans le monde, notre race finirait par ne plus occui)er qu'une
place infime sur le globe.
« Dans le débordement de populations anglo-saxonnes sur le
Nouveau-Monde, de populations allemandes ou slaves sur l'Ancien,
nous disparaîtrions (1). »
Dilke (2) ne laisse-t-il pas échapper ce cri de triomphe : « Nul
concours possible d'événements ne peut empêcher la race anglaise
de compter, en 1970, 300 millions d'âmes, parlant la même langue,
ayant le même caractère national. L'Italie, la France, l'Espagne ne
seront plus que des pygmées en face d'un pareil peuple. »
S'il était un pays appelé par sa situation géographique à devenir
une puissance coloniale, c'était pourtant la France. Sa position de
« grand continent de terre entre la mer Océane et Méditenanée » (3)
lui indiquait clairement la voie à suivre. L'esprit d'aventure, puis
le désir du gain ne poussait-il point ses marins dieppois sur la cote
de Guinée dès le xiv® siècle ? Mais le malheur voulut que la monar-
chie fût souvent distiaite de ses entreprises maritimes par les
événements intérieurs ou continentaux. On se contenta longtemps
d'échanges et de commerce, sans fonder d'établissement stable.
On eut en vue le gain immédiat plutôt que le défrichement et
la mise en valeur des richesses naturelles des terres découvertes.
(1) Rambauo, préface de l'ouvrage déjà cité de Seeley...
(2) Greater Britain, a record of tracel in engliêh speaking countries durlng :
1866, acril J867. Londres, Mannillau, 1868.
(3) Giiantereau-Lefèvre, Considératiom historiques sur la généalogie de la
Maison de Lorraine^ 1642.
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— n —
En Amérique, comme en Afrique, un plan bien déterminé et la
suite dans les idées firent défaut. L'ancien régime se préoccupa sur-
tout de fonder des compagnies dont les privilèges étaient excessifs,
embrassaient trop de choses et entravaient la liberté du trafic.
L'organisation même des colonies était défectueuse et se contentait
de reproduire les institutions de la mère patrie, sans tenir compte
des conditions de lieux et de circonstances. Au Canada, par exem-
ple, on constitua la propriété d'une façon toute féodale.
Il était pourtant évident que « la réunion des terres en grandes
propriétés réduisait la quantité et le bon marché des bonnes terres,
principales sources de la prospérité rapide des colonies nouvel-
les ».
L'émigration n'était point suffisante pour peupler des étendues
aussi immenses de terrain. On a pu même avancer que notre pre-
mier empire colonial était disproportionné à nos forces de l'époque*.
L'esprit de persévérance, enfin, faisait défaut aussi bien chez
les particuliers que chez l'Etat.
Et pourtant, malgré toutes ces causes de faiblesse, l'avance prise
par la France sur l'Angleterre était si considérable « qu'un prophète
politique comparant les chances d'avenir des deux puissances, au
moment de la Révolution de 1688, aurait été certainement induit
à prédire que, dans l'avenir, l'Amérique du Nord appartiendrait à la
première plutôt qu'à la seconde ». M. Seeley, l'auteur de cet aveu,
ajoute : « Dans l'Inde, les Français avaient en réalité l'avance sur
nous plus décidément que dans TAmérique du Xord. »
Par malheur, la France, embourbée dans sa politique tradition-
nelle, s'occupa avant tout de ses frontières terrestres et oublia que,
du côté de la mer, elle ne rencontrait aucune borne à ses ambitions
légitimes.
Le xviii* siècle s'ouvrait sur un nouvel état de choses créé par
les traités d'Utrecht. La France n'avait plus à craindre d'être ab-
sorbée par la maison d'Autriche. Elle avait acquis tout ce qu'elle
pouvait attendre d'avantageux de la théorie des Limites naturelles.
Hors la Lorraine, il ne lui restait plus rien à désirer vers l'est.
Cette province acquise, son rôle aurait dû être de garder la neutra-
lité dans les affaires du continent pour avoir les mains libres sur
mer et par delà aux colonies. Mais elle tomba dans la faute immense
de s'intéresser uniquement aux rivalités européennes au point de
négliger le reste du monde, lorsque déjà le monde était entré dans
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— i2 —
l'histoire de l'Europe. Dans ce nouveau monde ouvert à Tactivité
européenne, la France rencontrait partout la Grande-Bretagpie,
c'était donc contre elle que toute notre énergie eût dû se diriger.
Notre politique continentale serait demeurée subordonnée à notre
expansion coloniale et ainsi € une plus grande Fiance » se serait
élevée à la place de la « plus grande Bretagne » (1).
Au lieu de cela, notre politique du xvin* siècle se contenta
d'agir suivant les amitiés du moment : l'anglaise, la prussienne, ou
rautrichienne, les deux dernières surtout néfastes (2) et aboutissant
aux hontes de 1763.
Le règne de Louis XVI nous releva pourtant quelque peu de
nos désastres. La Fiance, grâce à sa marine reconstituée, à ses forces
réparées, se vengea sur l'Angleterre de son expulsion du Nou-
veau-Monde et avec tant de succès que le traité de Versailles effaça
quelque peu de l'opprobre du traité de Paris. Il nous laissa des
possessions bien petites il est vrai, mais qui devaient devenir au
XIX® siècle le fondpment de notie pouvoir dans l'Afrique occiden-
tale, l'un des plus beaux fleurons de notre empire colonial contem-
porain.
La Révolution eut à lutter d'abord pour l'existence devant la
coalition des souverains, puis pour l'extension dans l'Europe des
idées nouvelles. Napoléon n'eut pas le loisir d'appliquer ses projets
coloniaux. Il est à remarquer que les divers gouvernements qui se
succédèient pendant le reste du xix® siècle jusqu'en 1870, ne furent
amenés à exécuter leurs conquêtes coloniales que fortuitement, pour
ainsi dire.
En s'emparant, par exemple, d'Alger, on n'envisagea point
toutes les conséquences de cet événement. Le seul but fut de réparer
une offense faite au nom français.
Le souvenir des fautes commises dans le passé doit nous servir
de leçon. Aujourd'hui plus que jamais, l'expansion coloniale est une
nécessité pour la France. Les autres peuples s'en passeraient pins
facilement qu'elle. La Russie possède des territoires immenses où
(\) Expression employée pour la première fi»is par sir Charlc Dilke, loc. cit,
i2) Il est maintenant prouvé qu'étant donnée la situation de la France à la mort
de \jo\ny* XIV, l'alliance avec rAii/irl<'ioiTC s'imposait momentanément^ alliance
d'ailkurs toute de circonstance. La Fiance aurait dû en proliu^r pour employer le
mieux possible le répit laissé par la trêve conclue, en relevant sa marine et ses
■financée.
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— 13 —
elle peut dépenser son activités La Grande-Bretagne, quand bien
même elle perdrait ses colonies, conserverait dans les Etats-Unis
un excellent débouché pour son commerce et son industrie.
L'Allemagne peut encore se proposer pour but (1) d'englober
touâ les éléments germains épars dans le reste de rEurope, et pour-
tant, malgré son étendue et sa puissance, elle a compris la nécessité
de pousser plus loin, d'aller jusqu'au delà des mers.
Pour nous, bornés du côté de la terre par nos frontières, nous
doTons chercher ailleurs l'air et l'espace nécessaires à notre T^ie, en
cette époque où la politique du monde est coloniale.
L'opinion publique, longtemps rebelle à toute idée de colonisa-
tion^ commence enfin à voir plufi clairement le véritable intérêt de la
Trance. Notre nouvel empire colonial nous fournit une revanche
et une consolation des malheurs de 1870 et c'est une grande gloire
pour la troisième république d'en avoir construft la charpente, après
vingt années de luttes et de discussions opiniâtres au Parlement.
Dans le passé, l'initiative individuelle avait souvent suppléé à
Faction des gouvernements. De simples particidiers avaient par-
fois réussi à conquérir des territoii'es immenses. Mais à l'époque
actuelle, l'Etat a compris qu'il ne peut plus se désintéresser des en-
tceprises coloniales. Sans son aide, aucun établissement n'est stable :
la colonie a besoin de l'appui de la mère patrie contre l'étranger.
Il serait intéressant d'étudier l'influence réciproque que doivent
exercer l'une sur l'autre la métropole et la colonie.
D'autres plumes plus autorisées en la matière se sont déjà prch>
posé ce but. Contentons-nous donc d'esquisser les grandes direc-
trices capables de mener à bien l'œuvre commencée.
Il paraît tout d'abord fort naturel que notre expansion suive
dans ses méthodes les tendances de l'esprit français. I^ous pouvons
nous vanter de posséder des qualités éminemment propres à la co-
lonisation. € Il n'est pas de peuple, a-t-on pu écrire (2), qui sache
mieux se plier à tous les climats et à toutes les conditions d'exis-
tence, qui soit plus sympathique aux races étrangères et primitives,
qui sache mieux se fondre avec les aborigènes et s'approprier aux
différents milieux, i L'énergie, l'audmce sont notre apanage.
(1) Avec la question d'Orient, cette question du pangermanisme est actuelle-
ment une des plus importantes de la politique continentale européenne.
(2) Lbroy-Bkaulieu, La colonitation chejs le$ peuples modernes^ édition
de 1902.
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— U —
Par malheur, nous avons parfois les défauts de nos qualités
mêmes : une trop grande insouciance du lendemain, le manque de
persévérance et d'ensemble dans les efforts déployés. Il faut, dans
l'avenir, que nous sachions rassembler toutes nos forces sur des
points bien déterminés, au lieu de les éparpiller parfois stérilement,
que nous canalisions les sources îrop vives de notre imagination, que
nous nous mettions, suivant l'expression vulgaire, du plomb dans la
tête.
Au point dé vue économique, la grandeur de notre empire colo-
nial exige qu'aucune entrave ne soit apportée au développement
du commerce entre la métropole et la colonie. Dans ce but, il semble
nécessaire d'abaisser la barrière de douanes qui se dresse à l'entrée
de la mère patrie devant les produits coloniaux et de ne pas consi-
dérer comme un droit absolu pour cette dernière de faire pénétrer
tous ses produits dans les colonies sans acquitter aucun droit de
douane.
Le temps ne doit plus être (à part de fort rares exceptions) où
la colonie n'était considérée que comme une dépendance susceptible
de recevoir en bloc les institutions de la métropole, sans qu'il soit
tenu compte « ni des distances, ni des climats, ni de l'infinie va-
riété de ce lointain domaine dispersé dans toutes les parties du
monde, sous toutes les latitudes habitables » (1).
Le meilleur moyen de rendre prospères le commerce et l'indus-
trie de la France paraît être de répudier les pensées égoïstes en dé-
veloppant les progrès de nos colonies en elles-mêmes. Ces dernières,
reconnaissantes de leurs richesses et obéissant aux affinités de race
et d'intérêt verront dans la métropole une source de débouchés pour
leurs produits et cette dernière déversera chez elles, en échange,
le trop plein de son industrie. Ainsi s'établira la réciprocité des inté-
rêts commerciaux, lien d'une grande force et d'une grande effica-
cité.
Dans la mise en valeur de ses domaines coloniaux, la France
devra se proposer un double but, matériel et moral tout à la foiss
Il ne sera point suffisant de défricher, de percer des voies de com-
munication pour drainer les produits tropicaux, d'assainir les pays
possédés. Notre mission doit être plus haute et digne de notre passé
de puissance civilisatrice.
(1 Discours de M. Jules Ferry au Parlement, en 1892.
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— 45 —
Quelle œuvre plus belle que de régénérer les peuplades endor-
mies dans leur manque de besoins, abruties par le fanatisme, les
superstitions et l'alcool des premiers traitants, vouées à l'esclavage
et à l'oppression du plus fort, de les gagner à la raison au lieu de
se comporter en < race exterminatrice » (1), comme les Anglo-
Saxons le font à l'égard des vaincus (2)v
BIBLIOGRAPHIE DE L INTRODUCTION
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Gaffarel, Les colonies françaises. Paris, 1880.
A. Rambaud, La France coloniale. Paris, 1886.
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Fallot, Lavenir colonial de la France. Paris, Ch. Delagrave, 1902.
Leroy-Beauueu, La colonisation chez les peuples modernes. Paris,
édit. de 1902.
J. R. Seeley, Vexpansion de V Angleterre. Londres, 1884.
Traduction du colonel Baille et préface de M. Rambaud. 1901.
Sir Charle Dilke, Greater Britain, a record oftravel in english spea-
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GoLDwiN Smith, The Empire. Oxford et Londres, Henri et Parker, 1863.
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Masse n.
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lin, 1901.
Au point de vue historique :
L. G. Binger, Considérations sur la priorité des découvertes mari-
times sur la côte occidentale d'Afrique aux xiv« et xv® siècles. (Supplé-
ment au Bulletin du comité de V Afrique française y àe juin 1900).
Bréard (Ch. et P.), Documents relatifs à la marine normande.
Rouen, 1889.
LiNANT DE Bkllefoxds (1666-1667), Remarques sur les côtes d'Afrique,
et notamment sur la Côte d'Ivoire, pour justifier que les Français y ont
été longtemps auparavant les autres nations.
WiESENER, Le régent, l'abbé Dubois et les Anglais. 3 vol. Paris, Ha-
chette, 1891-1896.
Legrelle, L'Europe en 1713, après la guerre de la Succession d'Es-
pagne. Braine le Comte, librairie Cerf et fils, 1897.
(1) Expression employée par sir Charle Dilke lui-même, loc. cit.
(2) Répondre ici aux objections bien connues contre la colonisation sortirai
du cadre de celle étude. M. Rambaud Ta d'ailleurs fait victorieusement dans la
préface de l'ouvrage de Seeley, loc, cit.
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- 16 -
HftMONT, Un eiscU d'empire français dans rinde. ParLs, 1881.
DusNEiw» Le Canada sous la domination française . Paris, 1856.
Malleson, Les Français dans Vlnde. Paris, 1874.
Bancroft, History of America {ireid.\ Paris, 1874.
Parlemann, France and England in America. Boston, 1884, 2 volumes
DoNioL, Histoire de la participation de la France à lu UbértUion des
États-Unis d'Amérique. 4 vol., Pariai, 1887-1889.
Duc DE Broglie, Série d'ouvrages sur la politique extérieure du règne
de Louis XV.
A. Waddington, Le renversement des alliances, — La Guerre de
Sept Ans,
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CHAPITRE PREMIER
APERÇU GÉNÉRAL DU CONTINENT AFRICAIN
Avant d'entrer dans le sujet même de cette étude, il semble né-
cessaire de tracer un rapide aperçu de l'Afrique. Au point de vue
géologique, comme au point de vue physique, ce continent est en-
core incomplètement connu. Néanmoins, on peut arriver à déduire
quelques notions générales fort importantes des résultats acquis
par les nombreuses missions qui Tont sillonné en tous sens depuis
un certain nombre d'années. C'est ce que nous allons tenter d'en-
treprendre dans les quelques pages qui suivent.
Le continent africain, si on en retranche l'Atlas (1), appaiiient
à l'ancien système indo-africain. A travers les vicissitudes de la for-
mation du monde, la masse de ce plateau indo-africain resta fort
longtemps sensiblement homogène. Il comprenait à la fin de la pé-
riode carboniférienne (2) l'Afrique, réunie d'une paît à l'Amérique
(l; A la fin de la période carboniférienne, la Méditerranée de l'époque séparait
l'Atlas de l'Afrique. Ce dernier appartenait alors à TEurasie.
{2i I^ période carboniférienne est un des étages supérieurs de l'ère primaire.
Cette dernière comprenait les périodes précombrienne, silurienne, dévonienne, car-
boniférienne et permicnnc.) La caractéristique de l'ère primaire consiste en ce que
celle-ci manqua de vertébrés à respiration aérienne, jusque vers la fin des temps
carbonifériens.
LA PÉNÉTRATION FaAXÇAISE 2
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— 18 —
du Nord (l'Océan n'existait pas encore entre ces deux continents),
de l'autre à l'Inde et à l'Australie. Ce fut ce que l'on a pu (1) appe-
ler une unité stable. A cette même éiwque carboniférienne, une
autre unité stable était composée des terres comprises entre l'Alaska
et l'Oural. (Cette bande aujourd'hui très morcelée formait alors un
tout continu.) Entre ces deux masses homogènes du nord et du
sud s'étendait la zone faible de l'ancien monde, longtemps recou-
verte par la mer que vint peu à peu assécher la sédimentation
secondaire et tertiaire.
L'ancienneté du plateau africain est prouvée par les nombreux
affleurements de terrain archéen (2) éparpillés sur toute son étendue.
Il présente le type d'une plate-forme longtemps « réfractaire à la
sédimentation marine comme aux plissements, de sorte que son
relief offre souvent une indécision que le seul tracé des cours d'eau
suffit à mettre en lumière » (3).
Il est à croire que c'était à l'origine une sorte de plateau pri-
maire du genre pénéplaine. Lorsque la mer se fut complètement
retirée, des sédiments de formation continentale le recouvrirent peu
à peu. Mais la base archéenne fut par suite mise à jour sur bien
des points par des efforts de dislocation produits par des causes
internes. La surface perdit ainsi de la platitude originelle, des bas-
sins déprimés naquirent et devinrent peu à peu déserts. La disloca-
tion du continent eut une tendance à s'effectuer dans le sens linéaire
nord-sud (Monts de la dorsale nord-ouest, sud-est et des grands
lacs).
II
L'Afrique en vint ainsi à acquérir son aspect actuel d'immense
plateau au relief mal défini, composé d'une série de terrasses s'éle-
vant à mesure que l'on s'avance vers l'intérieur du continent.
(1) et (3) M. DE Lapparent, Leçom de géographie phyiCque.
(2) Le terrain archéeriy caractérisé par les schistes cristallins gneiss et micas-
chistes existe à la base de la série sédimentaire. C'est une formation fondamentale
Le terrain achéen est, soit l'écorce primitive terrestre, sorte de pellicule solide
formée au moment du refroidissement superficiel de notre planète, soit au moins
une sédimentation plus ancienne que toutes les autres, recristallisée par métamor-
phisme, par l'action des agents intérieurs.
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— i» —
La bordure en est marquée :
V* A Touest, par le Fouta-Diallon, le Cameroun, lea monts du
Congo, du DaaEkara et du Namaqualaad ;
2* A Test, par les terrasses successives du Cap et du Drakenberg,
du Mozambique, les hauteurs de la Côte des Somalis, de TErythrée
et des bords de la mer Bouge ;
y Au nord, FAtlas n'est autre chose qu'une dépendance des
plateaiLx de la péninsule ibérique autrefois séparée du reste de
l'Afrique.
Deux soulèvements caractérisent rorographie de l'intérieur de
l'Afrique.
1^ Une ligne de crêtes, sorte de dorsale du continent qui s'étend
du sud du Maroc à la région des grands lacs et dont l'ossature est
composée de massifs archéens et primaires. Elle comprend le pla-
teau de Tademaïtf le Muydir (dévonien), le Ahaggar (archéen,
primaire et volcanique), prolongé lui-même au nord-est par des
plateaux ou tassili de grès dévonien ; les monts du Tummo et du
Tibesti ; les hauteurs du Ouadaï et du Darfour.
Cet alignement de hauteurs sert de sépaiation entre les eau i
de la Méditerranée et de l'Océan. Au nord-est de cette ligne, le sol
est formé par des sédiments crétacés, tertiaires et quaternaires ; au
sud-ouest, on rencontre presque uniquement des couches primaires.
La mer crétacée s'étendait très probablement jusqu'au pied de
cette dorsale dans le sens nord-est, sud-ouest.
2^ La grande dislocation de l'Afrique orientale, qui s'étend du
Zambèze au littoral de la mer Bouge.
L'effort s'est produit sensiblement dans une direction nord-sud.
On peut supposer qu'un même soulèvement a donné naissance à la
zone montagneuse des grands lacs, aux plateaux abyssins et éry-
thréens, et, par contre, à l'ouverture des creux où se sont formés
les grands lacs eux-mêmes.
Une première ligne de fractures est très nettement marquée par
la dépression du pays des Af&rs, située au pied de la falaise abys-
sinienne, la vallée de l'Aouach et celle de TOmo, les lacs Rodolphe,
Nakoura, Sebelin, Naïroqua, Naïwaska, Xatron, Manyara et, plus
au sud, par le lac Nyassa.
Elle est enserrée, de part et d'autre, par des montagnes qui se
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— 20 —
rapprochent parfois fort près. Les volcans (I) abondent sur les
bords de cette cassure, quelques-uns encore en activité.
Une seconde ligne de fracture, sorte d'embrancbement de la
précédente, comprend les lacs Léopold, Tanganyka, Kivon, Albert-
Edouard, Albert et la vallée du Nil, avec le massif archéen du
Rouwenzori (5,000 mètres environ).
Entre ces deux dislocations, s'étend la nappe du Victorîa-
Nyanza,
En résumé, il semble que toute la partie culminante de l'Afri-
que, de la mer B-ouge au Zambèze, ait subi un immense effort, ca-
pable de soulever le sol en forme de voûte. La partie médiane s'ef-
fondra et les bords subsistèrent seuls.
Les cassures produites donnèrent passage aux émanations vol-
caniques et des lacs comblèrent les creux.
Vers le nord, le système est prolongé par le massif éthiopien,
limité par le Nil d'une part et la mer Rouge de l'autre. Cette der-
nière est de formation récente, probablement pliocène. Sa dépres-
sion semble même se continuer en Asie par la mer Morte et le lac
de Tibériade*
Le bord oriental du bourrelet qui s'étend du Zambèze à la mer
Bouge semble avoir arrêté les mers secondaires et tertiaires.
3** Nous avons dit précédemment que des bassins déprimés
avaient pris naissance en Afrique, en raison du gauchissement de
la surface originelle. Le centre des plateaux, en s'affaissant, amena,
en effet, la formation de dépressions qui sont encore une des carac-
téristiques du continent que nous étudions et qui a pu être appelé
par Livingstone une « auge immense » aux bords relevés du côté de
la mer.
Ces bassins déprimés prirent peu à peu l'aspect désertique, les
hauteurs qui les enserrent arrêtant la vapeur d'eau que peuvent
contenir les souffles aériens. D'ailleurs, cette vapeur, rencontrant
des régions de plus en plus chaudes, la condensation est de plus en
plus difficile.
Il est à remarquer que les déserts se succèdent de la Sibérie à la
Côte occidentale de l'Afrique, présentant tous des caractères ana-
logues. Les cours d'eau, mal alimentés et souvent desséchés, n'exer-
(1) Le Do fané, près d'Ankober; le Telehl à rextrômilé du lac Rodolphe; le
Kenia {5,800 m.), VEUjou, le Kilimandjaro près du lac Natronet le lioungoue au
nord du lac Nvassa.
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— -21 —
cent aucune action sensible sur la surface. Ils ne trouvent inême pas
de chemin vers la mer.
III
C^est là d'ailleurs un des principaux traits de Thydiographie de
l'Afrique que ces rivières sans issue.
En raison de Tindécision de la surface, les grands fleuves eux-
mêmes cherchent longtemps leur direction et ne trouvent la mei
qu'après bien des coudes et des détours. En s'approchant des océans,
ils rencontrent successivement les diverses terrasses constitutives du
plateau, les bords de t l'auge » et doivent les franchir comme de
gigantesques degrés donnant ainsi naissance aux cascades, cata-
ractes et rapides, obstacles à la navigation. Ils précipitent avec eux
dans la mer les alluvions arrachés à leur lit et constituent de la
sorte des lagvnes insalubres ou des barres d'approche difficile.
IV
La climatologie de l'Afrique n'est pas plus aisée à établir dans
ses grandes lignes que l'orographie et l'hydrographie.
L'Equateur coupe l'Afrique, presque en son milieu. Néanmoins,
cette ligne n'est pas un axe de symétrie ; la répartition de la cha-
leur ne se fait pas également des deux côtés. La partie terrestre
étant beaucoup plus évasée au nord qu'au sud, la zone chaude
boréale est, par suite, bien plus riche en territoires continentaux.
En outre, les courants froids favorisés par les océans largement
ouverts vers le sud remontent jusqu'à l'Equateur. L'expérience
a prouvé que Vaire recevant le viaœimum de chaleur est située à peu
près à cheval sur le 20® de latitude nord, de la mer Rouge au Sou-
dan occidental.
Enfin, l'espace compris entre la ligne équinoxiale et l'iso-
therme (1) de 20** est, dans l'hémisphère boréal, supérieur d'un
cinquième à ce qu'il est dans l'autre.
Le Tnode de répartition de la chaleur agit sur la pression haro-
métrique et sur la distribution des pluies.
(1) Courbe unissant les points de même moyenne thermique annuelle.
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La zone des basses pressions semble, en eSet^ être attirée paur
l'aire de maximum thermique. L'étendue des pressions inférieures
à 760 millimètres couvre une trentaine de degrés, sa limite australe
étant un peu au-dessus du 10* de latitude sud et sa limite boréale
au-dessus du 20* de latitude nord.
Or, au minimum de pression, correspond sensiblement le maxi-
mum de pluie, La courbe hypsométrique sud moyenne de 130 centi-
mètres de pluie par an est presque tangente a l'Equateur vers le
20* de longitude est et ne descend jamais plus loin que le 10* de
latitude sud, tandis qu'au nord elle dépasse toujours le 10* de lati-
tude boréale.
La division de l'Afrique en zones naturelles découle de ces di-
verses considérations. On peut distinguer la zone équatoriale ; de
chaque côté de celle-ci, la zone tropicale^ puis la zone désertique et
enfin les régions tempérées, de l'Algérie au nord, du Cap au sud.
1* Au centre, la zone équatoriale, ovl les pluies tombent presque
continuellement, apportées qu'elles sont par les vents d'ouest. Elle
s'étend au nord jusqu'au 10* de latitude boréale environ, cette limite
n'ayant pourtant rien d'absolu (1).
Au sud, rirrégularité de ses points extrêmes est plus grande ;
«1 certains x>oints, elle ne s'avance guère au sud de l'Equateur, en
d'autres, elle va jusque vers le 10* de latitude australe. Les jours
y sont égaux aux nuits, sans transition d'aurore ni de crépuscule».
Le maximum de hauteur annuelle de pluie est atteint au pied du
mont Cameroun où l'on a pu relever 9 mètres d'eau.
La zone équatoriale est caractérisée par la forêt dite équatoriale
ou dense. Les missions récentes ont pu fixer sa largeur moyenne dans
l'Afrique occidentale. Elle semble être de 300 à 350 kilomètres (2)
de la côte de Sierra-Leone au Bandama. Le capitaine d'Ollone, re-
montant le Cavally, a trouvé sa limite septentrionale à une tren-
taine de kilomètres au nord du 8* de latitude boréale. Plus à l'ouest,
elle s'étend jusqu'aux sources du Niger, suivant une ligne singn-
(1) I^ zone équatoriale proprement dite^ 8*élend surtout sur 2a moitié occiden-
tale de l'Afrique; on a pu lui donner le nom de plaines équatoriales.
(2) Mission Eysséric (de Toumodi à Elengué); mission Blondiaux (de Seguelaà
Beyla) ; mission d*OUone (de la côte de Guinée au Soudan).
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— 23 —
lièrement parallèle à la côte. Dans la fourche formée par le Ban-
dania et le Nzi, le ruban forestier s'amincit considérablement, lais-
sant pénétrer comme un coin les savanes du Soudan dans la forêt
qui ne s'avance guère plus loin que le 6® de latitude boréale en cette
régioik
 l'est du Bandama, vers le Comoe, elle reprend une épaisseur
plus grande et atteint environ 280 kilomètres de largeur dans la
Cdte-d'Or anglaise.
Dans THinterland du Dahomey, la forêt vierge ne s'étend que
jusque vers 6^-50* de latitude nord (1).
Dans ces contrées, la forêt dense est séparée de la zone des steppes
soudanaises par une bande de terrain parsemée de clairières d'une
trentaine de kilomètres de largeur (2).
Dans le Congo français, l'immense forêt de Mayomba s'étend
de la côte jusqu'à 100 ou 150 kilomètres à l'est.
Une grande partie de l'Etat indépendant du Congo (jusque vers
le 5* de latitude boréale) est recouverte par la forêt vierge. Enfin,
plus au nord encore, l'immense forêt de l'Arouhimi s'étend sur tout
l'espace compris entre Stanleyville, le Haut-Oubanghi, Redjaf et le
lac Albert-Edouard.
L'impraticabilité est le caractère commun à toutes ces régions.
Le soleil et la pluie elle-même traversent très difficilement le dôme
épais formé par le feuillage.
L'érosion pluviale est presque sans efficacité, elle ne peut désa-
gréger les terres et les conduire à la mer.
Les voies de communication font défaut, ou n'existent qu'à l'état
de sentiers à peine marqués; les cours d'eau sont peu navigables (3).
Dans l'est de l'Afrique équatorîale, la forêt dense ne se rencontre
que le long des fleuves.
Les plateaux du pays des lacs, malgré leur proximité de l'Equa-
teur, appartiennent plutôt, par leur climat, aux régions tropicales.
La zone équatoriale proprement dite s'étend donc surtout sur l'Afri-
que occidentale.
il) D*aprês le capitaine Plé et le commandant Toutt^e,
(2) La mission d'Ollone a rencontré cette zone intermédiaire avant d'arriver au
Soudan.
(3) I^ culture n'existant pas, les habitants de la for^t vivent surtout de la chasse
à laquelle ils ajoutent la cueillette de la banane. C'est h\ une des caract«:Tisti(jues de
la zone équatoriale foreslit>re.
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— 24 —
2° De chaque côté de la zone équatoriale se trouvent les steppes
de la zone tropicale caractérisées par un régime de pluies périodi-
ques, dont la durée diminue à mesure que Ton s'éloigne de TEqua-
teur.
Au nord, cette zone s'étend jusqu'au Sahara et au sud jusqu'au
Zambèze. Dans la partie boréale qui nous occupe ici plus particu-
lièrement elle couvre le Soudan.
Après la forêt équatoriale se trouvent les steppes de la zone tro-
picale où la végétation devient moins puissante ; les vallées seules
possèdent des forêts et les dépressions des bouquets d'arbres. Tout le
reste du sol est couvert de cultures ou d'arbres fruitiers alternant
avec la brousse. La culture du dourah ou sorgho, plante de la famille
des graminées, principale nourriture des habitants du Soudan, ca-
ractérise la région. Le pays prend un aspect de plus en plus nu et
monotone à mesure que l'on approche du Sahara ; on ne rencontre
plus guère que de maigres pâturages. Tomhouctou, par exemple,
appartient à cette région de transition entre la zone tropicale et le
désert, de même que le Tagama entre le Damergou et l'AiV.
3"* La zone désertique est beaucoup plus large dans l'Afrique
boréale que dans l'Afrique australe. Dans cette dernière région, les
influences océaniques se font mieux sentir, en raison de la moindre
épaisseur du continent. Le Kalàhari n'occupe qu'une bande de ter-
ritoire relativement étroite. Le Sahara, au contraire, s'étend sur
toute la largeur de l'Afrique, obstacle immense aux relations entre
le Soudan et la Méditerranée.
Il est composé d'énormes plateaux aux couches sensiblement
horizontales, ayant pour limites de grandes lignes de falaises dé-
coupées qui reçoivent le nom de djebel (ou montagnes) dès que leur
relief devient quelque peu accentué.
Leur composition géologique varie avec les différentes régions :
le Sahara marocain est composé de terrain primaire, tandis que les
hamada du Sahara central sont tantôt de calcaires^ tantôt de grès
de couleur foncée, d'origine dévonienne. Le terrain nummulitique
du tertiaire domine dans le désert lybique.
L'action éolienne a accumulé les dunes en montagnes contre
tous les obstacles tracés en travers de la direction du vent dominant
(ergs) (1).
(1) Voir plus loin le chapitre consacre à la pénétration saharienne.
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— 23 —
4** Les régions tempérées occupent enfin les deux extrémités de
TAfrique. Elles sont caiactérisées par leur analogie climatologique
avec les pays du sud de l'Europe. Les mêmes cultures se retrouvent
de part et d'autre. Une même civilisation s'y est implantée. Nous
aurons peu à parler de ces régions, envisageant surtout ici l'Al-
gérie et la Tunisie à un point de vue particulier, comme bases de la
pénétration française dans le centre de l'Afrique.
Ces deux possessions sont d'ailleurs les seules colonies de peuple»
ment que nous possédions sur le continent africain
La colonie d^ exploitation sera le type rencontré généralement
dans la présente étude.
VI
On distingue en Afrique deux races principales, la race blanche
et la race noire.
Les représentants de la race blanche appartiennent pour la plu-
part à la famille sémitique. Leur peau est plus ou moins colorée
par suite de l'influence du climat et de leur mode d'existence, mais
en dehors de cela, leur anatomie, leur moral, leur état social, tout
les sépare nettement du noir. L'Afrique du nord est peuplée par
ces nations teintées mais se rattachant à la race blanche. Elles se
sont infiltrées dans tout le Soudan où on les retrouve sous le nom
de Mauies au nord du Sénégal, de Touareg aux environs de Tom-
bouctou et de Zinder, de Foulbé dans le Fouta-Djallon, le Macina.
Cette race blanche sémitique de l'Afrique septentrionale comme
du pays somali est essentiellement pastorale et soumise au régime
patriarcal. On a pu partager en quatre régions les territoires qu'elle
occupe, d'après l'animal le plus répandu dans ses troupeaux. C'est
ainsi qu'en allant du nord au sud, on rencontre le pasteur cavalier^
puis chamelier, chevrier et vacher, le premier s'étendant jusqu'à la
Méditerranée, le dernier jusqu'à l'intérieur du Soudan. L'élevage et
l'emploi de certains de ces animaux retiennent l'homme près des
pâturages et de l'eau et en font un sédentaire ou tout au moins
un demi-sédentaire ; certains autres, au contraire, comme le cha-
meau et le méhari l'entraînent vers le désert et en font un nomade.
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Il doif se livrer parfois à quelques occupations secondaires^ telles
que la culture dans la région septentrionale, le tissage dans les
oasis du Sahara, le commerce uiTpeu partout, mais les travaux ma-
nuels lui répugnent, il les abandonne souvent à ses captifs et garde
toujours le caractère pastoral et guerrier.
Les Berbères proprement dits semblent seuls capables d'un tra-
vail soutenu. Nous verrons plus loin que ce sont eux qui ont créé,
pour ainsi dire, les oasis en assurant la répartition de l'eau. Ils ont
bâti les Ksour et planté les dattiers. Quant à l'élément arahe no*
Tnade, c'est le plus grand fléau que l'on puisse imaginer pour un
pays. Il détruit toujours et ne crée jamais... Il en est de même du
targui qui vit du sédentaire en le pressurant et en le razziant au
moment de la récolte.
Dans ]e désert, les conditions de la vie rendent nécessaire V orga-
nisation patriarcale. C'est là une caractéristique essentielle de la
race blancbe en Afrique. Au point de vue religieux, elle appartient
en très grande majorité à Vislamisme,
La race noire est beaucoup plus complexe et diverse. Certains
caractères anatomiques la distinguent nettement de la race blanche.
Ce sont, en outre de la nuance de la i)eau, la dépression prononcée
du front, l'épatement du nez, le développement exagéré de la mâ-
choire, etc. — Au point de vue social, les différences ne sont pas
moindres. Le nègre n'est point pasteur, mais surtout cultivateur ou
chasseur. On ne le trouve nulle part établi sous le régime patriarcal
de la famille. Il vit plus généralement en tribus, sous l'autorfté d'un
chef. La polygamie est beaucoup plus grande chez lui que chez le
Berbère. Il est en général fétichiste, parfois même anthropophage.
En embrassant l'islamisme, il n'a en vue que l'intérêt ou n'agit que
sous l'influence de la contrainte.
La question des origines des races africaines a donné lieu à
bien des hypothèses. Toutes peuvent se ramener à deux systèmes
principaux émanant du monogénisme et du polygénisme (1).
En étudiant de près les peuplades pastorales du nord de l'Afri-
que, du Sahara et du Soudan, on est frappé des points de ressem-
(1) D'après la doctrine polygénigte^ Vhomme serait apparu sur plusieurs points à
la fois, ou tout au moins à des époques différentes; d'après la doctrine monogéniste
tous les hommes auraient la même origine géographique.
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— 27 —
blance qu'elles présentent avec celles des steppes asiatiques. Les
quatre groupes (cavaliers, chameliers, chevriers, vachers) rencontrés
de la Méditerranée au Soudan peuvent se rattacher à des groupes
similaires habitant dans l'Arabie et l'Anie antérieure.
Cette remarque a permis d'émettre l'hypothèse suivante : les
diverses peuplades de pasteurs d'Asie et d'Afrique se sont peu à peu
étendues dans le sens de la largeur de ces continents. Dans cette
migration, ils ont parcouru les zones de terrain présentant des con-
ditioiis de climat et d'existence analogues à celles de leur pays d'ori-
gine, les animaux caractéristiques de leurs troupeaux ne pouvant
pas vivre en dehors de ces zones.
JReste à déterminer le sens des mouvements de migration. Or,
les anthropologistes partisans de la doctrine monogéniste estiment
que le type blanc eut pour grand centre ethnique l'ouest du Haut-
Massif asiatique. Les peuplades pastorales suivirent donc, d'après
eux, le sens de la marche du soleil, de l'orient vers l'occident.
Quoi qu'il en soit, nous verrons plus loin, à propos du Sahara et
du Soudan, que de nombreuses migrations eurent lieu de l'est vers
l'ouest, en particulier celles des Touareg qui se disent venus de l'Ye-
men et des Foulbé originaires de la vallée du Nil, Nubi-Berbèi^es,
issus peut-être des mouvements de populationfiT qui se produisirent
pendant les guerres de Kamsès II contre les Hittites.
De même, beaucoup admettent que la race noire est venue d'Aate
en Afrique. Au moment de cette migration, disent-ils, elle a dû
éviter les déserts où elle n'aurait pu cxdtiver le soL Deux routes
s'ouvraient à elle : la première traversant l'isthme de Suez, pui»
suivant la vallée fertile du Nil, la seconde longeant les rivagei
orientaux et méridionaux de l'Arabie, puis passant le détroit dr
Bab-el-Mandeb où la mer n'offre pas un grand obstacle par sa lar^
geur.
Les nègres, ou du moins une partie des nègres peuplant actuelle-
ment l'Afrique seraient ainsi parvenus sur les pentes de la région
montagneuse de l'est africain qui aurait joué le rôle de centre de
dispersion pour eux. Devant la poussée de nouvelles invasions, celle
par exemple de la race galla, tenant le milieu entre la sémite et la
chamite qui s'étendit sur les plateaux abyssins et des grands Lacs,
les peuplades nègres venues du Nil et appartenant au type Chillouk
se dirigèrent vers l'occident et les tribus ayant suivi la route du sud
de l'Arabie (du type Bontou) vers le sud. Les premières s'étendirent
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— 28 —
dans la zone tropicale boréale jusqu'à l'Atlantique, les secondes dans
la région tropicale australe.
S'il faut en croire les polygénistes, l'Afrique posséda au con-
traire une race humaine fondamentale peu à peu modifiée par les
invasions successives de peuples nouveaux. Il est fort douteux que
Ton arrive de sitôt à trancher d'une manière définitive cette ques-
tion si complexe de l'origine des races.
Contentons-nous donc de constater les traces nombreuses de
grandes migrations noires dans un sens sensiblement est-ouest.
Les populations des bassins du Nil se sont étendues dans celui
du Congo. Les missions Gentil (1), Bonnel de Mézières (2) et Po-
nel (3) ont pu affirmer la présence de tribus d'origine nilotîque, les
Bondos (N'Dys et N'Dérès par exemple), sur le Haut-Oubanghi,
aux environs de la Kemo et jusque sur la Sangha.
Des faits analogues se sont produits dans le Soudan oii le refou-
lement des peuples vers l'ouest paraît un phénomène très ancien (4).
Les tribus du littoral de la côte de Guinée semblent dues au remous
d'une longue série d'invasions. Chez certains Achanti, on retrouve
le type égyptien nettement prononcé. Dans l'Afrique équatoriale,
enfin, on a pu trouver les traces d'une invasion effectuée dans un
sens analogue, du pays de Mombouttou et des Niam-Niam vers le
Dahomey et le Gabon. S'il faut en croire les traditions locales et les
anciens historiens, une migration nombreuse se serait, en particu-
lier, produite au cours du xvi* siècle*
Les M'fans ou Pahouins du Congo ont sans cesse, eux aussi,
marché de l'est vers l'ouest, renversant les tribus rencontrées sur
leur route.
Au point de vue ethnographique, la forêt équatoriale offre un
trait caractéristique : la présence de peuplades naines dont la taille
ne dépasse guère 1",20.
D'après Schweinfûrth, elles s'étendent tout du long des 1** et 2?
de latitude Nord. Stanley les a rencontrées sous le nom d'Akka dans
la grande forêt de l'Arouhmii, Marche et Crampel dans les forêts du
Congo, sous le nom d'A'Bango ou d'A'kona. La mission Van Ker-
(1) Mission du Chari.
(2) Dans les sultanats de RafaT, Zemio, etc.
(3) Sur la Sangha.
(4) Nous verrons dans Tétude du Soudan les mouvements fort étendus de la race
Mafîdé,
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— 2J -^
chhœven -et le capitaine Barrows ont trouvé les pygmées entre les
2"* et 3"* de latitude Nord, sur rOuellé-Makoua et le Iloubi-Ouellé.
Quelques-uns ont voulu voir, dans ces nains, les restes d'une race
autochtone aujourd'hui presque toialement disparue, anéantie par
les invasions successives et repoussées dans les ténèbres de la forêt
dense.
Etendre plus loin cet aperçu général nous exposerait à sortir du
cadre de cette étude. îsous négligerons en particulier l'Afrique aus-
trale qui ne rentre pas dans notre zone d'influence. A propos de
chacune de nos voies de pénétration, nous aurons d'ailleurs l'occa-
sion d'étudier d'une manière plus détaillée les races que notre
marche vers le centre africain rencontre sur sa route.
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE PREMIER
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SuEss, Anilitz der Erde L
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CHAPITRE 11
LA DIPLOMATIE ET LA PENETRATION FRANÇAISE EN AFRIQUE
I. Historique de la pénétration française en Afrique jusqu'en 1890.
«. La question Congo-Nil (1890-1899).
m. La question de la boucle du Niger (1890-1905) (i;.
Nous avons vu dans l'îiitroduction de la présente étude que^ dès
le XIV* siècle, nos navigateurs atteignirent la côte de Guinée.
En 1364, deux navires dieppois abordèrent au Cap Vert. Ils longè-
rent ensuite la côte de Sierra-Leone et s'arrêtèrent dans une baie à
laquelle ils donnèrent le nom de Petit-Dieppe (plus tard Rio-Sestro).
Durant les années suivantes, des vaisseaux frétés par des commer-
çants rouennais poussèrent juqu'à la Côte d'Or et fondèrent les
postes d'Elmina, Fantin, Cormentin, etc. A cette époque, les grands
peuples navigateurs de l'Europe, Génois, Portugais et Espagnols,
n'avaient pas encore dépassé les Canaries (2).
Jusqu'à la fin du xv* siècle, aucune expédition marquante ne
fut plus entreprise. En 1488, le capitaine Cousin renoua nos rela-
tions commerciales avec le Sénégal et la côte de Guinée». Ce mouve-
ment d'exploration se continua durant tout le commencement du
xvi* siècle.
Jusque-là, les croisières faites n'avaient eu pour inspiratrice
que l'initiative personnelle. François I" tenta d'associer la cou-
ronne à l'œuvre des découvertes, mais bientôt les guerres de reli-
gion vinrent détourner celle-ci des continents lointains et c'est seu-
il) Le présent chapitre étant surtout destiné à retracer le râle joué par notre
dipk>niatie en matière coloniale, les détails de notre prise de possession des diffé-
rentes colonies françaises du continent seiont exposés dans les chapitres ayant
trait à celles-ci.
(2) Voir G. BiKGER. De la priorité de$ découcertes maritimes aux xiv»
et xv« siècles.
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— 32 —
lement sous Henri IV qu'elle put y penser à nouveau (fondation
de la Compagnie des Indes orientales en 1604).
A partir de cette époque et durant tout l'ancien régime, on crut
faire assez pour la cause coloniale en créant d'innombrables com-
pagnies à monopoles qui enchaînaient le commerce et le livraient
à des sortes de corporations privilégiées.
Ce furent successivement, en nous en tenant seulement à celles
qui concernaient l'Afrique :
En 1633, la compagnie du Cap Vert ;
En 1634, celle de la Guinée ;
En 1642, une compagnie pour le commerce de l'Orient et de
Madagascar.
Et sous Colbert :
En 1664, les compagnies des Indes occidentales et orientales ;
En 1673, la compagnie du Sénégal qui se transforma en 1679
en compagnie du Sénégal et de la Guinée ;
En 1681, une troisième compagnie du Sénégal ;
En 1685, une nouvelle compagnie de Guinée.
Nous avons déjà signalé dans l'introduction de la présente
étude les grands inconvénients de ce mode de colonisation. Notre
diplomatie et notre politique tinrent d'ailleurs fort peu de compte
des droits que nous avions pu acquérir de l'autre côté des mers. De
nos colonies d'Afrique, le traité de Paris de 1763 ne nous laissa que
rilot de G orée ; le traité de Versailles nous rendit heureusement le
Sénégal et le traité de Paris de 1815 nous le conserva ainsi que
quelques comptoirs fondés par la France sur la côte de Guinée, et
ce fut là la base de notre empire futur dans l'Afrique occidentale
Nous avons déjà eu l'occasion de faire remarquer que la prise de
possession de l'Algérie par le gouvernement de Charles X ne fut
pour ainsi dire qu'accidentelle. On n'eut d'abord en vue que la
vengeance de l'affront fait à la France sans songer aux conséquences
considérables que devait avoir cet acte de vigueur. Alger conquis,
il fallut peu à peu soumettre les territoires voisins et bientôt colo-
niser. Le gouvernement de Louis-Philippe et celui de Napoléon III
suffirent à peine pour mener à bien cette tâche.
On avait jusque-là fait peu de chose pour le Sénégal. Dès 1854,
le général Faidherbe sut, par une habile et vigoureuse direction,
lui donner une grande importance et nous établit solidement sur le
fleuve, vraie voie de pénétration vers l'intérieur.
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— 33 —
Après la guerre de 1870, les colonels Borgnis-Desbordes, Gal-
lieni, Archinard, Bonnier, Audeotid prolongèrent dans le Soudan
Tœuvre commencée.
Dès 1838, l'amiral Bouet-Willaumez avait passé avec les chefs
indigènes de la Côte d'Ivoire des traités qui devinrent définitifs
en 1842. Les postes d'Assinie, Grand-Bassam, Dabou furent fondés
successivem ent .
Durant la même année 1838, la France avait pris pied pour la
première fois dans l'Afrique équatoriale en créant des comptoirs à
Libreville ; le cours de l'Ogooué fut remonté.
Les années qui suivirent la guerre de 1870 virent l'éclosion du
grand mouvement des explorations africaines, par la fondation de
l'Association internationale africaine. Celle-ci se proposa un double
but : la répression de la traite des nègres et la découverte des régions
inconnues du continent.
La France se proposa comme but de ses efforts l'exploration de
rOgooué. Stanley ayant découvert, pour ainsi dire, le fleuve du
Congo dont on ne connaissait que l'embouchure, Savorgnan de
Brazza l'atteignit en suivant TAlima (1880). La rivalité ne tarda
pas à s'accentuer entre les deux explorateurs, le premier ayant fondé
Léopoldville au nom du roi des Belges, et le second Brazzaville. —
Pour trancher la question, la Conférence de Berlin (1885) fonda
l'Etat Indépendant du Congo (1) qui reçut Léopold II pour souve-
rain (2). En échange, la France eut les territoires de la rive droite
du Congo.
Du côté du î^iger, nous nous heurtions aux Anglais prétendant
que leur compagnie commerciale de la Nigeria s'était étendue
jusqu'à Boussa et sur la Bénoué.
Notre diplomatie voulut profiter du traité de partage de l'Afrique
orientale conclu entre l'Angleterre et l'Allemagne pendant l'été
de 1890, pour obtenir une délimitation de l'Afrique occidentalew
Mais nous nous étions laissés devancer sur ce terrain : la ligne
Saï-Barroua limita vers le sud notre zone d'influence entre le Niger
et le lac Tchad.
(1) Les limites de l'Etat Indépendant du Congo furent définies par des traités
notifiés à la Conférence de Berlin (traité avec T Allemagne, du 8 novembre 1884,
avec la France, du 5 février 1885 ; avec le Portugal, du 14 février 1883).
(2) L'Etat Indépendant du Congo est la propriété personnelle du roi Léopold IL
Il a fait de la Belgique son héritière par un testament de 1889. La France avait le
droit de préemption sur les autres puissances.
LA PÉNÉTRATION FRANÇAISE 3
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— 34 —
II
LA QUESTION CONGO-ITIL
Ce n*était là qu'une première escarmouche. De 1890 à 1904, deux
grandes questions : la pénétration française du bassin du Congo
dans celui du Nil et Textension de notre domination dans la boucle
du Niger mirent sans cesse aux prises les cabinets de Paris et de
Londres.
Ces deux sujets de contestations furent d'ailleurs connexes et eu-
rent une influence réciproque Tun sur Tautre. Nos explorateurs,
après avoir remonté le Congo inférieur et TOubanghi, étaient arri-
vés jusqu'au bassin du M'Bomou. A la prétention de l'Angleterre
d'étendre sa domination sur toute la vallée du Nil, notre diplomatie
eut l'idée d'opposer la prise de possession du cours moyen de ce
fleuve. De cette façon, le grand projet de jonction de l'Afrique bri-
tannique du sud au nord, formé par Ms Cécil Bhodes, se serait vu
pour ainsi dire coupé par le mouvement ouest-est de la France.
C'était là tenter aussi de préparer pour l'avenir une solution de la
question égyptienne et prendre d'avance une bonne position pour
en retirer quelque profit.
En 1890, M. Liotard fut chargé par le gouverneur du Congo,
M. de Brazza, d'occuper progressivement les territoires réservés à
notre action politique par le protocole du 29 avril 1887 (1), passé
entre la France et l'Etat Indépendant. Il devait c en faire une ré-
gion française ayant une porte ouverte sur le Nil » (2).
Mais la mission Liotard se heurta aux agents belges qui avaient
dépassé le 4** de latitude nord et occupé Bangassou, Rafaï, Sémio. La
mission Nillis de la KéthuUe avait même poussé jusqu'à Katuaka
et Hofra en Nahas. Plusieurs conférences tenues à Bruxelles ne
parvinrent pas à régler le différend (1894).
A ce moment, on apprit que l'Angleterre et l'Etat Indépendant
avaient signé à Bruxelles, le 22 mai, un accord de la plus haute
importance. La Grande-Bretagne cédait à bail au roi Léopold des
(1) La délimitation fi'anco-belge était marquée par le thalweg de l'Oubanghi et
ensuite par le 4° latitude nord.
(2) Discours prononcé par M. Liotard, à son retour à Paris en octobre 1898.
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— 3« —
territoires circonscrits par une ligne partant de la rive occidentale
du lac Albert, puis suivant la ligne de partage des eaux du îsil et
du Congo jusqu'au 26** long, est de Greenwich et ce méridien jus-
qu'à son intersection avec le 10** parallèle nord, longeant ensuite ce
parallèle jusqu'au nord de Fachoda et enfin, se dirigeant vers le
sud par le thalweg du Nil jusqu'au lac Albert.
Les territoires situés à l'est du 30° long, est de Greenwich et
touchant immédiatement au Nil étaient loués pour la durée du
règne de Léopold II seulement. Par contre, le bail concernant les
territoires cédés à l'ouest de ce même méridien, ainsi qu'une bande
de 25 kilomètres en largeur, s'étendant de la ligne de partage Congo-
Nil jusqu'à la rive occidentale du lac Albert, devait continuer ap^ès
l'expiration du règne de Léopold II t tant que les possessions du
Congo resteraient comme Etat indépendant ou comme colonie belge
sous la souveraineté de Sa Majesté et des successeurs de Sa Ma-
jesté ».
Cette dernière clause visait manifestement le cas où la France
aurait été à même de faire usage de son droit de préemption. En
échange des concessions faites, la Grande-Bretagne obtenait une
bande de territoire de 25 kilomètres de largeur, de la partie septen-
trionale du lac Tanganika jusqu'au point le plus méridional du lac
Albert-Edouard. Ce bail devait avoir la même durée que celui re-
latif aux territoires situés à l'ouest du 30° long, est de Greenwich.
En louant de la sorte les pays du Haut-Nil, l'Angleterre s'attri-
buait leur possession, en vertu de ce principe qu'on ne peut louer
que ce dont. on est propriétaire.
Elle cherchait ainsi visiblement à entraver les progrès de la
France dans sa marche vers l'est et à se servir de l'Etat du Congo
comme d'un t tampon » entre nos possessions et la rive gauche du
Nil. Le souverain belge devenait, pour ainsi dire, le gardien des
territoires réclamés par la Grande-Bretagne.
Le grand transafricain du Cap à Alexandrie ne rencontrait plus
d'obstacle politique à son passage.
Un pareil traité ne pouvait être admis sans conteste par notre
diplomatie. Celle-ci pouvait d'abord objecter que l'Angleterre por-
tait atteinte aux droits de l'Egypte et de la Turquie sur le Haut-
Nil, droit que les sultans avaient conférés aux khédives (par les
firmans du 13 février 1841 et du 14 avril 18ff2). La Grande-Bre-
tagne avait reconnu la validité de ces firmans, dans l'espoir, sans
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— 36 —
doute, d^en faire son profit personnel. Or, une condition expresse
posée par la Porte était que les khédives n'abandonneraient aucun
territoire. Sans aucun respect pour cette exigence, le traité anglo-
belge avait partagé des territoires revendiqués par TEgypte (1).
En outre, l'Etat Indépendant du Congo étendait ainsi son in-
fluence bien au delà des limites que lui avaient imposées les confé-
rences de Berlin et le protocole du 29 avril 1887 passé avec la
France.
Le gouvernement français voulut agir énergiquement. Par un
décret du 13 juillet 1894, le Haut-Oubanghi fut séparé adminis-
tra tivement du Congo français, dans le but de rendre notre action
plus rapide. Le commandant Monteil en reçut la direction. Devant
cette attitude résolue, l'Etat Indépendant se montra moins intran-
sigeant.
Dès le 14 août 1894, un arrangement était conclu portant la
frontière méridionale de nos possessions au thalweg du M'Bomou
prolongé par une ligne allant jusqu'au faîte de paiiage des eau^
Congo-Nil et par cette ligne de partage jusqu^à sa rencontre avec
le 30^ de longitude est de Greenwich (27*^40' de Paris).
En outre, l'Etat Indépendant s'engageait à limiter son action
vers le nord à une ligne marquée par la ligne de partage Congo-
Nil jusqu'à son intersection avec le 30** long, est de Greenwich, par
ce méridien jusqu'à sa rencontre avec le 5°3' de latitude nord, et
enfin par ce parallèle jusqu'à sa rencontre avec le Nil.
Antérieurement à cette convention, l'Allemagne avait obtenu
l'abandon par l'Angleterre de la bande de 25 kilomètres consentie
à son profit.
Il s'agissait pour la France de prendre possession de ses do-
maines. Le lieutenant-colonel Monteil, désigné pour commander
une expédition contre Samory, fut remplacé par M. Liotard qui oc-
cupa les sultanats de Bangassou, Rafaï et Sémio (1895), points d'ap-
pui pour notre future occupation du Bahr-el-Ghazal.
L'Angleterre se montra fort alarmée de ces mesures. Un des
membres de la Chambre des Communes, sir E. Eittshmead Bartlett,
déclara fort nettement que t l'avenir de l'Egypte serait aux mains
(1) L'intégrité de l'Empire ottoman et par conséquent de l'Egypte et de ses
épendances avait été reconnue par les puissances de l'Europe aux traités
vu 30 mars 1836 ; de Londres, du 13 mars 1871 ; de Berlin, du 13 juillet 1878, etc.
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— 37 —
de la puissance qui réussirait la première à s'assurer la domination
du cours (moyen) du Nil ».
Le cabinet britannique appuya ces revendications. Sir Edward
Grey, sous-secrétaire d'Etat, émit la prétention que t les spHères
britannique et égyptienne d'influence couvraient toute la vallée du
îîil » et que Tentrée d'une mission française dans cette dernière
€ serait un acte peu amical et considéré comme tel par l'Angle-
terre ».
Cette puissance appuyait ses prétentions sur le traité qu'elle
avait passé avec l'Allemagne en 1890 pour partager les Etats du sul-
tan de Zanzibar. On avait introduit dans cette convention la recon-
naissance de l'extension de l'influence anglaise sur la rive droite du
Ni] € jusqu'aux confins de l'Egypte », en ne lui imposant aucune
limite sur la rive gauche.
M. Hanotaux, alors ministre des Affaires étrangères, protesta vi-
vement contre ces prétentions. Pendant ce temps, Ms Liotard, pous-
sant vers le nord-est, fondait un poste à Tamboura et la mission
Marchand se formait.
Les instructions qu'elle reçut lui recommandaient un essai de
pénétration pacifique avec un rôle délicat à remplir, sans engagei
la lutte contre les Mahdistes ni froisser, par une entente avec ces
derniers, les sultans leurs ennemis, acquis à notre influence par
M. Liotard.
En juillet 1896, la mission Marchand débarquait au Congo.
Le cabinet français se préoccupait en outre d'une diversion par
l'Abyssinie. Durant la guerre soutenue par cette puissance contre
l'Italie, Ménélick avait proposé à la France la signature d'un traité
reconnaissant l'indépendance et l'intégrité de son empire et don-
nant, en échange, à nos nationaux des avantages commerciaux.
Dans la crainte de froisser l'Italie, aucune réponse n'avait été
fournie à ces avances. La lutte terminée, les mêmes raisons de con-
server une attitude aussi réservée n'existaient plus. M. Lagarde,
gouverneur de Djibouti, fut envoyé en ambassade extraordinaire
auprès du Négus.
Le but le plus immédiat qu'il devait se proposer était d'obtenir
un appui matériel et moral pour la mission Marchand. En janvier
1897, il arrivait à Harrar et signait bientôt avec le ras Makonnen
un traité fixant la frontière de nos possessions de la Côte des So-
malis.
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— SS-
II obtînt ensuite du Négus des laissez-passer pour les missions
Clochette et Bonvalot envoyées vers le Sobat.
Ménélick se décida à revendiquer ses droits à la frontière du Nil,
pour ses Etats, entre le 5** et le 14'' de latitude nord et à fonder des
postes sur le fleuve.
La mission de Bonchamp (1) partie en avant-garde fut fort
éprouvée, sortit difficilement des marécages et arriva trop tôt pour-
tant sur le Nil. Elle ne put y séjourner faute de vivres et d'embar-
cations. Les Abyssins rencontrèrent les mêmes obstacles et ne réus-
sirent pas mieux (2).
La diversion orientale que Ton avait pu espérer ne fut donc
d'aucun secours à la mission Marchand. Cette dernière avait atteint
le Soueh et, après avoir fondé plusieurs postes (Kodjalé, les Ra-
pides, Fort-Desaix) pris pour bases d'opérations, se dirigea sur Mes-
chra-er-Rek et de là descendit le Bahr-el-Ghazal vers le Nil Bleu.
Le 10 juillet, elle arrivait à Fachoda où elle repoussait le mois sui-
vant un corps considérable de derviches et signait avec le sultan
des Chillouks un traité de protectorat.
En septembre, le sirdar Kitchener, vainqueur des Mahdistes,
arrivait à son tour à Fachoda. Les deux chefs d'expédition ne pou-
vant régler sur place le différend en référèrent à leurs gouverne-
ments. L'AngleteiTe soutint violemment la thèse précédemment ex-
posée, lord Salisbury déclarant ne pouvoir admettre t qu'on contes-
tât son ("roit de revendiquer la possession des territoires ayant au-
trefois appartenu à l'Egypte » (3).
Les réponses de M. Delcassé et de M. de Courcel, notre ambas-
sadeur à Londres, réfutèrent victorieusement la théorie britannique.
L'Angleterre usa alors d'intimidation. En cas de maintien de
la mission Marchand à Fachoda, la guerre paraissait inévitable.
Or, la France n'était pas préparée à une guerre navale et il faut
(1) M. do Bonchamp remplaça M. Bonvalot, renti^ en France, et M. Clochette
mourut d'épuisement.
(2) MM. Faivre et Potter de la mission de Bonchamp, avec Tarméc du Dedjas
Tessama, arrivèrent au confluent du Sobat et du Nil Bleu le 22 juillet 1898. Ils
plantèrent le drapeau français sur la rive gauche du Nil et le drapeau abyssin sur
la rive droite, mais ils ne purent y séjourner faute de vivres et d'embarcations. La
mission Marchand occupa Fachoda le 10 juillet, 18 jours après le passage de Faivre
et de Potter. Le Faidherbe envoyé dans le Sobat ne put les rejoindre.
(3) Dépèche du baron de Courcel, du 12 octobre 1898 {Liore jaune, de
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-.30-
bien^TOuer que nos forces maritimes étaient inférieiires en (nombre
et en pnissanee à celles de notre rivale (1).
Il fallut donc reculer. Il était impossible de ne pas rappeler ici
ces douloureux souvenirs. L^évonement peut, du moins, servir de
leçon.
La diplomatie d'une puissance coloniale a besoin d'une flotte
pour soutenir ses déclarations, comme il lui est nécessaire, dans sa
politique continentale, d'avoir à sa disposition l'appui d'une solide
armée. Beconnaissons donc franchement notre infériorité d'un
moment et travaillons à éviter pour l'avenir que le retour de sem-
blables circonstances nous trouve en une situation pareille. Malgré
son échec final, indépendant d'elle-même, la mission Marchand
demeurera un des plus beaux titres de gloire de la France coloniale
du XIX* siècle.
Fachoda évacué, le 21 mars 1899, fut signé un acte que l'on
annexa à la convention du 14 juin 1898 (2).
La zone d'influence française fut limitée par la ligne de par-
tage des eaux du Congo-Nil, jusqu'à sa rencontre avec le 12^ de
latitude boréale, puis séparant le Ouadaï du Darfour, son tracé
devait se maintenir entre le 18**40' de longitude est de Paris et le
20*40' est de Paris. Les commissaires délégués par les deux gouver-
nements devaient reconnaître et établir sur place cette frontière
(§ 2 de la convention).
Au nord-ouest du lac Tchad, la délimitation était moins précise
encore. En principe, la zone française était limitée par une ligne
partant du point de rencontie du tropique du Cancer avec le 13*^40'
de longitude est de Paris, descendait ensuite vers le sud-est jusqu'à
sa rencontre avec le 21°40' de longitude est de Paris et suivait
ensuite le 21°40' jusqu'à sa rencontre avec la frontière entre Ouadaï
et Darfour (§ 3 de la convention).
Rien dans ce paragraphe 3 de la convention n'indique que les
gouvernements français et anglais s'interdisent d'exercer une action
politique, le premier à l'est, le second à l'ouest, de la ligne tracée^ La
France n'a donc point (3) reconnu t l'état de fait dérivant de l'oc-
cupation anglaise dans les possessions khédiviales >.
(1) Notre artillerie navale, par contre, était supérieure à celle de rAnglcterrc.
(2) Voir au sujet do colle convention le parngrai)ho 3.
(3) HouARD DK Cari). Les concentions front o-anfjlaisei et les territoires
africains.
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— 40 —
Le paragraphe 4 de la déclaration donnait aux Français les
mêmes avantages de navigation fluviale, de commerce et de douanes,
qu'aux sujets britanniques dans les territoires situés sur la rive
gauche du Nil entre le 14^20' de latitude nord et le 5** de latitude
sud.
III
LA QUESTION DE LA BOUCLE DU NIGER (1890-1904)
La seconde question à régler était celle de la boucle du Niger
et de la région située entre ce fleuve et le lac Tchad.
V Frontière anglo-française entre Niger et Tchad, — La décla-
ration du 5 août 1890 donnait comme limite sud à la zone d'in-
fluence française, entre Niger et Tchad, une ligne tracée de Say à
Barroua t tracée de façon à comprendre dans la zone d'action de la
compagnie du Niger tout ce qui appartient équitablement au
royaume de Sokoto ».
L'Angleterre avait revendiqué ce dernier, prétendant avoir passé
plusieurs traités avec son sultan.
Or, le capitaine Monteil (mission de 1890-1892), passant à
Sokoto, y apprit que l'empire n'avait pris aucun engagement vis-à-
vis de la Royale Niger Compagny.
Il conclut donc un traité avec le Sokoto, le 27 octobre 1891.
A Kouka, capitale du Bomou, il apprit l'expulsion d'un repré-
sentant de la compagnie anglaise.
Le commandant Mizon constata également que dans le Maouri
et l'Adamaoua, l'influence anglaise n'était pas plus solidement éta-
blie que dans le Sokoto et le Bornou.
Le commandant Toutée, explorant le Bas-Niger, vit qu'au-
dessus de Tgga, ne résidait aucun agent anglais.
Les prétentions britanniques constituaient donc un véritable
bluff.
L'acte de 1890 laissait bien des questions non résolues. La
France, tout en reconnaissant le Sokoto à l'Angleterre, revendi-
quait le Bornou, l'Adamaoua et le Mori (1).
(1) Ces deux derniers pays avaient passé des traités avec le lieutenant de
vaisseau Mizon en 1891 et en 1893.
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- 41 —
La Grande-Bretagne préféra céder à TAUemagne la majeure
partie de rAdamaoua, plutôt que de le voir tomber en nos mains
(traité anglo-allemand du 15 novembre 1893).
La commission anglo-française, chargée de tracer la frontière
entre Niger et Tchad, résolut, après bien des discussions, de rem-
placer par une ligne brisée, la ligné droite de Say à Barroua.
Par la convention du 14 juin 1898 (1) la nouvelle frontière
partait de Madecati sur le Niger, longeait le Dallol-Maouri, lais-
sait le Sokoto à r Angleterre, Zinder à la France et venait aboutir
près de Barroua sur le lac Tchad (2).
Il était à souhaiter que la France obtînt un redressement de
frontière vers le sud, entre Niger et Zinder. Pour aller du fleuve à
ce centre important, nos missions et nos colonnes de ravitaillement
étaient obligées, après s'être éloignées de 200 kilomètres du Niger,
de parcourir dans le désert un trajet de 250 kilomètres environ.
C'est ainsi que la mission Voulet-Chanoine dut passer par Matan-
kari, Komi, Maradi, c'est-à-dire en territoire anglais.
De même, entre Zinder et le lac Tchad, notre zone d'influence
était repoussée trop haut vers le nord.
Au moment où fut signée la convention de 1898, l'Angleterre
n'occupait pourtant point le Bornou.
Le rapprochement franco-anglais dont nous aurons l'occasion
de parler à propos dn Maroc vint heureusement modifier cette
situation. L'ai-ticle 8 de la Convention du 8 avril 1904 porte qu'à
l'est du Niger, et sous réserve des modifications que pourront y
comporter les stipulations insérées au dernier paragraphe du pré-
sent article, le tracé suivant sera substitué à la délimitation éta-
blie entre les possessions françaises et anglaises par la convention
du 14 juin 1898 :
€ Partant du point sur la rive gauche du Niger indiqué à l'ar-
ticle 3 de la convention du 14 juin 1898, c'est-à-dire la ligne
médiane du Dallol-Maouri, la frontière suivra cette ligne médiane
jusqu'à sa rencontre avec la circonférence d'un cercle décrit du
(1) Le capitaine Cazemajou avait pourtant signé le 19 janvier 1898 un traité avec
le serky du Kabbi fixant les frontières entre Sokoto et Kabbi et nous donnant le
protectorat de ce pays. La convention du 14 juin 1898 coupait en deux le Kabbi en
laissant la moitié dans la zone d'influence anglaise ; Tautre dans celle de la France.
(Voir à ce sujet le chapitre consacré au Soudan).
(2) Coupant l'itinéraire du docteur allemand Grissier.
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— 42 —
centre de la ville de Sokoto avec un rayon de 160^932 mètres
(100 milles). De ce point, elle suivra Tare septentrional de ce
cercle jusqu'à un point situé à 6 kilomètres au sud du point d'in-
tersection avec ledit arc de ce cercle de la route de Dosao à Matan-
kari par Maourédé.
c Elle gagnera de là, en ligne droite, un point situé à 20 kilo-
mètres au nord de Kouni (Birni n'Kouni), puis de là, également
en ligne droite, un point situé à 15 kilomètres au sud de Maradi,
et rejoindra ensuite directement Tintersection du parallèle 13** 20'
de latitude nord avec un méridieii passant à 70 milles à Fest de
la seconde intersection du 14* degré de latitude nord avec l'arc
septentrional du cercle précité.
€ De là, la frontière suivra, vers l'est, le parallèle 13** 20' de lati-
tude nord jusqu'à sa rencontre avec la rive gauche de la rivière
Komadougou Ouabé (Komadugu Waube), dont elle suivra le
thalweg jusqu'au lac Tchad. Mais si, avant de rencontrer cette
rivière, la frontière arrive à une distance de 6 kilomètres de la
route de caravane de Zinder à Yo, par Sona Kololua (Sua Kololua),
Adeber et Kabi, la frontière sera tracée à une distance de 5 kilo-
mètres au sud de cette route jusqu'à sa rencontre avec la rive
gauche de la rivière Komadougou Ouobé, étant toutefois entendu
que si la frontière ainsi tracée venait à traverser un village, ce
village avec sns terrains, serait attribué au gouvernement auquel
se rattacherait la majeui-e partie du village et de ses terrains. Elle
suivra ensuite, comme ci-dessus, le thalweg de ladite rivière jus-
qu'au lac Tchad.
€ De là, elle suivra le degré de latitude passant par le thalweg
de l'embouchure de ladite rivière jusqu'à son intersection avec le
méridien passant à 35** est du centre de la ville de Kouka, puis ce
méridien vers le sud jusqu'à son intersection avec la rive sud du
lac Tchad.
€ Il est convenu, cependant, que lorsque les commissaires des
deux gouvernements qui procèdent en ce moment à la délimitation
de la ligne établie dans l'article 4 de la convention du 14 juin 1898
seront revenus et pourront être consultés, les deux gouvernements
prendront en considération toute modification à la ligne frontière
ci-dessus qui semblerait désirable pour déterminer la ligne de
démarcation avec plus de précision. Afin d'éviter les inconvénients
qui pourraient résulter de part et d'autre d'un tracé qui s'écarte-
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— 43 —
rait des frontières reconnues ci bien constatées, il est convenu que,
dans la partie du tracé où la frontière n'est pas déterminée par
des routes commerciales, il sera tenu compte des divisions poli-
tiqu«ês actuelles des territoires, de façon à ce que les tribus rele-
vant des territoires de Tessaoua-Maradi et Zinder soient, autant
que possible, laissées à la France et celles relevant des territoires de
la zone anglaise soient, autant que possible, laissées à la Grande-
Bretagne (1).
c II est, en outre, entendu que, sur le Tchad, la limite sera, s'il
est besoin, modifiée de façon à assurer à la France une communica-
tion en eau libre en toute saison entre ses possessions du nord-
ouest et du nord-est du lac, et une partie de la superficie des eaux
libres du lac au moins proportionnelle à celle qui lui était attri-
buée par la carte formant l'annexe n® 2 de la convention du
14 juin 1898.
c Dans la partie commune de la rivière Komadougou, les popu-
lations riveraines auront égalité de droits pour la pêche. »
En outre, la France obtient en échange de son privilège de
pêche à Terre-Neuve une rectification de la frontière franco-
anglaise de la Gambie : '
2** Frontière franco-anglaise entre Dahomey et Niger. — La
convention du 14 juin 1898 avait fixé les frontières longtemps con-
testées entre Fhinterland du Dahomey et colui du Lagos.
Durant sa mission (1890-1892), Monfeil avait placé le Liptako
et le Tagha, sous le protectorat de la France (1891).
Le commandant Decœur avait signé des traités (fin 1894 et
commencement 1895) avec le Gambara, le Borgou et le Gourma.
En 1897, M. Bretonnet, parti de Carnotville créait une série de
postes dans le Borgou et le capitaine Garnier s'emparait de Nikki
pour châtier les pillards Baribas.
Les capitaines Baud et Vermecrsh entraient dans le Gourma ;
plus à l'ouest, la mission Voulet-Chanoine occupait le Gourounsi,
devançant la mission anglaise de sir Donald Stewart, puis le Mossi
qui acceptait le protectorat de la France en janvier 1897.
Le commandant Destenave avait rapidement achevé la tâche
commencée»
(1) C'est ainsi qu'on a jugé que la ligne droite du 13« 2(y doit être remplacée
par une plus méridionale pour laisser à la France la totalité du Zinder.
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— 44 —
Les Anglais invoquaient de leur côté un traité que le capitaine
Luggard avait passé à Xikki (en novembre 1894).
Les itinéraires de tous ces explorateurs et les traités signés par
eux s'enchevêtrèrent bientôt à un tel point qu'il devint fort diffi-
cile d'en déduire des données précises. La France avait néanmoins
pour elle, d'une manière générale, le droit de priorité et le nombre
des itinéraires levés.
Dans ces circonstances, la commission du Niger arrêta la déli-
mitation nouvelle entre Dahomey et Lagos, par les articles 2 et 3
de la convention du 14 juin 1898.
Ceux-ci reconnaissaient à la France : le Borgou avec Nikki,
pour capitale, le Tagha, le Liptako, ' le Gourma, le Tourodi, le
royaume de Say.
En revanche, ils cédaient à l'Angleterre Kitchi, Kagoma, Boussa
et Arenberg (où le commandant Toutée avait pourtant fondé un
poste dès 1894).
Nous n'avions ainsi la possession d'aucun point sur le Niger, en
aval des rapides de Boussa, ce qui nous obligeait à décharger nos
marchandises en territoire anglais. Pour remédier à cette situation,
l'article 8 de la convention nous louait pour trente ans un petit
territoire d'un tenant de 10 et 50 hectares à cheval sur le confluent
de la rivière Dolco (qui vient se jeter dans le Niger un peu au-des-
sous de Badjibo). Une seconde enclave sur l'embouchure du Niger
qui porte le nom de rivière Forcados était cédée à la France. Ces
deux enclaves furent déterminées en 1900 par le commandant
Toutée d'une part et, de l'autre, le capitaine Luggard,
(Le capitaine Lenfaht a utilisé la voie du Niger en transpor-
tant à Sorbo-Haoussa, le port du troisième territoire militaire,
64 tonnes de matériel destinées à la colonne Péroz) ;
3** Frontière anglo -française entre Côte d'7 voire-Soudan, Côte
d'Or-Togo, — La frontière entre la Côte d'Ivoire française et la
Côte d'Or anglaise a été le sujet de nombreuses contestations entre
les deux puissances.
Ces différends furent en partie réglés par VarrangeTnent du
10 août 1889, celui du 26 juin 1891 et celui dit 12 juillet 1893,
Cette dernière convention laissait indécise la possession de la
lagune Tendo ; la frontière remontait ensuite le Tanoe, laissait
Akouakrou à la France, puis obliquait vers l'ouest, remontait à
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— 45 —
nouveau vers le nord, abandonnait le Sauwi, le Bettié, Tlndénié,
l'Arbôn, le Gaman, le Bouna à la France; le Broussa, le Sahué, le
Bondonkou (en partie seulement) à T Angleterre; la ligne tracée
remontait ensuite le thalweg de la Yolta Noire jusqu'au 9° de lati-
tude nord. Au delà, rien n'était précis.
Nous avons signalé les diverses missions qui parcoururent les
régions au-dessus de ce parallèle depuis 1893. Une nouvelle délimi-
tation, continuation de la précédente vers le nord, s'imposait donc.
La commission du Niger régla la délimitation nouvelle de la façon
suivante à partir du 9** de latitude nord. La frontière suit désormais
le thalweg de la Volta Noire vers le nord, jusqu'à son intersection
avec le IV de latitude nord, puis ce parallèle vers l'est, laissant à la
France le Gourounsi ainsi que le Gourma. Maia nous cédions à
l'Angleterre le pays de Oua qui avait signé un traité avec le lieu-
tenant Baud (le l*' mai 1895).
4"^ Frontière anglo-française de la Gambie, — La convention
du 8 avril 1904 a rectifié la frontière franco -an glaise de la Gambie.
c Article 5, — lia frontière existant entre la Sénégambie et la
colonie anglaise de la Gambie sera modifiée de manière à assurer à
la France la possession de Tarboutenda et des terrains et points d'at-
terrissement appartenant à cette localité. Au cas où la navigation
maritime ne pourrait s'exercer jusque là, un accès sera assuré en
aval au gouvernement français sur un point de la rivière Gambie
qui sera reconnu d'un commun accord comiïie étant accessible aux
bâtiments marchands se livrant à la navigation maritime. Les
conditions dans lesquelles seront réglés le transit sur la rivière
Gambie et ses affluents, ainsi que le mode d'accès au point qui
viendrait à être réservé à la France, en exécution du paragraphe
précédent, feront l'objet d'arrangements à concerter entre les
deux gouvernements.
c 11 est dans tous les cas entendu que ces conditions seront du
moins aussi favorables que celles du régime institué par l'applica-
tion de l'acte général de la conférence africaine du 26 février 1885,
et de la convention franco-anglaise du 14 juin 1898, dans la partie
anglaise du Niger. >
Enfin, l'article 7 nous a cédé les îles de Los situées en face de
Konakry.
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— 46 —
Ces concussions sont fort appréciables et valçnt bien les quelques
pêclieries que nous avions conservées sur la côte ^ançaise de Terre-
Neuve.
BIBUOGRAPHIB DU CHAPITRE II
E. RouARD DE Gard. Les territoires africains et les contentions
franco-anglaihes, Paris, A. Pedone, 1901.
Victor Deville. Partage de V Afrique. Paris, 1898.
Comte Ch. de Kinsky. Le continent africain. Manuel du diplomate,
Paris, ChalJamel, i897.
André Lebon. La politique française en Afrique (1896-1898). Paris,
Plon-Nourrit, 1901.
Robert de Caix. Fachoda, la France et r Angleterre,
Paul Bourdarie. Fachoda, la mission Marchand.
Paul Thirion. La France et l'Angleterre en Afrique {Correspondant,
numéro du 25 janvier 1898).
Lebon. La mission Marchand et le ministère Méline {Revue des
Deux-Mondes, numéro du 15 mars 1900).
Lieutenant-colonel Monteil. Les conventions franco-anglaises des
A juin 1898 et 21 mars 1899 {Reçue hebdomadaire du 6 mai 1899).
Silva Write. Le développement de V Afrique.
Marcel Puisant. Les droits de la France au Niger {Revue générale
du droit international public), 1898.
Hertslet. The Map of Afriea by Treaty.
De Martens. Recueil de traités.
De Clercq. Recueil des traités de la France. Paris, A. Pedone.
Livres jaunes, publiés en 1898-1899.
Bulletin du comité de V Afrique française (1898-1890).
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CHAPITRE III
I. Morcellement de notre empire colonial africain, considéré des côtes, mais unité
par rapport au centre du continent.
II. Nos colonies africaines sont surtout des colonies d'exploitation.
III. Obstacles rencontrés par notre pénétration en Afrique (climat* terrain).
IV. Islamisme, fétichisme, anthropophagie»
A un navigateur parcourant les côtes d'Afrique, nos posses-
sions sur ce continent apparaissent étrangement morcelées. Les
colonies des autres puissances européennes entrent partout dans les
nôtres.
Ce sont, à partir du détroit de Gibraltar : le Rio de Oro espa-
gnol, puis la Gambie anglaise et la Guinée portugaise enclavées
dans notre colonie du Sénégal ; le Sierra-Leone britannique et
TEtat indépendant de Libéria, séparant la Guinée de la Côte
d'Ivoire ; la Côte d'Or anglaise et le Togo allemand isolant le Daho-
mey de cette dernière ; la Nigeria anglaise et le Cameroun alle-
mand interposés entre le Soudan et le Congo français.
Mais il faut remarquer que toutes ces colonies sont, pour ainsi
dire, enclavées dans les nôtres qui les enserrent de toutes parts.
C'est ainsi que, considéré du centre du continent, notre empire colo*
niai apparaît, comme un tout immenses Du Tchad divergent dans
tous les sens des avancées vers la mer.
Notre expansion venant du nord, arrêtée par la limite fixée }i
notre influence entre Niger et Tchad, s'est rejetée vers l'est et a
trouvé une voie ouverte entre le lac et la dorsale montagneuse afri-
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— 48 —
De même, nos explorateurs partis du Congo sont naturellement
passés du bassin de l'Oubanglii dans celui du Chari.
Le Tchad a donc joué le rôle de centre attracteue et la pénétra-
tion française en Afrique est caractérisée par un mouvement inces-
sant vers ce centre. Les puissances étrangères croyant trouver dans
celui-ci une véritable mer intérieure ont voulu posséder auss'
quelque portion de son rivage. (Les explorations récentes semblent
prouver, au contraire, que le lac Tchad présente en bien des points
l'aspect marécageux. Loin de ses bords seulement, il s'étale en une
vaste nappe d'eau présentant des fonds de 3 à 4 mètres.)
Notre empire colonial en Afrique s'est trouvé véritablement
fondé par le don d'unité, le jour où les trois missions : Saharienne,
Afrique centrale et du Chari se trouvèrent réunies sur ce dernier
fleuve, la première venant d'Algérie, la seconde du Soudan et la
troisième du Congo. Cette jonction à travers le continent noir tient
du prodige et eut un effet moral immense que vinrent encore aug-
menter la défaite et la mort de B.abah.
La construction du chemin de fer transsaharien et des autres
voies ferrées projetées achèvera cette œuvre de réunion de nos poô-
sessions continentales africaines.
11
Notre empire colonial d'Afrique, tel qu'il se trouve constitué,
comprend surtout des colonies d^ exploitation. Il s'agit de bien dis-
tinguer celles-ci des colonies de peuplement. Dans les premières, la
race colonisatrice ne cherche pas à s'implanter sur le sol, elle se
contente de lui donner l'aide de sa direction politique, de ses capi-
taux, de tirer le parti le meilleur possible de ses ressources écono-
miques.
Les pays dans lesquels l'Européen ne peut pas séjourner long-
temps, en raison de leur climat, les possessions françaises d'Afrique
occidentale, par exemple, appartiennent à cette catégorie. Le blanc
y sert surtout de guide au noir. Il ne peut, en effet, se livrer à aucun
travail fatiguant, tel que le défrichement ou la culture ; l'épuise-
ment le gagnerait bien vite. L' avenir des colonies d'exploitation
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— 49 —
semble donc résider dans Taméliobation des races préexistantes,
dans leur éducation intellectuelle^ morale et sociale.
La seconde catégorie de colonies est d'un tout autre genres Le
colon y rencontrant des conditions climatologiques et économiques
favorables, cherche à substituer sa race à celle du pays. Il prend
possession des terres, s'empare du commerce et fonde bientôt une
société nouvelle qu'il tâche de créer analogue à celle de la métro-
pole.
Non content d'évincer les naturels du sol, il les détruit parfois
méthodiquement. La race saxonne a pu, par exemple, être qualifiée
de race exterminatrice, t extirping race », a dit sir Charle Dilke.
Partout où elle a pris racine, elle a anéanti les autres races : les
Peaux-Bouges de l'Amérique du Nord sont maintenant bien rares
et bientôt les Maoris auront disparu de la Nouvelle-Zélande.
La race française remplace ce pouvoir meurtrier par la faculté
d'assimilation. Nos colons prennent volontiers les goûts indigènes
et adoptent facilement leurs mœurs au pays. Ils s'assimilent en
quelque sorte les races étrangères en leur prêtant et en leur em-
pruntant tout à la fois.
Nous n'avons pas, sur le continent africain, de colonie qui appar-
tienne franchement au genre dit de peuplement.
L'Algérie elle-même semble tenir le milieu entre les deux caté-
gories. On a pu soutenir, à juste raison, qu'elle est t une excep-
tion » et que c si l'on respectait scrupuleusement tous les usages,
toutes les coutumes des indigènes, si l'on évitait d'apporter aucun
trouble dans leur mode de jouissance des terres ei dans leur exis-
tence, on ne pourrait tirer du pays toutes les ressources qu'il con-
tient ; que, d'autre part, si l'on voulait substituer complètement les
Européens aux indigènes, on se priverait du concours précieux que
peut offrir une population de 4 millions d'habitants déjà à demi-
civilisés. »
III
Notre expansion coloniale en Afrique est caractérisée, avons-
nous dit, par une pénétration lente et incessante vers l'intérieur du
continent.
Dans ce mouvement en avant, nous avons rencontré des obsta-
cles d'ordre climatologique, topographique et ethnographique. Le
LA PÉNÉTRATION FRANÇAISE 4
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— 50 —
climat des poye tropicaux «efit ti^iésÊarste pour rEuropéen qui y (fait m
séjour de quelque durée, L'épukeuieiït le igsugne ^et le livre aaufi
Jeree amx fièvres iiématurii|»es «ei InHeones dEmt il gnécit «lûfficile-
ment.
Les abstacles t0^BO|^pbiqueB vésictent piïin£:q>aieaAe]Kt dans le
BMnque de Toies de oammimieation xm, ioat au snoins, duis Ibsct
état TudimeiKtaire^ Au Soudan, elles con8kAe]i.t «n seiubes à peifi^
marquées au milieu de la brousse ou des savanes dénudées ; da&s
la forêt équattoriale, la ^nétiaktian «est «olgoosb pins =di£âcîie .en raison
de reBohevêtreinent des arfares ^et des iiaack&L
L'explorateur en est souvent réduit à suivre le lit à d^ni dds-
wéché des cours d'eau, ^s^ules parties dn boI rospecttées pasr d'exubé-
Tance de la végétation, ou les ipistes traoées par les fau^'vsas «et les élé-
phants.
Cette difficulté des communications explique en rpartie la len-
teur afvec laquelle les Ëitropéens ont pénétré -dans le ocmtinent noir.
Ils ont d'abord suivi ks routes ouvertes vers rin^rieur j^ar les
-grands fleuves, véritables brèckes pratiquées par la nature dans le
plateau africain ; les rapides les obligèrent néanmoins à reprendoe
'en »bien des points la voie terrestre. €'eflt ainsi que Stanley suivit
le Congo, de Brazza l'Ogooné et l'ilima.
Puis bientôt, les explorateurs s'aventurèrent dans les tiontrées
«'étendant entre les fleuves, '«n «suivant les lignes de moindre lésis-
tanoe offertes par le -terrain,
G>e nos jsenTB enfin, ils n'ont pas craint d'affronter la traveraée
-de la forêt -équatoriale.
IV
Et pourtant les obstacles opposés par le sol paraissent souvent
bien peu de chose en comparaison de ceux qu'offre l'homme lui-
même.
L'islamisme, le fétichisme, l'anthropophagie et l'esclavage sem-
T)lent les quatre formes principales sous lesquelles se manifeste
cette résistance à la civilisation européenne.
ïàislamisine couvre une étendue de pays immense, depuis les
rivages de la Méditerranée jusqu'aux Etats du centre africain. Il
faut remarquer néanmoins que les races Brabe et berbère sont plus
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— 81 —
|MiiticTilîà£emeii:t apteB .à reoeveir -et à 'oonaervar aes enfle^gattonMots.
L'Arabe est idéaliste^ la solitude ^lu désert Je poorie AatuneMemeat
aux loagues juédita^iektts -et riuLBrènçne de la notion de Tinfini.
La oonatatation de rinutiMté <des efirai^s liiuaainB ccaokire Taridiié,
le sable et le vent fait naître en lui le fatalismie.
L'exaltation ^ sa loi Teligdeiuse «st assez semblable au mirage
qm 4xSve au voyageur l'espoir de «ites enchanteurs.
£n toutse^ rdslamisme est bien «ne religion de pasteurs nomades
et ses prescriptions s'accommodent admirablement à l'o^gMiiflaiMn
patriarcale.
Ceux mêmes des repoésentants de la race noire qui se montrant
disdf^les conTamcns du Prophète 8«nt des desoenidants de paaieurs
«e Bouvenant d'une origiBe arabe ou berbère plus ou moins loin-
taine.
Cette exaltation religieuse apparaît nettement dans la itffwoA'
tion des conîrérLes qui couyreai>t actuellemient le «demaine de l'Islam.
Ayant perdu beaucoup de sa puissance i)oliiique9 la civilisatian
mahométane eemble avoir touIu d^rcher «on salut dans un 'dâbor-
deaaent de religion, et les noBabreuses associations créées ont pris
pour devise essentielle t résistance à l'infidèle i.
Nées du aouAsTne, doctrine (mystique reconnaissant la caste des
êoimti, intermédiaii»s de l'iiomnie <et de la diviniité, ces «ocftéÉés Aut
vu leur entier développement se produire au xix* siècle.
Les plus importantes d'entre elles sont :
1** Celle des Taïbya fondée veis la fin du xa® «iècle de rH^^re,
leoonnaît pour grand saint Meuley Taïeb. Le 'cbef de l'offdre porte
le ^itpe de Cherif (d'Ouezzan. Son influence s'étend en Tunisie, en
Tripolitaine, dans les provinces d'Oran «t d'Alger, jusqu'en Egypte;
enfin, clans ces dernières années, elle a beaucoup diminué au Touât
en raison de lappui moral apporté à la France par les chérifs
d'Ouefi!zan.
Oei ordre ne paraît ^s irréductible ;
2** L'ordre Kadrya, fondé par le saint Sidi Abdelkad-er Djelani
ben Abousalah en l'an 561 de THégire (1165-1166 de noire ère).
C«st un des plus populaires de l'Islam et son influence s'étend
jusqu'à Tombouotou ;
^*» L'ordre des Oulad Sidi Cheikh date de l'an 1203 de THégire
(1615 de notre ère) et reconnaît pour grand saint Sidi Abdelkader
ben Mohammed. Nous avons vu que son infliu^uje s'étend de
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— 52 —
rOranie jusqu'au Touât. Cette confrérie semble gagnée à la France
pour les raisons exposées plus haul; ;
4** Les Bàkhaya ont leur centre principal à Tombouctou et
s'étendent jusqu'au Touât où ils possèdent Zaouïet-Kounta et chez
les Touareg Aouellimiden ;
5** L'ordre des Tedjaniya est d'origine plus récente que les pré-
cédents (1196 de TH., 1781 de notre ère). Le nombre de ses adeptes
est fort considérable, mais son influence semble actuellement
décroître ;
6" L'ordre des Senoussiya a été fondé en l'an 1250 de l'Hégire
(1835 de notre ère) par Si Mohammed ben Ali ben Senoussiv Leurs
zaouïa sont actuellement fort nombreuses et se montrent nos adver-
saires acharnés. Leurs relations avec la religion officielle turque
n-A sont pas meilleures et ils sont considérés d'un mauvais œil à la
Mecque.
Le cheikh Senoussi résida d'abord à Abou-Kobai, près de la
Mecque (à partir de 1835), puis à Benghazi (1843) et enfin à
Djaghboub. Son fils, le cheikh el Mahdi a quitté cette oasis en 1895
et est venu résider à Koufra, puis vers la fin de 1899 à Gouro dans
le Borkou.
c L'influence de l'ordre s'est rapidement étendue vers le sud.
Le pays des Tibbou, le Borkou et le £anem lui semblent acquis à
l'heure actuelle de même que le Ouadaï. »
Vers l'ouest, on ne rencontre guère de Senoussi qu'au Tidikelt
et en Egypte ; ils ont peu de clientèle.
Par contre, la Cyrénaïque et la Tripolitaine, bases de leur
expansion, demeurent leur grand foyer de propagande. Le mys-
ticisme tient moins de place dans leurs doctrines que dans celles
des autres ordres. Vis-à-vis des puissances européennes, les Senous-
sya ont longtemps gardé la neutralité, se contentant d'éviter leur
contact en s'étendant vers le sud. De récents événements (les com-
bats de novembre 1901 et janvier 1902 dans le Eanem, que nous
avons dû leur livrer à l'est du lac Tchad) semblent indiquer de leur
part les débuts d'une politique agressive.
Les membres des confréries musulmanes sont heureusement
disséminés dans toute l'Afrique et l'Asie et n'offrent guère la résis-
tance due à la cohésion. Beaucoup de leurs chefs, d'ailleurs, obéis-
sent surtout de nos jours à des mobiles d'ordre politique et per-
sonnel et les gagner n'est point impossible.
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— 53 —
Les Senoussiya paraissent actuellement les plus irréductibles à
notre influence.
L'Islamisme offre un obstacle à notre pénétration en Afrique
en ce qu'il nous oppose une civilisation déjà ancienne toute diffé-
rente de la nôtre. Les musulmans sont iort difficilement assimi-
lables. Aussi certains ont-ils pu conseiller de renoncer actuellement
à cette tâche et de cbercher plutôt à satisfaire quelques-unes de
leurs inspirations, à alléger quelques-unes de leurs charges.
L'Islam s'est étendu de bonne heure sur la partie nord du Sou-
dan occidental où sa base d'opérations fut le coude du Niger et le
grand centre de Tombouctou fondé au v* siècle de l'Hégire. De là,
la religion du Prophète s'étendit vers le pays de Kong au sud, à
l'ouest sur le Segou et le Fouta-Djallon, à Test jusque vers le
Haoussa.
Dans la boucle du Niger, la pénétration française ne lui a pas
laissé le temps d'établir des empires solides. Le Soudan attaqué de
toutes parts jmr l'Islam n'a été sauvé que par notre arrivée, et le
gros bloc de territoire constitué par le Yatenga, le Mossi, le Gou-
rounsi, le Mampoursi est demeuré presque exclusivement fétichiste.
Vers l'ouest, au contraire, l'influence musulmane a fait rapi-
dement tache d'huile. Seule la forêt équatoriale a été capable d'ar-
rêter les progrès de l'Islam, par sa masse immense et son impéné-
trabilité. Samory a dû rétrograder devant les flèches des popula-
tions anthropophages de la forêt dense et faute d'issue à sa retraite
est venu se faire prendre par nos colonnes.
Les conquêtes des grands fondateurs d'empires musulmans en
pays noir semblent essentiellement caractérisées par l'arrêt de tout
progrès, de toute culture, de tout commerce. Seuls les Mandé-
Dioula de Kong dont la pénétration est toute pacifique font excep-
tion à cette règle.
Sans cesse sous le coup d'une razzia, le noir, déjà naturellement
apathique, abandonne toute œuvre durable, se laisse aller à la non-
chalance et vit au jour le jour. Les villages se dépeuplent, la famine
sévit.
Kong dévasté par Samory n'envoyait plus ses tissus teints vers
le Niger ; les pays du Tchad pillés par Rabah avaient perdu leur
prospérité ancienne.
Il importe au plus haut point pour l'avenir de nos colonies sou-
danaises, d'empêcher désormais l'élévation de pareilles puissances
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— 54 —
aenuoit partout la rtaie^ nécv de la -yidesbéi àlum Eomme et ne se
soutenant que par les rapines et Vesclavage.
iLescUaxig^ esb un de» pkra grand» fléaux de If Afxdqœ ; la ion-
dation de nofiEft enq^rec doit amener sa disparition dans la partis
occidentale de ce eontinent.. C'est pas Loi que Imi population se daîn-
sème et s'émiette^ que le désert naîik^
D'une manière générale^ la rac» noire paoait moins irréduciiblee
à notre influence que les peupladee soumises à Tlblam, On trouTFCi
en elle une substance fruste^ susceptible de^ malléabilité parce
qu'elle n'a pas enceve été rigidifiée pM? le fanatisme uLUSulman.
Si l'Arabe) en effiet,. est idécdiste^ le nàgi^e^ est essentiellement
matérialMÉtei Son culte: d'dxlinaire aseev Ta|fue- eat surtout^ fait dei
superstitions yariant ajvec la liâu qufil habite» lm~ noir dea déserta
du sud de l'Afrique^ manquant de Teau qui lui est nécessaire^ &it
de la pluie une> divinité totélaire ; Ibs ministres da^ son eidta' sont
des eonjurateura de pluie.
Bans la région tropicale, le sorcier devient fabricant de filtme
et d'amulettes destinés à procurer de» chasses heureuses. Le noie
modifie donc en quelque sorte ses croyances d'après ses besoîne*
Son culte tient du panthèuTne : c'est tantôt un arbre, tantôt une
montagne, tantôt même l'objet le plus infime qu'il déclare fétiche,
e'est^-dire inviolable*.
Par contre, dès qu^on a|9ptx)che de la forêt équatoriale on ren-
contre des idoles et plus on pénètre dans ses ténèbres, plus ces
idoles deviennent nombreuses^ La terreur engendrée par robscurité
semble favoriser la^ superstition, entretenue, d'ailleurs> avec soin
par les griots qui en tirent leur» moyens d'existence. Le culte des
peuples de cette région appartient donc à V anthropomorphisme^
earactérisé par la personnification» d'absteaction» très diverses, telles
que la guerre, le mal, le tonnerre, etc., etc.
Tous les cultes indigènes sont désignés sous le nom générique
assez vague de Flh^icHisicB.
La civilisation a encore à lutter en Afrique contre Vanthrap^"
phagie fort répandue dans certaines régions, en particulier dans» le
bassin du Congo et dans la fbrêt dense du nord de la oôt« de Ghuinée.
La mission d'OIIone traversant cette dernière dans le bassin
du Cavally a rencontré des systèmes différents d'anthropophagie:
Gertainas peuplades nmngent leuis ennemis en matière' de ven-
geance, pour absorber peut-être leurs âmes (qu'ils conndèrent^
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— 55 —
sans doute, comme un élément matériel) et les empêcher de jouir
d'une autre vie dont ils ont une notion assez vague ; d'autres man«
gent indiSéremment tous les hommes qu'elles peuvent se procurer,
parce qu'elles ont faim, La banane dont elles se nourrissent n'es»
pas assez substantielle et, la viande faisant défaut, on mange IO0
captifs. Chaillé Lang a cité cette réponse caractéristique d'une
femme Akka cherchant à excuser le cannibalisme de sa nation :
c C'est seulement quand la viande est rare, disait-elle, et que la
nature exige une nourriture plus variée que le régime de bananes •
que l'on mange de l'homme.
Une troisième école d'anthropophagie mange ses morts, pour
hériter de leurs vertus,.
BIBLIOORAPUIE DU CHAPITRE III
D' LiviNGSTONE, Exploration dans V Afrique australe, Paris, 1859.
Stanley, A travers le Continent noir, Paris, Hachette, 1878.
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Défont et Coppolani, Les Confréries religieuses musulmanes^ Alger,
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D. Vidal de la Blache, V Education des Indigènes, {Revue scient,.,
4« série, Vn, 1897, p. 353-360).
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LIVRE II
La voie de pénétration du Sahara.
CHAPITRE PREMIER
HISTOBIQUE DE LA PÉNÉTRATION SAHARIENNE
A. — Les voyages d' exploration.
Il est assez singulier de remarquer que, malgré notre occupa-
tion de l'Algérie, excellente base de pénétration vers le sud, nous
iûmes longtemps devancés dans le Sahara par les étrangers.
Ce fut là la première période de Texploration saharienne, époque
de reconnaissances de grande envergure, de voyages longs et pé-
nibles auxquels on dut les premiers renseignements sur le désert.
De 1822 à 1824, les Anglais Denham, Oudeney et Clapperton le
traversèrent de Tripoli au lac Tchad en passant par Mourzouk.
En 1826, le major Laing paya de la vie sa tentative et son
succès, et, en 1828, René Caillé, plus heureux, revint sain et sauf de
Tombouctou.
Sinaoun, Ohadamès et Ghât étaient visités par Richardson
en 1845-1846. Enfin, quelques années plus tard, l'Allemand Barth
entreprenait son immense voyage de Tripoli à Mourzouk et de 'là
dans TAïr, au lac Tchad et à Tombouctou, fournissant ainsi les pre-
mières données sur le centre africain.
Au maréchal Randon appartient l'honneur d'avoir posé les pre-
mières bases de notre expansion vers le sud. Vers la fin de l'an-
née 1861, il créait le poste de Géryville et faisait occuper l'oasis
de Laghouat. t Par sa position avancée, le poste, dont le colonel
Géry avait eu le premier l'idée, constituait une véritable mainmise
sur la confédération des Oulad-Sidi-Cheikh; situé à moins de
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100 kilomètres du Sahara^ il préparait une solide base d'opérations
à nos futures colonnes (1). i Quant à Laghouat, située à l'extrémité
des hauts plateaux, elle était susceptible de jouer dans la province
d'Alger un rôle analogue à celui de Géryville dans celle d'Oran.
Nous étions donc aux portes du Sahara et la continuation de la
marche vers le sud semblait tout indiquée. Mais, durant de longues
années, on espéra arriver à étendre peu à peu notre domination par
des moyens pacifiques tels que traités signés avec les Touareg, mis-
sions scientifiques trop faiblement escortées, essais de rétablisse-
ment du commerce. On oubliait ainsi que la force seule a du pres-
tige en pays musulman et qu'il faut d'abord soumettre avant d'en-
treprendre toute autre chose. Comme conséquence, le temps perdu
fut énorme.
Dès 1854, on tenta d'accaparer en faveur de la France l'influence
de l'ordre religieux d'Ouezzan. Un de ses chérifs fut inutilement
envoyé au Touât (2).
En 1859, H. Duveyrîer commença ses explorations dans la Tri-
polîtiaine et le Fezzan.
En 1860; Colonieu et Burin poussèrent jusqu^aii' Gk)UFara, en taw-
versant la* partie la plte étroite de Verg occidental, mai» les hàbi^
tants de la région leuî» refusèrent le passage et ils durent rétrogra-
der. Sans lift» crainte que leur avait inspirée- la venue de» Français^
ils avaient été jusqu^à demander un gouveaneur au Marefc.
Plus à l'est, le commandant Mircher et le prince de Pblîgnac
signaient avec les Touareg-Azdjer le traité de 1862 auquel nou9
eûme» le tort de nous fier et qui, dans la pratique, demeura toujours
lettre morte.
La conclusion de cet acte diplomatique avait été en quelque
sorte préparée par le voyage du capitaine de Bonnemain à Ghhadamès
en Ï866 et celui de l'interprète militaire Bouderba à Bhât en' 18561
Wous fûmes détournés durant quelques années de nos tentatives
vers le sud par Tinsurrection des Oulad-sidi-Cheikh qui éclata
en 1864. Son promoteur, Si-Sljman-ben-Hamza trouva la mort à
Aouïnet-Bbubékeur, après avoir anéanti la colonne Beauprêtre,
mais, durant dix années, ses successeur» Si-Mohammed, Sî-Ahmed>
(1) C. Battisti. Conférence faite aux officiers de la garnison de 3aTdà
le 17 févner 1900.
(2) Nous aurons Toccasion d'insister sur l'ordre d'Ouezzan et sur les illusions,
que Pon eût à son égard.
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Si-Kaddonr et Si-Lalla jatère&t k- désordre danB tmtt le Sud-onmais
et nous obligèrent à des lut4»s perpétuelles..
Durant ce- temps, T Allemand Bohlfs (1864-ld6&);, degjiisé en
rnuBulman,. et peui-être ehAigé d'una mission secoèts hostile à la»
France, parvint à se rendre de Fez au Tafilelt et de là dans le Tauâit
et le Tidikelt, grâce à> 9a> connaissance de la langue et^ des usages
arabes. Il gagna ensuite Ghiiadaimès en traversant le pkteoi àà
Tinghert, puis Tripoli.
Naehtigaly en 1868^- se rendait de Mourzouk an Tibesti àxmi il
étudiait la population» encore fort peu connue de nos jovi». En lATO^
U se dirigeait p«r Tinamo* vecs le la» Tchad, pois le Ouadaï ponn
atteindre le Nil à Ondurman.
De ]f875 à 1877, noti^ compatriote Largevo, partant de Tongourt,
poussait, à travers Terg oriental, jusqu'à G-hadomès..
Erwin de Bary (1876-1877), de Bhai^ fit deux rnoonDurissanoea
dans le Tassili et dans TAïr et mourut mystémeusemaEit à BJifiifc^
très probablement assassiné.
Rohlfs tenta vers cette époque la traversée du désert lybien,
d'abord par Test, puis par Touest, mais il ne put réussir dons sfn^
entreprise.
En 1880, la mission Flatters était chargée d^étudier la région
située au sud d^Ouargia, pour ehoîsiF l'itinéraire futur d'un trans-
saharien partant de cette oasis.
Elle traversait l'erg oriental dans la région des gassis et^ lon-
geant le bord du Tassili, ne pouvait dépasser* le lac Menghouk^ en
raison des difficultés soulevées par les Âzdjer.
L'année suivante, elle reprenait son projet de traversée du moseif
Ahajg^ar, mais était trahie et anéantie par les Touareg-Hog^gar, près
de Tadjenout.
Depuis^ une dou^ne^ d'années, l'œuvre de pénétration a été
reprise avec plu» de méthode.
Dans ses neuf premières missions, M. Foureau explora la région
de l'erg- oriental et la bordure du Tassili- Azdjer.
En 1800, il longeait le rebord occidental du Grand-Erg et la
partie de ce dernier située à l'ouest des gassis.
En 1892-1893, il reconnaissait le Gassi-Touil, TOudje (1) nord
du Grand-Erg et le Tinghert.
(t Mot à mot «la joue» c'est-à-dire la bordure.
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En 1894, il traversait la région des d\ines située au sud-est de
Temassinin et en atteignait la limite méridionale.
En 1893-1894, la mission Bernard d'Attanoux avait également
exploré la région des gassis et la bordure du Tassili-Âzdjer en pas-
sant par Temassinin.
De décembre 1895 à mars 1896, M. Foureau explorait le Grand-
Erg entre les gassis et l'itinéraire de Largeau de Touggourt à Gha-
damès, découvrant sur son passage des ruines fort anciennes.
De mars à juin 1897, il entreprenait sa neuvième mission et rap-
portait de précieux renseignements, signalant en particulier, la pré-
sence d'anciens volcans dans le Tassili et constatant la formation
de dunes récentes dans le Gassi-el-Ghazal.
La mission transsaharienne qu'il demandait depuis si longtemps
put enfin lui être accordée, grâce au legs Eenout des Orgeries et
aux subventions du comité de l'Afrique française, du ministère de
l'Instruction publique, etc. Sa traversée du Tassili et de l'Aïr, son
arrivée à Zinder et sa réunion au sud du lac Tchad avec les missions
Gentil et Joalland sont maintenant trop bien connues pour qu'il
soit utile de les résumer.
B. — La question de la frontière franco-marocaine et le Touât.
Dans son mouvement d'expansion vers le sud, la France a été
sans cesse gênée par le voisinage occidental du Maroc.
Depuis quelques années, la question marocaine a suscité bien des
polémiques. Au premier abord elle paraît, en effet, assez complexe.
En l'examinant de plus près, on arrive facilement à constater que,
pour nous autres Français, elle se présente sous deux aspects nette-
ment distincts. Nous devons tout à la fois Tenvisager comme puis-
sance européenne et coloniale et comme voisine appelée à avoir sou-
vent des difficultés de frontière.
En tant que puissance européenne, la France est intéressée à ne
point voir la porte occidentale de la Méditerranée tomber com-
plètement aux mains d'une rivale. En outre, notre situation pri-
vilégiée dans le Nord de l'Afrique nous donne la légitime ambition
d'exercer sur toute la Berbérie une suprématie intellectuelle, une
hégémonie politique et commerciale. Ainsi que le constatait un
auteur anglais : c Ce pays est tout d'abord une extension géogra-
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phique et morale des splendides possessions françaises dans le nord
de l'Afrique. On ne peut sortir du Maroc par terre dans aucune
direction sans marcher sur des territoires français ou placés dans
la sphère de Tinfluence française. La France a des centaines de
kilomètres de frontière sur lesquels elle verse constamment le sang
de ses soldats en dépensant beaucoup d'argent. Son commerce —
moins important sur mer que celui de l'Angleterre — pourrait être
largement développé dans son ensemble par l'ouverture des routes
de terre commerciales venant d'Algérie (1)... »
De son côté, l'Espagne croit avoir acquis des droits réels sur le
Maroc en raison des sanglants combats qu'elle y livra naguère. Elle
considère ses possessions actuelles (2) du rivage comme de véri-
tables têtes de x>ont susceptibles de lui ouvrir un jour l'actès du
continent. Ne serait-ce point là prendre une lointaine et éclata u te
revanche des invasions arabes du moyen âge?
Les seuls intérêts de l'Angleterre au Maroc étaient d'y voir
observer la liberté du commerce maritime et respecter la neutralité
du détroit de Gibraltar. L'Allemagne et les Etats-Unis pouvaient
formuler des demandes analogues. Quant à l'Italie ses destinées
l'appelaient plutôt du côté de la Tripolitaine.
Durant la période de rivalité coloniale de la France et de l'An-
gleterre, cette dernière puissance chercha à se créer au Maroc une
situation prépondérante. Ses instructeurs militaires, ses savants se
mirent à la disposition du Maghzen, si bien que la révolte actuelle
a pu prendre pour principal grief contre le sultan, cette intrusion
étrangère dans le domaine de l'Islam.
La situation troublée du pays, les brigandages de toute nature,
le voisinage du prétendant, le peu de sécurité offert aux Européens
devaient forcément amener une intervention des puissances. Le
sultan, ne pouvant guère sortir de Fez, n'ayant qu'une armée peu
nombreuse, mal équipée et mal payée, avait échoué dans ses tenta-
tives de réformes et se trouvait sans argent. Les impôts établis et
perçus de façon défectueuse lui donnaient à peine de quoi suffire à
sa propre subsistance et le laissaient endetté vis-à-vis de l'Europe.
(1) Lettre de M. Harris, correspondent de Tunis à Tanger, à M. René Moulin.
(2) En somme rochers arides sur lesquels les garnisons espagnoles se cram-
ponnent, ayant en face d'elles les guerrières et nombreuses populations du Rif qui
ont voué à l'Espagnol une haine implacable.
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^Jne «lïteate .«Qrta»e les puiâftaoïceB devenait donc cbaque jour plus
'néeeasaire.
Dès la fin de Taimée 1908, les relations étaient devenues plus
cordiales entre la France ^t l'Angleterre. M. Harris, correspondant
du Tiines à Tan|^, n'hésitait pas à déclarer ^ue m la France avait
non seulement tous les droits d'intervenir, mais enctwe que cette
intermntion serait un bienfait pour le monde en génial 3 (1).
Restait à déterminer le mode d'intervention qui serait employé.
Nous lancer dans vm conquête à main armée du Maroc aurait
pu susciter des complications européennes et nous entraîner dans
une guerre' Ion Jfue et coûteuse. La momtagne et la plaine abandon-
nant leurs luttes intestines :se seraient unies contre le t roumi »
et nous aurions pu nous heurter à une nouvelle Espagne.
M. de Segonzac a très nettement défini le rôle à jouer par la
France : t Elle veut le maintietn de l'intégrité du Maroc, elle
accepte la charge d'être l'éducatiice et la tutrice de son voisin bar-
bare, elle revendique seulement la suprématie politique dans le
nord de l'Afrique, de la Tripolitaine à l'Atlantique. En échange,
elle s'engage. à ne porter aucun préjudice aux intérêts étrangers
engagés au Maroc. » C'était là poser le principe de la pénétration
pacifique. La grande majorité des hommes d'Etat français l'adopta.
Mais avant de s'entendre à ce sujet avec le Maghzen, il fallait
consulter les puissances intéressées. L'opinion anglaise avait eu le
temps de se calmer depuis Fachoda. Elle voyait clairement que
les intérêts de la Grande-Bretagne l'appelaient plutôt dans la partie
orientale de l'Afrique où l'axe de sa politique est la voie ferrée
qui doit un jour nuir le Caire au Cap. Elle était enfin plus inquiète
de l'accroissement du commerce maritime de l'Allemagne que de
celui de la France dans le Nord de l'Afrique. Un rapprochement
était donc indiqué.
Après de longs pourparlers, était signé, le 8 avril 1904, un nou-
vel accord franco-anglais. Nous abandonnions les privilèges éta-
blis à notre profit à Terre-Xeuve et obtenions en échange des avan-
tages en Pénégambie et à l'est du Niger (2). La convention était
enfin suivie d'une déclaration cov cernant V Egypte et le Maroc.
Le gouvernement britannique y déclarait qu'il t n'avait pas
(1) Lettre citée dans l'ouvrage de M. R«ié Moulin : Une année de politique
«œtérienre. Paris, Pion Nourrit, 1906.
(2) Voir ci-dessus.
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rmtentioii de changer Tétart politiqiie de TEgypte • . De ^on côté,
le gwivememeiit français ne devait pas c entraver l'aetian de T An-
g'ieterre dane ce pays ».
Qxunrt aitx principaux articles conoemant le Maroc, nous
croyons devoir les donner ici in ewtenso :
€ Article 2, — Le gouvernement de la République française
déclare qu'il n'a pas Tintention de changer Tétat politique du
Maroc
€ De SCSI côté, le gouvernement de Sa Majesté britannique recon-
naît qu^il appartient à la France, notamment comme puissance
limitrophe du Maroc sur une va^ «tendue, de veiller à la tran-
quillité dans ce pays et de lui prêter son assistance pour toutes
les ré&xmes administratives, économiques, financières et militaires
dont il a besoin. Il déclare qu'il n'entravera pas l'action de la
France à cet effet, sous réserve que cette action laissera intacts les
droits dont, en vertu des traités, actions et usages, la Grande-Bre-
ta^e jouit au Maroc, y compris le droit de cabotage entre les ports
marocains dont bénéficient les navires anglais depuis 1901.
« Article 4. — Les deux gouvernements, également attachés au
principe de la liberté commerciale tant en Egypte qu'au Maroc,
déclarent qu'ils ne s'y prêteront à aucune illégalité, pas plus dans
l'établissement des droits de douanes ou autres taxes que dans
l'établissement des tarifs de transport par chemin de fer.
« Le commerce de l'une et de l'autre nation que le Maroc et avec
l'Egypte jouira du même traitement pour le transit par les posses-
sions françaises et britanniques en Afrique. Un accord entre les
deux gouvernements réglera les conditions de ce transit et déter-
minera les points de pénétration. Cet engagement réciproque est
valable pour une période de trente ans. Paute de dénonciation
expresse faite une année au moins à l'avance, cette période sera
prolongée de cinq en cinq ans.
€ Toutefois, le gouvernement de la République française a\i Ma-
roc et le gouvernement de Sa Majesté britannique en Egypte, se ré-
servent de Teiller à ce que les concessions de routes, chemins de fer,
poste, etc., soient données dans des conditions telles que l'autorité de
l'Etat sur ces grandes entreprises d'intérêt général demeure
entière.
€ Article 7. — Afin d'assurer le libre passage du détroit de GibraU
tar, les deux gouvernements conviennent de ne pas laisser élever des
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fortifications ou des ouvrages stratégiques quelconques sur la par-
tie de la côte marocaine comprise entre Melilla et les hauteiirs qui
dominent la rive droite du Sebou exclusivement. Toutefois cette
disposition ne s'applique pas aux points actuellement occupés par
l'Espagne sur la rive marocaine de la Méditerranée.
€ Article 8, — Les deux gouvernements, s'inspirant de leurs sen-
timents sincèrement amicaux pour l'Espagne, prennent en parti-
culière considération les intérêts qu'elle tient de sa position géo-
graphique et de ses possessions territoriales sur la côte marocaine
de la Méditerranée, et au sujet desquels le gouvernement français
se concertera avec le gouvernement espagnol... »
Il importait, en effet, de ne pas s'aliéner l'Espagne comme on
l'avait fait de l'Italie au moment de rétablissement de notre pro-
tectorat en Tunisie. Des négociations furent ouvertes et aboutirent
le 7 octobre à la déclaration suivante :
€ Le gouvernement de la République française et le gouver-
nement de S. M. le roi d'Espagne s'étant mis d'accord pour fixer
l'étendue des droits et la garantie des intérêts qui résultent pour la
France de ses possessions algériennes et pour l'Espagne de ses pos-
sessions sur la côte du Maroc, et le gouvernement de S. M. le roi
d'Espagne ayant, en conséquence, donné son adhésion à la décla-
ration franco-anglaise du 8 avril 1904 relative au Maroc et à
l'Egypte dont communication lui avait été faite par le gouverne-
ment de la République française, déclare qu'il demeure fermement
attaché à l'intégrité de l'empire marocain sous la souveraineté du
sultan. »
Si dans le premier moment d'étonnement causé par l'accord
franco-anglais quelques protestations se sont élevées en Espagne, la
majorité de l'opinion semble depuis rassurée par les déclarations
françaises et l'accord intervenu.
D'autre part, la France se rapprochait de l'Italie et n'avait
aucune crainte à avoir de ce côté.
L'ambassadeur d'Allemagne connaissait les grandes lignes de
l'accord même avant sa signature (1). Il savait en particulier que la
France voulait « maintenir au Maroc l'état politique et territo-
(1) Lettre de M. Delcassé à M. Bihourd, ambassadeur de France à Berlin, dans
laquelle le ministre des affaires étrangères rapporte une conversation tenue avec
le prince de Radolin, 27 mai^ 1901 (Livre jaune).
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rial actuel » (1) que toutes les puissances bénéficieraient de l'accord
c notamment au point de vue des transactions commerciales que ne
pourra que favoriser l'établissement de la sécurité, qui est un des
premiers besoins du Maroc • (2). La presse d'outre-Rhin trouva
l'accord franco-anglais naturel et sans danger pour l'Allemagne
puisque t la France s'engageait à maintenir, durant une assez
longue période, la liberté commerciale et se chargeait de faire
régner en ce pays l'ordre, la sécurité et la régularité financière» (3).
Elle se préparait à appliquer sans brusquerie comme aussi sans
faiblesse l'accord d'avril 1904. Dans un article du Bulletin du
Comité de V Afrique française, M. Robert de Caix disait fort juste-
ment : € Nous n'allons pas faire la conquête du Maroc... Il faut que
nous soyons pour le maghzen des collaborateurs s'offrant à l'aider
à réformer ses finances, son armée, à réaliser peu à peu des tra-
vaux publics, à faire vivre le Maroc d'une vie économique moins
barbare. Mais, dans l'intérêt même d'une œuvre qui sera d'autant
plus profitable qu'elle évitera davantage les violences coûteuses,
toutes ces réfermes ne doivent pas être présentées au Maroc comme
on présente une cuillerée d'huile de ricin à un enfant. Nous devons
lui ménager les transitions, lui faire peu à peu parcourir les étapes
par l'intermédiaire de ses gouvernants. » Dans un but de prospec-
tion sagement comprise, une mission composée de MM. de Flotte
de Roquevaire, Flamant, de Segonzac, partait pour le Maroc.
Le maghzen, rassuré par le comte de Saint- Aula ire, envoyé en
mission à Fez, sur l'objet de l'accord franco-anglais du 8 avril,
acceptait des instructeurs français chargés de réorganiser la police
de Tanger.
Tout d'un coup, à partir de décembre, les dispositions du magh-
zen à notre égard changent complètement. Il avertit M. Saint-René-
Taillandier que € Sa Majesté chérifienne a décidé de congédier les
instructeurs étrangers » (4) : seule, l'attitude énergique de notre en-
voyé réussît à nous donner pour cette fois gain de cause. Mais, désor-
mais, tout est prétexte à difficultés de la part du Maroc.
En février 1905 se produisent les premières manifestations de
l'opposition allemande et on peut deviner les raisons du change-
ment d'attitude du sultan. L'Allemagne accuse la France de l'avoir
(1) et (2) Lettre proccdemmcnl citée.
(8) Dépêche de M. Bihourd à M. Delcassé du 12 avril IC'Oi (Livre jaune).
(4) Livre jaune.
LA PÉNÉTRATION l'RANÇAISK 5
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— 66 —
tenue à Pécart systématiquement. La suite des événements est trop
présente à Tesprit de tous et la raconter sortirait du cadre de cet
ouvrage qui se propose uniquement pour but de citer des faits et
non de les apprécier.
La conférence d'Algésiras doit en particulier régler la question
des impôts et des douanes et celle de la police générale du Maroc.
Celle-ci sera-t-elle confiée à une seule puissance ou à plusieurs Etats
européens, c'est ce que la suite des événements nous apprendra.
L'établissement du condominium aurait peut-être Finconvénient de
transformer le Maroc en un nouvel t homme malade » dont la seule
sauvegarde résiderait t dans les convoitises internationales qui se
balancent et se neutralisent en cherchant à se dépasser » (1).
Au point de vue de notre police sur la frontière de l'Algérie, tout
le monde semble être du moins d'accord. Il est impossible que nous
ne conservions pas son exercice.
Le grand problème international que nous venons d'exposer
sommairement, mis de côté, l'étude de nos rapports de voisinage
avec le Maroc devient bien plus simple.
La question de la frontière entre Oranie et Maroc n'apparaît plus
que comme un épisode de notre expansion saharienne urgent à
résoudre.
Nombreux furent les incidents qu'elle souleva : expédition de
rOued-Guir en 1870, opposition de la part du Maghzen à la con-
quête du Touât, bombardement de Figuig, incursions sans cesse
répétées des nomades sur notre territoire.
Il faut chercher l'origine même de ces difficultés dans le traité
défectueux de la Taffna, signé le 18 mars 1845.
Celui-ci fut tout à la fois un marché de dupes et un acte incom-
plet.
Les diplomates marocains prétendaient donner à l'Algérie les
limites qu'elle possédait à l'époque des Turcs.
Or, la Melouïya avait de tout temps formé la frontière entre les
deux empires. Tous les auteurs anciens sont unanimes à ce sujet, et
Salluste qui nous dit : t Le royaume de Bocchus, roi des Massessy-
liens, dont la capitale était Siga (Rachgoun), était séparé de celui
de Jugurtha, roi des Maures, par le fleuve Mulucha », et Strabon
(1) Auguste MouLiÉRAS, Le Maroc inconnu.
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— 67 -
qui cite le t Molochat » comme le cours d'eau mitoyen de la Maure-
tânie césarienne et de la Tingitane.
D'après Ibn-Khaldoun (1) lui-même : t Le Mag'rib el Akza (2)
est bordé à Test par la Melouïya. »
Cette Melouïya offrait Tavantage d'être une limite naturelle,
facile à interdire aux pillards.
Au lieu de la choisir pour frontière, le traité de 1845 la remplaça
par une ligne toute fictive prenant son origine près de Tembouchure
de rOued-Kin, se dirigeant d'abord au sud-ouest en suivant cette
rivière, puis au sud à partir de Si-Zaher jusqu'au col de Teniet-
Sassi.
Au-dessous de ce point, le traité ne connaissait que le désert. A
part quelques ksours reconnus à la France, tels que Sfissifa, Aïn-
Sefra, Thyout, Asla et les Moghrar; Figuig et Ishe déclarés maro-
cains, l'acte porte c qu'au Sahara il n'y a pas de limite territoriale
à établir entre les deux pays, puisque la terre ne se laboure pas et
qu'elle sert de pacage aux Arabes, des deux empires. >
En outre, l'article 6 déclarait que c quant au pays qui est au sud
des ksours des deux gouvernements, comme il n'y a pas d'eau, qu'il
est inhabitable et que c'est le désert proprement dit, la délimitation
serait superflue. >
Le Touât, le Tidikelt, le Gourara se trouvaient donc pour ainsi
dire escamotés par la diplomatie marocaine, dans cette seconde
partie du traité. La première enlevait à l'ancienne Algérie l'ama-
lat (3) d'Oudjda et le Zegdou, territoire des confédérations indépen-
dantes des Oulad-Djerir, Beni-Guil, Douï-Menia, Berâber, etc., etc.
Le Maghzen n'avait d'ailleurs jamais étendu en fait son autorité
sur les oasis d'Ische et de Figuig.
Le manque de frontière naturelle, la faiblesse du gouverne-
ment marocain et l'humeur belliqueuse des tribus du Zegdou de-
vaient sans cesse amener des difficultés et des conflits.
(1) Auteur arabe du xiv siècle.
(2) Il est assez piquant de constater que jamais indigène ne prononça le mot de
Maroc. Les premiers exploratoura européens le firent très probablement dériver de
Meri*ekach, Tune des trois capitales. Quant aux indigènes, ils désignent leur pays
par le terme général d* a El Karb », a l'Occident ». Les auteurs arabes anciens
dans leur langue plus savante, appellent le Maroc « El Mag'rib el Akra », « rExtrême-
Occident », c'est-à-dire l'ultime terre rencontrée par les invasions berbères et arabes
dans leur marche du levant vers le couchant.
(3) Gouvernement.
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— 68 —
Malgré toutes ces raisons de revendications^ la politique de la
France, de 1845 à nos jours, a toujours été empreinte d'une grande
modération et, pas plus aujourd'hui que jamais, elle n'a pris pour
but de ses efEorts de modifier le traité de 1845, de réclamer, par
exemple, le territoire d'Oudjda.
Mais s'appuyant sur l'histoire, elle a tenu à rendre à l'Algérie
ses anciennes dépendances méridionales et elle a cherché, d'accord
avec le maghzen, à fixer les points indécis du traité de la Taffna
D'autre part, si l'impuissance du gouvernement du sultan nous
a souvent obligés à intervenir et à faire œuvre de police, nous
n'avons jamais cherché à tirer profit à ses dépens des avantages
remportés sur les pillards et les dissidents.
En 1870, nos colonnes dépassaient vers l'ouest Figuig sans pro-
testation aucune du Maroc qui reconnaissait ainsi tacitement l'im-
possibilité dans laquelle il se trouvait de maintenir l'ordre sur ses
confins.
Durant toute Tannée 1869, en effet, Si-Kaddour, les Oulad-sidi-
Cheikh et plusieurs tribus (Douï-Menia et autres) n'avaient cessé
d'opérer de hardis coups de main sur notre Sud-oranais. Le général
de Wimpfen, commandant la province, avait obtenu l'autorisation
d'une forte expédition, trop forte même en raison des difficultés de
ravitaillement en eau que faisait prévoir la saison. Mais il lui fut
bien recommandé d'éviter toute tentative contre Figuig et les autres
ksours marocaines, t notre gouvernement ne voulant pas être en-
traîné à des opérations de siège susceptibles d'amener des complica-
tions qu'il importait d'éviter ».
La colonne comprenant 4,000 hommes environ fut alourdie par
un convoi énorme.
Passant à plus de 60 kilomètres à l'ouest dé Figuig, elle
s'avança jusqu'à l'Oued-Guir où elle rencontra et battit près d'Oum-
Dribina, les Douï-Menia. Le général de Wimpfen remonta ensuite
vers le nord, un détachement laissé à Bou-Kaïs y ayant été attaqué.
Il espérait obtenir sans coup férir la soumission d'Aïn-Chaïr. Mais
les habitants se montrèrent résolus à une énergique résistance et on
dut se décider à un bombardement.
Le lieutenant Bernadette, envoyé en reconnaissance, signala une
porte ménagée dans le mur. L'artillerie la prit pour objectif, mais
au moment où les zouaves furent lancés à l'assaut, on s'aperçut que
cette soi-disant porte n'était que peinte sur le mur. Les obus s'étaient
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enfoncés dans les remparts en terre du ksour, sans produire de dégâts
considérables. Sa brèclie était insuffisante et les échelles apportées
trop courtes : Tassant échoua. Une seconde tentative ne fut pas plus
heureuse quelques jours après. Le général Chanzy, qui commandait
en second la colonne, donna le conseil de couper les palmiers : on
priverait ainsi les Figuiguiens de dattes et en même temps des
récoltes qui ne peuvent pousser qu'à Tombre des arbres.
Devant un commencement d'exécution de cette menace, les ksou-
riens demandèrent Taman et apportèrent des cadeaux de gada. La
colonne reprit la route de TOranie. Pendant ce retour, elle eut à
subir de grandes privations et son arrière-garde dut sans cesse faire
tête aux maraudeurs. En outre, la cavalerie beaucoup trop nom-
breuse pour le but qu'on s'était proposé, trouva la plupart des mares
taries et dut souvent doubler les étapes pour pouvoir boire. Devant
Aïn-Chaïr, plusieurs officiers avaient été tués, parmi ces derniers
le commandant Surtel des bureaux arabes et le commandant de
l'artillerie de la colonne. On comptait en outre 13 hommes tués
et 130 blessés, dont 4 officiers (1).
En 1872, le capitaine Ben-Daoud, qui dirigeait l'annexe d'El-
Aricha, réussit à conclure un traité avec les Douï-Menia, en se ser-
vant de l'influence du marabout de Kenadsa. Mais il en fut de cet
arrangement comme de tous ceux conclus avec les nomades, ses effets
furent de peu de durée.
En 1882, les tribus indépendantes prêtèrent leur concours à la
révolte de Bou-Amama. Cette même année, les Beni-Guil, partis de
Ras-el-Aïn venaient razzier nos sujets de Sebdou et d'El-Aricha,
Le lieutenant-colonel Duchêne reçut le commandement d'une co-
lonne destinée à châtier les pillards. Celle-ci suivit le versant nord
du djebel El-Abed, en passant par Sidi-Salem. Le 18 mai, au moment
où l'on arrivait à l'Oued-Charef, l'ennemi fut signalé et battu à
plate couture dans la vaste plaine qui s'étend sur la rive gauche
de ce cours d'eau. La cavalerie le poursuivit sur une étendue de
17 kilomètres.
En 1882, comme en 1870, on s'était donc contenté de punir les
brigandages des nomades sans chercher à opérer une annexion quel-
conque ; le Maroc s'en était d'ailleurs fort peu ému.
La question du Touât fut plus ardue à résoudre.
(1) Tous ces renseignements ont été communiqués à l'auteur de la présente
étude par son père qui prit part à l'expédition de l'Oued-guir.
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— 70 —
En vertu de la théorie de Thinterland universellement admise
par les puissances européennes, les trois groupes d'oasis compris
sous ce nom générique (Touât, Gouiara et Tidikelt), relevaient
indiscutablement de TAlgérie avec laquelle ils avaient d'ailleurs
conservé des relations commerciales.
Les uns et les autres se les étaient longtemps disputés. L'empire
Songhay (1) du Soudan s'était étendu jusqu'au Touât dans la pre-
mière moitié du xvi® siècle. Plus tard, vers la fin de celui-ci, les
Marocains reconquirent le Touât en même temps que la majeure
partie de l'ancien empire des Askia.
Leur mauvaise administration, l'éloignement de leurs possessions
et les brigandages des Touareg appauvrirent toute cette partie du
Soudan et par contre-coup les oasis qui faisaient un grand commerce
avec Tombouctou.
C'est d'ailleurs dans le Touât que commencèrent les premières
révoltes contre les Marocains. Es-Sadi (2) rapporte que t le pacha
marocain, Ali-ben-Abd-el-Kader, quand il arriva dans ce pays, fut
surpris par Filâli-ben-Isa-Er-E-liaman-el-Berbouchi qui, à la tête de
ses partisans, fondit sur lui pendant la nuit dans le but de le tuer ».
Devenues bientôt complètement indépendantes, les oasis refu-
sèrent de se plier à toute domination étrangère quelle qu'elle fût et
tinrent leur promesse.
La diplomatie chérifienne avait, comme nous l'avons déjà fait
remarquer, négligé de parler du Touât dans le traité de 1845 et,
depuis cette époque, le Maroc n'avait jamais fait acte de souverai-
neté sur lui.
Dès 1850, notre représentant à Tanger, M. Bourée, avait ainsi
résTimé la question : c Quoi que nous puissions faire dans le sud, en
dehors de l'occupation de Figuig, nous resterons dans la lettre et
l'esprit du traité (de 1845). »
En 1864, Rohlfs, peu suspect de partialité en la matière, décla-
rait que le Touât était t l'étape nécessaire entre l'Algérie et le
Soudan ». « Au sud de la grande Algérie, écrivait Largeau quelques
années plus tard, deux villes du Sahara sont admirablement placées
(1) L'empire Songhay de Gao eut son apogée vers la fin du W siècle. Il
s'étendait sur une grande partie du cours moyen du Niger, du Daidi à Tombouctou.
(2) Auteur du Tarikh es Soudan, histoire du Soudan jusqu'en 1655. Traduction
Houdas.
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— 71 —
pour relier les riches contrées de TAfrique centrale à la Méditer-
ranée. Ces deux villes sont Ghadamès et In-Salah. >
Or, dans la première de ceô deux oasis, nous avions été devancés
par lee Turcs, il s'agissait de ne point laisser les Marocains nous
enlever la seconde.
Aux affirmations précédentes, Duveyrier ajoutait celle-ci (1879) :
c Les Touâtiens reconnaissent le souverain marocain comme une
espèce de pape si Ton veut, mais il n'a aucune autorité directe sur
le pays. »
En outre, les habitants et les nombreux dissidents qui avaient
trouvé refuge au Touât ne cessaient de nous provoquer. En 1874,
Soleillet envoyé en mission vers le Tidikelt, pouvait à peine y jeter
un coup d'œil et devait rapidement s'éloigner. La même année, plus
à Test, deux voyageurs Doumeaux-Duperré et Joubert étaient assas-
sinés sur la route de Ghadamès à Ghât et en 1876, les Pères blancs
Paulmier, Ménoret et Bouchard étaient tués avant même d'arriver
à Hassi-Inifel. Les ordres d'assassinat étaient manifestement partis
d'In-Salah devenu un grand centre d'agitation musulmane et de
résistance à l'infidèle. Quelques années plus tard, le meurtre de Flat-
ters eut le même point de départ.
La colonne Galliffet, lancée de Batna sur El-Golea en 1873
n'avait relevé que très momentanément notre prestige danp ces
régions. L'assassinat du lieutenant Paleit près d'In-Salah et celui
de Camille Douls entre l'Aoulef et l'Akabli (1886) mirent la mesure
comble.
Dès 1891, M. J. Cambon, gouverneur de l'Algerîe, fit tous ses
efforts pour amener l'occupation du Touât.
Le poste d'El-Golea fut créé, puis peu après ceux de Chebbâba
(fort Miribel), d'Hassi-el-Homeur (fort Mac-Mahon) et enfin
d'Hassi-Inifel (1892). La première de ces oasis était à cheval sur
les routes du Gourara et du Tidikelt avec un poste avancé dans cha-
cune de ces directions : Fort-Mac-Mahon vers Timimoun, Fort-
Miribel vers In-Salah.
Hassi-Inifel gardait en outre la route d'Ouargla à In-Salah,
protégeant sur son flanc droit celle de l'Oued-Rihr à El-Biadh.
En 1890, on avait renoncé à l'idée d'une conquête par la persua-
sion et l'occupation d'In-Salah avec 600 hommes avait même été
proposée.
En 1892, M. Cambon se rendit à El-Golea avec le général Tho-
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— 72 —
massin et eut une entrevue avec Si-Kaddour-ben-Hamza, chef des
Oulad-sidi-Cheikh, rallié à la France. Celui-ci s'offrait à faire la
conquête des oasis du groupe touâtien avec 1,000 cavaliers indi*
gènes, à la condition d'être sputenu par 600 fantassins. Dès 1891.
une délégation venue du Gourara et réunie sous l'influence de ce
même Si-Kaddour, avait signé à Géiyville une reconnaissance écrite
de la souveraineté de la France sur les oasis.
Il est intéressant de chercher à se rendre compte des motifs qu^'
ont pu pousser les Oulad-sidi-Cheikh à se rapprocher de la France.
Ayant perdu leur prestige dans le Sud-oranais, ils ont réussi depuis,
grâce à leur caractère religieux, à se créer une zone d'influence
plus au sud. Plusieurs de leurs tribus habitant, en effet, le Touât,
ils ont des partisans dans tous les clans politiques de cette région.
Il est fort probable que les propositions faites en 1892 par Si-Kad-
dour étaient dictées par le désir d'établir sa propre autorité sur les
oasis de l'extrême-sud en se servant du nom et de l'aide de la France,
Il eût peut-être été fort dangereux pour nous de laisser se déve-
lopper une telle influence.
D'ailleurs, le fantôme marocain et la crainte des complications
diplomatiques effrayaient.
Le gouvernement chérifien avait protesté contre Toccupation
d'El-Golea et avait même nommé des caïds dans les ksours de
rOued-Saoura ; son autorité ne put néanmoins s'étendre sur la
région àea oasis.
Les années 1895 et 1896 virent une période fort troublée. Notre
vieil ennemi Bou-Amama fomentait contre nous la révolte chez les
Beni-Ghouni oii il ralliait nombre de dissidents.
En avril 1895, un rezzou s'abattait sur El-Feidj, près d'El-Golea.
En mai, un convoi à destination de Fort-Mac-Mahon était attaqué.
En août 1896, des mehara étaient volés à ce même poste. Dans la
nuit du 3 au 4 décembre, une bande de Châamba dissidents razzia
les Larbaa à Bel-y-Adine-Tahtani, au sud de Laghouât.
Le commandant Godron, commandant supérieur de Gér5rville,
qui, dès 1895, avait poussé une pointe hardie sur Tabelkosa, se lança
à la i)oursuite des fuyards.
Ralliant sur l'Oued-Gharbi les cavaliers de Si-Kaddoùr, il fran-
chit en onze jours l'espace d'environ 550 kilomètres qui sépare Géry-
vill^ de Beni-Ghouni. Après avoir battu trois fois les dissidents, il
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— Ta-
ies poursuivit dans Terg et s'empara de 120 tentes à Hassî-Djedid-
Oussani.
Les Châamba implorèrent Taman et on leur donna comme cKefs
des marabouts des Oulad-sidi-Cheikh pour les retenir dans Tobéis-
sance.
Des expéditions scientifiques étaient menées parallèlement aux
colonnes répressives.
En 1897, M. Flamant traversait Terg occidental de Hassi-bou-
Zid à Hassi-Targui, recueillant des renseignements précieux sur la
géologie de la région, le mouvement des caravanes annuelles de
notre Sud-oranais vers le Gourara et la possibilité pour des piétons
de faire dans les dunes des étapes de 20 à 25 kilomètres par jour sans
trop de fatigue.
En 1899, la question du Touât allait enfin être résolue; les capi-
taines Qermain et Laperrine (1) auraient été à même de la tenter
dès 1896, s'ils en avaient reçu Tautorisation.
M. Flamant était à nouveau chargé d'une mission scientifique
et, escorté par le goum du capitaine Pein, arrivait le 27 décembre
en vue des palmeraies d'In-Salah.
Attaquée infructueusement le 28 par les indigènes qui donnèrent
ainsi un suffisant prétexte à l'offensive, et renforcée par les spahis
du capitaine Germain, et du lieutenant Soudant, la mission s'em-
parait du Ksar-el-Àrab'et s'y maintenait par le combat d'Igosten.
Le 5 janvier, une nouvelle tentative des indigènes était repoussée
à Deramcha. Il en fut de même les 24, 25 et 26 du même mois. Nos
soldats avaient d'ailleurs reçu un renfort de 400 hommes sous les
ordres du commandant Baumgarten.
Le 26 février, un convoi de ravitaillement envoyé d'El-Golea,
arrivait à In-Salah.
Une autre colonne partie du même point et commandée par le
lieutenant-colonel d'Eu s'était acheminée vers le Tidikelt.
Sur ces entrefaites, on apprit qu'In-Salafi était devenu le point
de concentration de contingents ennemis du Touât et du Maroc. Le
lieutenant-colonel d'Eu arrivé à In-Salah le 15 mars et informé de
ce rassemblement provoqué par El-Driss-ben-Naïsmi qui s'était,
pour la circonstance, décoré du nom de t pacha de Timmi », se mit
(1) Ils étaient arrivés à quelques kilomètres d'In Salah
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— 74 —
aussitôt en marche pour le disperser et s'empara du ksar El-Akhal
où rennemi avait concentré sa résistance.
Les Touâtiens perdirent beaucoup de monde dans cette ren-
contre^ mais nous eûmes 9 tués et 12 blessés, dont 2 officiers de tirail-
leurs. Une colonne légère poursuivit Tennemi dans la direction de
rAoulif.
Dès le début des opérations, une colonne commandée par le
colonel Bertrand avait reçu la mission de marcher par Djenien-
Bou-E-ezg sur Igli.
Elle devait ainsi couper les communications entre le Maroc et
les oasis touâtiennes et empêcher les nombreuses tribus nomades
qui passent sans cesse d'un pays à Tautre de venir porter secours
à leurs coreligionnaires.
Igli fut occupé le 5 avril.
D'autre part, le 12 mai, le lieutenant-colonel d'Eu revenait d'In-
Salah à El-Golea par la route directe du Tademaït.
Pendant ce temps, deux colonnes se dirigeant d'El-Golea, Tune
par la dépression du Meguiden (colonel Ménestrel), l'autre de Gery-
ville par l'erg vers le Gourara (commandant Letulle), faisaient leur
jonction le 17 mai à Tahantas et occupaient le ksar de Fatis. La
djemmâa de Timimoun envoya sa soumission au colonel Ménestrel :
le Gourara tombait entre nos mains sans combat.
Durant le cours de toutes ces opérations, le Tafilelt et Figuig
s'étaient agités en pure perte, le gouvernement marocain n'osant
pas prêcher ouvertement la guerre sainte. Son influence était d'ail-
leurs bien faible dans la région. Rien de sérieux ne fut tenté contre
nous.
La colonne d'Igli, son rôle de couverture rempli, se retira en
laissant derrière elle des garnisons à Igli, chez les Beni-GLouni et à
Djenan-ed-Dar, en faoe de Figuig.
Tin convoi destiné à ravitailler ces postes fut attaqué à Moungar
par les Douï-Menia. La compagnie montée du 2* étrangers parvint
à les repousser par une défense énergique.
La campagne allait d'ailleurs se composer désormais d'actions
isolées du même genre.
Un poste avait été établi à Timimoun.
De ce point, le capitaine Falconetti et le goum du capitaine
Pein s'étaient dirigés, à la fin d'août, vers Deldoun où une cer-
taine effervescence régnait depuis quelque temps. Ils se trouvèrent
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— 78 —
bientôt aux prises avec de nombreux Berâber à Sahela-Metarfa.
La i)etite colonne renforcée par le capitaine Jacques se retira vers
Timimoun après deux sanglants combats livrés à l'ennemi. Lo
capitaine Jacques avait trouvé une mort glorieuse dans Tun de
oes engagements.
Cette attaque des Berâber ne fut pas soutenue par les ti^bus
du sud-est marocain qui étaient rentrées sur leurs terres habi-
tuelles.
Sur ces entrefaites, le général Servière, revenant d'ime ins-
pection dans le Tidikelt, accompagné d'un simple goum que com-
mandait le capitaine Pein traversait le Touât et occupait Adrar
sans coup férir. Il parcourut ainsi toute la région de Taourirt dans
le Beggan jusqu'à Timimoun.
De oe côté, on voulut empêcher le retour d'attaques dans le
genre de celle de Sahela-Metarfa. Une résidence militaire fut
créée dans la capitale du Gourara et elle fut confiée au colonel
Cauchemez du 4*^ zouaves, bous la dépendance du général com-
mandant à Laghouat.
Vers la frontière du Maroc, le poste de Zoubia-Duveyrier fut
attaqué à son tour par une bande de dissidents, dans la nuit du
30 septembre. On lança contre eux une colonne légère qui battit
les rebelles près de Nakhelat-ben-Germach, razzia les Beni-Smir
et tua leur chef (le 3 octobre).
Au commencement de 1901, des opérations combinées furent
exécutées avec le Gourara pour point de départ, d'un côté, et de
l'autre le Tidikelt. Elles devaient obtenir des résultats décisifs.
Le général Servière pénétra dans les oasis du nord du Touât avec
650 hommes seulement, pour descendre vers le sud et aller relever
les garnisons du Tidikelt. Celles-ci, de leur côté, devaient remonter
à sa rencontre.
Il reçut la soumission de Sahela-Metarfa et entra à Brinkan
et à Tsabit.
Pendant ce temps, les Berâber, au nombre d'un millier, atta-
quaient Timimoun le 18 février.
Ils furent énergiquement repoussés par le commandant Rei-
bell qui leur tua ou blessa 300 hommes. Mais nous avions 9 morts
et 28 blessés (dont 2 officiers).
Les dissidents avaient donc réussi à déjouer la surveillance
des postes de l'oued Zousfana.
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— 76 —
En apprenant ces événements, le général Servière remonta
vers le nord, dans le but de protéger les oasis du Touât contre les
Berâber et de tenter de leur couper la retraite.
Il livra le violent combat de Charouin à l'ennemi qui se retira.
Ce dernier surpris le lendemain par une reconnaissance (dirigée
par le capitaine Hamilton), à l'endroit même où il avait passé la
nuit, se vit infliger une nouvelle défaite. La djemmâa de Cha-
rouin vint faire sa soumission et on exigea d'elle cinq otages. Le
5 mars, l'oasis était occupée.
Telmin qui essaya de résister dut subir les mêmes conditions
que Charouin. Un poste fut laissé à Adrar. Le général Servière
remonta ensuite l'oued Saoura et fit sa jonction à £.sabi avec la
colonne qui opérait au sud d'Igli.
Le général Risbourg, commandant la division d'Oran, s'était
en effet avancé le 2 mars jusqu'à Beni-Abbès, puis à El-Pittâtat,
au centre de la palmeraie des Ghenâmma qui firent leur soumis-
sion. La colonne rentra ensuite à Taghit. Le colonel Billet s'était
rendu à Kerzaz dont le marabout était venu faire des avances au
chef de la colonne.
Malgré tous nos succès nous avions sans cesse à craindre une
attaque sur notre flanc droit. La question de la frontière du Maroc
venait de plus en plus se greffer sur celle de notre pénétration
saharienne.
On tenta d'arranger les choses diplomatiquement par le proto-
cole du 20 juillet 1901, dont le texte n'a pas encore été publié. On
en connaît néanmoins les clauses principales dans leurs grandes
lignes. Le gouvernement chérifien cédait à la France partie des
territoires des Douï-Menia et des Oulad-Djerir, les tribus étant
mises en demeure d'opter pour la France ou le Maroc. Ce dernier
établissait à poste fixe un représentant à Figuig. Enfin, il fut
décidé qu'une commission mixte opérerait la délimitation de fron-
tière sur le terrain même. On put donc croire un moment la ques-
tion liquidée. C'était là reconnaître au gouvernement du sultan
une autorité qu'il n'avait pas en ces régions lointaines. La députa-
tion marocaine dut, pour plus de sûreté, passer par Alger, puis
prendre la voie ferrée sud-oranaise.
Le maghzen montrait bien par là qu'il n'était pas le maître
sur son propre territoire et les fières tribus indépendantes ne virent
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- 77 —
pas sans un certain ctonnement les ambassadeurs du sultan pro-
tégés par Tétranger.
Néanmoins, tout parut d'ailleurs aller fort bien. Le 10 février
1902, le général Cauchemez et Si-Mohammed el Guebbas, accom-
pagnés des deux commissions, entraient à Zenaga, le ksour le plus
important de Figuig où la diffa leur était offerte. Bou-Amama,
réfugié dans Toasis depuis Toccupation du Gourara par nos troupes,
se retira dans la direction d'Aïn-Chaïn. Il craignit même quelques
jours un coup de main sur sa personne.
Enfin, le représentant du Maroc à Figuig fit venir, toujours
par la voie ferrée sud-oranaise, 160 soldats destinés à assurer la
police et à percevoir les impôts, chose toute nouvelle en ces régions.
Beni-Ounif fut en même temps occupé par un fort détachement
français.
En raison de la rectification de frontière opérée, le tracé du
prolongement de la voie fériée sur Igli put être modifié et éviter
les sables de Toued Zousfana par son passage près de Beni-Ounif
et vers Bou-Tala.
En outre, les tribus iii ^igènes auxquelles il était permis d'opter
restèrent en grande majori è sur leur territoire et, par le fait même,
acceptèrent la domination française.
Elles auraient eu d'ailleurs beaucoup de mal à trouver à se
caser au milieu des tribus marocaines peu disposées à céder la
moindre partie de leurs pâturages.
Par malheur, le bel édifice ébauché par le protocole de 1901
s'affaissa subitement comme un château de cartes. La révolte
marocaine vint tout bouleverser.
En ranimant le fanatisme musulman, elle amena les pires com-
plications. Bou-Amama qui, à un moment, avait songé à demander
l'aman, ne tarda pas à reprendre en sous-main ses agissements
dont on retrouve la trace dans tous les récents événements. La
garnison marocaine de Figuig se vit réduite à l'impuissance devant
l'exaltation sans cesse croissante des habitants de l'oasis, pactisa
même peut-être avec eux.
Il ne se passa plus guère de jour sans provocation des Zena-
gîens, les plus acharnés de tous, à notre égard. Le guet-apens
tendu au gouverneur de l'Algérie nous décida à un châtiment
exemplaire : le bombardement de Zenaga amena la soumission
tout au moins, momentanée de l'oasis.
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— 78 —
Il ne faut pas voir dans cette intervention d'absolue nécessité
une nouvelle orientation de notre politique vis-à-vis du maghzen.
Ce ne fut en somme qu'une opération de simple police sans arrière-
pensée de conquête.
Il serait fort dangereux, en effet, de s'aventurer de ce côté dans
la voie des annexions, car, Figuig pris, il serait bien difficile de
s'arrêter en chemin.
Le protocole de 1901 a institué la réciprocité des bons offices
entre le Maroc et la l'rance, en vue de maintenir chacune dans
leur zone propre, d'une part notre autorité et de l'autre celle du
sultan. Ce dernier, en raison de la crise actuellement traversée
par son. empire, se trouve impuissant plus que jamais, dî^ns le
sud-est. La tâche de maintenir l'ordre dans la région frontière
nous incombe donc tout entière. C'est là un rôle fort ardu, le combat
d'El-Morra servit à le prouver une fois de plus.
C. — La région-tampon entre Sud-oraiiais et Maroc,
Organisation de la frontière.
Avant de chercher la manière de défendre une frontière, il
semble de toute utilité de la connaître d'abord à fond.
La région du Maroc voisine de la frontière algérienne, limitée
à l'ouest par le cours de la Melouïya, se divise du nord au sud en
cinq parties nettement distinctes. Ce sont les monts des Beni-Snas-
sen, la plaine d'Angad, les djebel Bou-Zeggou et Zekkara, le Dahra
et les hammadas du sud.
Au sortir du rivage et de la plaine de Trifa, le sol s'élève et
forme la chaîne des monts Iznaten ou Snassen. L'aspect général
de ses hauteurs semble être celui d'un immense cirque d'où part
dans tous les sens un fouillis inextricable de chaînons.
€ Sur les sommets poussent le chêne vert, le lentisque, le chêne-
liège, l'ormeau, le tremble.
€ Dans les vallées, sur le flanc des coteaux, régnent d'innom-
brables arbres fruitiers : figuiers, orangers, caroubiers, amandiers,
noyers, jujubiers, grenadiers sur lesquels grimpe la vigne. Au pied
des collines, dans les plaines, l'alfa et les figuiers de Barbarie
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— 79 —
sont les maîtres du sol. Toute cette belle contrée est arrosée par
de nombreux ruisseaux (1). »
On a pu la comparer à une petite Suisse. Elle est habitée par
la tribu des Beni-Snassen, de langue et de race tamazirt (2).
Ce sont d'excellents travailleurs qui se livrent à la culture du
blé et de Torge et à l'élevage des troupeaux. Leur nombre s'élè-
verait à 56,000 susceptibles de fournir plus de 11,000 guerriers
d'un fanatisme excessif.
Au sud de ces montagnes s'étend la plaine d'Angad, vaste
désert qui touche d'une part à Marnia et de l'autre à la Melouïya.
Vers le sud-ouest, elle est prolongée par la plaine de Tafrata, située
sur la rive gauche de l'Oued-Za, L'une et l'autre font partie de
cette longue trouée au sol uni et couvert de végétation au lende-
main des pluies seulement, qui forme une voie naturelle entre
l'Algérie et Fâz.
Oudjda, ville entourée de vastes jardins d'oliviers et arrosée par
des sources abondantes, est le centre le plus important de la région.
Sa population s'élève à 5,000 ou 6,000 habitants. Elle fait un com-
merce important avec Marnia. Diverses tribus nomades parcou-
rent la plaine, ce sont les Mehaïa, les Ghedja et les Angad, tous
d'origine arabe.
La partie méridionale de l'Angad vient mourir contre les hau-
teurs du djebel Bou-Zeggou et du djebel Zakkara, habitées par des
peuples de race tamarzit.
Au-dessous de ces montagnes commeiioe le Dahra marocain, de
tous points analogue aux hauts-plateaux algériens, immense étendue
déserte de sol uni et dur sans pourtant être pierreux, avec l'alfa pour
toute végétation.
L'eau ne s'y rencontre que dans des puits peu nombreux ou
dans quelques redirs au moment de la saison des pluies. L'hori-
zontalité du sol a permis la formation de grands chotts tels que le
Gharbi et le Tigri, presque à sec une bonne partie de Tannée.
(1) Aug. MouLiÉRAS, le Maroc inconnu,
(2) Communément appelée Berbère. Voir plus loin les lignes consacrées à la
race tamazirt.
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— 80 —
Le DaLra est le domaine par excellence des nomades : les Aït-
Tserrouchen de race tamarzit et surout des Arabes : les Beni-Matar,
les Oulad-sidi-bou-Chenafa, les Oulad-sidi-M'Ohammed-beni-Ha-
mad, les Beni-Guil enfin, nos ennemis acharnés qui s'étendent jus-
qu'à Aïn-Chaïr, ksar soumis à leur influence.
Au sud-est, le Dahra est borné par une ligne de hauteurs com-
mençant au-dessus d'Aïn-Sefra, puis formant le talus de droite du
fossé de Toued Zousfana, jusqu'aux environs de Taghit.
Elles comprennent le djebel Maïz et le djebel Grouy qui domi-
nent Figuig, le djebel Antar et le djebel Bechar. Leurs plus hauts
sommets atteignent 2,000 mètres environ. La région limitée par le
Grand-Atlas au nord, l'oued Ziz à l'ouest et le djebel Bechar au sud-
est, est formée de vastes hammadas au sol pierreux qui se continuent
sur la rive gauche de l'oued Zousfana, de Taghit vers El-Abiodh-
sidi-Cheikh. On y voit souvent paraître le grès dévonien sortant du
sol sous la forme de larges dalles.
Deux cours d'eau principaux, la Melouïya et l'oued Guir bai-
gnent cette partie du Maroc limitrophe de l'Algérie que nous venons
de décrire sommairement.
La première de ces deux rivières reçoit ses eaux du djebel
Aïachin, point de jonction entre le Moyen et le Grand- Atlas. Elle
se déroule bientôt au milieu d'une grande plaine.
A partir de Gçabi-ech-Cheurfa, le fleuve lui-même coule au
fond d'une tranchée profonde d'environ 40 mètres et large de 1,500.
De belles plantations et des jardins tapissent le fond de cette
dépression sur une longueur de plus de 15 kilomètres. Au delà, les
tamarins remplacent les cultures. Jusqu'à Oulad-Hamid, la vallée se
maintient fort large et atteint parfois jusqu'à 30 kilomètres d'ampli-
tude. Aux environs de ce point, elle traverse le Moyen- Atlas entre
le djebel Aït-Tsegrouchen et le djebel Debdou. Les rives s'y couvrent
à nouveau de cultures. Au sortir des montagnes, la Melouïya entre
dans les plaines de Tafrata et d'Angad et roule heureuse et tran-
quille jusqu'à la mer.
Les principaux centres de la vallée sont : Gçabi-ech-Cheurfa,
habité par des Haratins et des Cheurfa originaires du Tafilelt
(560 fusils environ), Misour (plus de 800 fusils), Outat-el-Hadj,
groupe d'environ trente ksours (850 fusils), Oulad-Hamid et Rc-
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foula. La population est un mélange de Berbères (Beni-Mgild, Aït-
Aïach, Aït-Joussi, Aït-Tserrouchen) habitant surtout les dernières
pentes des montagnes et d'Arabes semi-nomades (Oulad-Khaoua,
Oulad-el-Hadj, Houara, Hollof et Beni-Oukil.)
Le principal affluent de la Melouïya est Toued Charef. Il ne pos-
sède pas d*eau et traverse un pays désert jusqu'à Ras-el-Aïn. A
partir de cette localité, il prend le nom de Za et coule au milieu de
riches cultures.
Le pays montagneux de Dedbou, compris entre la Melouïya et
l'oued Za dépend du caïd de Thaza. Il est surtout habité par des
Chellah et des Juifs.
L'oued Guir descend de l'extrémité orientale du Grand-Atlas,
non loin du col de Tizi-N'Telremt qui met en communication Fâz,
Debdou et Oudjda avec le Tafilelt.
Les pluies d'hiver rendent parfois une partie de son cours à
l'oued Guir qui, d'ordinaire, ne coule que souterrainement. Les rive-
rains peuvent alors se livrer à la culture. Le pays est d'ailleurs assez
riche : le nombre des palmiers de Toasis de Kenadsa a été évalué
à 150,000. Cette appréciation est peut-être un peu exagérée. Ouakda
et Béchar, localités voisines, n'en possèdent à elles deux que 40,000
environ. Un peu avant Igli, la vallée s'élargit et forme comme la
cuvette d'un lac : t El-Bahariat », t la petite mer ».
L'oued Zousfana descend des montagnes du nord-ouest de Figuig.
Cette oasis est abritée des vents par une couronne de hauteurs éle-
vées, prolongements du djebel Grouz, du djebel Maïz et du djebel
Bechar à l'ouest et au sud; du djebel Beni-Smir au nord, du djebel
Tahtani à l'est.
L'oasis offre la forme d'une terrasse sur la lisière septentrionale
de laquelle sont placés sept des huit ksours qu'elle renferme et qui
sont : El Abid, Oud'ar'ir, Oulad-Sliman, El Maïz, Foukani-et-Tah-
tani, El-Hamman-Foukani-et-Tahtani.
Le huitième Zenaga est dans un fond^ séparé d'Oudar'ir par un
escarpement de 50 mètres. Il n'a point de source et était, en consé-
quence, tributaire d'Oudar'ir avec lequel il partageait celle d'Aïn-
Zeddert.
Cette situation a amené bien des luttes, chacun voulant à tour
de rôle accaparer l'eau.
PÉNÉTRATION FRANÇAISE C
^ ^ A
■$XB!BLI0THÈQU^
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ZeBUga a fini par demeurer victacie«z «t a «xeseé depuis uaye
grande inflttence politique sur les autres kseuxs.
L'alimentation en eau de toute Toasis est exehisiyemeiit assurée
par des sources. L'une d'entre elles est chaude et sulfureuse,
c L'oasis contient de beaux jardins assez bien entretenus avec des
orangers, des citronniers, des grenadiers, des figuiers et des pêchers»
au-dessus desquels les hauts palmiers étalent leur couronne. »
(Schaudt.)
La répartition de l'eau assez bien assurée donne la vie à près
de 400,000 palmiers. Le chiffre total de la population atteind^it
20,000 âmes et serait susceptible de fournir 1,600 fusils. Figuig,
grand centre d'agitation musulmane, a toujours servi de refuge à
nos ennemis. La récente correction qu'elle a reçue changera-t-elle
son caractère ombrageux et difficile ? Il est permis d'en douter et
un jour ou l'autre, il faudra sans doute faire un nouvel exempte.
La vallée de l'oued Zousfana, longtemps bordée par les mon-
tagnes, entre dans la hammada aux environs de Taghit et enfin, un
peu avant Igli, longe les sables de l'erg occidental.
Dans le V que forment l'oued Guir et l'oued Zousfana, pénètre
en quelque sorte une avancée du désert dont la monotonie n'est
rompue que par les palmeraies des 'deux vallées. C'est là le domaine
favori des nomades du Zegdou auxquels nous avons eu si souveut af-
faire dans notre Sud-oranais.
Les Ahmour habitent les montagnes escarpées à l'est de Moghrar
et possèdent le ksar d'Iche.
Les Oulad-Djerir sont éparpillés entre Figuig et l'oued Guir.
Leur ksour principal est Kenadsa, situé au milieu d'une petite mer
de sable et à la base d'un plateau isolé. Il possède une zaouïa de
Sidi-bou-Zian qui date du xi* siècle.
Les Douï-Meuia, beaucoup plus importants en raison de leur
nombre (25,00G environ, pouvant fournir 3,500 fusils) et de kur
audace, évoluent dans la partie la plus méridionale du V. Leurs
ksours principaux sont ceux de Beni-Ghouni, Ali-ben-Noma, Oglat,
Ladel, etc., etc.
Les Berâber enfin, une des plus grandes tribus de race tama-
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tfirt (1)' An Maroer, ecieupeR4^ tr>ui Ve»pace de terrais s'étencfiant (te
Toued Dra et du Tâdla d'une part, jusqu'à Foxted Ghiir <fe Fautre.
Ub. certain nombre d'e&tire eux aent sédentaii»», mais la majorité
est nomade. Leurs rezzous s'avanceiLt à Test jusque dansi le désect
de la Feïdja qui sépare le Petit- Atlas du Bani, à moins de 200 kilo-
mètres de Merrakech et sont, au sud, la terreur des caravanes du
Sahara.
Ils se divisent en deux grandes branche» : les Aït-Att» et les
Aït-Inlelmau, elTeff-mêmes partagées en de nombreuses fractions.
Celles-ci sont souvent livrées à des luttes intestines et ne se réu-
nissent que quand il s'agit d'un bon coup à faire ou de courir
sus à l'infidèle. Le» Berâber pourraient, prétend-on (2), mettre
100,000 hommes sur pied. Ce chiffre semble exagéré; En tous les cas,
leurs rezzoua lancés contre nos postes de L'oued Zousfana, du Gour
rara et du Touât atteignent parfois plusieurs milliers de combai-
tants.
Ni Beni-Guil, ni DouïrMenia^ ni Berâber, ne reconnaissenet l'au-
terité du. sultan. lia forment le Zegdou, mot amazir (3), qui sig^mfi»
confédération,, aorte d'Etat4ampon placé entre. le &ud-oranai9 et le
Maroc.
Le centre d'Igli est placé au confluent de l'oued Zousfana et de
l'oued Guir. C'était autrefois le point de passage des caravanes se
rendant du Tafilelt au Touât, d'où son extrême importance. Depuis
notre occupation du pays, le commerce semble s'en être détourné. —
Igli est malheureusement entouré de dunes de sable, surtout du
côté de l'est où vient mourir l'erg. C'est d'ailleurs une triste région
où le sable envahit tout. C'est encore là un ennemi avec lequel nous
aurons fort à compter.
Telle est cette région si mal définie par le traité de 1845, qui
sert en quelque sorte de transition entre nos territoires et ceux du
Maroc. Tfous voyons, en résumé, que la vie humaine sédentaire s'y
est concentrée seulement en quelques points, fort espacés le plus
souvent les uns des autres. Tout le reste est le désert, le royaume du
nomade. La notion de frontière ne peut entrer dans son esprit et
(1) Le nom de Berâber, légèrement modifié a été à tort étendu à tous les peuples
de race tamazirt.
(2) Canai , Géographie générale du Maroc.
(3) Masculin de tamazirt.
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sans cesse il passe d'un empiie à Tautre, suivant les pâturages et
les rezzous du moment.
Dans notre manque de frontière naturelle du côté du Maroc, il
nous a fallu en créer une artificielle.
Nous avons vu précédemment que la colonne Bertrand, après
son départ d'Igli, avait laissé quelques garnisons. Leur insuffisance
fut bientôt manifeste. On échelonna donc tout le long de Toued
Saoura et de Toued Zousfana, sortes de fossés sans grande impor-
tance défensive, les postes suivants : à Beni-Abbès, point de départ
d'une route vers Abouam, capitale du Tafilelt, une compagnie ; à
Igli, une autre compagnie de même qu'à Tagbit.
En outre, des redoutes furent construites à Hadjerat M'Guil et
à El-Morra. Duveyrier (ancien Zoubia) et Djenen-ed-dar, point
extrême atteint par le chemin de fer sud-oranais, reçurent des gar-
nisons.
Cette ligne de postes avait pour but de protéger la région des
Dasis contre les incursions des tribus pillardes Beni-Guil, Douï-
Menia et Berâber de l'oued Guir, Ghenâmma de l'oued Saoura. Ils
tenaient en effet les voies principales suivies par les caravanes : Igli
et Beni-Abbès, par exemple, fermaient les routes du Tafilelt.
On s'est, dans ces derniers temps, rendu compte que cette
chaîne de postes ne procurait pas une zone de sécurité suffisante.
TJn second rideau défensif a donc été projeté vers l'ouest : Bou-Aïech,
Ben-Zireg et Bechar-Colomb gardent le massif du djebel Bechar,
Aïn-Ben-Khelil protège Méchéria; enfin, un poste proche du chott
Tigri défendra les cols du djebel Grouz.
Mais les rezzous ne suivent pas forcément les itinéraires imposés
par le terrain et les puits aux caravanes. L'absence de convois em-
barrassants, la grande mobilité dont ils sont capables leur permet-
tent de percer là où bon leur semble le réseau de postes forcément
assez lâche qui leur est opposé.
En un mot, si nous nous en tenons à l'occupation pure et simple
de certains points de la frontière, nous ne pourrons jamais venir à
bout des nomades marocains. En quelque pays que ce soit, la défen-
sive passive est forcément vouée à l'insuccès final. A chaque rezzou,
il faut donc opposer un contre-rezzou aussi mobile que lui. Le sys-
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- 85 —
tème a été appliqué au Touât contre les Touareg du sud et a fort
bien réussi.
Les raids audacieux des lieutenants Gottenest (1902), Requin^
Guillo-Lohan (octobre 1902), du commandant Laperrine (mai 1903),
du lieutenant Besset (1903), du capitaine Pein (1903), ont amené
la soumission des derniers Hoggar (1).
Celle des Berâber et autres tribus de Test semble au premier
abord ofFrir plus de difficultés. La crainte des complications diplo*
matiques a souvent empêché les poursuites en territoire marocain.
Cette appréhension ne semble plus exister actuellement et on est
bien déterminé à châtier tous les brigandages. Les contre-rezzous y
mettront fin rapidement.
Chaque fois que nous avons employé oe procédé dans la région,
nous avons obtenu d'excellents résultats. Qu'il nous suffise de rap-
peler ici les opérations des deux colonnes volantes lancées dans le
Zegdou au moment du bombardement de Figuig.
La première, sous les ordres du commandant Pierron, compre-
nant 700 cavaliers du goum des Hamyan, un escadron de chasseurs
d'Afrique et un peloton d'infanterie légère, fut lancée au nord de
Figuig vers Calloul, les Feratis, Oglat-Moussa et Mazzer. Elle em-
pêcha les Beni-Guil et les gens de Bou-Amama, qui occupaient alors
la sebkha de Bou-Grara, de faire le moindre mouvement. La seconde,
composée d'un bataillon de tirailleurs, d'une compagnie montée de
la légion, d'un demi-escadron de spahis, d'une section d'artillerie
de montagne et du goum des Ahmour commandés par le colonel
d'Eu, s'avança de Beni-Ounif sur Ouakda et Bahar. Le goum aux
ordres du capitaine Susbielle, soutenu par un peloton monté de la
légion, poursuivit les Oulad-Djerir par Kenadsa, enleva Bou-Kaïr
et rentra à Bou-Zireg par Sfissifa.
Figuig avait été aussi privé de tout secours extérieur susceptible
de lui venir du nord ou du sud.
Plus récemment encore, un détachement parti du poste de Beni-
Abbès, commandé par le capitaine Begnault, a pu couper la route
à une harka berâber au moment où elle allait repasser la frontière
(l) Dès 1902, deux partis s'étaient formés chez les Hoggar. L*un partisan de la
paix fit sa soumission. Le chef de Tautre parti, Tissi-ag>Chikat, dut se réfugier
chez les Azdjer. — Le lieutenant Besset battit un rezzou qui s'était formé chez ces
derniers (1903).
Les Ifoghas de l'Adrar se soumirent à cette époque.
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et lui repremlœ toTct ikt hnim dont elle s'était empaatée (1). Mauki il
est de toute évidence que des fractions prélevées sur les ganxiMms^deB
postes ne peuvent s'aventurer bien loin en raison «de leur faible
effectif.
Il faut doue avoir toujours sous la nasÉin des contingents toirt
préparés et en nombre respectable. On a prépose, pour TempHr »cet
of&œ, les goams indigènes qui se déplacent avec une remarquable
Quittance, diaque cavalier pouvant vivre avec les quelques ipeignéès
de iaxine et de riz qu'il emporte sur son cheval. Mais il est de toute
nécessité que ces indigènes soient fortement encadrés. Ils ont, en
effet, les défauts comme ies qualités arabes.
Excessivement impressionnables, ils sont assez enclins à des
paniques subites. Combien de fois, par exemple, n'a-t-on pas vu
des goums chargés d'éclairer la marche d'une colonne se rabattre
tout d'un coup sur l'avant-garde et y semer le désordre !
D'autre part, une cavalerie non appœ^e par de Tinf anterie ^eet
parfois bien en l'air.
La meilleure solution semble donc résider dans la constitution
de colonnes très légètnes composées d'infanterie montée, d'un peu
d'iartUlerie au besoin et de goums indigènes autant que possible sou-
tenus par des fractions de cavalerie régulière.
La partie la plus omobile est au moment -favorable lancée très
en avant à la (poursuite de l'ennemi, pendant que le reste de la
colonne occupe un point important, oasis ou défilé par exemple.
La direction de ces opérations revient tout naturellement aux
officiers «des affaires indigènes.
En r^umé, maintien d'éléments défensifs gardant les roxrtes
principales, mais surtout emploi fréquent d'éléments mobiles sus-
ceptibles d'aller poursuivre les pillards jusque chez eux.
Cbi pourra ainsi suppléer à l'absence de limites naturelles. La
frontière de l'oued Melouïya, comme nous avons pu le constater
au cours de cette étude, vaudrait certes mieux, mais il faut «avoir
au besoin se contenter de ce que l'on possède et résoudre le pro-
blème suivant : étant donné un terrain quelconque, l'employer le
mieux possible dans un but déterminé qui est ici de l'interdire
aux nomades des hai^a.
(1) A la suite de cet événement, un décret en date du 13 octobre 1903 =a xsféé à
Beni-Abbès une compagnie ramatée.
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C'«8t ce qu'a fait de façon si toilîaftte M. le général Lyautey.
Ajoutons enfin que Ton ne doit se lancer à l'attaque des fesoui^B
qu'avec une grande prudence. Le moyen le meilleur d'obtenir leur
■oumissîoii semble être de les bombarder à distan<5e avec des pièces
de gros calibre permettant seules d'obtenir des résultats appré-
ciables contre les murs en ter^. Un autre procédé, mais qui ne
peut être employé qu'a la dernière extrémité ea raison du «mal
immense qu'il produit, «st celui mis en ceuvre à Aïn-Chaïr^n 1870 :
raser les palmiers (I). En général, les ksouriens demanderont Tamail
en voyant un commencement d'exécution de cette menace.
Se laisser entraîner dans la voie des annexions serait dange-
reux. D'après le principe de la goutte d'huile qui a toujours teu-
dafioe à s*élargir, il ^st parfois fort difficile de s'arrêter en chemin.
L'oued Melouïya atteint, peut-être serait-il bien tentant de le
dépasser. Lorsqu'il s'agirait de poursuivre des rezzous au delà de
cette frontière naturelle, on devrait d'ailleurs pénétrer dans une
région beaucoup plus difficile d'accès.
Il semble donc que îa question marocaine ne doit pas être
entamée par l'est.
D. — Organisation administrative des territoires du Sied.
Nos nouvelles conquêtes du sud : Gourara, Touât et Tidikelt
réclamaient une organisation. Le 25 mars 1901, la Chambre votait
un projet élaboré par le gouverneur créant les « Territoires dv
sud ».
Son premier article était ainsi conçu :
€ Les fractions des territoires militaires situés au sud des cir-
conscriptions suivantes : cercle de Marnia, annexe d'El-Aricha,
annexe de Saïda, cercle de Tiaret, annexe d'Aflou, cercle de Boghar>
annexe de Chellala, annexe de Sidi-Aïssa, cercle de Bou-Saada,
annexe de Barcha, poste de Ikont, cercle de Biskra, cercle de Ken-
khella, cercle de Tebessa, constituent un groupe spécial dénommé
(1) En raison de l'exaspération qu'il produit, ce procédé peut conduire les
ksouriens aux résolutions désespérées parfois dangereuses.
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— 88 —
territoire du sud dont l'administration et le budget sont distincts
de ceux de TAlgérie.
c Art. 2. Les territoires du sud sont dotés de la personnalité civile^
Ils peuvent posséder des biens, concéder des chemins de fer ou
autres grands travaux publics, contracter des emprunts. Le gou-
verneur de l'Algérie représente les territoires du sud dans les
actes de la vie civile, il ne peut contracter d'emprunt ou concéder
de chemins de fer ou autres travaux publics sans y être autorisé
par une loi.
c Art, 3. A partir du 1*' janvier 1903, il sera établi pour les
territoires du sud un budget autonome et distinct de celui de l'Al-
gérie.
c Art, S, Il pourra être accordé aux territoires du sud sur le
budget de la métropole une subvention dont le montant sera fixé
chaque année par la loi de finances. »
Le 6 décembre 1902, avant de se séparer, le Sénat votait le
projet de loi du 25 mars 1901.
Au point de vue militaire, les territoires du Sud ont été rati4i-
chés : Igli, Toued Saoura, le Gourara, le Touât, TAoulef et TAkabli
à Aïn-Sefra, le Tidikelt à Ouargla. La région du Tademaït cen-
tral et d'El-Golea, fort Mac-Mahon, fort Miribel, Hassi-Mifel lelè-
vent de Laghouât.
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CHAPITRE II
LE FBOBLÈHE DES ORIGINES DU SAHAAA
SA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE
Le Sahara n'est antre chose que la continuation des déserts
qui traversent TAsie du nord-est au sud-ouest (déserts de Gobi,
de Turkestan, de la Perse et de T Arabie).
Il couvre à lui seul près du quart de T Afrique et s'interpose
entre la zone fertile du littoral méditerranéen et le Soudan. Cette
importance de sa superficie et de sa situation expliquent l'ardeux
qui a été apportée à Tétude de ses origines. Au sujet de cellea-ci,
les opinions les plus diverses ont été émises. On a voulu longtemps
en faire le fond d'une mer aujourd'hui desséchée et relativement
peu ancienne, mais actuellement il est généralement admis que
cette hypothèse est dénuée de fondement, t La question de la sub-
mersion à Tépoque quaternaire paraît devoir être tranchée con-
formément aux vues de M. Pomel, dans le sens de la négative (1). »
Il est beaucoup plus probable que le Sahara suivit la loi géné-
rale de formation des bassins déprimés.
La surface du continent, présentant à l'origine l'aspect d'une
pénéplaine, se souleva bientôt sous l'effet des agents internes. Un
massif central, nœud du système (Ahaggar) se forma et se pro-
longea (Mouydir, Tummo, Tibesti, etc.) dans le sens nord-ouest —
sud-ouest, formant la dorsale africaine dont noua avons déjà parlé.
De ce massif jaillirent des sources nombreuses qui alimentè-
rent des rivières en quantité très grande. Celles-ci « fouillant le
sol, s'y creusèrent des lits sinueux, larges et profonds à travers des
plaines unies et faiblement inclinées. » Mais le gauchissement de
la surface originelle de l'Afrique donna en même temps naissance
(1) De Lapparknt, Traité de géologie.
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— 90 —
au bassin déprimé du Sahara. Il prit peu à peu l'aspect désertique,
les hauteurs qui Tenserraient arrêtant la vapeur d'eau que pou-
vaient contenir les souffles aériens. D'ailleurs, cette vapeur d'eau
rencontrant des régions de plus en plus chaudes, sa condensation
«n éprouve une difficulté d'autant plus grande à se produire.
L'action desséchante des veaite en vint à faire disparaître la cara-
pace argileuse qui recouvrait les couches sédimentaires du Sahara.
Les eaux filtrèrent au travers de ces dernières jusqu'à la rencontre
d'une nouvelle couche argileuse, des nappes liquides s'étendirent
ainsi sous le sol à des profondeurs variables et les rivières prirent
un cours souterrain.
A ces causes d'aridité, ajoutons encore le déboisement subi par
le Sahara, par le fait des pasteurs nomades.
L'action éolienne, continuant son œuvre de destruction, s'attaqua
aux roches et parvint à leur arracher des parcelles infimes trans-
portées par les courants aériens, elles vinrent s'accumuler peu à peu
en dunes contre les obstacles rencontrés sur leur route, normalement
au vent dominant de la r^ion.
Le problème des origines du Sahara se complique encore si l'on
veut assigner à sa transformation finale en désert, une date si appro-
chée soît-elle.
Quelques-uns ont été jusqu'à prétendre que le Sahara possédait,
à une date relativement récente, la fertilité qui lui fait actuellement
défaut. Et pourtant si l'on se reporte aux plus anciens écrivains, à
Hérodote, par exemple, qui écrivait cinq siècles avant notre ère,
on voit qu'il existait déjà du sable à cette époque à l'ouest de
l'Egypte et c de distance en di&tanoe dans ces sables, des oasis et
même des groupes d'oasis considérables avec de nombreux habi-
tants », mais le pays était probablement plus accessible qu'aujour-
d'hui. Hérodote parle, en effet, des troupeaux de bœufs des pasteurs
nomades : ces animaux ne se seraient pas contentés du drinn ou du
m'rrokha dont se nourrissent actuellement les chameaux.
Des tufs pléistocènes trouvés dans le Sahara jusqu'au 33** de
latitude nord et dans le désert de Tripoli, indices de sources puis-
samment alimentées, attestent l'iiumidité ancienne du climat à
l'époque quaternaire. Le Sahara arriva peu à peu à acquérir son
aspect désertique, après avoir subi une série de transformations suc-
cessives.
S'il faut en croire les témoignages locaux, voilà une centaine
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— M —
â'aamées Benlemeirt, TiDre plaine f^ilD^onnmiBe couverte de végétaticm
s'étendait entre Onargla et Bhadamès et en ce même endroit s'élè-
T^wrt maintenant de hantes dunes.
L'erg est-il actuellement établi d'une manière stable ? Il ^semfble
cfue, d'une façon générale, on peut Tépond^e par l'affirmative
Cepeoi^dant, M. J^oureau a pu oonstotar la formation de j^ouveUes
dunes dan^ l'ondje (la joue) Bud-ouest de l'eiïg oriental, entre Me&-
ieb-Souf et Gnern-el-MesBeyed.
« Les chaînes nouvelles oamespondeoMt toutes aux cours des j:»-
vières du Màadar et elles oemmenoent juste au point où ces xivièmfl
S'étalent en hsEgeur. En outre, daais l'erg, ces chaînes sont s^Mtrées
par de larges gassis dont le sol est le même que celui de la iiammada
de l'oudje, et «qui, visiblement, cesrtiiËuent oette hammada au loin
vers le nord, jusqu'au point qui constitue le delta anmmun de knrtes
ces rivièxes et qui est alors encombré d'oghroud, sans solution de
dâsoontimiité. Au oontraiie, dans la hammada Dra-el-Atohan, les
dunes se forment en enseveUssant peu à peu, sous son masctoaa de
saible, une ossature cstétacée. »
Etudier ies laos qui ont pxésidé à l'élévation des «dîmes dépasse-
rait le cadre de oette éiude«
Les causes de dessèchement du Sahara variant jieu, les pessi-
mistes affirment que son aridité ira toujours en s'accentuant. Les plus
optimistes croient possible de lui rendre son ancienne fertilité. La
vérité semble «e ienir ici dans un jfuste milieu. A l'aide du Teboise-
ment et aussi d'une bonne utilisation des eaux souterraines, on peut
enrayer quelque peu le mal et même améliorer sensiblement T'état
des oasis, saoïfi pmir joela es^^er de Jamais donner au désert l'aspect
des jégioaus tropicales.
4^oi qu'il en soit de cette question, les différentes miesiims «d'ex-
ploration qui ont parcouru le Sahara ont rapporté des rensej^s^ne-
ments euffisants pouT se faire une idée générale de sa constitution
géologique.
U «e divise en deux zones séparées par la dorsale montagneuse
qui s'étend du sud du Maroc à la région des grands laos : le Sahara
du nord^est (algérien, tunisien, tripolitain et égyptien) et le Sahara
du sud-ouest (mav»cain et soudanais).
Le ligne de crête d'ossature archéenne et primaire qui ooupe
l'Afrique en diagonale comprend le plateau de Muydir formé de
terrain dévonien, le plateau de Ahaggar (ou Hoggar) d'origine
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— 92-^
archéeune et volcanique prolongé au nord par les plateaux c tassili »
de grès dévonîen des Azdjer (ou Azguer)^ au sud-est par les monts de
Tumma et du Tibesti également primaires, les hauteurs du Ouadaï
et du Darf our.
Au nord-est de cet alignement montagneux^ le fond de la région
est d'abord formé de sédiments crétacés qui viennent s'appuyer au
flanc du massif central saharien ; tels sont le plateau crétacé du
Tademaït, le Tinghert qui appartient aux étages turonien et céno-
manien, les hammadas qui s'étendent d'El-Golea au M'Zab, la
hammada El-Atchan, située sur la bordure occidentale du Oranderg.
Ces plateaux crétacés sont séparés du massif central saharien
par des vallées d'alluvions.
Dans la direction du nord-est, les terrains quaternaires de la
région des Oantara leur font suite, l'oued Rihr et Ouâgla marquant
le fond d'une cuvette qui appartient à la même époque géologique.
Du côté de l'est, « dans le désert lybique, l'éocène succède sans
discordance ni discontinuité au crétacé supérieur (1) » (étage
lybien). — Au sud-ouest de l'alignement montagneux qui forme
la dorsale africaine, on ne rencontre que du terrain primaire repré-
senté par les étages dévonien (dévonien moyen du Gourara et anti-
clinal du dévonien inférieur de l'Aoulef), carboniférien inférieur
(oued Zousfana), etc., etc.
Néanmoins, il est à croire que les sebkhas qui fournissent le sel
au Sahara et au Soudan sont d'origine secondaire (trias).
Toutes ces observations ont permis d'arriver aux conclusion?
suivantes :
Il est très probable que la mer de l'époque dinantienne (premier
étage du terrain carboniférien) occupait une partie du Sahara.
Durant l'époque triasique, la mer subit un mouvement de refou-
lement vers le nord, laissant quelques dépôts qui formèrent les seb-
khas (P). — La mer albienne (premier étage de l'infracrétacé)
regagna du terrain au sud; enfin, la mer supracrétacée (de l'étage
emschérien) venait mourir au pied de la grande dorsale africaine,
dans le sens nord-est, sud-ouest.
Durant l'époque tertiaire, la mer se retira progressivement vers
le nord, pour venir sensiblement occuper son emplacement actuel,
durant l'époque quaternaire.
(1) De Lapparent, loc. cit.
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— 93 —
On rencontre dans le massif central saharien de nombreuses
traces éruptives, tel est le massif de TAttakor-N'Ahaggar. Les laves
scoriacées projetées par cet ancien volcan se retrouvent dans les val-
lées de l'oued Igharghar et de ses tributaires.
M. Foureau a émis l'hypothèse que le Tassili Azdjer a dû égale
ment posséder des volcans, de même TAïr.
Des couches de basalte se rencontrent enfin dans le lit de certains
oueds, c Leur position dans le fond des vallées, nous dit M. Roche (1),
montre clairement que l'éruption basaltique a eu lieu à une époque
où le Sahara possédait déjà don système orographique et hydrogra-
phique actuel. »
(1) Rapport au sujet de la première mission Flatters (1880).
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CHAPITKE III
QBOGrB^JPHIBu B37 HISBBJD6&^FH£B — BJBGIM2 VEWVIAL — VLQ3UC
BICHESSES MINÉBALES
C'est bien à tort que ron a longtemps représenté le Sahara
comme une étendue immense de sable, sans relief bien marqué et
sans aucune stabilité dans ses formes.
A partir de Tépoque carboniférienne, il semble qu'aucun mouve-
ment orogénique ne soit venu modifier le continent africain au sud
de l'Atlas. « Les grès, comme le fait constater M. de Lapparent, s'y
succèdent en assises sensiblement horizontales. »
Le seul soulèvement de nature orogénique subi par le Sahara
paraît être la dorsale archéo-primaire dont nous avons déjà parlé à
plusieurs reprises. Il résulte de ces considérations que les accidents
topographiques du Sahara sont dus pour la plupart à des phéno-
mènes d'érosion successifs qui se sont prolongés au delà de la période
quaternaire.
La majeure partie du désert se compose de roc et de terrain dur.
Telles sont, par exemple, les hammadas, les regs couverts de pierres
et de gravier, les plateaux du massif central saharien, etc., etc.
Le sable s'étend seulement sur des zones relativement étroites et
sous la forme d'erg ou dunes parvenues aujourd'hui à la stabilité
presque complète.
Au sud de nos possessions algériennes, l'erg occidental et l'erg
oriental au Grand-Erg appartiennent à ce genre. Les dunes s'éten-
dent en rangées de hauteur variable suivant la région. Celles de l'erg
occidental ne s'élèvent guère à plus de 60 ou 80 mètres (d'après
M. Flamant); dans l'erg oriental, elles vont parfois jusqu'à dépasser
200 mètres.
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EMtie ces raagées de duAes^ ser penteat de» dépreaâicmft (ouad ou
&ïdj), souvenV elka aussi, sablonneiises. Enfin, en certains painiU
de Verg, existent des passages en sol ferme appelés gaosis (Griyid-
Erg^).
Les dîmes s'offrent encore sous la forme d'og&roud (au singulier
gourd), c'est-à-dire de montagnes de sable isolées (par exemple,
dans la région située entre Ouargla et la lisière septentrionale du
Grand-Erg).
Toute la surface du Sahara est sillonnée d'oued, vallées ou
dépressions, vestiges des rivières disparues ou coulant à de très^ rares
moments. Leur cours est devenu souterrain et leur lit est parsemé
de gour ou masses de roches demeurées isolées dans le fond desséché,
véritables témoins du sol primitif d^alltrvions de l'époque quater-
naire. Au sud d'Ouargla, toute une région est recouverte de ces
gour qui s^* élèvent parfois à une assez grande hauteur.
En certains points, les oued s'élargissent jusqu'à former des
chatt desséchés ou renfermant encore de vastes nappes d'eau (cela
seulement dans la région des chotts).
Cette question de l'eau a une importance capitale au Sahara.
Après le dessèchement superficiel de ce bassin déprimé, les oued,
avons-nous dit, prirent un cours souterrain, lorsqu'ils eurent la
bonne fortune de rencontrer dans le sous-sol mhb couche argileuse
Les oasis dites de rivière situées dans le lit même ou sur le bord des
dépressions tirent leur eau de ces oued souterrains.
De grandes nappes d'eau existent en bien des points du sous-sol,
en particulier à la base du terrain quaternaire (d'Ouargla à Aïn-
Taïba, par exemple). Ces nappes aquifères sont les vestiges de
l'kujaLidité saharienne à l'époque pléiotocène, humidité produite et
entretenue par les nombreux cours d'eau existant alors, et par le
régime des pluies abondantes qui atteignit son maximum à la limite
entre le pliocène et le quaternaire (1).
Quelques oued ont d'ailleurs un cours intermittent. L'oued Guir
a eu parfois de l'eau en hiver et Rohlfs signale même des déborde-
ment de l'oued Ziz à cette même époque de Tannée. On a vu couler
l'oued M'Zab et l'oued Mya. Par contre, la grande majorité des
(1) D'après M. Rolland. Certains auteurs ont appelé cette période de transition
le tertiftire et le quaternaire a étage sahaïuen ».
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oued, l'oued Igharghar, par exemple, malgré son nom qui signifie
en arabe t fleuve qui gargouille », n'a eu d'eau depuis bien long-
temps que dans les légendes arabes.
Des sources assez nombreuses existent dans les fissures des ham-
madas et sur la lisière des grandes dunes. Leur jaillissement produit
les oasis dites c à sources naturelles ».
Les pointa d'eau sont d'ailleurs plus fréquents dans le Sahara
qu'on ne se l'imagine généralement. On trouve une preuve de cette
assertion dans les nombreux noms de localités ou de dépressions ren-
fermant les préfixes : <nn (qui veut dire source) et hit (qui signifie
puits).
Après les pluies, on rencontre des mechera et des rhedirs, petites
mares ou flaques d'eau, prenant parfois l'aspect de lacs en minia-
ture, tels le Menghough dans la vallée de l'Igharghar, le Gamreh au
sud de l'Aïr, le Taksouri près d'Inara. A Temassin, l'eau arrive à
fleur du sol.
Mais les véritables points d'eau sont marqués par des puits dont
nous étudierons le forage et le fonctionnement à propos des oasis.
Quant aux pluies, elles sont moins rares au Sahara que certains
géographes semblent le prétendre. Flatters en observa sept journées
du 1" avril au 2 mai 1880.
Dans le récit de son voyage, M. Foureau signale assez fréquem-
ment leur chute, même dans la région située entre le 2V et le 22* de
latitude nord, qui comprend pourtant la partie la plus aride du
désert et durant les mois d'octobre et de décembre, alors que la saison
des pluies régulières est en septembre.
L'aïr et le Tibesti reçoivent des pluies d'été apportées par le
mousson du golfe de Guinée.
La végétation, bien qu'assez clairsemée, ne fait pas défaut durant
de très grandes étendues, sauf en certaines régions bien connues,
telles que le Tanezrouft au sud-ouest de l'Adrar-Ahnet et la région
comprise entre Tamassin et Bir-Assiou (Tiniri).
Partout où l'eau apparaît, même en quantité très minime, la
végétation devient plus vivace, par exemple dans les dayar (ou
dépressions humides et herbeuses). Le lac Gamrek déjà signalé, est
entouré d'une végétation luxuriante, bien que situé dans une des
régions les plus pauvres du Sahara. M. Foureau signale, dans le Tin-
desset, t la flore de TAurès augmentée de gommiers ».
Un fait assez digne de remarque consiste en ce que, dès que l'on
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pénètre dans Terg, la flore s'améliore. € Contrairement aux idées
généralement reçues, la région du sable n'est point celle du vrai
désert essentiellement aride, c'est au contraire, le plus souvent,
comme Ta dit M. Pomel, la providence des caravanes (1). »
Par contre, la hammada mérite bien sa signification arabe t lieu
brûlé ».
M. Foureau a localisé très nettement les espèces végétales dans
le Gr^nd-Erg : arish sur les hautes dunes, azel dans les replis bas
des chaînes de sable, alenda sur les dunes moyennes et les plateaux
sableux, gommiers dans les oued au sud de l'erg, etc., etc.
On a pu remarquer que sur un fond crayeux ne se développe,
au contraire, aucune végétation et que le drinn s'arrête exactement
au même point que le sable.
Les principales espèces fourragères du Sahara sont : le drinn, le
m'roka, le nessin, le sbat. Elles poussent principalement dans les
dépressions sableuses et les ravins.
On y rencontre aussi fréquemment d'autres plantes et des
arbustes (le laurier rose, par exemple).
L'Adrar nourrit des troupeaux de bœufs, TAïr possède des pâtu-
rages presque ininterrompus. Les gommiers poussent sur le plateau
du Tassili et sur ses pentes. A mesure qu'on avance vers le sud, les
arbres grandisssent. Barth signale dans TAïr des thalas c d'une taille
extraordinaire ». A Iferouane, M. Foureau a vu « de très beaux
gommiers qui donnent une ombre bienfaisante » et des danias de
huit à dix mètres de haut. Ajoutons à cela le palmier doum et le
korunka.
Plus au sud encore, dans le Tagama, on trouve de véritables
taillis et avec le Damergou, on arrive à la zone de transition entre
le Sahara et le Soudan.
c Tous les végétaux du Sahara ont ceci de particulier que leurs
racines sont d'une longueur énorme, afin d'avoir une plus grande
surface pour puiser l'humidité contenue dans le sol : souvent une
broussaille de 20 centimètres de haut est munie de racines de 5 à
6 mètres de longueur; les racines de drinn ont jusqu'à 25 et
30 mètres (2). »
(1) M. Flamant.
(2) Foureau, Ma mission au Tademalt en 1890.
PÉNÉTRATION FRANÇAISE 7
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Dans l'étude des oasis, nous verrons leurs productions spéciales,
leur végétation étant toute exceptionnelle, au milieu de Taridité
générale.
La faune du Sahara est assez variée. L'Adrar élève quelques
bœufs, les Touareg possèdent des troupeaux de chèvres et de mou-
tons. L'Aïr possède des bœufs, des ânes et des moutons.
Les principales bêtes de proie sont le lion, la hyène et le chacal
et parmi les oiseaux, diverses variétés de vautours.
L'antilope et la gazelle sont répandus un peu partout. La girafe
fréquente le Tagama. Ce pays est d'ailleurs fort giboyeux (perro-
quets, perdrix, cailles). Les petits oiseaux sont nombreux. La gent
reptile foisonne ainsi que les iguanes.
Les richesses minérales du Sahara sont encore assez mal con-
nues.
La houille n'a encore été trouvée nulle part. Tout récemment
pourtant, on a signalé la présence du terrain carboniférien dans le
bassin de l'oued Zousfana.
Le fer est exploité dans le Touât et dans l' Adrar. Barth a signalé,
d'après des renseignements indigènes, les anciennes mines de cuivre
d'Imgal à sept journées de marche au sud-ouest d'Agadez; Ibn-
Batouta (xiv* siècle) parle des mines de Tekkeda, mais on ne sait
aujourd'hui quel fut leur emplacement.
Il est très probable que l' Adrar et Atmar possède du quartz
aurifère.
Les mines de pierres précieuses à l'existence desquelles croyaient
certains auteurs sont, jusqu'à ce jour, demeurées introuvables
M, Flamand pense même que celles qui s'échangent sur les marchés
d^Afrique proviennent des Indes en passant par l'Yemen et la
Mecque.
Le nitrate de potasse existe en assez grande quantité dans la
région touâtienne.
L'endroit oii il paraît être le plus important est la seT)kha des
Ouled-Mahmoud (1).
Enfin, le sel gemme se trouve dans les dépôts, très probablement
(1) Voir à ce sujet : « Sur Texistenee do gisements de nitrate dans Tarchipcl
touàiien » Alger, Jourdan, 1902, par M. Flamand.
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d'origine triasique d'Idjil (au nord de TAdrar), de Teghezza (près
de Taodeni) et de Bilma. Les bas fonds du Touât, du Gourara, de
TAdrar en renferment de nombreux gîtes et la mission Foureau en
a rencontré d'assez grandes quantités dans VAïr, La sebkha d'Amad-
ghor n'est plus exploitée actuellement.
A Akabli, dans le Tidikelt, se trouvent des mines d'alun.
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CHAPITRE IV
ÉTUDE PHYSIQUE DES DIVERSES REGIONS DU SAHARA
Trouver une division logique du Sahara est chose fort difficile.
En tenant compte de la géographie politique et des anciennes
zones de pénétration commerciales, on peut le partager en trois
régions :
1** Le Sahara oriental ou égyptien et tripolitain ayant pour limite
extrême à l'ouest, la ligne Ghadamès, Ghât, lac Tchad ;
2° Le Sahara cential ou sud-algérien, compris entre cette dernière
limite et une ligne courbe suivant Toued Zousfana, Toued Saoura,
puis se dirigeant sur Tombouctou ;
3° Le Sahara occidental ou sud-marocain, à Touest du précédent.
Cette division a seulement pour but de fournir quelques points
de repère car elle ne peut avoir rien d'absolu.
Nous ne dirons ici que peu de choses du Sahara oriental qui ne
rentre point dans notre zone d'influence, tout au moins jusqu'à la
dorsale montagneuse qui limite celle-ci au nord-est.
Le désert lybique s'étend sur la plus grande partie du Sahara
égyptien. Il est à remarquer que les routes de caravanes le con-
tournent sans le traverser. A l'est, elles suivent une ligne d'oasis
marquée par Siouah, Farafrah, Kargueh, Selimah, pour aboutir à
El-Fâcher et au Darfour. A Touest, elles passent par Djerboud,
Aoudjilah, Tahita, pour gagner le Ouadaï, ou, plus souvent, rejoi-
gnent la route des caravanes de la Tripolitaine du Fezzan, véritable
nœud des communications transsahariennes de la région.
Eemarquons d'ailleurs que la vraie voie de pénétration de
l'Egypte vers le Soudan n'est autre que le Nil doublé par le chemin
de fer anglais en construction.
y
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— m
Sahara central ou sud-algérien.
Physiquement, le Sahara central peut se diviser en quatre
régions distinctes :
V Le Sahara algérien occidental compris entre l'Atlas saharien,
Toued Zousfana, Toued Saoura, la dépression de Toued Massin et la
ligne Ghardaïa, El-Golea, Hassi-Inifel, Hassi-Messeguem ;
2** Le Sahara algérien oriental comprenant le bassin de l'Igha-
rghar et s'étendant ^ Test jusqu'à la ligne Ghât-Ghadamès ;
3° Le massif central saharien, sur le flanc nord duquel viennent
s'appuyer les deilx régions ci-dessus mentionnées. Il comprend le
plateau de Muwir, l'Adrar-Ahnet, le Tassili des Azdjer, le plateau
du Ahaggar ; /
4** Le Sahara méridional s'étendant entre le massif central saha-
rien et la limite septentrionale du Soudan, vaste étendue parsemée
çà et là de massifs montagneux tels que l'Aïr, le plateau d'Ad-
ghag, etc., etc.
V Sahara algérien occidental.
Un explorateur partant de l'Atlas saharien et se dirigeant vers
le sud rencontre successivement :
a) Des hammadas entaillées de larges gouttières par de nombreux
oueds (Zergoun, Segaguer, Gharbi, Namous, etc., etc.) ;
b) La région appelée par M. Flamand t zone d'épandage des
grands oueds » qui ne présente point encore franchement les carac-
tères du véritable erg. C'est t une succession ininterrompue de
cirques, couloirs, dépressions de toutes sortes, creusées, nous dit
M. Flamand, sous l'action des crues puissantes qui se sont produites
depuis les temps reculés des périodes quaternaires b. Cette région a
été ainsi décrite par M. l'ingénieur en chef des mines Jacob : o Le
sable n'y recouvre qu'imparfaitement la surface du sol, on i>eut y
faire plusieurs kilomètres de dunes pour retrouver ensuite la ham-
mada ou les dépressions à fond gypsum dépourvues de sable. C'est
l'oudjh ou la bordure de l'erg, véritable zone de transition » ;
c) L'erg occidental s'étend au sud de cette lisière jusqu'à la
5'
h$>C|fBLIOTHÉC)Uf
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dépression de Toued Meguiden. Sa limite occidentale est constituée
par Toued Saoura, à Test, il s'arrête à El-Golea.
Ses lisières du nord et du midi sont inclinées sur le méridien, sa
longueur dans ce sens n'excède pas 60 kilomètres, sa largeur est
d'environ 90 kilomètres. Les dunes s'y élèvent sur un fond de daya
à GO ou 80 mètres au maximum.
Il renferme de nombreux oued ou feïdj recouverts de végétation.
Par malheur, les puits sont peu nombreux et mal entretenus.
Les routes de l'erg consistent en medjebed ou pistes tracées par
les gâfla, caravanes indigènes qui, chaque année, se rendent de
potre sud-marocain au Gourara et au Touât ;
d) La pénéplaine de Meguiden s'étend de la sebkha du Gourara
aux environs d'El-Golea. Elle est coupée suivant la direction est-
ouest par des vallées à végétation herborescente vigoureuse où l'eau
se trouve très près du sol. Les goût y sont fréquents.
Le terrain qui forme cette pénéplaine est composé de t plis arasés
de couches de grès et un remplissement d'alluvions quaternaires ».
(Flamand.) Ses gours appartiennent au miocène du tertiaire. Sur
une partie de cette région s'étend le groupe important des oasis du
Gourara ;
e) Le plateau de Tademaït est formé de terrain crétacé couvert
de chebkha (réseaux de ravins), tourmenté, difficile. L'oued Mya le
traverse en diagonale dans sa partie orientale, servant de liaison
entre les deux parties du Sahara algérien. En son centre, le Tade-
maït possède une dorsale montagneuse portant le nom d'El-Baten
(flanc de montagne, en arabe). Il se termine du côté de l'oued
Massin par des falaises telles que l'Ang-el-Mehari (la mâchoire du
chameau) et le djebel Abiodh. Vers le nord-est, il vient mourir en
pente douce dans les hammadas situées au sud d'El-Golea ;
f) La dépression dite de l'oued Massin qui vient se souder,
presque à angle droit à celle de l'oued Saoura vers la sebkha de
Tanezroiift. Elle est limitée vers le sud par les terrasses qui conti-
nuent à l'ouest celle du plateau dévonien de Muydir ;
g) Toute cette région est bornée à l'ouest par l'oued Zousfana et
l'oued Saoura le long desquels s'étendent des chapelets d'oasis. Nous
avons dé; à eu l'occasion de parler de l'oued Zousfana.
La dépression de l'oued Saoura formée par la jonction de celui-ci
avec l'oued Guir est bordée d'un assez grand nombre de palmiers,
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si bien que les indigènes ont donné le nom de Ghâba t la forêt » à
une partie du lit de la rivière.
Le principal centre de Toued Saoura est Kerzaz. La Zaouïa-el-
Eebira, voisine de cette oasis, est habitée par des cheurfa tirant leur
origine d'Ouezzan.
L'oued Saoura prenant le nom de Messaoud s'en va se perdre
dans la sebkha de Tanezrouft.
La vallée a été longtemps dévastée par les pillages des Ghenâ-
mma, Berâber, etc., etc.
2^ Sahara algérien oriental.
Il est séparé du Sahara algérien occidental par des hammadas
qui 8*étendent le ll'Zab et El-Golea et, plus au sud, par la hammada
El-Atchan. Cet ensemble de terrains solides s'étend en forme
d'isthme entre les deux ergs.
Le Sahara algérien oriental comprend, en allant du nord dans la
direction du sud-est :
a) Une région de daïa (ou dépressions souvent humides) et de
chebkha (ravins) ;
b) La région quaternaire de l'oued Rihr, des Gantara et
d'Ouargla, prolongée vers le nord-est par le Souf.
La contrée d'Ouargla forme une véritable cuvette quaternaire
(terrain de grès à élément quartzeux) « dont les bords vont reposer en
stratification concordante sur des hammadas crétacées de 350 mètres
environ à Test et au sud et de 400 à 660 mètres à l'ouest, depuis
El-Golea jusqu'au M'Zab » (1).
Le Souf est une étroite vallée qui se bifurque à partir d'El-Ouad
en deux branches se dirigeant, l'une vers le nord et l'autre vers le
nord- est. On a voulu voir dans cette vallée t la partie inférieure du
fleuve Triton (2) » des géographes de l'antiquité ;
c) La dépression de l'oued Mya parsemée de nombreux gour met
en communication la région d'Ouargla et le plateau de Tademaït ;
d) La région des Oghroud ou grandes dunes isolées, qui attei-
gnent jusqu'à 200 mètres de hauteur, prolongée au sud-ouest par la
hammada El-Atchan ;
(1) M. RocHR, loc. cit.
(2) Largeau.
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e) L'erg oriental. Celui-ci possède une étendue plus considé-
rable que Terg occidental, surtout dans le sens de la largeur
(150 kilomètres sur environ 250) d'où son nom de Grand-Erg.
Les dunes dépassent l'altitude de 200 mètres (1) dans la région
dite Ez-Zemoul-el-Akbar (les plus grandes dunes, en arabe).
Il est limité à l'ouest par la région de hammada qui rejoint au
sud le plateau de Tademaït, à l'est par les hammada et chebka du
Fezzan ; au sud-est par la hammada El-Homra (rouge).
Sa direction générale est inclinée sur le méridien dans un sens
nord-est, sud-ouest, comme celle de l'erg occidental.
Dans sa partie ouest, il renferme plusieurs lignes de gassis ou
passages en sol dur entre des dunes isolées ou des chaînes de dunes
orientées sensiblement nord-sud.
Le principal a environ 200 kilomètres de longueur, sur une lar-
geur variant entre 500 mètres et 4 kilomètres. En suivant le ghassi
El-Ghessal, on réduit à 60 kilomètres environ la traversée de l'erg
proprement dit.
A l'est de ces ghassis s'étend la vallée de Toued Igharghar, c lit
sans berges marqué par des fragments de lave roulée et par quelques
coquilles d'eau douce », d'après Roche. Les dunes sont parallèles à
ses bords dans leur alignement. La partie de Terg située entre
Aïn-Taïba et la hammada de l'oudje occidentale porte le nom d'El-
Ouar, c'est-à-dire t l'endroit difficile » ou de Guelb-el-Erg, « le
cœur de Terg » et est composé d'un énorme amas de dunes.
€ Les arêtes des Oghroud (dunes isolées) brillent au soleil d'un
beau ton d'or et dégagent comme une sorte de fumée blonde. C'est le
vent qui, travailleur incessant, écrète les sommets et transporte au
loin une fine poussière de sable (2). »
La partie occidentale du Grand-Erg doit être « un vaste delta
recouvert par le sable et où les rivières du Mâader viennent re-
joindre righarghar ;
f) Au sud de Terg occidental, le plateau de Tinghert s'étend à
cheval sur l'Igharghar, entre El-Biodh et Temassini. Il est d'ori-
gine crétacée (turonien et cénomanien). - - Les Arabes lui donnent
le nom de Djebel-Kilial, celui de Tinghert vient des Touareg.
c Les flancs et le sommet des plateaux sont en silex noir à cas-
Ci) Au-dessus du sol avoisinant.
(2) FouREAU, Ma mission au Tademaït en 1890.
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sure grise et en calcaire dur. Les fonds des rivières laissent à nu le
calcaire dolomitique 3 aune en grandes dalles plates (Sfa, des Arabes),
et les kefs élevés sont, pour la plupart, formés de grès jaune excessi-
vement dur et aj^ant la sonorité du cuivre. »
g) La Hammada El-Atchan, qui forme la bordure occidentale de
l'erg, se compose, d'après M. Foureau :
€ D'un élément de grès friable rougeâtre peu homogène qui cons-
titue le sous-sol et que les pluies ont mis à nu dans tous les petits
ravins. — Le sommet des gours et les flancs des cuvettes sont formés
généralement de calcaires gris compacts. — Enfin, au milieu de
nombreux éléments noyés dans du sable qui forment la plaine, on
recueille du quartz, des calcaires noirs et des calcaires blancs. »
3** Le massif central saharien.
Il est constitué de terrains arcbéens et primaires, parsemés eu
certains endroits de roches volcaniques et comprend :
a) Le plateau de Muydir.
La bordure septentrionale du Muydir est formée de cbaînes mul-
tiples et découpées, séparées du lit de l'oued El-Botha par 8 ou
10 kilomètres de reg caillouteux. Vers l'occident, il est limité par
une muraille à pic de hauteur sensiblement constante. La crête de
rifetessen constitue la bordure orientale du plateau.
L'intérieur est un vrai chaos, t Des crêtes rocheuses et désor-
données courent à sa surface et le couvrent de leurs débris. En cer-
tains endroits, on ne compte pas moins de 13 crêtes semblables s'éta-
geant les unes au-dessus des autres. Là où ces crêtes ont été brisées,
les blocs, en s'écroulant, se sont équilibrés dans leur chute pour
former de singuliers paysages où on a l'impression de parcourir des
ruines. »
Entre l'oued El-Abiad au sud et au nord la haute chaîne appelée
Tigat-N'Tarlamt, s^étend un plateau de hammada noire sillonnée
de ravins et de lignes rocheuses.
Dans de multiples et profondes cassures, coulent de nombreux
oueds entre des parois verticales de 200 à 300 mètres. Le fond en est
constitué tantôt par du sable, tantôt encore par des cailloux roulés
et des débris rocheux. La végétation du Mouydir est assez belle.
L'oued Tihouriren t a de l'eau de redirs et de très jolis pâtu-
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rages » (1) ; la vallée de l'oued Tifirin est t pleine de végétation et
possède de très grands redirs » (2). Dans la région boisée du Mâader
Tegant, « les arbres atteignent de très hautes dimensions et les
pâturages sont inépuisables » (3).
L'ancienne oasis de Djoghraf compte environ 200 palmiers et
de nombreux ruisseaux coulent tout à côté c d'une source chaude
ayant une température de 45** » (4). Ses vallées couvertes de pâtu-
rages permettent l'élevage de gros troui)eaux et l'eau est abondante.
Tout cela explique aisément les nombreuses traces d'habitations ren-
contrées à l'intérieur du Mouydir. Les indigènes ont probablement
fui au moment de notre occupation du Tîdikelt ;
b) L'Atakor N'Ahaggar (ou Hoggar) a été érigé par un soulève-
ment volcanique. Le pays est formé d'un effroyable chaos de gours
et de collines rocheuses de médiocre altitude relative vers le sud et
l'ouest, les hauts sommets occupant le nord-est du massif.
Le lieutenant Guillo-Lohan a accompli, en octobre 1902, un raid
à travers la Koudia (1) Ahaggar qu'il a parcourue du nord au sud.
Il a reconnu le sommet de l'Illamane (2,600 mètres) dominé par
une aiguille inaccessible de 400 à 500 mètres.
La région est pauvre. Néanmoins, en quelques points et en par-
ticulier sur la bordure du Ahaggar, les Touareg avaient attiré des
Harâtin et ceux-ci se livraient à une maigre culture ;
c) L'Adrar-Ahnet s'étend sur le flanc sud-ouest du plateau de
Muydir. Il est séparé du Ahaggar par de longues et profondes cas-
sures, anciens lits d'oued aujourd'hui desséchés. Le pays est encore
plus pauvre que le massif précédemment étudié et ne renferme
pas de terrain de culture. Des troupeaux y trouvent néanmoins,
paraît-il, leur existence. Enfin, l'Adrar commande la route des oasis
sahariennes à Tombouctou ;
d) Le Tassili des Azdjer (ou Azguer) est en général formé de
terrain dévonien ; en quelques-unes de ses parties, par exemple dans
l'Eguéré, situé au nord-ouest, on rencontre des affleurements de ter-
rain archéen caractérisés par le gneiss.
En sa partie nord, il porte le nom de Tindesset et offre des alti-
(1), (2), (3), (4). Lieutenant Béguin, Trente jours au Muydir {Supplément au
Bulletin du Comité de V Afrique française de décembre ll!02).
(5) Massif central du Ahaggar où les Touareg se réfugient en cas de danger.
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tudes de 400 à 1,400 mètres. Il t repose sur une épaisse couche de
schiste et les grès se maintiennent à la partie supérieure » (1). Des
roches volcaniques parsèment certaines parties de sa surface. Ses
gorges de descente sont fort escarpées et sur leurs flancs, cachant la
base de la falaise sud, vient s'appuyer l'erg de Tihodayen,
Au sud-ouest de celui-ci, la longue falaise d'Aghagar s'en va
rejoindre les monts de Tummo. M. Foureau la compare « à la puis-
sante muraille d'enceinte d'une ville géante au-dessus de laquelle
émergent des monuments grandioses affectant toutes les formes ».
Plus au sud, on rencontie quelques monts isolés, tels que l'Ounan
et rintéhounte et enfin le massif des monts Anahef comprenant une
chaîne et « une plaine élevée de rez de granit, parsemée de grandes
olaques de même roche presque polies, légèrement convexes ».
La région montagneuse prolonge ses contreforts sur les deux
rives de l'oued Tadent, large dépression bordée à droite par les
monts Adar et vers l'est par le massif d'Atzerhiou et celui a Abra-
khonnate et s'étendant jusqu'à la cuvette d'In-Azaoua ;
e) Entre Tadent et In-Azaoua, la région porte le nom de Tiniri.
Elle est parsemée de gravier noir et gris sur lequel affleurent des
dalles de grès. Cette plaine immense est « la contrée désolée, par
excellence », c une mer de rochers », comme l'a si excellemment
nommée Barth.
Elle est entièrement dépourvue de végétation. L'eau et le bois
y font défaut durant sept journées de marche, du nord au sud.
Quant à la dépression d'In-Azaoua, elle comptait autrefois,
d'après la légende, 101 puits. Barth en trouva encore deux lors de
son passage à Bir-Assiou. Actuellement l'eau ne se rencontre qu'à
In-Azaoua.
4® Le Sahara méridional,
A la suite de la dépression d'In-Azaoua, t cuvette immense qui
est plutôt un lit de rivière », a dit M. Foureau, le Sahara méridional
comprend :
aj L'Aïr, région montagneuse parsemée de ravins et présentant
des pâturages d'une façon presque continue, boisée en certains
(1) M. Foureau.
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— 108 —
points. Elle est formée de terrain primaire et archéen, parfois aussi
volcanique. La végétation n'approche pas encore, même de loin, de
celle des tropiques, mais elle est suffisante pour nourrir des trou-
peaux et les points d'eau existent en nombre assez grand.
€ Outre le groupe de palmiers qui poussent dans la rivière, on
trouve dans la vallée d'Irhazar une forte végétation composée de
gommiers de plusieurs espèces, de très nombreuses touffes d'abisga
et de véritables forêts de korunkas. Les dattiers produisent peu et
seulement des fruits de médiocre qualité et de faible groâseur. Sous
les dattiers et autour des dattiers, on voit de petits jardins bien
entretenus entourés de haies où poussent de Torge, un peu de blé,
de mil, de sorgho, quelques légumes, quelques plantes alimentaires
de la région et que domine de temps en temps aussi un grand gom-
mier ou un jujubier. Les jardins sont arrosés par des puits peu pro-
fonds (1). » Cette description paraît s'appliquer à toutes les dépres-
sions de l'Aïr. Il faut remarquer néanmoins que le pays ne produit
pas une quantité de mil suffisante et doit en importer du Damergou,
son véritable grenier.
Les principaux centres de TAïr sont Iferouane, Aguellal, Aou-
déras et Agadez, la capitale ;
b) Au-dessous de TAïr s'étend sur une assez courte étendue un
plateau désertique d'environ 600 mètres d'altitude d'après Barth.
Les puits y sont peu nombreux ;
cj Le Tagama ne tarde pas à lui succéder. C'est « un plateau
ondulé où se rencontrent quelques emplacements de gravier, mais
dont le sol est en général de sable ferme sur du terrain argileux ».
La végétation des graminées y est luxuriante et touffue et les arbres
abondent, c On a l'impression d'un taillis immense. » Les cultures
de mil se rencontrent par endroits. Puis le pays se couvre bientôt
d'une brousse de 2 mètres à 2",50 de haut formée de gambba et
annonçant l'approche du Soudan ;
dj Le Damergou en est comme la porte d'entrée. C'est une véri-
table région de transition. Le capitaine Cazema^ou nous dit : t A
partir de Mellamaoua, on rencontre dans toutes les dépressions des
dattiers, à l'ombre desquels poussent des légumes. »
Le capitaine Joalland signale la région de Toukouri comme
« un pays de mil splendide b, « qu'il me suffise de dire, ajoute-t-il,
(1) FOUREAU.
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— 109 —
que le pays de Zinder est riche en blé ; le citronnier, le mil, le maïs,
le riz, les dattiers, en un mot, tous les produits soudanais poussent
en abondance ». — Le grand nombre des objets en cuivre fabriqués
à Zinder permettent de croire qu'il existe dans la région des mines
de ce métal ;
e) A Touest de Bir-Assiou et de Toued Tafassasset, s'étend le
Tassili du sud, pays encore assez peu connu ;
f) Le plateau d'Aghag est situé au nord-est du coude du Niger.
Il n'a pas encore été exploré. Depuis une époque très reculée, il sert
de refuge aux Touareg Aouellimiden ;
g) La région de Tombouctou sera étudiée dans les chapitres con-
sacrés au Soudan.
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CHAPITRE V
LES BACES DU SAHABA
La majeure partie des habitants du Sahara appartient à la race
blanche représentée par les famillea arabe, berbère et juive (1).
Les quelques noirs qu'on y rencontre sont d'origine soudanaise,
importés du Berr el Abid (la terie des esclaves), comme les Arabes
appellent le Soudan.
Enfin, les. Harrâtins ou Attrias des oasis tiennent le milieu
entre les Berbères et les nègres. Ce sont peut-être les anciens pos-
sesseurs du sol, descendants des fameux Garamantes, dépossédés et
asservis par de nouvelles couches de populations qui se sont super-
posées à la leur. Ils ne se distinguent, d'ailleurs, des Berbères que
par une nuance plus foncée et tirent peut-être leur origine de la
même souche lybienne.
On appelle, assez improprement, Berbères, les représentants de
la race tamazirt. Ceux-ci sont actuellement essaimes de Test à
l'ouest sur tout le parcours de leurs anciennes migrations. Ils se
sont plus volontiers arrêtés dans les régions montagneuses, dans
notre Kabylie et au Maroc.
Dans ce dernier pays, la race tamazirt est représentée par les
Gebaïl qui sont les Imaziren (pluriel d'Amazir, masculin de Tama-
zirt) du Rif, les Chellaha de l'Atlas et du sud et les Berâber. Ces
derniers sont descendus de la montagne dans la plaine. Nous avons
déjà pu constater l'étendue de leur zone d'habitat. Leur nom légè-
rement déformé a été étendu bien à tort à tous les peuples de langue
tamazirt.
Des tribus tamazirt ont été probablement rejetées dans le Sahara
vers le ix® siècle, c'est-à-dire au moment de la conquête arabe. Les
Touareg et les Maures qui se rattachent à la famille dite berbère
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— 111 —
furent repoussés vers le centre du désert d'où ils s'étendirent jus-
qu'au Soudan.
Les Berbères, Arabes, Maures et Harrâtins habitent les oasis
et leurs envirora. Le véritable maître du désert est le Targui (1).
l** Tribus arabes.
Les tribus arabes habitent le nord et le sud du Sahara, où elles
vivent à l'état de semi-nomades.
Citons au premier rang les Ouled-Sidi-Cheikh. Ils joignent à
leur nombre un caractère religieux qui augmente leur influence.
Ils s'étendent du Sud-Oranais jusqu'au Touât et au Tidikelt, une
de leurs fractions, celle des Oulad el Hadj-Hamed, occupant les
districts de Eoggaret-ez-Zoua et d'Igosten.
Les principales autres tribus arabes du groupe tanâtien sont les
Oulad Ba Hamou (fraction des Oulad-Amed-Mellouch), les Oulad
Zenan et les Oulad Mokhtar.
Deux groupes de la noble tribu arabe des Saïd, les Saïd-Otha et
les Mekhadena nomadisent aux environs d'Ouargla.
Les Bérabichea (2), venus de l'Oued Draa (Maroc), occupent
tout l'Azaouad et s'étendent depuis Tombouctou jusqu'à trois ou
quatre journées de marche au nord d'Araouan. Ils sont maîtres des
principales routes de caravanes du Sahara occidental. Jusqu'à ces
derniers temps, ils étaient alliés aux Touareg. Ils se livrent sur-
tout au commerce.
Les Oulad M'Barek et les Tanoazirt habitent le nord de notre
Soudan, au-dessus de Baghena et du Kingui. Ce sont des pasteurs.
Les Oulad- AUouch ont poussé leur émigration jusqu'aux envi-
rons de Sakola.
Les Keguibat, originaires du Maroc, vivent campés aux environs
de Taodeni, côte à côte avec les Oulad-Mouïlet.
Les Oulad-Delmi et les Tekna fréquentent l'Adrar occidental et
l'Oued Nona.
(1) Singulier de Touareg.
(2) Peut-être les Bérabiches proviennent-ils d'une ancienne source tamazirt el
or.t-ils parents du Beraber. En tous les cas, ils seraient fortement niétissés.
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— 112 —
2^ Tribus viaures.
Les Maures sont d'origine berbère, mais plus ou moins profon-
dément modifiée par suite d'alliances avec les Arabes et les nègres.
Les Trarza s'étendent dans toute la région comprise entre
l'Adrar occidental et le Sénégal. Ils se livrent à un impoi-tant trafic
de gomme. >
Les Brakna occupent également la rive droite du Sénégal.
Les Zenaga ou Idao-Aïch, venus du Maroc dès le v® siècle, se
sont répandus entre Bakel et le Tagant où ils occupent surtout les
hauts plateaux.
La tribu des Tadjakant habite le pays du même nom.
La tribu maure la plus puissante du Sahara est celle des
Kounta. Ils peuplent le Sahara marocain, l'Aghaz où ils se trouvent
mêlés aux Aouellimiden, le Hodde, s'étendant au sud jusqu'au
Niger et au nord dans le Touât où une de leurs fractions, les Oulad
Bou Naama occupent l'Akabli.
La tribu belliqueuse et pillarde des Oulad Nacer nomadise aux
environs de Tichit et Ouâlata. Les Oulad-Sîdi-Mahmoud et les
ïenouadjou fréquentent la même région.
Les Oulad Yahia ben Atman, de parenté marocaine, habitent
l'Adrar occidental et Idjil.
3** Le groupe CJiâambâ.
Ce groupe mérite une mention spéciale. On a évalué le nombre
de ses représentants à 8,000 environ dont 2,000 guerriers. Leurs
tribus sont celles des Bou-Rouba, nomadisant aux alentours
d'Ouangla et se divisant en Châamba Oulad Smaïl et Guebala
(2,500 individus environ), les Berazga de Metlili (3,900 environ) ;
les Mouadhi venus à El Golea au xvii® siècle (1,580 représentants).
Par leur très grande mobilité, ils tiennent le milieu entre les
Touareg et les Arabes. Leurs courses s'étendent du Touât à la Tri-
politaine. Longtemps ennemi du Targui, le Châamba devient un
de nos meilleurs auxiliaires dans la pénétration vers le sud et les
dissidents de ses tribus rebelles à la domination française dimi-
nuent de jour en jour.
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- 413
4** Les Touareg,
Ils tirent probablement leur origine d'une source berbère très
ancienne ; leurs caractères anthropologiques prouvent cette asser-
tion.
D'après la tradition, ils habitaient primitivement le Yemen ou
Arabie heureuse d'oii ils furent chassés par t une invasion d'infi-
dèles » eï allèrent s'établir dans le Mag'rib el Aksa, c'est-à-dire
l'ouest extrême. Ils conservèrent le voile ou litam qu'ils avaient
mis sur leur visage pendant leur fuite d'Arabie « pour n'être point
distingués des femmes et éviter ainsi le massacre ». Cette légende
est rapportée par l'historien arabe du Soudan Es'Sadi.
Ils se vantent de descendre des Cenhadjiem (1) qui sont des
Hamira et furent probablement chassés du nord du Mag'rib el
Aksa par des guerres civiles et des invasions nouvelles.
S'étant peu à peu répandus dans le Sahara du Nord, ils for-
mèrent de nombreuses tribus : les Lemtouna, les Lamta, les Targa
(d'où très probablement le mot Targui tire son origine).
Ibn-Khaldoun nous apprend qu'ils habitaient entre l'océan envi-
ronnant (l'Atlantique), du côté de l'occident et Ghadamès vers l'est.
A l'instar des Berbères du Mag'rib, ils professaient l'idolâtrie et
embrassèrent l'islamisme quelque temps après la conquête de l'Es-
pagne par les Arabes. Il semble que la religion nouvelle, qui fai-
sait accomplir de si grandes choses, ait, à cette époque, frappé d'ad-
miration les anciens habitants du pays.
Depuis, les Touareg ont abandonné beaucoup de pratiques de
l'Islam et sont considérés comme de mauvais croyants par les autres
fidèles. « Quand les Lemtana (1), composant leur principale tribu,
eurent soumis les déserts du nord, ils portèrent la guerre chez les
nations nègres, pour les contraindre à devenir musulmanes », et
surtout les opprimer et les piller, ajouterons-nous.
(1) Les Marocains actuels, arabes et berbères croient descendre de deux souches
dififérentes, celle des Cenhadjiem et celle des R'maricns — et l'origine des deux
grands groupements serait, semble-t-il, purement berbère. — De nos jours K'mora
est presque complètement arabisée. Chaque tribu marocaine se rattacherait à l'une
de ces deux origines. — Inutile de dire que cette classification est purement légen-
daire.
(2) Lemtana veu dire « les voilés ».
PÉNÉTRATION FRANÇAISE 8
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— 114 —
Le Rondh-el-Kartas (2), histoire des souverains du Mag'rib
écrite en 1326 par Abou Mohamed Salah ben Abd-el-Halim, de
Grenade, nous fournit de nombreux renseignements sur les dynas-
ties de leurs rois et sur leur puissance, qui couvrit à un moment
tout le Sahara et le nord du Soudan. « Plus de 20 rois de cette
contrée leur payaient tribut. »
Telle fut l'origine des Touareg.
On les a souvent divisés en Touareg du nord et Touareg du sud.
a) Touareg du nord.
Ceux-ci furent soumis au X* siècle par la dynastie almoravide,
d'origine cenhadjienne, qui étendit son autorité sur tout le Sahara
et sur une partie du Soudan, puis, à la décadence de cette dynastie
reprirent leur indépendance.
Les Touareg du nord se divisent de nos jours en Azdjer (ou
Azguer) et Hoggar (ou Ahaggar)% Ils ont été longtemps livres a
des luttes intestines et à des guerres contre les Châamba.
Chacun de ces deux grands groupes comprend des tribus nobles
ou djouad et des tribus serves ou imrhâd. Chaque Targui jwssède
en outre plusieurs esclaves.
Le pouvoir est exercé par les nobles qui désignant un chef,
généralement le plus brave d'entre eux, mais celui-ci ne ^'ouit, en
général, que d'une autorité assez illusoire, ce qui explique l'inanité
des traités qu'il peut passer.
Les tribus serves paient aux nobles des redevances et leur four-
nissent des auxiliaires en cas de guerre. Ils sont pasteurs, mais
avant tout guerriers. A certaines époques de l'année, ils viennent
dans les oasis échanger des dattes et du grain contre du gibier et
des moutons. Ils se rendent, par exemple, au Tidikelt en automne.
Voilà une cinquantaine d'années, les Azdjer comptaient, d'après
Hanoteau, 9 tribus nobles et 22 serves. Flatters recueillit sur eux
d'autres renseignements. D'après lui, leurs tribus nobles seraient
celles des Ifoghas, des Oulad-Sidi-Moussa et des Azdjer propre-
(1) Mot à mot « le jardin des feuillets ».
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— lis —
ment dits. Il semble que leur nombre ait considérablement diminué
actuellement.
Les Hoggar (ou Ahaggar) auraient compris naguère, toujours
d'après Hanoteau, 14 tribus nobles et 31 serres. Flattera nous
apprend que les Hoggar proprement dits auraient 120 tentes djoual
ou nobles, leurs autres fractions étant les Magasaten, Idanaouen, etc.
Au sujet de leur origine, Ibn Khaldoun dit qu'en outre des
Cenhadjas, d'autres tribus furent chassées du littoral de Barka par
les Arabes. Parmi celles-ci étaient les Ilhouarra. « Une de leurs
tribus alla se fixer à côté des Lemta, porteurs de Toiles et leur nom
devint, par altération, Hoggar. »
Xa limite de leur territoire est marquée par une ligne allant
d'In Azaoua à Timissao; de là à Hassi-Intofinabi, Hassi el Khenig,
Temassinin, Amadghor et Tadent. Ils s'étendent donc sur le
Hoggar, le Muydir, le Baten, Amguid, l'Eguéré, le Tassili de l'est
et celui du sud.
Leurs fractions nobles se sont établies dans le soulèvement de
l'Atakar !N''AJiaggar, d'où ils peuvent facilement rayonner dans
toutes les directions et où ils trouvèrent longtemps un asile inviolé.
Les Ihaggaren ou nobles sont à la tête du pays et leur ame-
nokal ou chef ne jouit que d'une autorité très minime parmi les
siens.
A l'heure actuelle, ces nobles ne compteraient plus que 110 ou
120 guerriers, presque tous de la tribu des Kel Ghela qui a fini par
absorber les autres (leurs femmes étant seules jugées capables de
donner naissance aux chefs et évitant généralement de se mésallier
en épousant des guerriers d'autres tribus).
Par suite des alliances entre proches parents, le nombre des
Ihaggaren décroît chaque jour. Leurs autres fractions portent le
nom d'Inemha, Ikadeen, Ibaguelan, Ikerreman et ne comptent plus
que quelques individus ; citons, par exemple, les Tedjeké Melloui
qui seraient au nombre d'une vingtaine.
Au-dessous de ces tribus nobles, sont les tribus d'imrads (ou
serfs) et d'Isakkamaren (serfs affranchis d'origine arabe).
La plus puissante des tribus serves est celle des Dag-Raly, puis
viennent les Leaken et les Dag-el-Mesh, qui ont toutes été fort
éprouvées dans la défaite que leur a faite subir le lieutenant Cotte-
nest à Tit.
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— il6 —
Les Hoggar (1) ne pourraient mettre actuellement sur pied
plus de 500 hommes; et depuis le déclin de leur prestige, les nom-
breuses tribus Kountas et Bérabiches de TAdrar et de TÂzzaouaà
qui reconnaissaient leur suprématie, tendent à secouer le joug.
Ils tirent leur mil du Soudan et les dattes du Tidikelt. On peut
donc les affamer en tenant ces pays qui sont leurs véritables gre-
niers.
L'Adrar Alinet est habité par des tribus Touareg auxquelles on
a donné quelquefois le nom de Touareg de Touest. Ce n'est là, en
somme, qu'une fraction des Hoggar : les Kel-Ahnet (2). Les Taï-
toqs, familles nobles qui les commandaient, ont perdu beaucoup de
leur influence et ne comptent plus guère qu'une dizaine de tentes
dans l'Âdrar.
Ikadeen, Ihrekhchammen, louaramen, Ikeurkonnen se fondent
chaque jour de plus en plus avec les Kel Ahnet et tous ces Touareg
réuniraient une centaine de combattants seulement. Des 21 tribus
de l'Adrar citées par Bissuel, il en reste donc actuellement bien
peu. Leur amenokal est d'ailleurs venu faire sa soumission à In
Salah en 1902. Les Rohali d'Akabli sont leurs parents.
b) Touareg du sud.
Les Touareg ont joué de bonne heure un rôle important dans
le Soudan septentrional. Vers la fin du v* siècle de l'hégire, la tribu
des Makcharen fonda la ville de Tombouctou ; depuis cette époque,
ils n'ont cessé d'évoluer dans la région. Soumis par les Berbères,
ils reprirent leur indépendance lorsque la domination de ceux-ci
sur le Soudan eut cessé. Pendant les brillantes périodes des empires
de Melli et Songhay, ils jouèrent un rôle assez effacé, mais, dès la
fin du xvn* siècle, ils profitèrent de l'affaiblissement de la puissance
marocaine sur le coude du Niger. Celle-ci dut leur céder la place
et ils purent piller et rançonner tout à leur aise de Dienné à Tom-
bouctou et d'Araouan jusqu'aux pays noirs de la boucle du fleuve.
Seule notre arrivée dans le pays a pu mettre fin à leurs brigandages.
Les Touareg du sud se fractionnent en de nombreuses tribus :
(1) D'après le lieutenant Cottenest. — Les Hoggar ont été soumis en 1902-190 .
(2) Les Hoghar de l'Adrar ont également fait leur soumission en 1903.
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— 117 —
Les Ihneden ou Aouallimiden occupeirt le plateau Aghay et la
région située au nord-est du coude du Niger. En cas de guerre, ils
pourraient mettre sur pied de GOO à 800 cavaliers ou méharistes et
plusieurs milliers de fantassins. Ils ont été autrefois en lutte avec
la puissante confédération des Tademekett.
Les Igouadaren sont répandus sur les deux rives du coude du
Niger.
La confédération des Tademekett a été autrefois très puissante.
Elle occupe les environs de Tombouctou et se divise elle-même en
plusieurs fractions. Une de celles-ci, les Tengeriguif, a fait sa sou-
mission au général de Trentinian en 1896 ; les Irregenaten ont été
aussi en lutte avec nous dans cette région : les Kel Temoulai se sont
soumis.
Les Iguellade arrivèrent vers le milieu du xi* siècle dans la
région située entre Tombouctou et Âraouan et y introduisirent
d'une façon complète Tislamisme.
Les Kel-Antassar, une de leurs tribus susceptible de fournir
2,000 combattants, mit une grande opposition à notre occupation
de Tombouctou.
Les autres groupes touareg principaux sont :
Les Kel-es-Souk, habitant TAdgliag.
Les Imededghen qui nomadisent entre Tombouctou et Goundam.
Les Kel Incheria habitent la même région et sont venus les pre-
miers faire leur soumission.
Les Kel Nekounder sont religieux, nomades et pasteurs paci-
fiques.
Les Keloui occupent la région de TAïr et en oppriment la popu-
lation naturellement douce et travailleuse. Les Kel Guerez et les
Kel Ferouane fréquentent également Agadès.
Telles sont les fractions principales des Touareg, véritables
oiseaux de proie qui s'abattaient, avant notre venue, sur les oasis
sahariennes.
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CHAPI7FIE VI
LES OASIS DU SAIIABA SEPTENTRIONAL
V Taûlet (1).
Le Tafilet est un grand centre d'agitation musulmane voisin
de notre frontière. Il semble donc difficile de n'en point parler bien
qu'il ne rentre pas dans notre xone d'influence.
Dès les temps les plus reculés son nom et celui de son ancienne
capitale Seldjemessa sont intimement liés à l'histoire berbère.
En 1009, l'émir fatimide Moëz ben Zyri ben Atbya s'empara
de Seldjemessa et rattacha le Tafilet à son empire.
Au commencement du xvi° siècle, les tribus de ce pays élurent
pour chef Moulay-Ali, chérif venu de la Mecque. Celui-ci ne tarda
pas à s'emparer de Fâs et de Merrakech, fondant ainsi le Maroc
actuel par la jonction des trois royaumes. De nos jours, le Tafilet
a presque complètement reconquis son ancienne indépendance et
ne reconnaît au Sultan que l'autorité religieuse.
Ses habitants ne paient aucun impôt et à chaque demande ae
contribution, ils répondent aux envoyés du Makhzen « qu'ils n'ont
que de la poudre à leur donner s'ils veulent venir la chercher » (2).
Le Tafilet est le don de l'O-Ziz et de ses affluents le long des-
quels la vie humaine sédentaire s'est concentrée comme d'ailleurs
la végétatron.
L'O-Ziz descend du revers méridional du Grand Atlas et coule
'''**^'^^d entre de hautes montagnes. Il ne possède un cours appa-
régulier que dans sa partie supérieure avant Tiallalin et coule
!S auteurs arabes écrivent souvent Tafilet ou Tafilalct .
Canal. — Le Maroc.
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— 119 —
ensuite souterrainement donnant naissance aux nombreuses^ oasis
de rivière qui couvrent son ancien lit.
Les districts qu'il fertilise sont au nombre de 9 (Ait Heddidou,
Aït Izdeg, Guers, Tiallalin, El Kheneg, Kzar es Souk, Metrara,
Reteb, Tafilet) (1).
Son principal affluent est TO-Todra qui descend du Mont Aqqa
Tizgi « muraille rocheuse du pied de laquelle jaillissent des sources
abondantes ». Il ne possède d'eau que dans sa partie monta-
gneuse (2).
Le Todra et le Ferkla sont les deux grands groupes d'oasis
auxquels il donne naissance. Ses rives sont incultes à partir du
confluent de rO'Gheris. Ce dernier également ne possède de végé
tation que dans sa vallée supérieure (groupe d'oasis de Beris).
Après avoir pris le nom d'ouad Tafilet, le Ziz va se perdre dan»
la grande Sebkha de Dayat el Daoura ; sur ses bords s'élèvent près
de 600 ksours.
La population se compose de tribus Chellaha, Berâber, de
Clieurfa, d'Harâtin et de Juifs.
Les Chellaha habitent les districts de Gers, de Metrara et de
Reteb (3), le long de l'O-Ziz ; le Tadra où ils se divisent en Aït
Caleh et Aït Genad et une partie du Reris (4)s
Les Berâber du bassin de l'O-Ziz appartiennent à la grande
fraction Aït lafelman, Aït Heddidou du Haut-0-Ziz et de l'O-Sidi-
Hanya ; Aït Izdeg du Gers, du Tiallalin, d'El Kheneg, de Ksar es
Souk, de rO-Nezala; Aït Melrad du Ferkla et du Reris; Aït
lahia de l'Oued de ce nom.
Les Cheurfa abondent surtout dans les districts de Metrara,
Ksar as Souk et dans le Reris.
Quant aux Harâtin, ils sont répandus un peu partout.
D'après M. de Foucauld, 650 familles juives environ habiteraieni
la région.
Le pays pourrait fournir près de 20.000 fusils, sans comprendre
dans ce nombre les guerriers des 360 ksours du Tafilet proprement
dit
(1) Ch. DE Foucauld, Reconnaissance du Maroc.
(2) D'une façon régulière tout au moins.
(3) Souvent ta l'état de gebala, c'est-à-dire à -emi asservi — tandis qu'au con-
traire dans le Todra et le Reris, les Chellaha 3:)it complètement indépendants.
(4) Où ils portent le nom d'Ahel Ferk»a.
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— 120 —
€ Le sol, généralement formé d*un sable gris cendré, est très
fertile (1). » Il produit d'innombrables dattiers, du blé « toutes
sortes de légumes et tous les fruits du midi de TEurope. Les indi-
gènes élèvent des moutons, dont la laine, très Blanche, est tissée et
employée à confectionner des couvertures, des haïks, des bur-
nous, etc., travail dans lequel les femmes du Tafilet excellent » (2).
Les habitants d'Abouam, la capitale, sont très habiles dans
Tart de travailler le cuir. Leurs ouvrages sont fort estimés sur le
marché de Fâs qui leur envoie en échange du thé et du sucre de
provenance anglaise, de la coutellerie, des soieries, etc., etc.
Les caravanes passent par le col de Tizi N'Telremt, pour des-
cendre ensuite la vallée de Toued Ziz.
La majeure partie de l'ancien commerce de la région avec le
Soudan subissait l'intermédiaire de notre Touât. Notre présence a
refoulé les routes commerciales du Maroc vers l'ouest.
2^ Groupe touât i en.
Il comprend le Gourara, le Touât proprement dit et le Tidikelt.
Cette région est célèbre depuis une haute antiquité.
L'historien arabe Es'Sadi nous racontant dans son t Tarikh
es Soudan » le pèlerinage du roi de Melli Kankan Moussa, se ren-
dant à la Mecque au ix* siècle de l'hégire, nous dit textuellement :
« Le roi fit route vers Ouâlata et arriva vers l'emplacement actuel (3)
du Touât. Là il laissa un grand nombre de ses compagnons qui
avaient été atteints, au cours du voyage, d'une maladie de pied que,
dans leur langue, ils appelaient « touât ». La localité où cette sépa-
ration eut lieu et où les malades se fixèrent à demeure prit le nom
ue leur maladie. »
L'empire Songhay s'étendit, comme nous avons déjà eu Toc-
casion de le faire remarquer, jusqu'au Touât. Ibn Kaldoun parle
de 200 ksours existant alors et de « rois -vêtus de soie et d'or ». Tout
en faisant la part de la brillante imagination orientale, il paraît
certain que la région connut des temps très prospères. La domina-
tion marocaine lorsqu'elle s'étendit sur le Niger, à la chute de l'em-
(1) et (2) J. Canal,
(2) Es* Sadi écrivait au milieu du xviP siècle.
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-^ 121 —
pire Songhay, appauvrit toute cette région du Soudan. Or, le Touât
faisait, sous la dynastie A skia, un grand commerce avec Tom-
bouctou. L'appauvrissement de cette ville amena celui du Touât»
l'insécurité devenant en outre générale.
C'est, du reste, dans le Touât que commencèrent les premières
révoltes contre les Marocains. Depuis, les oasis conservèrent leur
indépendance jusqu'au ^our oii elles tombèrent entre nos mains.
La première question à se poser au sujet de celles-ci a trait aux
nappes aquifères qui les ont produites.
On a cru tout d'abord que « le Touât était physiquement le
don des grands oued qui, issus de la chaîne saharienne des hauts
plateaux de l'Algérie et du Maroc oriental, poursuivaient à travers
une partie du Sahara leur cours souterrain en filtrant peu à peu
vers le sud sous l'épaisseur des grandes dunes de l'erg, puis tout à
coup arrêtés par le plateau de Tademaït, s'accumulaient à une
faible profondeur et donnaient la vie à tout l'archipel d'oasis du
Gourara et du Touât » (1).
Or, l'étude des travaux d'adduction de l'eau par les feggaguir,
semble au contraire prouver que les eaux du Touât viennent de
l'est. Quant au Tidikelt, reçoit-il ses eaux de la partie méridionale
du plateau de Tademaït, du nord du massif touareg, ou de ces deux
directions à la fois ? M. Flamand a observé que la température des
drains souterrains à In Salah (26° 9) autorise plutôt à croire à une
nappe artésienne venant du sud (2).
Toutes ces eaux s'épandent-elles ensuite dans le sous-sol vers
le sud ou bien s'arrêtent^elles dans la Sebkha de Tanezrouft, c'est
li encore un problème qui n'a pas encore été résolu.
Quoi qu'il en soit, les renseignements en possession desquels
nous sommes actuellement n'ont encore qu'une valeur approxima-
tive. Ils sont dus à l'allemand Rohlfs, au commandant Déporter, à
M. Flamand, au rapport du général Servière, au retour de son pre-
mier raid à travers le Touât, aux documents pour servir à l'étude
du nord-ouest africain réunis et rédigés par ordre de M. J. Cambon,
gouverneur général de l'Algérie en 1896, enfin à divers renseigne-
Il) M. Robert de Caix, Bulletin du Comité de VA/rigue française de
février 1900.
(2) M. Flamand, Sur le régime hydrographique du Tidikelt. — (C. R. trad
se. XXXV 1902) — (signalé par la bibliographie da 1902 des Annales degéographiéj^
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— 122 —
ments recueillis par les officiers de nos postes extrêmes, depuis
notre prise de possession des oasis.
a) Touât proprement dit.
La largeur moyenne de l'ensemble des vallées composant le
Touât proprement dit serait de quelques kilomètres seulement. (La
largeur moyenne des palmeraies ne dépasse guère 3 kilomètres)
et sa longueur de Bouda au Reggan d'environ 200 kilomètres. C'est
en somme la vallée de Toued Saoura (au Messaoud), y compris les
vallées intermédiaires qui viennent y aboutir vers Test. D'après le
rapport de M. le général Servière, on rencontre « dans le Touât une
succession ininterrompue d'oasis très peuplées et bien cultivées, où
le ravitaillement est facile pour les hommes et pour les chevaux ».
Il comprend dix districts :
Bouda, Timisi, Tamentit, Oulad-El-ïïadj, Tasfaout, Fenourin,
Tamest, Oued si Hamou, Ben el Hadj, In Zegmir, Sali, Reggan.
In Zegmir cultive le henné, Sali le tabac. Le nord du Touât
produit l'opium qui jouit d'une grande vogue dans la contrée. Les
principales cultures sont d'une manière générale : les palmiers en
quantité trop faible pour approvisionner de dattes tout le pays, Je
blé, l'orge, le millet, le bischna (ou sorgho) que l'on sème en août
et que l'on récolte en octobre. Les légumes sont : la betterave, le
navet, le chou, la citrouille, les oignons, l'ail, les haricots, les len-
tilles, les aubergines.
Les arbres fruitiers sont représentés par des figuiers, des gre-
nadiers, des amandiers et quelques vignes. Enfin, le coton croît
assez bien.
Le Touât produit plus de grains qu'il n'en consomme, la nour-
riture principale de ses habitants étant la datte à laquelle il adjoint
quelquefois le « tam » (plat fait avec de la farine de bechna et de
tafsaut, rarement de blé ou d'orge).
Les arbres fruitiers n'existent qu'en petit nombre et ne reçoi-
vent pas de soins spéciaux. Ils se développent sur les bords des
madjen (bassins-réservoirs).
La superficie cultivée du Touât est d'environ 6,000 hectares
chaque année, les Touâtiens n'exploitant seulement que la moitié
de§ terres pour les laisser se reposer. Cet état de choses tient encore
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— 123 —
au manque d'eau beaucoup plus qu'au manque de bras. Les habi-
tants des oasis se servent comme engrais de l'ougnid (excrément
du chameau) et à défaut d'un peu d'argile.
Les récoltes poussent à l'ombre des palmiers. « Une partie des
palmeraies est cultivée et forme une série de jardins enserrés dans
une enceinte extérieure (murs ou haies), parfois protégés au nord
et à l'est, par des dunes dites de protection. Pour obtenir ces dunes,
les Touâtiens procèdent de la façon suivante : on dresse du côté
jienacé, à 300 mètres environ en avant des jardins, une afraz (sorte
de haie, sans épaisseur, faite de branches de palmiers reliées entre
elles par des cordes en crin végétal). Cette haie arrête le sable et
forme bientôt une dune de 2°*,50 environ. Le travail de Tafra^ est
répété deux fois, trois fois, sur le sommet de cette dune qui finit
par atteindre de 20 à 50 mètres (1). »
« En réalité, il n'existe au Touât qu'une grande route, celle qui
suit la ligne des oasis du nord au sud, laissant ces dernières vers
Touest. De chemins^ il n'existe que ceux de l'intérieur des oasis (2)
coupant les palmeraies d'artères parallèles.
Tavientit est un des plu» anciens centres de population qui,
d'après Rohlfs, aurait eu à lui seul 6,000 habitants, 5 mosquées et
i kasbah. « Adrar, nous dit M. le général Servière, est une agglo-
mération de 24 ksours, défendus chacun par une kasbah et possé-
dant de nombreuses ressources. »
Le commandant Déporter évaluait la population du Touât pro-
prement dit à 120,000 habitants avec 18,000 fusils et 3,500,000 pal-
miers. Nous verrons, un peu plus loin, que ce chitïre émanant de
renseignements indigènes était quelque peu exagéré.
b) Gourara.
La pénéplaine formant le Gourara s'étend du nord-est au sud-
ouest sur une superficie d'environ 500 kilomètres carrés. Dans son
ensemble, elle est aride et nue, couverte même en partie par des
dunes. La pente est dirigée dans un sens sensiblement est-ouest.
Les oasis et les ksours de la région sont situés dans des bas-
(1) Le Touât, Renseignements communiqués au Bulletin du Comité de
V Afrique françaiêe (supplément de juillet 1904), parle lieutenant Nieger (daté
A<kirar. FéTrier 1903) .
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— 12i —
fonds ou dans des vallées transversales où Teau se trouve très près
du sol*
Le Qourara comprend 12 districts : Aouguerout, Tin-Erkouk
(avec Tabelkosa), El Djereïfet, Teganet, El Haïha, Charouin, Zoua-
el-Deldoun, Tsabit, Deremcha, Iba.
Timmimoun est le centre principal de la région. Oulad Saïd
fabrique du charbon de bois, et à Iba on trouve du salpêtre.
Rohlfs attribuait à Brinkan, principale oasis de Tsabit,
3,000 âmes. Ce district a été parfois considéré comme le plus sep-
tentrional du Touât proprement dit.
Les productions du Gourara sont sensiblement les mêmes que
celles du Touât. Les dattes en sont très recherchées.
c) Tidikelt.
Le Tidikelt semble être le plus pauvre des trois grands groupes
d'oasis. Le plateau qui le forme s'étend entre la falaise méridio-
nale du Tademaït et la dépression de l'O-Botha. Plusieurs vallées
nées dans le Tademaït viennent; le couper dans un sens nord-est,
sud-ouest.
Il se compose de six districts :
Aoulef, Akabli, Tit, In Rhar, In Salah, Foggaret-ez-Zoua.
Aoulef et Akabli sont deux districts fort importants. A Akabli
se réunissaient naguère les caravanes du Tafilet, du Gourara, du
Touât et du Tidikelt à destination du Soudan.
L'oasis possède, en outre, des mines d'alun. Le Ksar el Arab est
la principale localité de la région d'In Salah.
La plaine qui s'étend entre Tit et In Rhar est riche en fourrages
pour les chameaux. Les cultures sont assez analogues à celles du
Touât et du Gourara, mais plus pauvres.
Le tabac et l'opium n'y sont pas cultivés, les dattes suffisent
avec peine à nourrir les habitants.
L'industrie locale produit quelques tissus de laine.
D'après le commandant Déporter, le Tidikelt aurait 25,000 âmes
avec 4,000 fusils et 1,500,000 palmiers.
D'une façon générale, les appréciations qu'on avait faites sur
le nombre d'habitants du groupe touâtien étaient très exagérées.
D'après les derniers renseignements, la population de tout l'en-
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semble des oasis ne s'élèverait qu'à 90,000 habitants seulement, cul-
tivant environ 3 millions de palmiers.
Le Tidikelt ne posséderait que 9,000 habitants.
La région semble avoir été habitée par les Haratins, probable-
ment d'origine berbère très ancienne et descendants des Garamantes.
C'est la race berbère qui a bâti les ksours, planté les dattiers et
creusé les puits et feggaguir.
Ibn Kaldoun, qui écrivait en 1392, nous dit : « Les Béni Talde,
descendant de la tribu de Magraoua, occupent, depuis un temps
immémorial, le pays situé derrière l'Areg, ils y ont bâti des forts,
construit des bourgades et planté des jardins où Ton trouve des
dattiers, des vignes et des arbres fruitiers. »
Au moment de l'invasion arabe, les Makil vinrent du Mag'reb
avec la tribu des Hillal et devinrent maîtres des ksours du Touât.
C'est probablement de l'époque de l'envahissement de la région
par les Arabes que date le commencement du dépérissement du
pays. On ne peut, en effet, imaginer de plus grand fléau pour un
pays que l'élément arabe nomade. « 11 détruit toujours, a-t-on pu
dire, et ne crée jamais. »
Avec les Arabes, ou à leur suite, sont venus les Cheurfa et les
marabouts, en grande partie originaires du Maroc, cette terre de
prédilection des zaounjas et des confréries religieuses.
Ils sont considérés comme deux fois nobles et jouissent dans le
pays d'une autorité considérable.
Leurs zaouias ou communautés vivent des aumônes des fidèles;
ne point laisser se perdre leur influence est donc, pour elles, une
question très importante. C'est là un point faible par lequel on
peut espérer avoir quelque prise sur elles.
Les unes sont affiliées à l'ordre d'Ouezzan, les autres aux
Kadriyas, aux Derb'aouas, aux Senoussiyas.
Il semble que l'on ait beaucoup exagéré l'importance de ces
congrégations musulmanes. A l'origine, elles ne paraissent avoir
eti qu'un but : rendre à la religion sa pureté primitive et rappro-
cher ses initiés de la divinité.
Mais en affirmant que « quiconque n'a pas de directeur spiri-
tuel a Satan pour chef », elles se sont peu à peu laissées aller à des
visées plus ambitieuses. Grouper le plus grand nombre de khouans
possible pour augmenter leur domination, telle est devenue leur
tâche.
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— 126 —
L'ordre d'Ouezzaa nous est depuis longtemps favorable, proba-
blement dans le but de conserver son indépendance vis-à-vis du
sultan. Depuis un assez grand nombre d'années, son influence au
Maroc va en décroissant. El Hadj-Abd-Es-Salam, en se ralliant trop
ouvertement à la civilisation et en se montrant favorable à la
France et à l'Angleterre, lui a tait perdre beaucoup de son prestige.
La confrérie Taibiya (1) est actuellement en butte aux attaques
des autres associations religieuses marocaines. Elle a espéré
retrouver de la popularité et de l'argent en s'étendant du côté de
notre Sud-oranais.
Beaucoup de musulmans, et du Maroc, en Tmrticulier, semblent
las des agissements des confréries. Les étudiants djebalien» (2) ne
chantent-ils pas cet étrange dicton satirique cité par M. Mouliéras :
€ Le chien et le Derk'aoui ne font qu'un. La fréquentation des
congréganistes est inutile. Ils ont la barbe longue, pendante, sem-
blable à un torchon qu'on a jeté au fumier. Le chapelet aux grains
énormes, le bâton et les haillons sont sans contredit (les maïques)
d'une impiété dissimulée. » L'ordre Senoussiya doit être mis à part.
Par sa haine de l'infidèle, ses visées politiques, il offre de sérieux
dangers. De récents événements l'ont d'ailleurs prouvé iîsous le
constaterons dans l'étude du Soudan.
En résumé, la population du groupe touâtien se compose d^a-
ratins cultivant le sol, de Berbères et d'Arabes. Ajoutons à cela
quelques israélites et les nègres du Soudan.
Dans ce singulier mélange de races, on rencontre jusqu'à des
Maures Kountas du Xiger et des Foulani.
Certains districts du Touât sont habités par des Maures Zenatas
et aussi des Kountas, des Cheurfa ; le Gourara par des Zenaïa, des
Oulad Sidi-Cheikh-Cheraga, etc., etc.
Toutes ces tribus, par suite de leur enchevêtrement, forment des
groupes mal cimentés t comme les pierres d'un mur de l'Islam •,
a-t-on pu dire. Les influences religieuses les distinguent et les
luttes des partis politiques les divisent. Chacun d'entre eux se vante
(1} Au Maroc, on n'appelle guère cette confrérie qu'El-Touhami^ui, du nom de
Moulay El-Touhami Ibn' Moh'ammed qui est considéré comme le grand réorgani-
sateur de la confrérie. — Il vécut de 1G49 à 1715.
(2) I^ province do Djebala comprend la pointe occidentale du Maroc jusqu'à
rOued sebou.
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— 127 —
d'appartenir à \in sof ou parti, et les batailles sont fréquentes entre
ces guelfes et gibelins d'un mauvais genre.
La tradition a conservé le souvenir de la guerre qui éclata
en 1848 entre les oasis àe Temassinin, du Tidikelt et du Touât du
sud d'une part, celle de Tsabit de Tautre.
Tous ces ksouriens étaient, en outre, très fréquemment pillés
par les nomades passant sans cesse du Maroc dans la région du
Touât et inversement.
Une autre cause du dépérissement résidait dans le mauvais
emploi de l'eau.
Les feggaguirs ou canalisations creusées dans Targile remontent
à une très haute antiquité.
Ibn Khaldoun décrit déjà le forage des puit& On en perce un
premier sur un point élevé, t Dans ce but, on creuse le sol jusqu'à
ce qu'on atteigne une couche de pierre très dure. On entame cette
couche pour l'amincir, puis on jette au fond de l'excavation une
masse de fer ; le roc se brise et laisse monter les eaux qu'il recou-
vrait, le puits se remplit et l'eau déborde en formant un ruisseau
sur le sol. »
D'autres puits sont ensuite creusés en des points moins élevés
d'après la même méthode. Ils sont enfin réunis vers leur base par
des feggaguirs.
De la foggara (citerne) mère descendent ainsi de nombreux
petitfi aqueducs qui drainent l'eau à travers les oasis. Les habitants
actuels semblent avoir oublié les anciennes méthodes de construc-
tion de ses canalisations. Beaucoup d'eau est, d'ailleurs, perdue en
raison de leur mauvais état. En' outre, la pluie est très rare dans la
région : on y a vu la sécheresse régner pendant douze années.
Les oasis jouissent pourtant d'une sorte d'administration. A la
tête de celle-ci se trouvent les chefs de district exerçant un certain
ascendant par leurs richesses ou leur caractère religieux.
L'autorité judiciaire est représentée par le cadi qui se charge
de l'application de l'usage local ou kanoum.
Dans chaque ksar, la djemmâa ou assemblée des dhoman (ou
notables) est l'autorité dirigeante. Son président (nommé par les
autres dhoman), porte le titre de cheikh ou d'amin.
Les oasis possèdent en outre quelques employés, s'il est permis
d'appeler de ce nom bureaucratique : Vouakaf, sorte de garde tout
à la fois champêtre et civique, chargé de la garde des portes et
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— 128 —
d*éclairer les abords du ksar pour le préserver des attaques de Ten-
nemi ; le kiel el via (mot à mot, mesureur de l'eau), personnage très
important, chargé de répartir Teau des feggaguir entre les familles
«t de réparer les puits et les canalisations ; Voukil ou intendant des
domaines appartenant en propre à la mosquée ; Vimam chargé du
service du culte et de renseignement coranique à donner aux jeunes
touâtiens.
Ces divers fonctionnaires reçoivent pour prix de leurs services
certaines redevances en nature, telles qu'un régime de dattes et un
peu de blé et d'orge de chaque jardin, un morceau de chaque
mouton égorgé dans le ksar, et, en outre, le droit de faire des quêtes
certains jours de l'année.
Le Touât fait un certain commerce avec les autres oasis.
Du Tafilet il recevait, avant notre occupation des peaux tan-
nées, de la laine, des cotonnades, du thé et du sucre (1), ces der-
nières venant en grande partie d'Angleterre. Le commerce a actuel-
lement un peu repris. Les gens de l'ouest procèdent par vente et
non plus par échange. En outre, la plupart des caravanes allant
du Maroc au Soudan passaient par l'O-Saoura et Akabli.
Tous les ans des caravanes comprenant, d'après M. Flamand,
jusqu'à 1,200 individus, se rendent de notre Tell au Gourara, appor-
tant à ce pays le blé et le beurre qui lui font défaut, des cotonnades,
du sucre et des objets manufacturés, rapportant en échange les
excellentes dattes des oasis gourariennes. Ces caravanes suivent les
medjebed ou pistes de caravanes de Terg occidental. Timmimoun,
Adrar et Tamentit sont les principaux marchés de la région.
Les Tadjakant et Mradiu du Sahel apportent des cotonnades et
vêtements du Draa.
Les Doui-Menia, à l'époque des dattes et quelquefois au prin-
temps apportent de l'orge, du blé, de la laine, du beurre, quelques
moutons et achètent des dattes.
Toute l'année, les Ghenamma viennent vendre à Bouda des
cotonnades et des grains.
En outre, à l'intérieur même du groupe touâtien, existe un cer-
tain commerce d'échange. Le Touât proprement dit fournit au
Tidikelt le tabac et l'opium qui lui font défaut. Le Tidikelt a
(l) Les indi^'^ènes et en particulier les Marocains aiment boire lo thé très sucré.
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— 129 —
imi)orté du 1*^ au 30 juin 1901 (1) 800 kilogrammes de tabac. Il a
reçu en outre 38 charges de blé, 9,140 kilogrammes de thé, 113 quin-
taux de sucre, 69 charges de chameau de laines et de cotonnades, ces
importations proviennent d'origines diverses.
Les Touareg (Isokamaren des Hoggar) approvisionnent le Tidi-
kelt de viande et de laitages. Toujours du 1*" au 30 juin 1901, ils
ont importé à In Salah : 531 moutons, 188 chèvres, 400 kilo-
grammes de viande boucanée de gazelle ou de moufflon, quelques
chameaux de boucherie, 782 kilogrammes de beurre. Ils ont acheté
par contre dans l'oasis : 473 charges de dattes et plus de 6,000 mètres
de toile blanche dont ils se servent pour leurs vêtements.
D'après ces chiffres atteints peu après notre conquête d'In Salah
tt certainement augmentés depuis, nous nous rendons compte faci-
lement de la possibilité d'un certain commerce entre les oasis du
Sahara septentrional et entre celles-ci et les nomades.
Le Touât est enfin en relations avec Ouargla (importation de
produits manufacturés, ancres, cotonnades, etc.) et avec Ohadamès.
Cette oasis exporte des cotonnades d'Europe, du thé, des bijoux
fabriqués à Tripoli et importe, en échange, les dattes qui lui font
défaut. Le Touât paraît, en outre, avoir été le point de passage
d'un certain nombre de caravanes se rendant de Ghadamès à Tom-
bouctou. Rohlfs estimait 20,000 francs par an le trafic des plumes
d'autruche d'In Salah à Ghadamès.
En résumé, au moment où nous en avons fait la conquête, trois
choses manquaient à la région du Touât : la sécurité, l'eau et les
datt«8.
Toutes trois sont, d'ailleurs, intimement liées l'une à l'autre.
Nos colonies ont rétabli la sécurité en purgeant la contrée ; nos
postes de l'O-Zousfana et de FO-Saoura servent de couverture aux
oasis dans la direction du Maroc avec l'avant ligne des postes situés
de l'autre côté du Bechar. Plus en arrière, le poste d'Adrar, choisi
par le général Servière dès son premier raid à travers le Touât,
protège directement les oasis d'Aoulef et d'Akabli, points si impor-
tants, à la jonction des routes se dirigeant vers le Tafilet, le Gourar,
le Touât, le Tidikelt et le Soudan.
Le système sera efficacement complété par les colonnes volantes
dont nous avons parlé plus haut.
(l) Renseignements fournis pcr le supplément du Bulletin du Comité de
V Afrique française de décembre 1901.
PÉNÉTRATION FRANÇAISE 9
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— 130 —
Le calme et la paix rendus aux oasis, il nous faudra assurer
un meilleur emploi de l'eau et pour cela restaurer les milliers de
feggaguirs abandonnés ou en mauvais état. (In Salah en possède
à elle seule 104 kilomètres pour 1,200 habitants.) Nos soldats ont
déjà entrepris la construction de nombreux puits sur toute la lon-
gueur du Tidikelt.
L'eau étant suffisante, les habitants pourront cultiver un plus
grand nombre de palmiers et, par contre coup, leurs récoltes qui
poussent à l'ombre de ces arbres, augmenteront d'étendue et de
rapport.
Le pays se suffira à lui-même et pourra exporter un certain
nombre de dattes.
Le commerce local sera rétabli. Des villages de commerçants
algériens se créent en ce moment à Timmimoun et à Âdrar, sous
la protection de nos postes. La monnaie française est introduite
dans le pays et les indigènes la jugent fort commode.
Le commerce d'échange entre les oasis se développera. N'allons
pas nous figurer que le Sahara est capable d'un très gros commerce,
ce serait fort exagéré, mais il peut tout au moins avoir un com-
merce suffisant. Le gouverneur de l'Algérie, M. Hevoil, a eu une
phrase heureuse pour exprimer ce desideratum : t II reste à appli-
quer demain à ces régions un système d'occupation économique
approprié. » Au point de vue militaire comme au point de vue
commercial la création de routes s'imposaient. Dans de tels pays, les
routes sont essentiellement constituées par l'échelonnement de bons
points d'eau et d'abris pour la nuit. L'autorité militaire a appliqué
le système dans la vallée de TO-Zonsfana par la création de 4 cara-
vansérails entre Djenan ed Dar et Taghit (Ksar el Azoudj, Hassi-
El-Mir, El-Morra, Moungar) et par le forage de 14 puits dont
9 maçonnés. Cet exemple sera à suivre partout.
3" Ouargla,
Les premiers habitants de l'oasis, ces Garamantes mystérieux
dont on a si souvent parlé sans les connaître exactement ont percé
de plus de 1,000 puits la plaine d'Ouargla. Au moment de la con-
quête musulmane, des Berbères se firent place à côté des premiers
habitants; des Berbères Kharedjitew, chassés par leurs ennemis
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- 131 —
acharnés, les Chiites du khalifat de ITchdia, vinrent s'y établir au
X* siècle. L'oasis connut une grande prospérité : les marchandises
du Soudan affluèrent à Sedrata, sa capitale. Mais vers la fin du
XI" siècle, le seigneur de la Kalaa, Mansour bel El-Caïd ben
Hammad vint à nouveau troubler la tianquillité des liéiétiques et
ruiner Sedrata. Ouargla ne tarda pas à la remplacer.
En 1534, les Turcs campèrent sous ses murs. Enfin, au commen-
cement du xvii* siècle, le Maroc y envoya son gouverneur et une
garnison. Ces invasions successives ont donné naissance au bizarre
mélange de races que Ton trouve ue nos jours à Ouargla. La popu-
lation actuelle comprend parmi les sédentaires des Hâratins, des
Berbères, des Soudanais ; tous ces gens se désignant eux-mêmes
sous le nom de Madaniya (gens de la ville).
L'élément nomade est représenté par des Béni Thour venus du
Djerir, des Saïd Otba et des Mekhadma, des Châamba Bou Rouba
et Bou Saïd. Toutes ces tribus se sont établies dans le pays pendant
la première moitié du xvii® siècle. Un troisième élément peut être
désigné sous le nom de parasite : il comprend les M'Zabites et les
Israélites qui, en prêtant à de gros intérêts, ont peu à peu acquis
une partie des jardins de l'oasis.
A notre arrivée dans celle-ci, sa ruine semblait prochaine, plus
de 700 puits étaient déjà morts et le niveau de la nappe aquifère
baissait sans cesse.
De 1883 à 1898, 54 sondages furent opérés sous notre direction et
donnèrent de très bons résultats. Le puits de Balagh Sghira, qui
jaillit en 1898, donne 1,600 litres d'eau par minute.
Ouargla nourrit de dattes tout le Sahara central. A Tombre des
palmiers, on cultive un peu de blé, d'orge, quelques légumes, des
figuiers, abricotiers et grenadiers.
Néanmoins, la situation économique n'est pas encore très bril-
lante à Ouargla. Le commerce de l'oasis avec le sud a beaucoup
diminué.
4° Le Fezzan.
Le Fezzan est un grand carrefour de routes interposé entre
l'Egypte et la Tripolitaine d*une part, le Soudan de l'autre. C'est
un des deux pôles du fanatisme musulman, l'autie étant constitué
par le Maroc.
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— 132 —
Bien que ne rentrant pas dans notre zone d'influence, son étude
tiès sommaire tout au moins s'impose, car actuellement la inajeure
partie, pour ne pas dire la presque totalité du commerce transaha-
rien, passe par ses oasis de Mourzouk, Ohât et Ohadamès à desti-
nation de Tripoli.
Ghadamès est très probablement l'ancien Cydamus des Romains.
L'oasis fut peuplée d'une façon analogue à celles que nous avons
étudiées jusqu'ici. Aux Hâratins. vinrent se superposer des Berbères
et des Arabes. La conversion de Gliadamès à l'islamisme eut lieu
vers la même époque que celle de la Tripolitaine, c'est-à-dire vers
le vn* siècle de notre ère.
Les palmeraies de l'oasis sont insuffisantes. Ghadamès est donc
surtout un centre commercial. On y rencontre des négociants venus
de tous les points de l'Afrique : du Touât, de la Tripolitaine, de
TEgypte, du Soudan même. Les Touareg y viennent fréquemment
et paraissent s'y trouver fort à leur aise.
Ils tiennent, d'ailleurs, les routes des caravanes et savent com-
bien grande est la crainte qu'ils inspirent.
Ghadamès et Ghât possèdent une garnison turque. A plusieurs
reprises, on a fait courir le bruit d'une marche des Turcs sur Bilma,
mais ces nouvelles sont absolument dénuées de fondement. Une
telle entreprise enfieindrait d'ailleurs formellement la convention
conclue avec TAnfi^leterro en 1899, qui laisse à notre influence le
Kawar.
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CHAPITRE VII
LES VOIES COMMERCIALES DU SAHAKA
On peut distinguer quatre groupes principaux de routes unis-
sant le sud du Mag'rib au Soudan.
1** Routes directes du Maroc à Tombouctou ;
2** Routes du Touât à Tombouctou ;
3* Route d'Ouargla au Soudan ;
4** Routes du Fezzan au Soudan.
V Routes directes du Maroc au Soudan,
a) La route principale et directe du Maroc à Tombouctou part
de Tindouf et passe à Taodeni et à Araouan.
Leng, dans le récit de son voyage à Tombouctou, nous parle de la
Geffla el Kebir (la grande caravane), qui t part chaque année de
Tindouf en décembre ou en janvier et retourne en mai ou juin et
compte souvent plusieurs milliers de chameaux et quelques cen-
taines de conducteurs ».
L'oasis de Taodeni est très riche en eau, des puits fort nom-
breux creusés dans le lit de l'O-Teli la lui fournissent en grande
quantité.
Près de Taodeni, à Teghâzza, existe une mine de sel gemme
en exploitation depuis plusieurs siècles. Le Tarikh es Soudan, par-
lant du Dienné, nous dit que t là se rencontraient les marchands
de sel provenant des mines de Teghâzza et ceux qui rapportent l'or
des mines de Bitou ». Or, Dienné fut ruiné par la fondation de sa
rivale Tombouctou, qui eut lieu au v* siècle de l'hégire (ix* de
notre ère). La connaissance des mines de Teghâzza remonte donc
à une haute antiquité.
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Araouan semble être de fondation aussi ancienne que Taodeni.
Diaprés Es'Sadi, « les Touareg Magheharen (fondateurs de Tom-
bouctou) se mettaient en route à l'automne, partant des rives du
Niger et gagnaient Araouan où ils demeuraient ».
Les Marocains, au moment de leur domination sur le Soudan, se
rendaient à Tombouctou en passant presque toujours par Araouan.
Leng a visité cette localité « oii le sable est dans Tair, dans les
maisons, dans les chambres ». C'est « le point d'eau le plus riche
de tout le Sahara occidental », mais la végétation fait néanmoins
presque défaut.
Quant au point d'aboutissement de la route, l'illustre Tom-
bouctou, nous en parlerons dans le chapitre consacré au Soudan.
Les caravanes marocaines y apportent les produits manufac-
turés de l'Europe, les cotonnades, le sel de Taodeni et, en échange,
y achètent des plumes d'autruche, de l'ivoire et de la poudre d'or
en petite quantité. Le commerce des esclaves se joignait autrefois à
ce trafic.
La route de Tindouf-Araouan tiaverse les déserts d'El-Djouf
et d'Iguidi. Pour les éviter, les caravanes suivaient quelquefois :
b) La seconde route qui part de Tindouf et atteint successive-
ment TAdrar Et Tmar, Tichit et Ouâlata.
La mine de sel d'Idjil, située au nord de l'Adrar, fournit les
marchés de cette région et celui de Tombouctou.
€ Tichit, nous dit Es-Sadi, est la patrie d'origine des gens du
Macina. » Cette oasis est donc connue de longue date.
Quant au nom de Ouâlata, sans cesse il revient sous la plume
des chroniqueurs arabes. On a même émis l'hypothèse, jusqu'ici
insuffisamment justifiée, que cette localité avait autrefois la capi-
tale du royaume de ^felli dont la prospérité précéda celle de l'em-
pire songhay.
Cette oasis qui, sous les dynasties songhays, portait le nom de
Biro, fut le théâtre de plusieurs guerres. En 1804, le roi du Mossi
s'en empara après un siège d'un mois (1).
Le Tedzldret en Nùian, comme le Tarikh es-Scniâan, parle en
maints endroits de Ouâlata (2X
(1) Tnrikhcit-Soudan, Trad-Houdas, p. 112.
(2) Tcil:lnrét en Nisinn, par AkhbarMolouk es-Soudan. Trad-Houdas: Paris,
1901.
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La voie Tindouf-Ouâlata-Tombouctou fut donc autrefois très
fréquentée.
Le chiffre total du trafic annuel entre Tindouf et Tombouctou
a été évalué, en 1890, à 1,700,000 francs par an.
2° Routes du Touât à Tombouctou,
Le Touât a été autrefois un grand carrefour de routes vers le
Soudan. Les auteurs arabes parlent dans leurs ouvrages des rela-
tions qui existaient constamment entre le Touât et Tombouctou.
Une mosquée de cette ville portait même le nom de t mosquée des
Touâtiens ».
Actuellement, ou du moins au moment de notre conquête des
oasis, une partie du commerce du Maroc se faisait avec le Soudan
par l'intermédiaire de celles-ci.
Le district d'Akabli servait de point de réunion aux caravanes
du Tafilet, du Goumra, du Touât et du Tidikelt.
D'après les renseignements recueillis en 1890 par le comman-
dant Déporter, ces caravanes partaient deux fois Tan à destination
de Tombouctou. Elles auraient employé 9,000 chameaux et fait un
trafic d'au moins 2 millions.
Deux routes principales directes conduisent du Touât à Tom-
bouctou :
a) Celle qui longe la lisière occidentale de TAdrar-Ahnet, passe
à Ouallen, Aïn-Bennan et Mobrouk ;
b) La route plus longue qui suit la bordure occidentale du
massif Ahaggar, passe à Arrem-Tit, Timissao et Hassi-Infernam.
D'après le lieutenant Cottenest qui Ta parcourue au retour de son
raid, à partir du sud du plateau Ahaggar, cette route serait la meil-
leure. « D'après un ancien caravanier du Tidikelt, cette piste est
encore plus facile au sud d'Arrem-Tit (1). »
Il semble donc qu'il faille rechercher dans les pillages des
Touareg la cause de son abandon par les caravanes.
Celles-ci se faisaient escorter par des convoyeurs religieux appar-
tenant à la Zaouiya Cheïkh-bon-Naama (ainsi appelée du nom
d'un pèlerin tué par les Berâber au cours d'un voyage qu'il accom-
(1) Bulletin du Comité de V Afrique française d*août 1902.
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plissait de l'Azaouad au Tafilet), dans le but de s'assurer le pas-
sage.
c) Elles suivaient souvent une sorte d'itinéraire circulaire.
Emportant du Tidikelt des vêtements de laine et des cotonnades,
elles allaient acheter de la poudre d'or et des plumes d'autruche dans
TAdrar. De là, elles passaient par Taodeni où elles prenaient du sel
qu'elles convertissaient, à Tombouctou, en esclaves et en coton-
nades brillantes du Soudan, très appréciées au Tidikelt. Elles reve-
naient ensuite par Ghât et Ghadamès oii elles échangeaient la
poudre d'or et les plumes d'autruche de l'Adrar contre des coton-
nades importées par Tripoli, du thé et du sucre, denrées qu'elles
vendaient dans leurs oasis originaires à la fin de ce long périple
saharien (1). »
Il semble que notre occupation du Touât ait encore amoindri
ce trafic déjà fort diminué à notre arrivée dans le pays. .
Le colonel Rébillet estimait à 700,000 francs le montant du
trafic de Tombouctou au Touât.
Nous devons tenter par tous les moyens possibles de restaurer
ce commerce sur le point de disparaître.
3** Route d'Ouargla à Kano,
Duveyrier a prétendu que cette route avait été autrefois la plus
suivie. Les auteurs arabes et soudanais ne parlent pourtant point
de cette voie d'échange transsaharienne, dans leurs ouvrages. Au
temps de la prospérité de l'antique Seddrata, puis d'Ouargla, cette
oasis fut surtout un grand centre de culture et ses dattes se répan-
dirent dans toutes les régions voisines, en même temps qu'elle fai-
sait avec celles-ci un certain commerce d'échange.
Les caravanes se rendaient à Amadghor oii se tenait une foire
annuelle. A cette époque, le sel de la Sebkha approvisionnait le
Soudan au même titie que celui d'Idjil, de Teghâzza et de Bibna.
Aujourd'hui, cette mine n'est plus exploitée. Duveyrier attri-
buait l'abandon de la voie Ouargla-Amadghor aux luttes qui divi-
sèrent les Touareg et au régime établi par le gouvernement turc.
Il proposait de tenter le rétablissement de la foire d'Amadghor.
(1) Bulletin du Comité de l'Afrique française de décembre 1901. — Article de
M. Robert de Caix.
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Quoi qu'il en soit, la route la plus directe d'Ouargla à Kano
suit sensiblement l'itinéraire de M. Foureau.
Elle traverse plusieurs zones fort différentes.
D'Ouargla à Aïn-Taïba, l'eau et les pâturages sont abondants.
Entre Aïn-Taïba et El Biodh, le parcours du Ghassi el Ghessal
dans le grand erg est assez facile.
Après le puits d'El Biodh, la route entre dans la hammada de
Tinghert, plateau en général fort sec, au sol do reg pierreux. La
mission Foureau y signale à plusieurs reprises le manque de nour-
riture pour les chameaux.
Entre Timissao et Tabalbalet s'étend la pointe occidentale de
l'erg d'Isaouan. Les dunes alternent avec le reg. t L^oasis de
Timissao, nous dit M. Foureau, est appelée par sa situation, par la
nature de son sol et par la proximité d'une nappe artésienne, à se
transformer en une oasis importante entre l'Algérie et le grand
désert et en une «orte d'entrepôt des marchandises à écouler au
milieu des populations touareg du Nord. » Les environs ren-
ferment de la végétation verte et du had.
A partir d'Aïn el Hadjadj, la route traverse la région difficile
du Tassili. Les pâturages ne comportent plus que le druin sea et
de rares touffes d'azal et de harta. La route dans le chaos rocheux
qu'elle a à traverser en est réduite à suivre les dépressions des oued.
Les principaux puits de la région nord du Tassili, nommée Tin-
desset, sont ceux d'Infounaen et d'Inara.
On s'élève peu à peu dans la montagne, puis on doit descendre
des gorges difficiles jusqu'à Tighamman.
Ce point d'eau est le lieu de rendez-vous des caravanes char-
gées de mil revenant du Soudan.
La route rencontre ensuite successivement l'erg de Tihodayen
et les derniers contreforts du Tassili. Les principaux puits sont
ceux de Tidndi et de Tadouhaout.
La ligne de partage des eaux entre la Méditerranée et l'Atlan-
tique est franchie par 1,3G0 mèties d'altitude environ.
Ensuite s'effectue la traversée de l'Anahef comprenant une
chaîne de montagnes et « une plaine élevée de reg de granit, par-
semée de grandes plaques de même roche presque polies, légère-
ment convexes ».
De Tadent à In-Azaoua (près d'Assiou), la route descend la
large • dépression de la vallée de TaHent. C'est la contrée désolée
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par excellence qui porte en langue touareg le nom de Tiniri. C'est,
avons-nous déjà dit, t une mer de rochers ». Elle est entièrement
dépourvue de végétation. La mission Foureau perdit 160 chameaux
dans cette région. Pendant sept jours de marche, Teau fait défaut
ainsi que le bois.
La dépression d'Assiou comptait autrefois, d'après la légende,
102 puits ; Barth en trouva encore deux lors de son passage. Actuel-
lement, Teau n'existe qu'à In-Azaoua.
D'In-Azaoua à Iferouane s'étend une région assez mal définie
offrant d'abord une immense plaine de sable et de gravier fin avec
quelques pâturages de had assez clairsemés et un peu de m'rokha
vert ; puis le massif d'Igharghatané et le commencement de la
zone montagneuse.
Le puits de Taghazzi est le plus fréquenté de la contrée. La nour-
riture devient t relativement très abondante » pour les chameaux et
les chevaux, t Le sol est couvert d'espaces en espaces par des touffes
épaisses d'alinga. »
Avec Iferouane commence l'Aïr que nous avons décrit dans
l'étude du Sahara méridional. Les obstacles qu'on y rencontre
'consistent plutôt dans l'hostilité des habitants que dans le manque
i'eau et de pâturages qui sont assez nombreux.
L'Aïr retient au passage une partie des objets d'échange venant
du Soudan, en particulier des cotonnades, du tabac, des arachides,
quelques noix de kola, etc.
Nous avons vu, en outre, que ses richesses agricoles ne lui suf-
fisent pas.
Le Damergou est véritablement son grenier à mil et lorsque
les communications viennent à être interrompues avec ce pays, la
famine sévit.
Les caravanes de ravitaillement venant du Soudan sont d'or-
dinaire peu considérables et appartiennent chacune à un des grou-
pements du pays. Il y a ainsi la caravane d'Iferouane, celle d'Aguel-
lal, celle d'Agadez, etc*
Les animaux porteurs qui les composent sont souvent des ânes
et des bœufs.
En outre, chaque année se forme la grande caravane portant le
nom d'Aïria. C'est, en réalité, t une sorte d'exode et de transhu-
mance par petites fractions de toute une population, transhumance
du nord au sud, vers novembre, avec des chargements de sel et de
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tous les articles provenant d'Europe à destination du Soudan ;
transhumance du sud au nord, vers juin-juillet, avec des charge-
ments de blé, riz, mil, cuirs tannés, arachides, tabac et produits du
Soudan à destination des côtes méditerranéennes ou des villes du
Sahara du nord (1) ».
L'Aïr reçoit du sel de Bilma, ainsi que quelques régimes de
dattes. En outre, les indigènes ont affirmé à M. Foureau que, pen-
dant quatre mois de Tannée, on pouvait trouver de Teau, soit en
ghederi pleine, soit sous la forme de tilmas, sur la route de Tom-
bouctou à Agadez et qu'il existe un va-et-vient régulier sur cette
voie. Agadez est constamment visitée par des Ahaggar qui vien-
nent s'y ravitailler en mil. En échange, les Touareg apportent du
laitage et conduisent des troupeaux assez nombreux.
Au sud d'Agadez, la route est très nettement tracée, chose assez
rare au Sahara.
Elle remonte d'abord un court espace désertique avec des gra-
minées sèches seulement, puis entre dans le Tagama.
La végétation devient plus dense et les points d'eau se rappro-
chent.
Le pays se couvre bientôt d'une haute brousse qui annonce l'ap-
proche du Soudan, dont le Damergou est, avons-nous dit, comme
la porte d'entrée.
Durant sa mission, M. Foureau n'a constaté le passage que d'un
petit nombre de caravanes transsahariennes. La plupart de celles
qu'il a vues ou dont il a entendu parler suivaient la route de l'Aïr
vers Ghât. L'ancienne voie vers Ouargla est donc à peu près aban-
donnée. Elle s'est rejetée vers la Tripolitaine.
La route est difficile dans le Tassili ; nous avons vu, en outre,
qu'il y a sept jours de marche sans eau entre Tadent et In Azaoua.
Xous livrons ces constatations aux réflexions du lecteur.
4** Les rôtîtes du Fezzan vers le Soudan,
Le Fezzan, avec ses prolongements Ghât et Ghadamès, est
devenu le principal intermédiaire du commerce transsaharien qui
semble s'être réfugié en territoire purement islamique. Tripoli et
(1) Fourra u, loc, cit.
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Benghazi en sont les deux principaux débouchés sur la Méditer-
ranée. Le colonel llébillet évaluait, en 1890, à 3 millions de francs
lo commerce entre Ghât et Tripoli, soit par la voie directe, soit par
rirtermédiaire de Ghadamés.
Les routes principales partant de la région du Fezzan et se diri-
geant vers le Soudan sont au nombre de trois :
a) Rojite de Ghadamés à Kano par VAïr,
Kano est un grand centre commercial du Soudan. Le capitaine
Cazemajou évaluait son trafic à 1,500,000 francs (exportation
800,000, importation 700,000 francs). L'industrie des vêtements et
du cuir y est fort développé. Monteil, dans le récit de son voyage de
Saint-Louis à Tripoli, a pu dire que t cette ville vêt les deux tiers
du Soudan et presque tout le Sahara central et oriental ».
M. Foureau a constaté que les Touareg de l'Aïr portent presque
tous des gandourah provenant de Kano.
Zinder est la porte par où passe le commerce de Kano avec le
Sahara.
Le capitaine Cazemajou a pu évaluer à 500,000 francs le chiffre
de ses transactions. .\ux étoffes, ajoutons les plumes d'autruche,
les cuirs, la gomme, comme principaux articles d'exportation de
cette région.
b) Route de Ghât ou Mourzouk à Kouka.
Cette route passe par l'importante oasis de Bilma qui fournit
de sel tout le Sahara oriental. D'après Nachtigal, 70,000 cliameaux
y viendraient prendre chargement chaque année. M. Foureau a
trouvé d'assez grandes quantités de barres de sel dé Bilma à Ife-
rouane et à Agadez. L'oasis produit, en outre, quelques dattes.
La route passe ensuite à Agadez. Son ancien point d'aboutis-
sement, Kouka, se trouve actuellement ruiné par les brigandages
de Rabah. Son impoi tance égalait autrefois celle de Kano. Les
articles d'exportation étaient analogues. Ajoutons-y l'ivoire et un
peu de poudre d'or
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— Ul —
Tripoli y importait les draps^ les étoJffes de soie, la quincaillerie,
1.3 sucre, les épices, les objets manufacturés, la bijouterie, les coton-
nades.
c) Route de Tripoli au Ouadaî,
Cette route passe par Koufra et Djada, puis à Test du Tibesti
et du Borkou. Yod et Arada sont les principales oasis qu'elle ren-
contre avant d'arriver à Abeclier dans le Ouadaî, son point d'abou-
tissement. Du Ouadaî on exporte une assez giande quantité d'ivoire
et de plumes d'autruche. Les objets reçus en échange de Tripoli
sont les mêmes que ceux déjà cités ci-dessus.
Le commerce de Tripoli avec le Sahara et le Soudan a été évalué
en 1891, par M. Méry, à 20 millions ; par le colonel Rebillet, à
5 millions. Il semble que ce dernier chiffre se rapproche de la réa-
lité beaucoup plus que le premier.
Moyens propres à ramener vers nos possessions
le courant commercial.
Nous pouvons finalement résumer en ces quelques lignes la
situation actuelle du commerce transsaharien.
Les anciennes routes des caravanes entre l'Algérie et le Soudan
sont aujourd'hui abandonnées. Les conditions dans lesquelles s'est
accomplie cette décadence commerciale des ksours de notre sud-
algérien semblent être d'ordre politique et social, en premier lieu
l'anarchie permanente d'une partie de la contrée, la substitution
des nomades Chaâmbas aux Berbères du sud comme convoyeurs et,
plus récemment, la conquête française, enfin la suppression de la
traite et de la contrebande de guerre qui en ont été la conséquence.
Le commerce du Touât avec le Soudan paraît actuellement lui-
même en décadence. Les caravanes se sont détournées en territoire
purement islamique vers Ghât et Ghadamès.
Nous avons déjà exposé, à propos du Touât, les moyens de
rendre la sécurité et, partant, la prospérité aux oasis de l'extrême
sud, de ramener le courant d'affaires entre le M'Zab et le Touât.
Pour rendre la vie à nos comptoirs de l'extrême sud, pour en
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créer dans nos nouvelles possessions, il semble nécessaire de dimi-
nuer le prix de revient de nos articles d'exportation beaucoup plus
élevé que celui des produits similaires venant du Maroc et de la
Tripolitaine.
Dans ce but, on a créé un certain nombre de postes de sortie
délivrés des droits de douane. Primitivement au nombre de 7, ils
ont été réduits à 4 par un décret du 30 juillet 1900 : Tougourt,
Gbardaïa, Aïn Sefra, Lalla-Marnia pour rendre la surveillance de
la contrebande plus facile.
Les produits ainsi libérés des droits de douane sont :
V Les sucres bruts ou raffinés originaires des colonies françaises,
les sucres bruts exportés directement des fabriques de la métropole ;
2° Les cafés, thés, épices importés directement en France ou en
Algérie d'un pays hors d'Europe ;
3** L'alcool destiné aux parfumeries et à la pharmacie.
En raison de l'expansion récente de notre domination dans le
sud, il serait peut-être utile de reporter plus loin ces postes de
sortie ou d'en créer de nouveaux. Cette question mériterait une
étude très approfondie.
L'avenir de notre commerce dans le Sahara résidera surtout
dans l'importation des articles énumérés ci-dessus et, en outre, des
draps, lainages, cotonnades, étoffes de soie, chéchias rouges, outils
de tous genres, quincaillerie, verroterie, etc., etc.
Ajoutons enfin à tout cela les produits mêmes de notre Algérie
et de nos oasis extrêmes : tabac du Touât, dattes de l'O-Rihr, etc.
Pour l'exportation, le mouvement des affaires sera beaucoup
plus limité. Les produits tirés du Soudan peuvent consister seule-
ment en ivoire et plumes d'autruche, peaux tannées et teintes, cire
et gomme, or en petite quantité.
Des maisons de commerce ou des comptoirs pourront être créés
à In-Salah, Akabli, Timimoun, etc.
Avant même notre occupation du Touât, quelques Châamba de
Metlili s'étaient établis dans certaines oasis, mais ils étaient en
butte aux vexations et ne pouvaient donner à leur commerce une
envergure suffisante.
Les produits similaires venant du Maroc ou de Ghadamès ne
pourront lutter avec nos produits dégagés du droit de douane.
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Pour ce qui est de rancienne route d'Ouargla vers le Soudan,
l'œuvre sera difficile en raison de l'abandon qu'en ont fait les cara-
vanes depuis longtemps.
Par contre, il sera peut-être possible de rétablir Tancienne voie
du Touât vers le Soudan par l'Aïr, parallèlement à la route
d'Akabli à Tombouctou.
Enfin, n'oublions pas que les routes des caravanes du Fezzan à
Kano, au Tchad et au Ouadaï, rentrent par leur partie sud dans
notre zone d'influence.
Il se pourrait que les caravanes de la Tripolitaine se détournent
vers le Darfour et le Kordofan. Il n'y aurait là que demi-mal, car
nous pourrions les remplacer par notre propre commerce, soit en
employant la voie Congo-Oubanghi-Chari, soit la voie transsaha-
rienne par l'Aïr et le Tchad.
En résumé, il semble qu'il y a beaucoup à faire dans la voie du
rétablissement du commerce du Sahara.
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CHAPITRE VIII
LA QUESTION DU TRANSSAHARIEN
L'idée transsaharienne a toute une histoire, elle a soulevé des
polémiques ardentes. Il semble que Duponchel ait droit à sa pater-
nité, en raison de ses travaux de 1874.
Dès sa fondation en 1878, la société de géographie d'Oran fit
du chemin de fer transsaharien son objectif principal.
Le 27 novembre 1879, M. de Freycinet déposait à la Chambre
son projet de loi ayant pour objet d'afiecter un3 somme de 600,000 fr.
aux explorations et études nécessaires pour piéparer la mise en
communication par voie ferrée de l'Algérie avec Fintérieur du
Sahara. De là naquiient les missions Choisy, Flatters et Pouyanne.
En même temps, Soleillet devait chercher à gagner ïombouctou
par le Sénégal et FAdrar.
Après le massacre de la seconde mission Flatters en 1881, ces
tentatives se trouvèrent abandonnées durant une dizaine d'années.
Elles étaient prématurées, car on ne peut songer à construire avant
do* posséder complètement le terrain de construction.
En 1890, une conférence faite par M. l'ingénieur Rolland à la
Société de géographie, rendit à l'idée un nouveau lustre. Dès lors,
les projets de transsahariens devinrent fort nombreux.
Les principaux sont les suivants :
1** UOran à Tombouctou,
Cette ligne est actuellement la plus avancée vers le sud. Son
premier tronçon long de 550 kilomètres de Djenen-bou-Rezg à la
mer a été inauguré le 1"" février 1900 et elle atteint actuellement
les environ^ de Beni-Ounif, en face de Figuig. Les travaux sont
poussés dans la direction d'Igli, pour, de là, descendre dans la
vallée de l'O-Saoura vers le Touât et Taourirt.
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A partir de ce point, plusieurs projets ont été proposés :
a) La ligne la plus directe passerait à l'ouest de rAdrar-Alinet,
puis par Ouallen et Mobrouk. Elle présente Tinconvénient de tra-
verser le Tanezrouft où l'eau est très peu abondante, entre un
point situé un peu au sud d'Ouallen et Mobrouk, cette région s'éten-
dant sur plus de 400 kilomètres ;
h) Le second itinéraire possible partirait de Taourirt ou d'In-
Salah, passerait entre l'Adrar-Abnet et le Muydir, puis à Arrem-
Tit, Timissao, Inchoudherit, Taberrichet et de là atteindrait
Tombouctou. Il aurait l'avantage d'éviter la région déserty^ue du
Tanezrouft, sa section comprise en dehors de la région des puits
rapprochés ne dépassant guère 200 kilomètres.
En outre, le lieutenant Cottenest a reconnu, dans son raid sur
l'Ahaggar, que la route entre In-Salah et Arrem-Tit est très facile.
Elle suit partout un reg solide n'ayant que des pentes à peine sen-
sibles. D'après des renseignements indigènes, cette piste serait
encore plus facile au sud d' Arrem-Tit, dajis la direction du Soudan.
Toutes ces considérations pourront entrer en ligne de compte
lorsque l'on aura à déterminer le tracé définitif de la voie ferrée.
Remarquons enfin que le transsaharien Oran-Tombouctou pas-
serait par le centre de gravité de notre Sahara dont la masse la
plus considérable est située à l'ouest.
En raison de notre occupation du Touât, le prolongement de la
ligne jusqu'à, Taourirt est de toute urgence.
Ce saharien une fois construit, il resterait à le transformer on .
transsaharien si le besoin s'en faisait sentir.
Il aurait alors, d'une manière approximative, les longueurs sui-
vantes :
DOran à Djenen Bou Rezg (tronçon construit) : 550 kilomètres.
De Djenen Bou Bezg à ïgli (tronçon en construction) : 250 kilo-
mètres.
D'Igli au Touât : 460 kilomètres.
Du Touât au Niger ; 1,140 kilomètres.
Soit un TOTAL d'environ 2,400 kilomètres.
2° U Alger à Tombouctou.
Les promoteurs de ce projet proposent de mettre en communi-
cation le centre administratif et économique de l'Algérie avec le
grand centre du Soudan occidental.
PÉNÉTRATION FRANVAISE 10
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— 146 —
La mission Choisy a étudié le terrain de Laghouât à £l-Golea.
De ce point, la voie ferrée atteindrait In-Salah. A partir du Tidi-
kelt, le tracé se confondrait avec un des précédents jusqu^à Tom-
bouctou. Un autre projet consisterait à la diriger en ligne droite
d'El Golea sur Arrem-Tit, Timissao, etc., etc.
Elle aurait alors à traverser le Muydir, effroyable chaos de gara
et de collines rocheuses, d'après le lieutenant Cottenest.
Elle pourrait enfin prendre sa direction vers le Soudan central
par l'itinéraire de la seconde mission Flatters, c'est-à-dire Hassi-
Inifel et Amguid, se confondant, à partir de ce point, avec le projet
Ouargla-Zinder.
Quoi qu'il en soit, sa prolongation, au moins jusqu'à El Golea,
s'impose dans un bref délai. Elle diminuerait beaucoup les frais de
transport de nos troupes vers l'Extrême-Sud.
Cette ligne est actuellement la plus en retard. Elle atteint seu-
lement Berrouaghia à 135 kilomètres de la mer. Pour réunir ce
X)oint à Laghouât, on a commencé à construire une route, future
base de la voie ferrée.
La ligne aurait pour longueur :
D'Alger à Berrouaghia (tronçon construit) : 135 kilomètres.
De Berrouaghia à Laghouât : 128 kilomètres.
De Laghouât aux environs de Ghardaïa : 175 kilomètres.
Des environs de Ghardaïa à El Golea : 242 kilomètres.
D'El Golea à In-Salah (route reconnue par M. Foureau
en 1893) : 400 kilomètres environ.
Soit au ix)TAL : 1,080 kilomètres environ.
3° De Biskra au Soudan central par Ouargla,
Ce tracé possède de nombreux et chauds partisans. Citons parmi
eux : MM. les ingénieurs Rolland et Fok, le général Philibert, le
colonel de Polignac, Ferdinand de Béhagle, Paul Leroy-Beaulieu.
Il aurait pour direction générale : Tougourt-Ouargla, le Ghassi
el Mouilah, El Biodh, Amguid, le Tassili, l'Aïr.
De là, la voie ferrée se dirigerait vers Zinder et le lac Tchad
avec, au besoin, un embranchement partant d'Agadès ou de Zinder
vers le Niger.
Ce projet suit sensiblement l'itinéraire de la mission Foureau-
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— 147 —
Lamy et, dans un paragraphe précédent, nous avons assez longue-
ment décrit ks régions diverses qu'il parcourt.
Nous avons noté, en particulier, les difficultés de terrain du
Tassili et le manque .d'eau, de pâturages et de bois, durant sept
journées entre Tadent et In Azaoua.
Au point de vue pubbment matéeiel, la voie ferrée serait donc
moins aisée à établir et plus coûteuse que celle du Touât à Tom-
bouctou.
Les i>artisans du transsaharien Biskra-Zinder répondent à cette
objection en faisant remarquer que le seuil le plus élevé à franchir
ne dépasserait pas 1,400 mètres et que des hauteurs semblables ont
été traversées par les voies ferrées algériennes ; que, d'ailleurs, les
chemins de fer de TAfrique centrale montent aux environs de
2,000 mètres. Des puits pourraient être creusés aux endroits privés
d'eau ou remplacés par des canalisations artificielles.
En somme, aucun obstacle matériel insurmontable ne s'oppose
à la construction du c grand central africain ».
Sa longueur totale, y compris l'embranchement vers le Tchad,
serait d'environ 3,200 kilomètres.
4** De Gabès à BÛTna et au Tchad.
Ce projet passe par Qhadamès et Ghât qui rentrent, ne l'ou-
blions pas, dans la zone d'influence turque. Il aurait le mérite
d'être un des plus courts et de nous établir solidement sur notre
frontière orientale. Mais il est, en somme, excentrique et, en outre,
les difficultés politiques qu'il occasionnerait semblent devoir le con-
damner.
5** Nous signalerons seulement pour mémoire le projet Rohlfs
passant par Tripoli, Mourzouk, Bilma, et aboutissant au lac Tchad
cet itinéraire échappant par son point septentrional d'aboutisse-
ment et une grande partie de son parcours à notre zone d'influence.
Raisons d* établissement du transsaharien.
Après cet exposé rapide des divers projets de transsaharien
proposés à l'étude et la constatation de leur plus ou moins grande
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— 148 --
facilité de construction, il s'agit de voir quel pourra être le rôle de
semblables voies ferrées.
Il est tout d'abord nécessaire de distinguer nettement deux
points de vue bien différents : Teconomie et la politique.
Le point de vue économique renferme lui-même deux éléments
distincts : l'importation et l'exportation. Il faut enfin tenir compte
du trafic possible d'un transsaharien dans le Sahara lui-même et
au Soudan.
l** Traûc SAHAHEEN suscejjtible d^être accompli par une voie ferrée.
Les explorations récentes semblent prouver que l'on ne peut
espérer tirer grand parti du Sahara lui-même.
Entre Timassinin et l'Aïr, on ne trouve que des points d'eau et
non des oasis susceptibles dé quelque commerce. L'Aïr est lui-même
un pays peu riche, suffisant difficilement à sa propre nourriture.
Vers l'ouest, Ouâlata et Araouan (voie ferrée du Touât à Tom-
bouctou à proximité) et plus loin l'Adrar, vers l'est le Kawar avec
Bilma, sont les seuls groupements de quelque importance.
Les richesses minières du Sahara sont encore, il est vrai, assez
mal connues, comme nous l'avons déjà constate.
L'importation du sel, soit d'origine africaine, soit d'origine fran-
çaise dans les pays du désert qui en manquent, pourra être un
trafic assez rémunérateur d'une voie ferrée dans le Sahara. Ajou-
tons à cela le café, le thé, le sucre, les étoffes de laine et de soie,
les cotonnades dont les gens de l'Aïr se montrent très désireux, la
quincaillerie, les outils de toutes sortes.
Enfin, dans la direction du sud au nord, une voie ferrée pas-
sant par l'Aïr pourra y rapporter du Damergou le grain qui lui fait
défaut et assurer son ravitaillement régulier, ainsi que celui des
diverses tribus touareg.
Quant à l'exportation saharienne proprement dite, elle semble
devoir être peu considérable. Espérons que la découverte de mines
importantes dans tous oes terrains de granit et de quartz viendra
lodîfier cette appréciation.
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— 149 -
2* Trafic transsaharien susceptible d'être accompli
par une voie ferrée unissant le Maghreb au Soudan.
Dans un paragraphe précédent,' nous avons énuméré les pro-
duits principaux d'importation et d'exportation entre le Maghreb i.*t
1? Soudan. Ces produits seront-ils en quantité assez grande pour
couvrir les frais d'établissement et de construction d'un transsaha-
rien ?
Le grand central africain viendrait jusqu'au Tchad en traver-
sant le Damergou. Ce dernier pays paraît être assez riche, d'après
Barth, Foureau, les capitaines Cazemajou et Joallaud. Le coton y
pousse bien, le grain y est très abondant, surtout le mil, enfin le
nombre considérable d'objets en cuivre que l'on trouve à Zinder
font croire à l'existence de mines dans cette région.
Le Bornou a été ruiné par les ravages de B-abah ainsi que le
Baguirmi et les autres pays voisins du Tchad, mais ils sont suscep-
tibles de recouvrer leur ancienne prospérité. On a pu comparer
cette région à l'Egypte. Elle possède un climat analogue et les inon-
dations du lac, comme celles du Nil, s'étendent au loin et fertilisent
les terres.
Un des principaux articles d'exportation du transsaharien du
Tchad à Ouargla serait donc le coton qui pousse fort bien dans la
région, t Or, nous dit M. Paul Leroy-Beaulieu, la demande du
coton sur le marché universel tend toujours à excéder L'ofPre. » Le
débouché en serait donc assuré.
Ajoutons à cela quelques étoffes tissées provenant de Kouka, le
grand centre dont nous avons déjà parlé, les cuirs tannés et teints,
rivoire, les plumes d'autruche, un peu de poudre d'or et enfin...
les voyageurs.
Dans l'état présent de nos connaissances, il est encore difficile
d'assurer que ces produits couvriraient les dépenses effectuées dans
une proportion suffisante.
L'importation paraît devoir être plus considérable. Elle consis-
terait en sel, sucre, café, thé, épices, cotonnades, étoffes de laine et
de soie, quincaillerie, outils, etc., etc.
3® Si, maintenant, du domaine économique nous passons au
DOMAINE POLITIQUE, l'hésitation n'est plus permise cette fois. En
diminuant les distances, le transsaharien rapprochera notre puis-
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— <5Û —
sance et étendra, par conséquent, la zone de notre domination et
de notre influence.
Le transsaliarien, a-t-on pu dire, sera avant tout « une (BUYRR
IMPÉRIALE », permettant, en cas de besoin, de transporter des
troupes au point nécessaire, en cas de conflit avec une puissance
coloniale limitrophe, par exemple.
c Au point de vue straté^que et politique, pour la défense de
notre empire africain, Texécution de cette entreprise s'impose de
la façon la plus évidente (1). »
CONCLUSION
De cette étude du Sahara semblent se dégager les conclusions
suivantes :
Un premier et grand pas a été fait dans la voie de la pénétra-
tion vers le sud par Toccupation du Touât, il faut que ce pas en
avant soit décisif et marque une nouvelle phase de notre expan-
sion.
Xotre conquête ne doit pas demeurer inutile. Nous avons rapi-
dement énuméré, à propos du groupe touâtien, les moyens d'ac-
croître la prospérité des oasis, d'y rétablir la sécurité, de déve-
lopper le commerce. Dans ce but, il egt de toute nécessité de
terminer nos trois lignes : d'Oran au Touât, d'Alger à El Golea,
de Constantine à Ouargla.
Ce premier objepti^ atteint, il paraît indiqué de réunir nos oasis
entre elles par une voie ferrée. M. Huguet a appelé ce projet
« Fanse saharienne » unissant le sud de l'Oranie, Laghouât, Ouargla
et la Tunisie méridionale. On lui donnera avantageusement un
tracé plus méridional passant par In Salah, El Golea, Ouargla,
EJ-Dued, Gabèfl.
J)e cette façon, un trafic sérieux pourra s'établir entre nos oasis
et nos troupes seront rapidement transportées d'un point à un
autre, dans la direction est-ouest comme dans celle du nord au
sud, lorsque le besoin vien(^ra à s'en faire sentir.
Notre véritable base d'opérations vers le sud sepa le Touât. De
ce point presque central du Sahara soumis ^ notre influence, il sera
loisible de lancer des colonnes volantes très mobiles destinées à
(1) Leroy-Beaulieu, La Colonisation chez le$ Peuples modernes.
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— 181 —
rétablir la sécurité dans le Sahara et à réprimer les brigandages
touareg. Le lieutenant Cottenest a donné l'exemple en faisant
tout le tour du massif Ahaggar et en infligeant une sanglante
défaite aux Touareg à Tit.
Plus récemment (octobre 1902), le lieutenant Guillo-Lohan,
parti à la poursuite d'un rezzou qui avait opéré dans la dépres-
sion de l'oued Botha, a traversé du sud au nord la Koudia, massif
central du Ahaggar, jusque-là inviolé.
Du Touât aussi, comme de nos autres oasis extrêmes du Sud
algérien, devront partir des explorations nouvelles pour achever la
reconnaissance du désert dans ses parties encore mal connues.
La prospection de ces régions amènera peut-être la découverte
de mines susceptibles de donner à un transsaharien un trafic rému-
itoérateur.
En même temps que ce mouvement du nord vers le sud pour-
ront s'effectuer des reconnaissances en sens inverse, ayant pour
points de départ le Sénégal, Tombouctou, Zinder.
Il sera peut-être même utile d'occuper Tichit ou Ouâlata situés
au débouché du couloir Maroc- Adrar, ou Araouan, tout en conti-
nuant à tenir solidement Zinder, car qui est maître de ce point
domine facilement le Damergou et par conséquent l'Aïr dont il
est le grenier à mil.
Nos oasis extrêmes du Sud algérien seront, en outre, mises en
communication avec les postes avancés du Soudan par des lignes
télégraphiques.
La question a déjà été étudiée entre le Touât et le coude du
Niger. L'itinéraire le plus commode, en raison du plus grand
nombre de puits de son tracé, semble être celui qui passe par
In-Salah, In-Ziz, Indchoudherite, Taberrichet, Arguebech et abou-
tissant à Gao (1).
Quant au transsaharien avant d'entreprendre sa construction,
il semble nécessaire de rétablir le commerce entre le Maghreb et le
Soudan et t d'essayer d'établir à notre profit un service de cara-
vanes. Une action combinée du gouvernement de l'Algérie et de
celui du Soudan suffirait probablement à résoudre le problème.
Des caravanes algériennes peuvent être envoyées à mi-chemin du
(1) La jonction de l'Algérie au Soudan est aujourd'hui chose faite. Le comman-
dant Laperrine, passant par Ait el Kra Timissao, a atteint Timiaouine, où il a ren-
contré le 18 avril 1904 le capitaine"Théveniaut venant de^la région deyrombouctou.
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— 1.^2 —
Soudan, pendant que d'autres soudanaises viendront au même point
prendre charge
Le commerce rétabli permettra de payer au moins une grande
partie des frais de la voie ferrée. Les explorateurs du Sahara auront
à choisir entre les tracés proposés. La voie du Touât à Tombouctou
paraît dès à présent indiquée en raison de sa moindre longueur et
du peu d'ouvrages d'art et de travaux de terrassement qu'elle néces-
sitera. Il est également fort probable qu'elle devra être doublée par
la construction du grand central africain réunissant Ouargla à
Zinder et au lac Tchad. « Cette œuvre est stratégique et nationale
tout autant que commerciale >, a pu écrire M. Paul Leroy-Beau-
lieu. Nous dirons même plus : elle est avant tout une nécessité
d^ordre impérial, « Le transâaharien, sous ce point de vue spécial,
serait alors une œuvre splendide, supprimant bien des obstacles,
aplanissant bien des difficultés. »
Mais encore une fois, ce serait folie de se lancer dans l'inconnu
et dans le vide en entreprenant sa construction avant d'avoir exploré
complètement le Sahara et occupé solidement les points qui per-
mettront de le dominer et serviront d'appui à la voie ferrée (Agadez,
par exemple).
Ne soyons pas seulement des imaginatifs, mais des gens pra-
tiques, tout en allant vite et en poursuivant sans relâche l'œuvre
entreprise.
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LIVRE III
1. Histoire du Soudan des origines à la formation de l'Empire d'El-Hadj-Omar.
(Ghana- Melli-Songhaï. Domination marocaine. Royaume de Segou.
Macina)/
II. Historique de la Pénétration française au Sénégal et au Soudan.
m. Organisation de l'Afrique occidentale française.
IV. Aperçu ethnographique de l'Afrique occidentale française.
V. Climatologie. Partage en régions naturelles.
VI. Aperçu géologique et orographique.
VII. Hydrographie.
VIII. Aperçu économique. Centres commerciaux. Voies commerciales.
IX. Voies de pénétration française.
CHAPITEE PREMIER
Il est aujourd'hui démontré que le Soudan possède une histoire
qui lui appartient en propre et qu'il eut autrefois une civilisation
indépendante des influonoe» berbère et arabe. L'étude, tout au
moins sommaire, des grandes lignes de cette histoire s'impose. Elle
nous prouve que des populations trop souvent considérées comme
dénuées d'initiative et rétives à tout progrès ont été autrefois capa-
bles de grandes choses.
Nous pouvons espérer que toute vitalité n'est pas éteinte en elles
et que sous notre influence, elles se réveilleront de leur torpeur et
retrouveront l'activité ancienne.
Il nous faudra diriger cette activité dans une voie profitable à
tout le pays en évitant qu'elle engendre seulement des luttes intes-
tines et des discordes trop fréquentes dans l'histoire du Soudan.
Cette dernière est intimement liée aux migrations des peuples
nombreux qui sillonnèrent en tous sens les bassins du Niger et du
Sénégal. En la résumant, nous apprendrons donc quelles sont les
origines, les gloires et les aspirations possibles de toutes ces races
et nous en déduirons ce que nous sommes en droit d'attendre de
chacune d'elles.
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— 160 —
Les renseignements fournis par les auteurs arabes sur les pre-
miers temps de l'histoire soudanienne sont assez vagues. Le plus sou-
vent, en effet, ils ont dû s'en rapporter à la tradition orale et
compter avec l'imagination orientale.
Le royaume le plus ancien dont ils nous aient conservé le sou-
venir est celui de Ghânata. D'après Es-Sâdi, auteur du Tarikh-Es-
Soudan, c'était c une contrée très vaste et à l'extrême occident du
côté de l'océan Atlantique ». Sut l'antique ville de Ghana, sa capi-
tale, les avis sont demeurés fort partagés. Quelques-uns l'ont placée
sur le Niger, d'après certains auteurs arabes. El Edrisi nous dit
que : c Ghana est composée de deux villes situées sur les deux
rives du Nil des Noirs, à douze jours de Melle et à quatorze jours
de Sidjihuessa, la capitale du Tafilet. » Ibn-El-Ouardi et Ibn-Khal-
doun répètent des affirmations analogues, mais les indications de
distances ci-dessus mentionnées p^rouvent bien par leur fantaisie
que ces écrivains ont dû être assez mal renseignés. El Bekri qui leur
est antérieur nous dit au contraire : c Lorsqu'on part de Ghana en
se dirigeant vers le lever du soleil, on arrive à Aougham et quatre
journées plus loin, on rencontre le Ras-El-Ma où le Nil sort du
pays des Noirs ». Ces données coïncident avec celles d'Es-Sâdi qui
place Ghana dans le Baghena, c'est-à-dire, d'après Binger, dans le
Bakhounou actuel. Barth s'est également rangé à cette opinion.
On a cru devoir préciser davantage et identifier Ghana et
Oualâta. Il semble que dans l'état actuel des connaissances, on
doive encore en être réduit aux hypothèses sur l'emplacement exact
de la ville des légendes soudanaises.
Oualâta est au nord-ouest et non à l'ouest de Ras-El-Ma et à
beaucoup plus de cinq jours de marche de ce point.
Quoi qu'il en soit, le Tarikh-Es-Soudun nous assure que le
royaume de Ghana c existait avant l'hégire, que vingt-deux princes
y régnèrent avant cette époque et qu'il y en eut également vingt-
deux qui régnèrent ensuite ». Il ajoute qu' c ils étaient de race
blanche » et que le premier d'entre eux portait le nom de Quaïa-
Magha. Or, le mot magha signifie « grand » en peuL II est donc
probable que cette première dynastie appartenait à la race peule
aujourd'hui éparse dans toutçs nos possessions.
Les premières migrations des Foulbé vers l'Afrique occidentale
remontent à des temps reculés.
Par le type et par la langue, ce sont des Nubi-Berbères, des
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— 161 —
gémites, par conséquent. De nos jours encore, ils ont conservé la
tradition d'une patrie d'origine située vers le nord-est et qu'ils
nomment Diabalgangdéga.
Ils vinrent probablement de la vallée du Nil et semblent être
apparentés aux Eellah& Ils se désignent d'ailleurs souvent entre
eux sous le nom de Foulah ou Fellatah. Poussant devant eux leurs
troupeaux, ils traversèrent lentement l'Afrique tropicale de l'est
à l'ouest et arrivèrent jusqu'à la boucle du Niger* Il est probable
qu'en ce point, ils se fractionnèrent en deux branches dont l'une
poussa vers l'occident jusqu'au Bagbena où nous la trouvons sur le
trône de Ghana et dont l'autre s'étendit jusqu'au nord du pays
haoussa et de là jusque dans le Gourma (1), de l'autre côté du
fleuve.
La dynastie blanche de Ghana avait pour sujets des Ouakoré (2).
Les Senhadjas (3) s'emparèrent du Ghânata en 1076. Leur puis-
sance très affaiblie sous ses derniers souverains tomba vers 1203,
aux mains des Sousou, « tribus parentes des Wankoré r. S'il faut en
croire Ibn-Khaldoun, ces Sousou ou Seuseu étaient depuis long-
temps les voisins du Ghânata, du côté de l'orient.
D'un autre côté, Es-Sâdi nous apprend que la première dynastie
de oe royaume fut remplacée à sa dispersion c par celle de Melli
dont les princes étaient de race noire >.
Un royaume primitif de Melli (4) existait donc bien avant le
xni* siècle à côté de celui de Ghana.
D'après El Bekri, le premier roi musulman des Mandés portait
le nom de Baraminda et régna sur le Melli de 1213 à 1235. Son fils
Mari Diara I«^ (1235-1260) subjugua le Ghânata.
La race mandé semble donc, comme l'a fait constater Binger,
avoir joué dès l'origine un rôle important dans ces régions.
Vers l'ouest, un troisième royaume, le Songhaï avait pour
centre principal Koukiya (nom orthographié parfois Kâgho, Kou-
kan, Kaokao), probablement le Gao actuel, situé sur le Niger. Son
premier souverain fut, d'après Es-Sâdi, Za-Al-Ayaman. Au cours
d'un voyage, celui-ci serait arrivé à Koukiya avec son frère et
(1) D'après le Tarikh-es Soudan le roi songhay Souni Ali se noya en 1492, en
revenant d'une expédition contre les Foulbé du gourma.
(2) Ou Vangaray c'est-à-dire des Mandés.
(3) Ou berbères.
(4) Ce mot est écrit tantôt Melli, tantôt Mali.
PÉNÉTRATION FRANÇAISE 11
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— 162 -
cemme on lui demandait le nom de son pays, Tamé aurait répoifadii z
€ Il vient du Yemen » (Dja-men-^l-Yemen). Des lors, on ne rappela
plus que Za-Âl-Âyaman^ en altérant la proikon^iatian de la plirase
qui avait été dite (1) et sa postérité oonierva oe titre de Za. Le
quinzième souverain Za, Za-£osoï embrassa l'islamisme, «a Tao.
400 de rtégire (1009-1010 de l'ère chrétienne). Binger a fait remaiv
quer qu'à partir de la fin du xi"^ siècle, les rois Songhay portent
noms mandés et que cette race dut l'emporter sur les Son^^iay au-
tochtones dans le courant du xui** siècle.
Za-£osoï eut encore seize successeurs, mais vers la fin de la
dynastie (entre 1311 et 1331), le roi de Mali Mansa-Mouça I",
(souvent appelé Xankan Mouça), conquit le Songhay et en fit son
tributaire. Sous le règne de ce prince, le Mali atteignit son apogée.
Il s'étendit à l'ouest vers l'océan Atlantique et à l'est, jusqu'au
delà du Niger. Le T arikhr^s-Sovdan nous dit textuellement :
« Xankan Mouça prit la route de Tombouctou, il s'en empara et fut
le premier souverain qui s'en rendit maître. > (1336-1337.) Le
célèbre auteur Ibn-Batoutah passa dans cette ville en 754 (1353) et
fut presque le témoin oculaire de ces faits. Seule, Djenné semble
ne pas avoir été conquise par le Mali : « Au temps où la puissance
de la dynastie de Mali était prépondérante, nous apprend Es-Sâdi,
elle avait cherché à soumettre les gens de Djenné, mais ceux-ci
avaient toujours résisté. »
A Kankan Mouça succéda son fils Mansa-Magha I"*. Sous son
règne, le Mali perdit de sa grandeur. Deux jeunes Songhay, fils de
Za-Yabissoï et appartenant, par conséquent à la dynastie déchue,
conservés comme otages par le roi de Melli, parvinrent à s'enfuir
et à gagner leur pays. L'un d'entre eux, Ali-Kolon, monta sur le
trône songhaï et prit le nom de Sonni. Binger a émis l'hypothèse
que de cette époque, date l'appellation de Sonninké, donnée aux
partisans du nouveau roi (Sonni-nké, hommes de Sonni).
Sonni-Ali affranchit son pays de la suzeraineté du Melli, mais
c les limites du royaume songhay ne dépassèrent guère pendant
longtemps les environs de sa capitale » Gao.
A partir de cette époque et jusque vers 1540, deux puissances se
disputèrent donc la suprématie du Soudan : le Songhay et le Melli.
Entre eux, Djenné demeurait indépendante. Dans le Melli, Mansa
(l) Tnri/ih-es Soudan.
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— i«3 —
Slimea avait «uooédé à Marna Magha I" (1839-1359) et avait relevé
son prestige en décadence sous le précédent règne.
Au Mali étaient alors rattachées trois principautés, nous dit
£s-Sâdi et elles portaient le nom de Kala, de Bindoxigou de
SilKTÎdougou. L'emplacement «le l'ancienne capitale du Kala est
probablement le Sokolo actuel, le Bendougou a conservé son nom et
est situé sur la rive droite du Mayel-Balevdi, au-dessus du 13^ de
latitude nord.
Quant au Sibridougo* : € Il était en arrière des deux premiers
et avoisinait le territoire de Melli. » « Chacune de ces principautés
avait douze sultans. • Les noms de ceux-ci sont d'ailleurs encore en
partie d'origine mandé.
Parmi ceux de Kala, nous trouvons, en effet, le Kama-Koy
(Eama veut dire grue couronnée, oiseau fétiche chee les Malinkés)
et le Kao ou Kawa Koy (nom de famille sonninké). Huit d'en+re
eux résidaient dans l'île de Kala, c'est-A-dire entre le Niger et le
Mayel-Balevel et les quatre autres « de l'autre côté du fleuve, dans
la direction du nord (1); quant aux sultans du Bindougou, ils habi-
taient tous en arrière du fleuve du côté du sud.
Le xv® siècle vit la décadence du Mali. Le sultan du Mossi sac-
cagea Tombouctou que c les gens de Melli saisis d'effroi avaient
abandonnée. » En l'an 837 (1433-1434), les Touareg Maghchaien,
sous les ordres du sultan Akil, s'en emparèrent à leur tour et y
demeurèrent quarante ans.
Sonni-Ali II, roi du Songhay l'enleva aux Touareg au mois de
Redjeb de l'année 873 (janvier 1469), « il exerça dans cette ville
de grands, d'immenses et terribles ravages ». Le « tyran » le
« libertin », comme l'appelle Es-Sadi s'empressa « de faire périr ou
d'humilier les savants qui étaient demeurés à Tombouctou ».
Il s'empara de Djenné par la famine, conquit Djaud^a, puis le
Baro, le territoire des Senhajas Manou et le pays des Kounta. Il
lutta ensuite contre le sultan de Mossi qui avait passé le Niger
et s'était emparé de Biro (nom songhay de Oualâta), le vainquit et
le poursuivit jusque dans ses états. Il mourut en 898 (1492-1493),
en revenant d'une expédition contre les Zaghrani et les Foulani du
(1) Le mot arabe qui signifie le Nord, désigne aussi la gauche. Le point car-
dinal initial des Arabes serait donc l'Est, direction de La Mecque; en regardant d©
ce côté, ils auraient, en effet, le Nord à leur gauche et le Sud à leur droite (le Sud
est également désigné par le nvêm* mot que la droite).
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— 164 —
Oourma. Un des généraux du prince défunt s'empara du pouvoir
sur le fils de Sonni-Âli et prit le nom d'Askia Mohammed, fondant
aussi la troisième dynastie songhaï.
Il s'empara de tout le pays de Kounta, battit le Baghenâ-Farî
en 1499 et en 1501, le Gâma-Fitiqalli, caïd du sultan de Melli à
Zallen, saccagea cette ville et pilla le palais du souverain lui-même.
En 1507 c il s'empara de Killaubout qui est Melli >. Il combattit
encore le sultan d'Agadez et celui du Mossi.
Les successeurs d'Askia-Mohammed accablèrent le Melli qui finit
par succomber.
c Alors, dit Es-Sadi, la population de l'empire de Melli se divisa
en trois groupes, chacun d'eux eut à sa tête un prétendu sultan,
mais les deux caïds (que le roi de Melli avait nommés, l'un pour
gouverner la partie méridionale de ses possessions, l'autre la partie
septentrionale, le Sangarzouma et le Faran-Sourâ) méconnurent
l'autorité de ces souverains et se déclarèrent également indépen-
dants, chacun dans son domaine respectif. »
Suivant les recherches de Binger, les cinq nouveaux groupe-
ments ainsi formés auraient été ceux des Bambara, des Malinké,
des Sousou, des Sonninké et des Dioula.
Le chute du Melli eut sa répercussion dans tout le Soudan. Beau-
coup de peuples qui en avaient fait partie s'en détachèrent, tels les
Siéné-Ré, les Tagoua, etc., etc.
L'empire Songhaï demeura seul maître du Nord du Soudan. Il
atteignit le fait de sa puissance sous cet Askia-El-Hadj -Mohammed
ben Abou-Beqr « dont, dit Es-Sadi, la justice, la fermeté s'éten-
daient partout, en sorte que ses ordres accomplis sans peine dans
son palais, s'exécutaient avec autant de facilité sur tous les points
les plus éloignés de l'empire, des frontières du pays de Dendî à
celles de celui d'Hamdiya, des confins du pays de Bindoko, à Teg-
hazza et au Touât, ainsi que dans toutes leurs dépendances ».
Ses successeurs firent de nombreuses guerres contre le Mossi,
le Gourma et le Baghena, dernier reste du Melli. En 1564, Askia-
Daoud envoya une expédition jusque dans le pays de Barka (la
Tripolitaine).
Par malheur, les Askia se livrèrent à des luttes intestines et fami-
liales qui affaiblirent peu à peu le Songhay jusqu'au jour où les Maro-
cains, profitant de leur décadence envoyèrent au Soudan le pacha
Djouder, pour appuyer les prétentions du sultan Moulay Ahmed qui
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— 16S —
réclamait les mines de sel de Teghazza. Passant à Test d'Araouan,
il arriva à Karankara sur le Niger, puis marcha sur Gao et battit
Askia Ishâq près de Toubodi (1). Le souverain songhay s'enfuit
dans le Gourma et fut encore une fois battu à Zallen. Les Maro-
cains luttèrent longtemps contre son successeur Askia Nouh et
finirent par se trouver maître c du parti songhaï et de tous ses
adhérents ». Tombouctou tomba en leur pouvoir, ainsi que Djenné.
Ces deux villes ne tardèrent pas à se révolter et ne furent sou-
mises définitivement qu'au bout de plusieurs mois. Les Marocains
appliquèrent à leurs conquêtes le système du protectorat. Ils nom-
mèrent TAskia (2) du Dendi, les sultans des tribus touareg voi-
sines de Tombouctou, le cadi, Timam et le hâkem (3) de cette ville,
le Kabara-farma (4), le gouverneur de Djenné, mais la population
conserva ses lois et ses coutumes.
Le sultan du Maroc nomma bientôt, à côté du pacha qui com-
mandait aux troupes, un amin chargé des affaires financières. Il
y eut donc deux pouvoirs l'un en face de l'autre.
Peu à peu Téloignement du Maroc permit aux pachas de se
rendre indépendants. Le pacha n'intervint même plus dans leur
élection qui fut faite par les troupes. La cour marocaine cherchait
néanmoins à laisser croire que le pacha était son vassal et, dans ce
but, lui envoyait de temps en temps des messagers, mais cette pré-
tention était fort illusoire. A Moulai* Abdallah, propre fils du sultan
venu à Dienné en 1736, les habitants de cette ville répondaient :
c Nous ne vous connaissons pas, nous ne reconnaissons que les
pachas et leurs enfants, quant à vous, nous ne vous reconnaissons
aucune autorité, nous ne savons qui vous êtes et ne faisons aucun
cas de vous (5) ».
Quatre-vingt-dix-sept pachas se succédèrent à la tête de Tadmi-
nistration marocaine de 1590 à 1750 (6).
Quelques uns d'entre eux gouvernèrent très despotiquement, tel
(!) Peut-ôtro le mont Tondibi au Nord de Gao.
(2) Il y eut 16 Askias nommés par les Marocains.
(3) Fonctionnaire analogue à nos maires.
(4) Gouverneur du port de Kabara.
(5) Tedzkiret en Nisian.
(6) 157 en comptant ceux qui furent réélus.
Les derniers amins étaient nommés parles pachas.
La fonction s'éteignit en 1689 avec Ahmed ben Ali El-Tezerkin.
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— t66 —
Mansour-ben Me8a'0ud-1>eii Mansour-Ez-Zaeri (1712-1719), dont
la tyrannie effrayante ne se termina qu'avec une réycdie. Les
« legha » an esclaves noirs de ce pacha c allaient jusqu'à détrousser
sur les routes tous ceux qui se rendaient au marcké ou à la mos-
quée. »
D'autres, par contre, n'exercèrent qu'un pouvoir éphémère, cer-
tain, par exemple, ne resta au pouvoir que vingt jours, tel autre
quatre seulement l
L'armée qui les nommait était partagée en trois grands groupes
réunissant chacun des gens de la même région. Il y avait aussi urne
division de Fez, une de Merrakech et une dé Cherragua. Chacune
d'entre elles jouissait d'une certaine autonomie et élisait à tour de
rôle le pacha. Celui-ci, dès sa nomination, imposait aux négociants
de Tombouctou des contributions de 2,000 à 4,000 mitzakels d'or et
les distribuait aux soldats, puis faisait occuper les divers emplois
par ses protégés.
De ce régime à l'anarchie, il y avait bien près. Dès la fin du
xvn* siècle et durant le commencement du xvm*, elle ne cessa de
régner. Les divisions en vinrent souvent aux mains à propos de
l'élection, les favoris du pacha se crurent tout permis, le commerce
assez prospère au début de la domination marocaine périclita.
En 1741, Tombouctou subit une épouvantable famine. Les caïds,
pour se faire nommer pachas, implorèrent jusqu'à Tappui des
Touareg. Ceux-ci devinrent bientôt tout-puissants dans le pays. Ils
furent bientôt maîtres du Tekrour, du Haoussa, d'une partie du
Gourma, tandis que les Foulani s'emparèrent du reste de cette
région. « Ils avaient détruit toute autorité des soldats marocains
à ce point que ceux-ci payaient impôt à eux Touareg. »
En 1743, les Tademekket exerçaient leurs brigandages jusque
sur la route qui mène de Kabara à Tombouctou. La domination
marocaine finit, en quelque sorte, par disparaître devant la har-
diesse et le nombre des Touareg. Un grand nombre de tribus noires
s'étaient d'ailleurs déclarées indépendantes. En 1739, les Ouankore
(Mandé) étaient venus assiéger les faubourgs de Djenné ayant à
leur tête le chef Famâgh. Le Dendi se révolta plusieurs fois et cela
dès la fin du xvii® siècle.
Des cendres de la puissance marocaine naquirent un grand nom-
bre de royaumes noirs.
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— 167
Royaume de Segou.
Les Bambaras ou plus exactement Bl9immana6> peuple d'oTigme
mandé, tentèrent, dès le xvn* siècle d© reconstituer à leur pr^t
l'ancien royaume de Mali. Les auteurs soudaniens nous rappor-
tent leurs fréquents soulèvements. En 1645 « les fétichistes du
Bambara attaquèrent Chibla, la population tout entière s'enfuit
de la ville comme les autres, tout fut détruit pierre à pierre. Peu
après, ils agireni de même vis-à-vis du ¥arka-Koï et de façon plus
vive encore (1) ».
Le pacha Mansour (1712-17t9) c penniant Ite première de ses
expéditions dirigée sur Bora, attaqua Deba, ville des païens de
Bambara b. Enfin, en Tannée 1731, le Têdzkiret en Nisian signale
« une lutte entre les Haoussa et les Gtjurma d'une part et les païens
du Bambara de l'autre (2) ».
Le premier roi de ces Bambaras aurait été un certain Eala-
dian Kouroubari dont la dynastie s'éteignit en 1740 et fut rem>-
placée par celle des Siara. La capitale du royaume était à l'origine
Ségou-Koro.
Bambara et Sonninké (3) entrèrent souvent en lutte, pour con-
quérir le pouvoir et les guerres^ civiles furent nombreuses. La plus
longue- dont l'histoire ait conservé le souvenir est celle qui éclata
à la mort de Kafiadougou (1748) entre deux frères Dabo et Sagoné
pour la conquête du trône. Elle dura jusqu'en 1754 et s'étendit sur
le Segou, le Béloudougou, le Bakhounan et le Nioro.
A la mort de son rival, Dabo (souvent aussi appelé Ngolo) pFrit en
mains le pouvoir et alla résider à Segou Sikoro (1754-1787). S'il
faut en croire les traditions, il établit son autorité de Bammafeo à
Tombouctou et fit longtemps la guerre aux Foulbés du Kalari.
La lutte du Segou contre le Macina peulE commença^ sou» fe
règne de Da Biara (1808^1830) et eut une issue heureuse.
Le Macina demeura suzerain du Segou;
De 1859 à 1861, Aly Diara lutta bravement contre EL-Hadj-
(1) Tarikh es-Soudan.
(2) Tedzkiret en Nisian.
(3) Les Sonninkés semblent avoir occupé le Segou antérieurement aux Bambara
qui y vinrent seulement vor5»>le milieu du.x.vii» siècle.
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— 168 —
Omar, mais ce dernier parvint à s'emparer de Sansanding après
avoir battu Tarmée bambara-macinienne et donna le gouvernement
du Segou à son fils Ahmadou. Ce dernier, battu en 1890 par le
colonel Archinard, se réfugia dans le Kaarta et Segou tomba en
nos mains. Ainsi finit ce royaume.
Royaume du Macina.
D'après le Tarikh-Es-Soudan c les rois du Macina sont origi-
naires de Koma, nom d'une localité du pays de Qayâka (1) qu'on
appelle encore Tao et Tirmisi ».
Le premier d'entre eux, Magban, ne tarda pas à être rejoint par
des « Foulâni, les uns appartenant à la même tribu que lui, les
autres provenant de la tribu de Sangâr qui, à cette époque, noma-
disait sur le territoire compris entre les bords du fieuve (le Niger)
et Mîma ».
Dès l'origine, le pays reçut donc les Foulbé, mais le fond de la
population était formé de Tombes, indigènes de race mandé. Vers
la fin du XVI* siècle, des guerres civiles fréquentes divisèrent le
pays, dans lesquelles intervinrent les souverains sopghays Askia-
el-Hadj-Mohammvid et Askia Ishây.
En 1633, le roi du Macina Hammedi-Anima entra en lutte avec
les Marocains et ne fut vaincu par ceux-ci qu'en 1644. Ils le dépo-
sèrent et le remplacèrent par Hammedi Eatima.
Le TedzJciret en Nisian nous apprend qu'en 1716 c mourut le
Foudako Djelàdji, seigneur du Macina » et qu'il fut remplacé par
Kidado dont le règne dura une quarantaine d'années. A cette
époque, le Macina était, semble-t-il, en bons termes avec Tom-
bouctou.
Vers 1741, il reprit la lutte contre les Marocains. « Hammedi
Foulâni, fils du foudoka du Macina, résolut d'attaquer l'armée maro-
caine. A la tête de nombreux soldats il l'assaillit, mais il fut mis
en déroute complète et ses forces furent dispersées de tous côtés. »
Cette tentative semble d'ailleurs n'avoir été que partielle, au milieu
de l'anarchie générale qui désolait la région.
En 1790, le Peuhl Ahmadou Amat Lalo s'empara du pouvoir et
restaura le royaume de Macina, sous la suzeraineté du Segou. A
(1) Qâyâka était un pays voisin de Kala, situé par conséquent à Touest du Niger.
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— 169 —
cette époque eut lieu yers le Macîna un nouvel exode de Foulbé.
L'union de ces derniers avec la race nègre autochtone produisit une
population assez considérable de Toucouleurs.
Les Foulbé étaient venus de l'ouest. Le nouveau souverain fit la
guerre au Segou, mais sans remporter aucun avantage marqué.
Néanmoins, en 1828, son fils s'empara de Dienné.
En 1861, Ahmadou Cheikbou s'unit à Aly Diara, roi de Segou,
contre El-Hadj-Omar, mais, comme nous l'avons vu, l'armée bam-
bara-macinienne fut vaincue. Alpha Oumar, lieutenant d'El-Hadj,
s'empara de la i)ersonne d'Ahmadou et le fit décapiter. El-Hadj-
Omar donna le gouvernement du Macina à Tidiani, son neveu, qui
soumit à son pouvoir Dienné et Tombouctou.
Le Macina, comme les autres dépendances de l'empire toucou-
leur, tomba en nos mains.
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CHAPITEE II
HISTORIQTTE DE LA ram&TRATIOW* PHAITÇAISB DANS
l'aPETOTUB OeCIDENTALE
Notre empire d'Afrique* occidentale devait se créer au milieu
du chaos de royaumes issus en quelque sosto* im» rmimss de la domi-
nation marocaine. Mais près de trois siècles furent nécessaires à
rinfluenoe française pour s'étendre jusqu'au coude du Niger. A
l'époque dç la création de nos premiers comptoirs sur la côte, les
pachas régnaient en maîtres absolus à Tombouctou. Leur ligne de
communication naturelle était le désert qui les reliait au Maroc ;
la voie du Sénégal ne conduisait qu'à la mer où ils n'avaient aucun
intérêt. Ils négligèrent donc d'occuper les pays du Sénégal et, en
suivant cette route, la pénétration française parvint au Niger, un
siècle après leur chute.
La formation de notre empire passa par plusieurs phases bien
distinctes. L'étude de ces périodes diverses met clairement en
lumière la grande caractéristique de notre expansion en Afrique :
l'infiltration lente, laborieuse, due d'abord à l'initiative privée et
vers la fin du xix° siècle seulement à l'action gouvernementale,
avec le centre du continent pour but de ses efforts.
La domination française a pris naissance sur la côte du Sénégal.
De 1626 jusque vers le milieu du xix* siècle, on ne songea guère
qu'à créer de nouveaux comptoirs de l'embouchure de la Mellacorée
à celle du Sénégal. A ces époques où les colonies étaient presque
toujours livrées à leurs propres forces, ce fut d'ailleurs une tâche
ardue de conserver nos possessions successivement convoitées par
les Hollandais et les Anglais. De 1626 à 1814, le Sénégal dut subir
les vicissitudes les plus diverses, passant sans cesse aux mains de
compagnies commerciales nouvelles, tantôt pris par l'ennemi, tan-
tôt restitué par des traités souvent même inefficaces. Les posses-
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— 171 —
sioiis des puissanoeft Mra d' Europe {ormaient alors comme bu
monde à part et les hostilités continoaieiLt ans ccdouies même après
la signature de la paix par leurs métropoles.
Yers le milieu du xix* siècle^ on put songer seulement à s'étendre
le long des rives du fleuve, véritable vwie conduisant au Scmdttn.
Dès lors on eut à lutter contre de nouveaux ennemis : au nord-
ouest les Maures qui voulaient conserver le monopole du trafic de
la gomme, au sud ks Toucowleurs fanatiques;
Le Sénégal solidemient occupé, les tribus avoisinantes mainte-
nues par une ligne de postes s'étendant de Saint-Louis à Médine,
il nous restait à étendre notre influence sur le Soudan.
La troisième période de notre conquête, de 1863 à nos jours,
vit les efforts successifs tentés pour atteindre le Niger, Segou,
Dieftné et Tomboucti^u. Le fleuve conquis n'était en quelque sorte
qu'une route, une voie de pénétration politique et commerciale.
Il s'agissait désormais d'entrer en relations avec les pays sources
mêmes du trafic. On entreprit, dans ce but, une œuvre dans laquelle
l'antique empire de Mali et le Songhay avaient naguère échjovté et
que les Marocains n'avaient même point tentée : la pénétration
dans ces pays Dafina, Mossi, Gourounsi, Gourma, Bariba jusque-là
rebelles à toute domination et étendant leur masse dans la boucle
du Niger, eut pour point de départ une triple base : le fleuve même,
la Côte d^Ivoire et le Dahomey.
1^ Période. — C'est en 1G26, avec la Compagnie normande, asso-
ciation de marchands de Eouen et de Dieppe, que naît le Sénégal
comme colonie française. A cette époque où les Hollandais tenaient
Arguîn, Gorée et Rufisque, elle fonda le comptoir de Saint-Louis.
En 1664, la Compagnie normande vendit ses établissements à la
Compagnie des Indes occidentales créée par Colbert. En 1672, cette
dernière à son tour cédait ses droits à une Compagnie dite d»
SénégaL L'année 1674 vit la réunion aux domaines de la Couronne
des € terres et comptoirs de la côte d'Afrique ».
Pendant la guerre de Hollande, Arguin, Portudal, Joal, Rufis-
que et Gorée tombèrent en nos mains et le traité de Nimègue nous
laissa ces conquêtes (1678).
La paix rétablie, une nouvelle Compagnie du Sénégal reçut les
privilèges précédemment supprimés*
Durant les années 1692 et 16^3^ aos colonies eurent à lutter
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— 172 —
contre les Anglais. Saint-Louis et Gorée furent pris par le gouver-
neur de la Gambie, puis repris par nos troupes quelques mois plus
tard.
En 1694, une nouvelle compagnie fut fondée sous le nom de
Compagnie royale du Sénégal, Cap Nord et Côte d'Afrique. Son
directeur André Bricé entra en relations avec les chefs indigènes
du Cayor, des Maures Braknas, du Dinar Dmari, du Toro et du
Fouta ; il remonta ensuite le cours de la Ealémé.
La Compagnie des Indes établie par Law en 1718 racheta les
privilèges de la Compagnie royale.
Le XVIII® siècle n'amena point des jours meilleurs pour nos
possessions. En 1758, elles tombèrent au pouvoir des Anglais et la
Compagnie royale britannique d'Afrique reprit tout le commerce
de la région. Le traité de Paris (1763) ne nous rendit que l'îlot de
Gorée.
La Compagnie royale de la Guyane reçut de Louis XV, en
1776, le privilège exclusif du trafic des nègres à Gorée et sur toute
la côte.
En 1779, le duc de Lauzun reprit Saint-Louis aux Anglais.
La paix signée, le 3 septembre 1783, avec l'Angleterre nous
laissa notre conquête et le trafic des noirs prit une extension consi-
dérable avec une nouvelle Compagnie du Sénégal. Celle-ci fut
remplacée en 1785 par une nouvelle association commerciale dite
de la Gomme qui passa des conventions avec les Maures Trarza et
Brakna.
Les guerres de la Révolution et de FEmpire eurent leur contre-
coup en Afrique.
Après plusieurs attaques infructueuses, les Anglais &'empa-
rèrent de Gorée (1800). En 1807, Saint-Louis bloquée résista victo-
rieusement pendant sept mois, mais, moins heureuse en 1809, elle
tomba aux mains de l'ennemi.
L'article 8 du traité de Paris (1814) nous rendit la colonie du
Sénégal en l'état où elle était au l*' janvier 1792.
La Restauration tenta la création de centres agricoles et, à ce
propos, notre colonie entra en lutte avec les Foulbé du Toro et les
Maures Trarzas. Ces derniers durent reconnaître nos droits par le
traité de juin 1821.
En 1837, les chefs de la Casamance se soumirent à notre domi-
nation et le poste de Sedhiou fut créé.
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— 173 —
L'amiral Bouët-Willaïunez reçut le gouvernement de la colonie
en 1843. Il envoya une mission reconnaître la Falémé. Elle remonta
le cours de cette rivière et revint par la Gambie.
En 1835, Gorée fut déclaré port franc.
2^ Période. — Resserrées entre la côte et les royaumes indigènes,
nos possessions manquaient d'air et voyaient leur développement
entravé. C'était pour elles une question capitale d'élargir leur zone
d'influence. Au nord du Sénégal s'étendait un pays peu riche ne
possédant que de la gomme et habité par des tribus puissantes et
belliqueuses, au sud les régions quasi désertiques du Fouta et du
Ferlo s'interposaient entre la mer et les fertiles contrées de la
Falémé et du Bafing.
La voie naturelle de pénétration était donc sans conteste le
fleuve lui-même. Occuper solidement ses rives s'imposait.
Dans le but de mettre fin aux pillages des Ouolofs et des Tou-
couleurs, le capitaine de frégate Protêt, alors gouverneur du Sénégal,
renforça le poste de Dagana, fit construire celui de Podor et s'em-
para de Dialmath, capital du Dinar (1854).
Cette même année vit la nomination au gouvernement du com-
mandant Faidherbe. Il eut d'abord à lutter contre les Maures.
Ceux-ci furent battus en plusieurs rencontres. En 1857, les Idao-
Aich (parfois improprement appelés Douaïch) durent signer la paix
et en 1858 les Trarza et les Brakna suivirent leur exemple.
La lutte contre El-Hadj-Omar fut plus pénible.
Le fondateur du grand empire toucouleur était originaire des
environs de Podor. Après un pèlerinage à la Mecque, il réussit à
rallier autour de lui de nombreux partisans dans le Dinguiray. De
là, il envahit le Bambouk, le Kaarta, le Bondoù, le Fouta central.
Devant le danger d'un pareil voisinage, Faidherbe fit mettre
en état nos postes de Bakel et de Sénoudébou et créa le fort de
Médine, dans le but d'étendre le cercle de nos relations commer-
ciales et de s'assurer une base d'opérations éventuelle contre le
marabout.
El-Hadj-Omar entra bientôt en contact avec nos postes extrêmes
et s'avança contre celui de Médine, alors commandé par un
traitant mulâtre Paul Hall ayant sous ses ordres sept Européens et
une cinquantaine de noirs. Le blocus dura quatre-vingt-dix-se
joura.
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— 174 —
Avec ÔOO hommes seulement, JPaidiierbe £t leT«r le siège et El-
Hadj-Omar dut se retirer dans le Dinguiray. Cet épisode est
demeuré un des plus fameux de notre épopée ooloniale.
En 1858, le marabout tenta de reprendre l'afEensive, mais il fut
repoussé, et le tata de Guemou, susceptible de couper la navigation
du fleuTe, fut ^nporté par nos troupes.
Le capitaine de vaisseau Jauréguiberry, q«i remplaça q^ques
mois Faidherbe tombé malade, battit en plusieurs rencontres les
Touoouleurs dissidents.
De ret'our en juillet 1863, Faidherbe, désormais général, pacifia
le Sine, le Saloun et le Cayor,
Le colomel Pinet-Laprède qui lui succéda établit notre protec-
torat sur les rivières du Sud et fonda les postes de Bobé et de
Benty.
«3* Période. — Nous étions solidement établis sur le Sénégal à
la fois base de pénétration et voie commerciale, il restait dès lors
à entrer en relations avec les populations du Soudan.
B.ené Caillé avait été le premier Européen qui, parti de la côte
occidentale d'Afrique, avait réussi à atteindre Tombouctou. Du Rio-
Nunez, il s'était dirigé sur le Fouta-Djallon, avait atteint le Niger
à Kouroussa après la traversée du Bafing et du Tankisso, gagné
Kankan, Djenné et enfin Tombouctou.
En 1860, un sous-lieutenant indigène de l'escadron sénégalais,
Aliousi-Sal, visita le Tagant, le pays des Oulad Embarck et des
Oulad-Xacer, Oualata, la contrée sablonneuse d'El-Meniïa (le
miroir) et atteignit Araouan.
Mais, c'est en 1863 seulement que la pensée de la liaison à opérer
entre le cours supérieur du Sénégtil et celui du Niger fut nettement
posée. «
Au lieutenant de vaisseau Mage partant en mission à Segou,
le général Faidherbe disait textuellement : t Le but serait d'arriver
à créer une ligne de postes distants d'une trentaine de lieues entre
Médine et Bammako ou tout autre point voisin sur le Haut-Niger
qui paraîtrait le plus convenable pour y créer un point commercial
sur le fleuve. Si nous pouvions créer une voie commerciale entre le
Sénégal et le Haut-Niger, n'aurions-nous pas lieu par là d'espérer
de supplanter le commerce du Maroc avec le Soudan? »
Le lieutenant Mage et le chirurgien Quintîn, partis de Médine
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— 17S —
eu noT^embie 1863, remontèrent le Sénégal jusqu'à Bafoulabé, pas-
sèrent à Kotindiaii, £ita, Nyami&a et -arrivèpemi à Segcm à la fin du
mois de février 1864.
Keçiis dans cette ville par Âhmadau, £ls d'Ël-Hadj-Omax, ik
y furent seienus pendant plus d'un an en demi-captivité. Sur les
instances de Faidherbe, le sultan se décida enfin à leur remdn la
liberté.
Soleillet tenta, en 1878, de f^agner Segou et de là Tombouctou
ei l'Algérie. Il ïut arrêté comme ses prédéoesseurs •et dut revenir à
Bakel en mars 1879.
Vers la même époque, Zweifel et Moustier, partis de la côte de
Sierra— Leone, parvenaient à Falaba et découvraient la source du
Falï-EJio, branche occidentale du Haut-Niger.
En 1880, le capitaine Gklliéni était chargé de reconnaître le
tracé possible d'une voie ferrée entre Hédine et le Niger.
Partie de Saint- Louis, la mission passa à Bakel et à Bafoulabé,
traversa le Fouladougou, et parvint à Kita dont le chef signa un
traité plaçant tout le pays sous le protectorat de la France.
De Kita, Galliéni marcha sur Koundou et Bammako. Attaqué
daoïLfi sa marche par les Bambaras, il réussit à leur échapper. Mais,
comme MsLge, nos compatriotes restèrent pendant plus de dix mois
prisonniers à Nanga. Seule, la nouvelle de la marche de la colonne
Borgnis-Desbordes parvint ù les faire sortir de cette demi-captivité.
Dès ce jour, il parut évident que la pénétration pacifique ne
pouvait suffire à soumettre à notre influence les débris de l'empire
•d'El-Hadj-Omar. Nous devions tout d'abord nous frayer un pas-
sage les armes à la main et faire preuve de cette force qui seule en
impose aux peuples primitifs.
1881, — La première campagne entreprise eut pour but d'assurer
l'occupation du pays entre Médine et Kita. Le colonel Borgnis-Des-
bordes marcha de Bafoulabé sur Kita, s'empara du village de Gou-
banko coupable de brigandages, et fit commencer la construction du
fort de Kit<i,
18S2. — Le colonel Borgnis-Desbordes, apprenant l'approche de
Samory qui se disposait à envahir le Bouré, se dirigea sur Kéniéra
dont l'almamy refusait de lever k siè^. Le camp retranché de
Samory fut enlevé. A son retour, la colonne construisit le fort de
BadouTohé,
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— 176 —
1883, — On se proposa de s'établir à Bammaka et de relier ce
point au poste de Kita. Dans sa marche, la colonne s'empara des
foyers d'agitation de Mourgoula et de Daba. Samory envoya deux
armées contre BammaJco où l'on construisait un fort. Elles furent
battues en plusieurs rencontres (à Oueya-Ka, Bankomnana, Kou-
makbana, Maréna).
1884, — Durant cette année, Âbmadou, roi de Segou, alla s'éta-
blir à Nyaminâ, laissant le commandement à l'un de ses fils,
Madané. On construisit le fort de Koundou,
1885. — Le lieutenant-colonel Combes fit construire le poste de
Niagassola et celui de Nafadié, Samory vint bloquer oe dernier,
mais ne put s'en emparer grâce à la défense héroïque de la compa-
gnie de tirailleurs du capitaine Louvel. Combes fit lever le siège
après une dizaine de combats acharnés dont le plus important fut
celui du marigot de Kokoro (le 13 juin 1886). Samory battit en
retraite vers le sud.
1886. — Samory a envahi le Birgo, le Gadougou et le Dafing ;
une de ses armées est campée à Gale et menace Niagassola. Frey
marche contre celle-ci et contraint l'ennemi à la retraite, lui livrant
le combat du marigot de Fataka-Djuigo.
Samory effrayé demanda alors la paix. Un traité fut signé, mais
non ratifié comme trop favorable à l'almamy.
Pendant ce temps on reçut des nouvelles fort graves de la
Falémé. Le marabout sarakoUé Mahmadou-Lamine avait soulevé
le Boundou et pris traîtreusement le poste de Sénoudébou.
Grâce aux négociations entamées avec Samory, le lieutenant-
colonel Frey put tourner ses efforts contre le nouveau fondateur
d'empire. Ce dernier, après une tentative infructueuse sur Bakel,
fut battu à Tamboukhané, puis à Kydîra et dut se réfugier dans le
Diaka sur la limite de la Gambie anglaise. Au mois de septembre,
il tenta de reprendre Sénoudébou tombé en notre pouvoir, mais ne
réussit pas davantage.
1887, — Le lieutenant-colonel Gallieni dirigea contre Mah-
madou-Lamine trois colonnes. L'une d'entre elles partie de Saint-
Louis s'avança sur le Saloun où elle battit à Gounbaf Saër Maty
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— 177 —
souverain du Rip et allié flu marabout, les deux autres conver-
gèrent de Médine et de Diamou sur Diani qu'elles brûlèrent.
Mabmadou-Lamine dut se réfugier dans le Niani-Ouli. Les
pays situés entre le Bondou et la Gambie furent alors placés sous
notre protectorat.
Cette même année vit la conclusion d'un traité (7nai 1887) avec
Abmadou. En mars, Samory s'était décidé à accepter les condi-
tions posées par le capitaine Peroz envoyé en ambassade auprès
de lui : le Niger servit de frontière entre nos possessions et les
Etats de Talmamy jusqu'à Tiguiberi, à partir de ce point le Tin-
kisso fut pris comme ligne de délimitation.
On put alors songer à organiser le terrain conquis. Au tour de
chaque poste furent créés des villages dits de liberté, la culture fut
favorisée^
En outre, la question de la navigabilité du Niger fut mise à
l'ordre du jour par la mission du lieutenant Caron qui remonta le
fleuve jusqu'à Koriumé port de Tombouctou.
En même temps, le docteur Tautin et le lieutenant Quiquandon
parcouraient le Beledougou, puis visitaient Segala, Sokoto et
Goumbou.
1888, — Dans le but d'en finir avec Mahmadou-Lamine, le
lieutenant-colonel Gallieni donna l'ordre au capitaine Fortin, qui
occupait Bani, de marcher sur Tamba-Kounda. Le tata fut emporté
et le marabout, mis en fuite, fut tué à Lamen-!£otta.
Du côté du Niger, on construisit le poste de Kangaba, puis celui
de Siguiri. Au nord du fleuve, deux traités signés l'un avec l'Etat
bambara de Sokola, l'autre avec les Oulad-Embark, placèrent ces
pays sous notre domination.
1889, — Le commandant Arcbinard fit bombarder Koundian.
Deux canonnières remontèrent ù nouveau le Niger. Dès le 18 juin
1888, Tiéba, roi du Kenedougou et rival de Samory, avait placé ses
Etats sous notre protectorat.
1890, — La duplicité d'Alimadou se montrait sans cesse dans
des actes hostiles : le G avril, Segou fut emporté d'assaut. Pendant
ITiivemage, l'ennemi tenta de s'emparer du poste de Koniakry,
mais il fut repoussé.
1891, — Le V^ janvier 1891, le colonel Archinard s'empara de
PÉNÉ'l RATION FRANÇAISE 12
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— 178 —
Nioro où Akmadoa avait fixé le lieu de sa résidence et contraignit
ce dernier à chercher un refuge dans le désert. U tourna ensuite ses
efforts contre Samory qui avait violé sans cesse un second traité
signé avec lui en 1889 (1) et s'empara de Eankan, puis de Bissaa-
dougou.
1892. — On pouvait craindre une entente de l'almamy avec les
Anglais de Sierra-Lone, en raison de son rapprochement de leur
hinterland. Le lieutenant-colonel Humbert, envoyé sur le Haut-
Milo, prit Kérouané et Toutoukourou.
1893. — Le lieutenant-colonel Combes lança trois colonnes
contre Samory. Deux d'entre elles marchèrent sur le Haut-Niger et
battirent Tarmée de Bilahi le Vieux, lieutenant de Samory ; la
troisième remonta la vallée du Haut-Milo et s'empara du réduit de
Guéleba.
Bejeté vers le Libéria, Samoiy ne tarda point à se diriger vers
Test, menaçant Kong.
Des lors, le Sierra-Leone anglais se trouva coupé du Haut-
Niger et le traité signé avec TAngleterre, le 21 janvier 1895, recon-
nut nos conquêtes. (Cet arrangement précisa deux actes précédents
signés le 10 août 1889 et le 26 juin 1891. U confirma nos droits sur
tout le bassin du Haut-Niger avec ses deux sources le Fati-Kho et
le Timbi-Kho. En outre, il nous abandonna la route d'Ouelia à
Ouossou par Lucenia, utile au ravitaillement de nos postes.)
Du côté du Moyen-Niger, le colonel Archinard, ayant appris
des tentatives d'insurrection fomentées par Ahmadou devenu roi
du Macina a la mort de son frère Mounirou, se porta sur San et de là
sur Dienné et Bandiagara dont il s'empara.
Le Soudan fut alors divisé en trois régions : région nord, chef-
lieu Nioro ; région est, chef -lieu Bammako ; région sud, chef -lieu
Siguiri.
1894. — La colonne Bonnier marcha sur Tombouctou où elle
entra le 10 janvier, mais le 14, elle fut surprise et massacrée à
Tacoubao, près de Goundam par les Touareg. La colonne Joffre
vengea l'anéanti esement de celle-ci et occupa à nouveau Tombouc-
tou le 12 février.
(1) Ce traité avait reporté notre frontière méridionale du Tinkisso au HautrNiger.
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— 179 —
Nous tenions désormais solidement le cours du Haut et du
Moyen-Niger.
1895. — Le commandant Béjou pacifia les environs de Tom-
bouctou et contraignit à la soumission les différentes tribus touareg
qui nomadisent aux alentours de la ville. En même temps» le lieu-
tenant de vaisseau Hourst demandait le Niger*
4^ Période, — Mais il ne suffisait point d'occuper Tartère com-
merciale du Niger, il fallait encore entrer en relations avec les
peuples susceptibles de trafic et surtout relier entre elles nos colo-
nies du Soudan, de la Côte d^ Ivoire et du Dahomey,
Nos premiers établissements de la* Côte dTvoire (Assi^ie)
dataient de 1701 et notre installation définitive dans ce pays de
1842-1843. La fin du xvn* siècle avait vu notre prise de possession
de Ouidab sur la côte du Dahomey ; le royaume de Porto-No vo
s'était rangé sous notre irrotectorat (1862-1883) et des actes passés
en 1868 et 1878 nous avaient cédé Kotonou.
Le gouvernement français se dérida alors à faire occuper nos
possessions de Kotonou et de Porto-Novo qui reçurent un réeident
militaire.
Dès 1887, le capitaine Bingcr avait conçu le projet de relier
entre elles nos possessions du Soudan et de la Côte du golfe de
Guinée. Parti de Bammako et entré inutilement en relation avec
Samory, il s'était dirigée sur Tengrèla et Kong. Dans cette dernière
ville, il avait préparé la signature d'un traité de protectorat avec
Karamokbo Oulé-Ouattara, souverain du pays mandé-dioula, puis,
remontant vers Le nord, s'était vu arrêter dans le Mossi^ était redes-
cendu à travers le Gourousi et le Mampoursi (binterland anglais
a;ctuel) et était parvenu à Bondoukou. Bevenu à Kong, il signait
avec Karamokbo le traité du 10 janvier 1889, puis faisait sa jonc-
tion avec M. Treicb-Laplène envc^é à sa rencontre de la côte de
Guinée.
Les deux explorateurs redescendirent par le Djimini et l'Anno,
vers Grand-Bassam où ils arrivèrent en mars 1889, rapportant plu-
sieurs autres traités de protectorat passés : le 13 novembre 1888
avec Adjimini, roi de TAbron et du Bondoukou, le 26 janvier 1889
avec Massa Dombo Ouattara, chef du Djimini, et le 8 février ae la
même année avec Komona Gouni, cbef de TAnno. Précédera inent,
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— 180 -
durant Taniiée 1887, Treich-Laplène avait réussi à placer sous notre
pcotiîciorat le Bettié (13 mai), Tlndénié (25 juin), TAlangoua
(13 juillet), le Yacassé (21 juillet et le Cattakrou (21 juillet).
Enfin, le 24 juin 1892 (chargé de délimiter, de concert avec
une mission britannique, la frontière entre la Côte d'Ivoire et la
Côte d'Or et ayant échoué dans cette tentative) put, du moins,
signer un traité "flfe protection avec Kongondi-Ouattara, roi du
Diammalaw
Par la signature de ces différents actes, nos possessions de la
Côte d'Ivoire se trouvaient réunies aux Etats de la rive droite du
Niger placés sous notre protectorat.
Par malheur, l'arrivée des bandes de Samory dans la région
de Kong allait couper nos communications pour plusieurs années.
Du côté du Dahomey, l'attitude arrogante et les razzias inces-
santes du roi Glé'Qlé et de son fils Behanzin nous avait contraints
à une expédition, M. Eayal, envoyé en mission à Abomey, ayant
échoué dans plusieurs tentatives de conciliation.
L'armée dahoméenne se porta à l'attaque de Kotonou vers la
fin de février 1890, mais échoua devant l'énergique résistance du
commandant Terrillon. Elle se rejeta alors vers Porto-Novo où
elle subit une sanglante défaite à quelques kilomètres de la ville.
Whydah fut bombardé par nos troupes et Behanzin signa la con-
vention, du 3 octobre 1890 par laquelle il s'engagea à reconnaître
le protectorat français de Porto-Novo et notre occupation de Koto-
nou ; il recevait en échange une indemnité de 20,000 francs, payable
chaque année.
Mais, dès la fin de 1891, les Dahoméens recommencèrent leurs
incursions et une campagne sérieuse dut être entreprise. La
colonne se mit en marche remontant la rive droite de l'Ouémé^en
septembre 1892). Le 2 octobre, elle traversait le fleuve et, après des
engagements meurtriers à Adéjan, Oumbouémédi et Kotopa, elle
arrivait à Cana (6 novembre) et le 17 novembre entrait à Abomey.
Le colonel Dodds, commandant l'expédition, déclara le roi Behanzin
déchu du trône et banni. Durant l'année 1893, des colonnes volantes
sillonnèrent le pays en tous sens et forcèrent les chefs à la sou-
mission.
Une déclaration du 5 janvier 1894 constitua les royaumes d' Abo-
mey et d'Allada, tous deux soumis au protectorat de la France. Le
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— 181 —
fils de Glé-Glé fut reconnu roi d'Abomey, sous le nom de Ago-li-
Le 25 janvier, Béhanzin avait dû se rendre sans conditions.
Il s'agissait désormais d'étendre, le plus rapidement possible,
notre hinterland jusqu'au Niger.
Dès 1893, le commandant Decœur avait remonté le Mono jusqu'à
Athiémé, puis gagné Togoda et Tado et, reconnaissant que l'Ouémé
et son affluent le Zou s'avançaient vers l'intérieur beaucoup plus
loin que l'on ne croyait, était parvenu à Begbera. Mais le manque 'de
vivres le força au retour vers la côte.
En août 1894, il repartit de Porto-No vo, remonta l'Ouémé jus-
qu'à Agony, visita Savé, Ouessé, Dadjo, Agbana bientôt baptisé
CarnotviUe par M. Ballot qui l'avait rejoint. A Nikki, il signa avec
le roi du Bariba un traité plaçant sous notre protectorat les terri-
toires de ce monarque. Marchant ensuite vers l'ouest, il arriva à
Pâma dont le chef reconnut notre influence, le 14 janvier 1895.
Devançant le commandant allemand de Carnap, il conclut un autre
traité avec le roi du Gourma (20 janvier 1895). De Vada N'gourma,
il gagna enfin Matiacouali, Boti et le Niger oii le lieutenant Baud
l'avait devancé de deux jours, renouvelant le traité signé à Say par
Monteil. Redescendant la vallée du Niger, il put constater que,
jusqu'à Léba, on ne rencontrait aucun agent anglais.
Le résultat heureux de la mission Decœur entraînait pour nous
des conséquences fort importantes. Notre colonie du Dahomey,
privée d'air, pouvait désormais s'étendre vers l'intérieur et les
traités de protectorat conclus coupaient la route du Niger aux
Allemands du Togo.
Dans l'hinterland de la Côte-d' Ivoire, notre situation était loin
d'être aussi bonne.
Dès 1891 pourtant. Marchand avait tenté de mettre en pratique
les idées de jonction entre notre Soudan et 1» Côte-d' Ivoire, émises
par Binger.
Parti de Sikasso, il remonta le Bani (ou Mayel-Balevel) et décou-
vrit les sources d'un fleuve qu'il crut être le Cavally. Il tenta de le
descendre jusqu'au golfe de Guinée, mais arrêté par la mort du
capitaine Ménard tué à Ségué, il dut rétrograder.
Cette première exploration lui avait permis d'affirmer la navi-
gabilité du Bani et il croyait à celle du fleuve qu'il pensait être le
Cavally et qui n'était autre que la Sassandra. Il entrevit, en consé-
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— IHâ —
quence, la poBâibilité de rétablissement d'une voie de communica-
tion fluviale sur sa plus grande étendue, unissant la Côte-d'Ivoire
au bassin du Niger.
En mars 1893, il tenta une nouvelle reconnaissance.
Parti cette fois de Grand-Lahou, il remonta le Bandama. Les
gens de Tiassalé tentèrent de l'arrêter, mais il réussit à les battre à
Koundomissou avec l'aide des milices indigènes et fit construire un
fort. Il passa ensuite à Toumodi, Kokoumbo, Bokobo, et de Bouaké
se "dirigea vers le grand marché de Sahalu. Mais il ne tarda point à
se heurter sur le Bandama aux avant-gardes de Samory, battant en
retraite devant nos colonnes du Haut-Niger. Se rejetant alors vers
le Djimini, le Tagara et le Follona, il parvint en février 1894 à
Tengréla. Son second voyage lui avait permis de reconnaître une
seconde ligne fluviale transnigérienne, constituée par le Bandama
et le Bani. Ce but atteint, il descendit la vallée du Bandama, puis
remonta jusqu'à Kong où il renoua les bonnes relations commen-
cées par Binger. 300 Dioulas l'accompagnèrent même jusqu'à Tias-
salé ; la jonction commerciale semblçiit donc chose faite. L'arrivée
de Samory dans le pays de Kong vint arrêter tout progrès de ce côté.
Colonne Monteil (1894-1895). — En août 1894, M. Delcassé
décida Penvoi d'une colonne au secours de Kong ; le colonel Mon-
t«il en reçut le commandement. Par malheur, ses troupes durent
d'abord être employées à soumettre l'Akapless révolté et, lorsqu'il
put se remettre en marche veis le nord, Kong était tombé aux mains
de Samory et le Djimini était vaincu. Il fallut encore combattre
le Baoulé et, en février 1895 seulement, le colonel Monteil put songer
au premier objectif de son expédition. A Kouadiakofikrou il opéra
sa jonction avec Marchand et entra à Satama le 28 février.
L'avant-garde battit un des corps de Samory à Lafi.boro. Puis,
après les rencontres de Bé, de Kosengana, de Diélissa et de Kadioli,
le camp de Samory fut enlevé par une surprise de nuit sur Sokola-
Dioulassou. Malgré sa victoire, la petite colonne du colonel Marchand
se vit bientôt entourée par 12,000 sofas et elle dait songer à se frayer
un chemin le plus rapidement possible. Elle y parvint par le combat
de Sokola et battit en retraite sur Kouadiakofikrou.
Notre prestige dans la région avait ainsi reçu une sensible
atteinte.
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— 183 —
Mission Toutée. — Dans Thinterland du Dahomey, le comman-
dant Toutée s'était avancé de Begbera jusqu'au Niger où il avait
fondé le poste d'Ârenberg, malheureusement évacué peu de temps
après, et d'Arenberg avait remonté le fleuve jusqu'au Tibi-Farka
en amont du Zinder.
Mission Hourst, — Le lieutenant Hourst partit de Koulikoro
en décembre 1895 et descendit le Niger, reliant ainsi le Haut-Niger
à Say.
Mission Destenave. — Dans le nord de la boucle du Niger, le
commandant Destenave qui commandait le cercle de Bandiagara
avait pénétré dans le Mossi et poussé jusqu'à Ouagadougou, puis
renouvelé à Dori, le traité passé par le commandant Monteil avec
l'émir du Liptako. Le naba du Yatenga ainsi que les chefs de VAri^
binda et du Djilgodji signèrent également des traités de protectorat.
Mission Alhy, — De son côté, M. Alby, parti de Carnotville,
explorait le Tchabé, le Djougou, le Kouandé, les monts de l'Atacora,
le Pâma, reliant ainsi les itinéraires de Binger à l'hinterland daho-
méen et coupant dès lors les routes du nord aux Allemands du Togo.
Mission Deville. — M. Deville, parcourant la région située entre
le Borgou, le Gourma et le Niger traitait avec les chefs de Boucfjf
et de Kandi.
Durant sa mission, le commandant Toutée avait signé des
-traités de protectorat avec le roi de Kitchi (le 7 février 1896), avec
le roi du Kayoma (le 11 février 1895), avec le chef du Gomba
(le 3 mai 1895) et avec le roi de Boussa (le 3 juin 1895).
Notre hinterland dahoméen s'avançait donc désormais jusqu'au
Niger et les pénétmtions allemande du Togo et anglaise de la Côte-
d'Or se trouvaient arrêtées vers le nord. Mais la masse compacte
des pays du Mossi, du Yatenga, du Gourma, etc., etc., bien que
soumise à notre protectorat, n'était point occupée d'une manière
effective. Il fallut encore, en quelque sorte, en faire la conquête et
réprimer de nombreux actes de brigandages. Telle fut l'œuvre de»
campagnes et des missions qui eurent lieu de 1896 jusqu'à nos jours.
Nous parlerons seulement ici des plus importantes.
Mission Baud'Wermeersch. — En janvier 1897, les capitaines
Baud et Wermeersch entrèrent dans le Gourma et soutinrent Bot-
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— 184 —
cliandi, souverain de ce pays, contre une révolution d'une partie de
ses sujets. Les rebelles furent battus à Barga, Tibga, Bélanga et
l'autorité du roi légitime consolidée.
Le capitaine Wermeersch rentra alors à Porto-Novo et le capi-
taine Baud se dirigea sur Say, puis à Boti (ou Botou) et Kodjar
(ou Kotchari). Ce dernier franchit ensuite le Mekrou et alla fonder
un poste à Karimama sur le Niger. Il dut lutter contre les gens de
Madecali, puis redescendit à Ilo dont il reconnut la grande impor-
tance, n rentra enfin à Porto-Novo en traversant le Borgou.
Mission Bretonnet, — Dès le début de Tannée, le lieutenant
de vaisseau Bretonnet s'était dirigé de Parakou vers le Niger et
avait fondé des postes à Bori, Saoré, Bouay, Kandi et Ilo, Le 4 fé-
vrier, il était même parvenu à Boussa qu'il occupa avec l'assenti-
ment du roi.
CaTnpagne Wermeersch-Ganier dans le Borgou. — En juillet,
les Baribas attaquèrent le poste de Kandi. On apprenait en même
temps l'envoi de nombreuses troupes régulières anglaises dans le
Lagos et le Bas-Niger. Il importait de soumettre d'une façon défi-
nitive le Borgou. Le capitaine Wermeersch y fut nommé résident.
Il dégagea Kouandé et rejeta les bandes Baribas au delà du Mekrou.
Le capitaine Ganier vint le renforcer et battit l'ennemi à Begourou,
Guinagouiou, puis s'empara de Nikki. Le 19 novembre, le souverain
Tourou se soumettait.
Le commandement supérieur du Haut-Dahomey fut alors confié
au chef de bataillon Ricour qui eut sous ses ordres quatre compa-
gnies de tirailleurs.
L'autorité militaire, dans toutes ces opérations, avait reçu
l'excellent concours de M. Ballot, gouverneur du Dahomey, dont
l'initiative avait été l'une des premières causes des résultats bril-
lants obtenus.
Plus au nord, le commandant Destenave avait créé une granJe
résidence à Dori et établi une forte garnison à Say où le capitaine
Detbeder était entré le 19 mai sans rencontrer aucune résistan^'e de
la part du roi Ahmadou, qui avait peu à peu reculé dans cette
région.
Mission Cazemajou (1897-1898). — A la fin de 1897, Je capitaine
Cazemajou était envoyé sur la rive gauche du Niger pour entrer eu
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— 185 —
négociations avec les chefs indigènes . Parti de Karimama en
décembre, il parvenait à Argonngou et y signait avec le sultan du
Kahhi un traité de protectorat (le 19 janvier 1898).
Cet acte délimitait les frontières du Kabbi s'étendant vers Test
bien au delà du Dallol Maouri. Ce traité ne nous donna malheureu-
sement pas gain de cause dans les négociations conduites par la
commission anglo-française de délimitation entre Niger et Tchad
et la convention du 14 juin 1898 nous fixa comme limite orientale
le Dallol-Maouri, séparant ainsi en deux tronçons Tantique royaume
de Kabbi, d'une façon tout arbitraire.
Le capitaine Cazemajou, effleurant le nord du Sokoto, arriva à
Zinder où il fut assassiné.
Mission V oulet-Chanoine (1897). — Vers l'ouest, les lieutenants
Voulet et Chanoine avaient pénétré dans le Gourounsi et fait triom-
pher la cause du roi légitime du pays contre son compétiteur, chef
des Zabermabes, par la victoire de Gadiaga.
De Léo, capitale du Gourounsi, ils se dirigèrent vers Liaba (ou
Tarba) où ils rencontrèrent le capitaine Stewart, résident du Cou-
massie anglais. D'un commun accord, ils prirent pour délimitation
provisoire la Volta blanche. Peu auparavant, ils avaient recueilli
les capitaines anglais Cramer et Harlewood dont la mission avait
été détruite par Samory.
A Diebedougou, jonction fut faite avec le capitaine Cazemajou.
Campagne Valet-Gazemajou, — Le colonel de Trentinian avait,
en effet, formé une colonne destinée à occuper les pays de la boucle
du Niger et en avait donné le commandement au commandant
Valet, assisté du capitaine Hugot.
La colonne partie de Segou passa à San et Lanfiera, battit les
populations hostiles des Somos à Sono, Diedou et Tegueré. Le capi-
taine Hugot battit ensuite les Bobos à Mansara et le commandant
Caudrelier, succédant au commandant Valet tombé malade, fixa son
quartier général à Boromo, sur la Volta
Le capitaine Hugot, nommé résident du Gourounsi, occupa Léo
et repoussa une nouvelle tentative du prétendant Zabermabé. L'al-
mamy de Oua renouvela un traité précédemment signé avec le capi-
taine Baud. Le capitaine Braulot et le lieutenant Bunar s'étaient
portés sur Diebougou et étaient entrés en relation avec Samory. Ce
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— 186 —
dernier les attira jusqu'à Bouna et les fit assassiner dans un odieux
guet-apens.
Durant cette même année 1897, plusieurs missions se proposèrent
la reconnaissance des parties inconnues de l'hinterland de la Côte-
d'Ivoire.
Dès le mois de novembre 1896, M. Ëysséric s'était mis en marche
de Grand-Bassam sur Toumodi et avait pris i)our but principal
l'exploration de la région comprise entre le Bandama et le Cavally.
Il longea la lisière septentrionale de la forêt équatoriale, traversant
le pays des Gouros, mais ne put déjmsser Elengué où il fut retenu
captif du 18 février au 7 mars 1897. Il revint ensuite à son point de
départ par le pays des Ya-Oures, celui des Atoutos et Kouadiokofi,
siuvant la lisière septentrionale du Baoulé.
Mission Blondiaux (1897). — A la même époque, le lieutenant
Blondiaux, parti de Touba, descendait vers le sud-est et arrivait à
Buounsira à une journée de marche d'Elengué, le 10 avriL La lisière
nord de la forêt dense se trouvait donc presque complètement
explorée. En outre, le lieutenant Blondiaux acquit la certitude que
le Tienba et la Férédogouba ne portaient pas leurs eaux au Cavally,
mais au Sassandra et que le Bandama Houge était formé p^r la
réunion de deux rivières : le Marahoué et le Yani, ayant leur
source vers le 9* parallèle, ce qui reculait la limite du bassin du
Niger, jusque-là adoptée, d'un demi-degré vers le nord. Enfin, les
deux missions reconnurent les difficultés de navigation du Ban-
dama que Marchand avait cru navigable et les principaux marchés
de ^ola de la lisière nord de la forêt équatoriale.
Mi
fission Pohéguin (1896). 1" Mission Thomann (1897-1898).
Mission Gendre (1897). — Plusieurs tentatives avaient été faites
pour traverser celle-ci du sud au nord ou inversement. Citons seule-
ment celles de M. Pobéguin, puis de M. Thomann qui essayèrent
de remonter la Sassandra, celle de M. Gendre par San Pedro. Toutes
échouèrent par suite des rapides et de l'hostilité des indigènes.
Mission Hostains'd'Ollone (1898-1900). — En février 1898,
MM. Hostains et d'OUone se proposèrent le même but, mais cette
fois en remontant le cours du Cavally. Ils reconnurent que oe fleuve
est formé de deux branches, le Douché et le Douo (ou Youbou),
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— 187 —
cette dernière faisant un coude très prononcé vers l'ouest. Attaqués
par les peuplades belliqueuses d^ Gans, puis des Nguérés, ils durent
se frayer un passage en s'emparant de nombreux villages et sortirent
de la forêt dense en décembre 1899.
Capture de Saviory (29 septembre 1898). — Pendant la durée
de cette mission, la capture de Samory avait assuré notre domi-
nation dans le bassin du Haut-Niger. L'almamy, traqué de toutes
parts par les colonnes françaises et manquant de vivres dans les
pays qu'il avait dévastés, s'était remis en marche vers l'ouest lon-
geant la lisière septentrionale de la forêt dense. Son armée, sans
cesse attaquée par les peuplades habitant la bordure de celle-ci,
s'était peu à peu désorganisée. Au moment oii elle franchissait le
Oavally à Tiafesso, le lieutenant Wœlffel, arrivant de N'zo, se jeta
audacieusement sur son avant-garde avec 150 tirailleurs et fit
20,000 prisonniers, hommes ou femmes. Ce désastre ferma la route
de l'ouest à Samory et amena sa capture à Guélèmou par Gouraud
et de Lartigue (29 septembre 1898).
Mission WœlfeU-Mangin (1899). — En mars 1899, le lieute-
nant Wœlfell, le lieutenant Mangin ayant avec eux le sergent
Van-Cassel, 100 tirailleurs et 150 porteurs armés furent envoyés
de Beyla au-devant de la mission Hostains d'OUone. Cette missioiL
dut livrer de nombreux combats aux habitants de la forêt, en
particulier à Dainné et à Ninéné. Elle avait eu 65 tués ou blessés ;
le ministre la rappela, elle rentra à Touba et se disloqua.
Deuxième mission Thom^inn (1902). — Dans sa première mis-
sion, M. Thomann n'avait pu remonter le Sassandra qu'un peu
au-dessus du parallèle 6** 30'. En janvier 1902, il se mit de nouveau
en route et, cette fois, réussit dans sa tentative de pénétration, joi-
gnant par un nouvel itinéraire la côte de Guinée au Soudan.
U occupation du pays Zaberm^ (1898-1899). — Vers l'est. Tan-
née 1898 avait vu se dérouler des événements importants. La
colonie du Dahomey, qui avait pris une part si active à la conquête
du Niger, s'était préoccupée de prendre possession des territoires
que la convention franco-anglaise du 14 juin 1898 nous avait
reconnus sur la rive gauche du fleuve.
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— 188 —
Le capitaine Lorho avait fondé un poste à Kirtachi contribuant
à tenir le Niger avec ceux de Karimama et de Say. Le lieutenant
Laussu, cliargé d'occuper le pays Zaberma, arriva le 19 novembre
à Dosso et y construisit un fortin.
En décembre, le capitaine Lorho, désireux d'affirmer notre force
et de ramener la sécurité dans le pays, marcha sur le groupe de
villages de Tagazza et brûla Sandiré dont les habitants venaient
sans cesse razzier ceux de Dosso. Le pays de Tagazza se soumit
définitivement en février. Le 15 mars, le lieutenant Cornu châtiait
le village Satie, coupable de l'assassinat de deux tirailleurs et
l'ordre était rétabli.
Le 5 août 1899, le capitaine Angeli du Soudan prit possession
du poste de Dosso au nom de la colonie à laquelle le Zaberma
était rattaché.
Mission soudanaise, Afrique centrale, Klohh-J oalland (1899).
— En 1898, une mission placée sous les ordres du capitaine Voulet
quittait la France ayant pour objectif le Tchad par la route de
l'ouest. Elle devait étudier la limite fixée par la convention franco-
anglaise du 14 juin 1898, atteindre le Tchad, soumettre le Kanem.
Longeant lo Dallol Maouri, elle passa à Matankari, puis à Kankori.
Tout le monde connaît maintenant le douloureux récit de la
révolte qui égara les capitaines Voulet et Chanoine, leur fit perdre
toute notion du devoirs
La mission fut reconstituée avec les restes de la colonne Klobb
et placée sous les ordres du lieutenant Pallier, puis du capitaine
Joalland. Le 29 juillet, le combat de Tyrmeni lui donnait l'entrée
à Zinder et le 15 septembre, l'ancien serki Âhmadou, assassin du
capitaine Cazemajou. était tué dans une reconnaissance ; le pays
se trouvait pacifié. Le capitaine Joalland i-eprenait bientôt la
marche vers l'est (en octobre) et se dirigeait vers le Eanem, pour
se joindre à la mission saharienne Foureau-Lamy.
Colonne Péroz (1901). — En 1901, le colonel Péroz fut chargé
d'aller faire, en quelque sorte, l'inventaire du 3* territoire mili-
taire créé à Zinder. Sa colonne fut ravitaillée avant son départ par
le capitaine Lenfant qui remonta heureusement le Niger de notre
enclave de Forcados à Sorbo-Haoussa, franchissant heureusement
les rapides de Boussa. L'expédition eut à surmonter de grandes diffi-
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— 189 —
cultes provoquées par rhostilité des Touareg indépendamment du
manque d'eau et de l'insuffisance des transports, en suivant la route-
Niger, Taoua, Zinder qui longeait la frontière franco-anglaise
et parcourait plusieurs centaines de kilomètres de désert. Le 12 avril,
un combat dut être livré aux Touareg entre Taoua et Tessaoua à Zan«
guebé et à la suite de cette affaire, les Kel-Gress firent leur soumis-
sion.
Soulèvement du Baoulé (1901). — Durant cette aiême année
1901, des troubles éclatèrent dans le Baoulé. Ils furent rapidement
étouffés et le 14 juillet, le commandant Golonna d'Istria, comman-
dant de la région, pouvait annoncer la soumission des chefs révoltés
et la pacification du pays due au général Combes. La prise de
Eokumbo, centre important des Fafoués du sud, avait consterné les
rebelles.
Baoulé 1902. — En 1902, une nouvelle campagne dut cepen--
dant être entreprise contre les tribus des Âgbas, des Ouarebas et des
Codés par le commandant Golonna d'Istria. Celui-ci remporta la
victoire de Sakassou et pacifia toute la région comprise entre le
Bandama et le Nzi. Les voies commerciales se trouvèrent ouvertes k
nouveau.
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CHAPITRE III
OEGAïaSATION DE L^AFBIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE
En 1899, le Soudan français qui formait auparavant une colonie
autonome avait été réjwirti entre les 4 divisions côtières du Sénégal,
de la Guinée, de la Côte d'Ivoire et du Dahomey. (Décret du 17 oc-
tobre 1899.)
Un décret du 1^ Octobre 1902 vint fortifier Tautorité et les
pouvoirs du gouverneur général. Le gouvernement général com-
prend actuellement : le Sénégal, la Guinée française, la Côte d'I-
voire, les pays de protectorat et dépendant du Sénégal et les terri-
toires du Haut-Sénégal et du Haut-Niger groupés en une. unité
nouvelle sous le nom de Sénégambie.
Dorénavant» toutes les affaires intéressant lea cinq colonies de
l'Afrique Occidentale doivent être traitées par le gouverneur géné-
ral, sous sa responsabilité et sur ses ordres. Un budget spécial au
gouvernement général a été créé et sera alimenté enti*e autres
sources, par des contributions que chaque colonie versera annuelle-
ment. Le siège du gouvernement général est fixé à Dakar. Le gou-
verneur général nomme à toutes les fonctions civiles à l'exception
des magistrats et est assisté d'un conseil du gouvernement. Un
décret du 15 octobre 1902, fixe la composition et les attributions
de ce dernier.
Les colonies conservent leur autonomie administrative et finan-
cière.
L'autorité militaire conserve trois territoires dont le premier a
son siège à Tombouctou et comprend les pays Touareg et Foubbé.
le Tatenga, le Liptako, le cours du Niger entre le lac Dhebo et
Sorbo Haoussa et enfin, au nord du fleuve, Araouan et Taodeni.
Le second territoire militaire embrasse le Mossi, le Gourounsi,
le Dafina, le Kenedougou, le pays Bobo, le Labi.
Le troisième s'étend sur le Zaberma, le pays de Zinder, l'Aïr
et Bilma.
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CHAPITRE IV
APBBÇU ETHlfOORAPHIQUE DE l' AFRIQUE OCCIDENTAIiK FRANÇAISE
Le Soudan offre la plus bicarré mosaïque ethnograpLique. Ou y
rencontre tontes les nuances, depuis le blanc bistré jusqu'au plus
beau noir.
Le peuplement de TAirique occidentale est la résultante d'in-
yasions qui sont venues se superposer les unes aux autres, se péné-
trant parfois et donnant ainsi naissance à des types intermédiaires.
1* Race blanche. — La race blanche est représentée par des
Arabes en petit nombre, des Maures, des Berbères plus ou moins
colorés par suite d'alliances arabes ou nègres, des Touareg et des
Foulbé.
A. Maures. — Les Maures habitent le sud du Sahara aux portes
de notre Sénégal et le nord de la région sahélienne qui s'étend entre
ce dernier fleuve et le Niger.
Leurs principales tribus sont celles des Oulad Bou-Sebou (Adrar
occidental), des Oulad Yahia (habitant la même région), des Mesh-
douf (entre Ooumbou et Oualata), des Oulad Kaceur (au nord du
Kaarta), des Oukd Mahmoud (au nord du Ealari), des Tadjakant
(au nord de Tagant), des Trarza, Brakna et Zenaga (ou Idao-Aïch)
au nord du SénégaL Ces derniers font le commerce de la gomme
sur une très grande échelle.
Les tribus Eountas méritent une mention spéciale. Elles ont
poussé jusqu'aux environs de Tombouctou et ont joué un très grand
rôle dans l'histoire du pays. Après avoir soumis une partie du
Sahara septentrional à l'Islam, ils émigrèrent vers le sud. Au
xn* siècle de l'hégire (xviii* siècle), leur grand saint, Sidi-El-Mokh-
tar bou Ahmed ben Ali Bakeur, acquit une influence religieuse
considérable sur les Touareg. Dans une lutte qu'Us soutinrent
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— 19-2 —
contre les Foulbé du Macina, les Kountas perdirent beaucoup de
leur prestige. Lors de Tinvasion d'El-Hadj-Omar, ils se réconci-
lièrent avec leurs anciens ennemis, et leur chef Sidi-Hamet-Bec-
kay, puis son gendre Beckay-Ould-Ama-Lamine opposèrent une
énergique résistance aux bandes toucouleures. Assiégé dans Ham-
dallay, El-Hadj-Omar tomba mortellement frappé.
Actuellement, disséminés du Hodh à TAdrar et dans TAribinda,
ils forment deux groupes distincts : Tun sur la rive droite du Niger
sous Alouata, l'autre dans TAdrar sous Hamadi. En outre, quelques
petites fractions indépendantes, telles que celles des Brczagda, Ouled
Sidi-Mochtar, etc., subissent Tinfluence de ces chefs religieux. Pas-
teurs et commerçants, ils rayonnent de Taodeni sur tout le fleuve et
leurs caravanes parcourent les routes de la boucle du Niger et vont
porter le sel jusqu'à Dori. Marabouts écoutés jusque chez les Kel-
Es-Souk, ils savent aussi se faire respecter par les armes et n'hési-
tent pas à marcher contre les pillards touareg.
On leur a fait un très bon accueil dans nos postes et, apprenant
à nous connaître, ils ont vite compris qu'avec notre aide ils pour-
raient vivre et coni_nercer en paix, grâce à quelques faveurs qui
leur ont été accordées, ils semblent s'être inféodés à notre cause.
Leurs principaux chefs, Alouata, Hamadi, Zemi sont venus succes-
sivement à Tombouctou dès 1899 et ont fourni d'utiles renseigne-
ments sur nos ennemis qu^ls regardaient désormais comme les leurs.
Au premier appel, ils ont lancé, en septembre, puis en no-
vembre 1899, des courriers vers l'Aïr pour porter à la mission Fou-
reau-Lamy les messages qui lui étaient destinés. Le mouvement du
sel s'étant trouvé arrêté pendant les hostilités contre les Bérabiches,
les convoyeurs habituels, les Kountas ont, sur notre demande, orga-
nisé des caravanes et fait affluer à nouveau le sel vers Tombouctou.
Ces preuves incontestables d'amitié sont peut-être intéressées.
Les Kountas n'en ont pas moins le mérite de s'être franchement
tournés de notre côté et ne se sont pas ménagés pour nous rendre
service. Ils se rendent exactement compte avec quelle facilité les
agressions des Aouellimiden peuvent être repoussées.
Ils nous ont enfin servi d'intermédiaires auprès des Kel-es-
Souk (1).
(1) Ces renseignements ainsi que ceux qui vont suivre sont dus en partie à
M. le lieutenant de Troiîimonts, du €• chasseurs à cheval, qui fut longtemps chef
de poste au Soudan.
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— 193 —
B. Arabes, — Ils sont représentés par les tribus des Oulad
Mbarek, des Oulad Allouch et des Bérabiches. Ces derniers nous
ont donné assez de mal. En paix de fait avec nous depuis Toccupa-
tion de Tombouctou, les Bérabiches conserraient toujours à notre
égard une attitude hésitante.
Dans le courant d'août 1899, leur chef 0-Mahomet, profitant du
départ d'une partie de la garnison de Tombouctou vers l'est, nous
déclarait ouvertement la guerre.
L'arrêt de l'exportation des grains vers le nord qui leur coupa
les vivres, la marche du commandant de la région sur Bandjebiha
avec deux reconnaissances parties de Tombouctou et de Bomba, la
prise de plusieurs campements et de nombreux chameaux, eurent
pour résultat immédiat de détacher de leur chef plusieurs fractions
importantes qui vinrent faire leur soumission. 0-Mahomet, aban-
donné des siens à l'exception de quelques rares fidèles, dut implorer
la paix dans la crainte où il était de se voir supplanter par quelque
personnage infiuent de sa famille.
Les Bérabiches ont compris que, maîtres des grains à Tombouc-
tou, nous étions maîtres aussi de leur existence et par conséquent
les plus forts, que, sans cesse menacés de rezzous Allouch ou Hog-
gar, ils avaient intérêt à se rapprocher de nous pour nous demander
protection au besoin.
C. Touareg, — Partout où s'étend la région désertique, on ren-
contre le Targui. Sa présence dans le nord du Soudan remonte à
des temps fort lointains. Es-Sadi, auteur du Tarikh- es -Soudan,
nous apprend, en effet, que Tombouctou fut fondée à la fin du
v" siècle de l'hégire par les Touareg Maghcharen (1) (fin du
XI* siècle de notre ère) et le texte de son ouvrage nous permet de
supposer qu'ils occupaient le pays à une époque fort antérieure. Au
moment de la décadence du royaume de Melli, ils reconquirent Tom-
bouctou et y dominèrent de 737 à 837 (1336 à 1Ï33 de notre ère).
Nous avons vu que le Songhay Sonni Ali (1468-1492) leur reprit
Tombouctou. Soumis un moment à la domination marocaine, ils ne
tardèrent pas à se rendre de nouveau indépendants et, dès le milieu
(l) On n'a jamais retrouvé trace de celte tribu. Ce mol est probablement un
dérivé formé par contraction du nom d'Imochar, que se donnent souvent les
Touareg.
péni^:tration françaisk 13
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— 194 —
du XTii^ siècle, commencèrent leurs brigandages qui ne connurent
plus de bornes un siècle plus tard. Ils nomadisent actuellement sur
les deux rives du Niger au nord d'une ligne paspant par le lac
Dhebo, Aribinda et Zinder.
Durant la saison sèche, de décembre à mars, alors que la stéri-
lité et le manque d'eau régnent dans le haut pays, toutes leurs
tribus descendent vers le fleuve. Les excellents pâturages qui
s'étendent sur ses bords nourrissent leurs troupeaux. A cette époque,
les noirs leur payaient naguère un impôt de grain et de tabac. Au
moment des grandes pluies, les nomades abandonnent les rives du
Niger et vont s'établir dans leurs campements d'hivernage. Ceux de
la rive droite vont jusque vers Dori, ceux de la rive gauche dans
l'Azaouad, l'Adghagh, le nord du pays Zaberma, etc.
Les mœurs des Touareg du sud sont assez analogues à celles des
Touareg du nord. Leurs serfs font paître les troupeaux et les esclaves
noirs cultivent le sol. Quant au Targui noble, il se réserve la guerre.
Son caractère est parfois chevaleresque, toujours fort brave, mais,
trop souvent aussi, fourbe, méfiant, batailleur.
Les Touareg du sud se répartissent en de nombreux groupe-
ments. Nous allons passer rapidement en revue les principaux :
1° Igouadaren, — Ils se disent venus de l'Oued Droa marocain
et sont actuellement répandus sur les deux rives du Niger aux envi-
rons du coude de Tosaye.
Leurs principales tribus nobles sont celles des Kel-Tabenkourt
(entre Marzaful-Krachioun, Tabellet au nord du Niger) ;
Des Aal'Gogui ;
Des Tarhdnassen et Kel-Chaoni (rive droite du Niger, au sud
de Tosaye).
Les tribus serves Idenan nomadisent sur la rive gauche du
Niger, non loin de Tosaye.
Les Kel'Tabenkourt et leurs serfs les Idenan comprennent
ensemble environ 200 tentes. Pillards invétérés, ils vivent autour des
puits à trois ou quatre jours de marche au nord-est de Bamba. C'est
de là qu'ils partaient pour commettre leurs dépradations sur le
fleuve.
Les Igouadaren se sont montrés très rebelles à notre influence.
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— 195 —
2® KeUEs'Souk (1). — Ce sont les descendants des anciens habi-
tants de TAghagh. En raison de leur caractère maraboutique, leur
influence se fait sentir tout le long du fleuve, aussi bien chez les
populations Galibis, Armas et Songhays, que chez les Touareg. Par
petits groupes, dans les villages qui leur appartiennent, ou comme
secrétaires des chefs des tribus qu'ils exploitent, ils entretinrent
longtemps contre nous l'esprit de haine et d'inimitié. Il existe en
outre de nombreuses fractions indépendantes possédant des trou-
peaux assez considérables et vivant du commerce du sel qu'ils
portent jusqu'à Dori. La plupart ont actuellement fait leur soumis-
sion, par l'intermédiaire des Eountas, mais on doit encore se méfier
beaucoup d'eux.
Leurs principales fractions sont les suivantes :
Les Kelguerit (vers Taberrichet) ;
Les Kel Tinankassar (vers In-Tassit) ;
Les Kel Tiguiditi (vers Diamant) ;
Les Kel Tagrielelt (entre Argabesh et Taguéliet) ;
Les Kel Tamokasser-et-Ederen (entre Tassekort et Sanut) ;
Les Kel Gonnoho (au nord de Menaka) ;
Les Kel Erguedesch (au nord de Menaka) ;
Les Etelett AVHarrici (au noid de Menaka) ;
3® Oulmiden ou Aouellimiden, — Ils sont aussi appelés Ihneden
du nom d'un certain Ouar Ihned, d'origine arabe et commerçant
de profession qui, d'après la légende, aida les Aal Djardjir, ancêtres
des Oulmiden, à repousser un rezzou ennemi et se fixa dans la tribu.
Les Ihneden furent longtemps en guerre avec la confédération
Tademaket.
A la mort de Madidou, les Oulmiden se sont divisés en trois
grandes fractions :
a) Les Oulmiden proprement dits ayant pour chef Fihroune, suc-
cesseur de Madidou (nomadisant vers Menaka et l'Adrar) :
(1) Ainsi nommés parce qu*ils habitaient autrefois le pays du Souk (au marché)
du centre de l'Aghagk.
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— 196 -
1. Tribus nobles : Kel Agaïs, Tareïtamant, Tabanaten, Idra-
guaguen, Kel Tabonen, Ifoghas ;
2. Tribus serveà : Kel Elguetti, Kel Samit ;
b) Les Taguiouelt (chef, Rillou, nomadisent au sud de Taber-
richet) :
1. Tribus nobles : Ibaouene, Kel Taboukort, Kel Teibou, Kel
Taïas ;
2. Tribus serves : Chem Anama, Daoura, Chenadoharane ;
c) Les Kel-Ahara (chef, El-Gashane, nomadisent vers Inienas
et Tassekort) :
1. Tribus nobles : Ibelraouane, Karabessen ;
2. Tribus serves : Irouenane ; El Rerh, El Barkaten, N'Bach,
Adamaschut.
Les Mididayen, tribu oulmiden serve, s'avancent jusque dans la
boucle du Niger au nord de l'Aribinda.
Les Oulmiden ont actuellement beaucoup perdu de leur ancienne
puissance. Disséminés pendant Thivernage dans leur zone de puits
habituelle, de TAdrar à Menaka, Samit et Taberrichet, ils sont
incapables de réunir sur un même point de grands rassemblements.
Ils nous ont néanmoins causé bien des ennuis au moment de
notre prise de possession de la région. Ils opéraient généralement
par bandes d'une cinquantaine de cavaliers poussant leurs incur-
sions jusqu'à Gao. Les noirs sédentaires réfiigiés dans les îles du
exiger ne pouvaient faire pâturer sur la rive gauche, ni la cultiver
sans risque de voir leurs troupeaux enlevés et leurs récoltes rava-
gées.
Les Oulmiden sont très souvent en lutte avec les Touareg de
r Aïr ;
4° Cheurûs. — Cette fort petite fraction targui nomadise entre
et Argabesh sur la rive gauche du Niger. En 1899, ils s'unirent
>s ennemis les Kel Ahara (Oulmiden), dans un rezzou dirigé
re Gao ;
"* Iguellade, — Ils sont venus très probablement de la région
'ouât vers le xi® siècle. Vers le milieu du xix® siècle, ils ont été
temps en lutte avec les Kountas.
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— 197 —
Ce sont eux qui ont mis le plus d'opposition à notre occupation
de Tombouctou (surtout les Kel Antassar de Touest).
Ils n'ont fait leur soumission qu'en 1895.
Leurs principales tribus sont les suivantes :
Aal-Sidi-AU (au sud d'Araouan) ;
Kel Antassar de Vest (ou Tilia) (entre les précédents et Rhergo);
Kel Antassar de Vouest (ou Guéhélia) (dans la région du lac
Paguibine) ;
Kel Nehounder (vers Bassikounou) ;
Kel Incheria (à l'ouest de Raz-el-Ma) ;
6** Confédération Tademeket. — Elle comprend : les Tengueri-
guif, les Kel Temoulaï et les Irregenaten :
a) Tengueriguif, — Ils nomadisent sur la rive gauche du Niger
entre Bassikounou et le lac Faguibine, et forment une tribu très
forte et belliqueuse qui fut longtemps en lutte contre les Foulbé de
la région. Ils ont fait leur soumission au général de Trentinian
en 1896.
Leurs tribus nobles sont au nombre de cinq et leurs tribus serves
au nombre de huit (Instcha, Zenaten, Eel-Ticheghaï, Ikome-
dane^ etc.) ;
h) Kel Temoulaï. — Ils occupent la partie nord de la boucle du
Niger et sont divisés en quatre fractions nobles et deux serves.
L'une de ces dernières, celle des Kel Gossis, poiisse jusque vois
Hombori.
Les Kel Temoulaï sont peu nombreux ;
cj Irregenaten. — Ils habitent également la bouche du Niger,
dans la région des mares qui s'étend au nord-est d'Ilombari.
Six fractions nobles : Kel Houa, Kel Taguioualet, Kel Brow,
Irreganaten Onanjéri, Kel Nafes, Kel Insafaten et huit tribus
serves ;
7° Iviededghen, — Leur terrain de parcours s'étend entre le lac
Faguibine et Rhergo. Ils poussent même parfois jusqu'au sud de
cette localité, sur la rive droite du Niger.
Leurs trois tribus nobles nous ont toujours été favorables ;
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— 198 —
8** Les Touareg Daghobés et Logomaten sont nos voisins immé-
diats du nord de TAribinda et de Dori. Ils viennent acheter du mil
en grande quantité dans les x>6tits villages de la région et personne
n'a plus à s'en plaindre.
D. Foulhé, — Nous avons déjà eu l'occasion de parler des Foulbé,
nubi-berbères venus, à une époque déjà reculée, de la région du
Nil. Le coude du Nil semble avoir partagé leurs invasions succes-
sives en deux courants dont l'un s'étendit vers le Baghena et l'autre
vers les pays haoussa. Le premier peupla le Macina oii il vint se
superposer aux Songhays. Les Marocains durent souvent entrer en
lutte contre eux. Vers 1800, un marabout peulE du nom d'Oihman-
dou-Fadia (1) s'était taillé un empire entre le lac Tchad et le Niger
avec Sokoto pour centre (deuxième courant d'invasion peulhe). —
En 1826, les Foulbé du Macina étaient assez puissants pour s'em-
parer de Tombouctou.
Leur présence dans le nord de la boucle du Niger, dans le Lip-
toko et le Qourma, remonte à une haute antiquité. Le Tarikh-es-
Sovdan nous parle sans cesse des expéditions que durent entre-
prendre contre eux les souverains songhay. Ils servaient ainsi, en
quelque sorte, de trait d'union entre leurs frères du Sokoto et ceux
du Macina et du Baghena.
Les Foulbé de ces dernières contrées se portèrent vers le Fouta-
Toro et le Bondou, puis dans le Fouta-D gallon où ils pénétrèrent
peu à peu l'élément mandé diallonké (xvni® siècle) et poussèrent
quelques-unes de leurs colonies dans le Ouassoulou.
Généralement, l'invasion peule se produisit pacifiquement. Dans
plusieurs des pays où ils se sont fixés, ils vivent même dans une
demi- vassalité. Ce sont avant tout des pasteurs, s'adonnant peu à
la culture et au commerce. Leur religion n'est point faite de fana-
tisme. Par contre, leur union avec les noirs donna naissance aux
Toucouleurs qui déclarèrent si souvent la guerre sainte. C'est ainsi
que le conquérant du Fouta-Djallon qui se mit à la tête de l'élément
peulh en 1760 était toucouleur. Les Foulbé parlent un idiome ber-
bère. Leur état social n'est que le portrait fidèle de la famille
connue chez la grande majorité des peuples pasteurs. Ils forment
(1) Ou Othman-ben-Mohamed-ben-Foudi (d'après Hadj-Saïd, Auteur cC un frag-
ment de V histoire du Sokoto).
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un ensemble de familles se régissant d'après les mêmes coutumes et
ne se réunissant qu'en cas de circonstances graves et rares, plutôt
qu'un peuple bien coordonné et obéissant à une autorité unique.
Le sort de la femme peulhe est bien supérieur à celui des autres
femmes du Soudan et la polygamie n'est point pour une épouse
une règle générale.
Bien que les Foulbé (1) suivent assez exactement les préceptes
de rislam, on retrouve chez eux des croyances et des coutumes
antérieures à cette religion, probablement d'origine égyptienne.
II. Métisses, — Les Toi coi leurs, avons-nous dit, occupent une
place à part entre les Foulbé et les nègres proprement dit*. Ils
sont répandus un peu partout dans les régions du nord de notre
colonie. Leur point de départ semble avoir été le Fout a Toro et le
Bondou. A la suite des Foulbé, ils se sont introduits dans le Fouta-
DjaUon, puis, avec El-Hadj Omar, ils se sont étendus dans le
Dînguiray, le Kaarta, le Kingui, le Bagbena, le Ouagadougou, le
Kalari et jusque dans le Macina.
Seule, notre présence dans le pays semble avoir empêché sa
submersion par l'élément toucouleur très batailleur et fanatique.
L'esclavage est jjartout en pratique chez eux. Grâce à leur intelli-
gence, ils avaient réduit à la captivité un grand nombre de peu-
plades voisines.
La société toucouleure se rattache encore à l'état patriarcal, mais
la cohésion est plus grande, l'autorité du chef est plus respectée.
lies Toucouleurs sont plus industrieux que les Foulbé et les tisse-
rands et forgerons sont assez répandus parmi eux.
Les OuASSOULONKA forment une race bien distincte créée par
l'alliance du sang peulh et du sang mali'nka. Leur langue se rap-
proche plutôt de celle des Mali'nké.
Ils habitent le Ouassoulou, entre le Niger, le Milo et le Baoulé
(celui qui vient former le Bani ou Mayel Balevel, avec le Bagoe),
contrée ruinée par Samory. Avant les ravages de l'almany, le pays
était assez bien cultivé, en outre> les Ouassoulonka possèdent de
grands troupeaux de moutons. Leur état social a pour base l'or-
ganisation familiale.
Les Kassonka ou Kassonkés tirent également leur origine de
(1) Poulh fait au pluriel Foulbé.
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— 200 —
Tunion de peulhs et de mali'nka. Ils habitent la région située entre
le 14** et le 15** latitude nord, sur les bords du Sénégal, du Bakhoy
et du Bafing. Ils sont actuellement sous notre domination directe
à Kayes et Bafoulabé.
Avec les Dialonka, nous nous rapprochons d'un degré du type
nègre pur. Ils tirent leur origine du mélange du sang toucôuleur
avec le sang malinka.
Les Dialonka habitent le sud du Bambouk et le Fouta-Djallon.
Ils ont embrassé Tlslamisme mais sans grand enthousiasme et
ont couseiTé bien des superstitions et les animaux totémiques,
d'origine mandé, appelés tenues.
III. Race noire proprement dite, — L'étude des différents repré-
sentants de la race noire au Soudan, où elle forme la majeure
partie de la population, présente une complication plus grande
encore que celle de la race blanche et des familles métissées.
1° Peuplades du Sénégal et du Soudan. — Les nombreuses mis-
sions qui ont sillonné en tous sens le Soudan français ont permis
de déterminer l'existence d'un élément ethnographique fort impor-
tant, auquel a été appliqué le nom de Mandé (1). Cette déno-
mination a suscité de vives discussions. Les uns ont objecté qu'elle
était inconnue en Afrique, d'autres lui ont préféié le nom de Man-
dinké (Mandé-N'ké, hommes du Mandé). Quoi qu'il en soit, l'étude
des peuples du Soudan occidental a montré les ressemblances
anthropologiques et linguistiques existant entre un certain nombre
de familles noires qui ont pu être ramenées à cinq principales :
1° Les Bammana ou Bambara (ceux-ci étant fétichistes, les
peuples musulmans du Soudan ont donné, par extension, le nom
de Bambaras à tous les infidèles), ayant pour tenné (2) le caïman
(Bammana) ;
2° Les Malinkés (3) (ou hommes du Mali). Tenné : l'hippopo-
tame (Mali) ;
3* Les Sousou ou mieux Soso ;
(1) De Ma, le lamentin (adoré autrefois dans le Sonray) et Nde, nom du pays
d'origine du Mandé.
(2) Tenné, sorte de symbole fétiche.
(3) Aux Malinkés se rattachent les Kogoros et les Tagouaras.
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— 201 —
4** Les Sonin-nkés ou (Saracollé) ;
5"* Les Mandé-Dioula.
D'après Binger, oes cinq branches différentes se seraient for-
mées à la chute de Tempire de Mali.
Les auteurs arabes anciens désignent les Mandés sous les noms
génériques de t Wakoré » ou t Wangara ». Comme nous l'avons
vu, ils jouèrent un rôle important dans les antiques royaumes de
Ghana (Soso), de Mali (Malinké) et Sonray (Sonninké, Dioula).
Sousous, — El-Bekri nous apprend qu'en Tan 600 de l'hégire
(1203-1204 de notre ère), t le Ghânata, très affaibli, fut pris par
les Sousous, tribus parentes des Wakorés. »
Mari-Diara I", roi de Mali (1235-1260 de notre ère), conquit
le Ghânata. Il est très probable que la plupart des Sousous qui
l'habitaient alors furent absorbés du même coup. C'est peut-être
à cette époque que coraniencèrnt les migrations de quelques-unes
de leurs tribus. Ils se portèrent d'abord vers le Haut-Sénégal, puis,
devant de nouvelles invasions, traversèrent successivement le
Bondou, le Bambouk, pour parvenir sur la Haute-Gambie et la
Casatnance. D'autres se dirigèrent du Haut-Niger vers les rivières
du sud où on les retrouve de nos jours entre la Mellacorée et le
Rio-Nunez.
Les Sousous sont paisibles et très sédentaires. Ils sont assez
industrieux. Leurs ouvriers du cuir et du bois arrivent à une
grande perfection.
Mali-nké, — Ce sont les anciens habitants du royaume de Mali.
Ils sont actuellement dispersés un peu partout : au nord de la
Gambie, dans les environs de Kita (Toiingaras), dans le Bania-
hadougou où sont venus se réfugier des Malinkés Taraorés, chassés
du sud par une invasion peulhe partie du Fouta (ayant à sa tête
Kalidian). I^ur chef, Tira-Makhou-Taraoré, se fixa dans le pays,
tandis que ses frères poussaient vers le Belédougou, Dans le
Gadougou, on trouve des Malinkés Kamissokhos.
Suivant le docteur Rançon, les Bassorés et Coniagués de la
Haute-Gambie seraient également d'origine Malinké et auraient
été repoussés des rives du Niger par l'invasion peulhe de Koli-
Ten grêla.
Ce seraient, en tous les cas, des Malinkés fort peu civilisés. Le
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même explorateur a pu, en effet, les définir : c des primates ne se
distinguant du singe que par le langage articula »
On trouve enfin les Malinkés dans tout le bassin du Haut-Niger
et aux sources de la Sassandra. Leurs villages sont facilement
reconnaissables à la forme ronde qu'affectent les cases.
Bammanas ou Bambaras, — Ils occupent actuellement une
grande partie du pays situé entre Bafoulabé et Nyamina {Kaarta,
Dianghirté, Markadoiigou, SoJcholo, etc., etc.). A la fin du
xvii* siècle, un de leurs chefs, Kaladian Kouroubari, remontant
le Niger et profitant de la décadence marocaine, pénétra chez les
Sonninkés et reconstitua, en partie, à Segou, Tantique royaume de
Mali. Le royaume de Segou dura jusqu'en 1862, époque de sa
conquête par El-Hadj-Omar.
Les Bambaras se sont étendus dans le Ouassoulou et jusque
dans les vallées du Bagoe et de la Haute-Sassandra où Ton retrouve
leurs villages aux cases carrées.
Sonninkés, — D'après Binger, ils tireraient leur origine des
premiers souverains de la dynastie vSonni du Sonray (Sonni-nké,
hommes, partisans de Sonni).
Quoi qu'il en soit, de Saint-Louis au Macina, et de Ouâlaia et
Tombouctou à la forêt équatoriale, on rencontre des Sonninkés.
Ce sont de remarquables agriculteurs, s'adonnant également au
commerce et presque toujours soumis à d'autres peuples plus guer-
riers. Durant les luttes célèbres qui divisèrent les Bambaras, par-
tisans de Daba (ou Diawa) et ceux de Sagone (1748-1754), ils
essayèrent de pêcher en eau trouble et d'arriver ainsi au pouvoir.
Ils existent encore actuellement en groupes compacts sur la rive
gauche du Niger, au nord de Segou ; dans certaines parties du
Kaarta, du Bambouk et du Bondou. Ils ont poussé leurs migrations
jusque dans la Haute-Gambie et la Gasamanoe. Nous avons vu,
en 1885-1886, un des leurs, Mahmadou Lamine, tenter de recons-
tituer un empire Sonninké sur la rive gauche du Sénégal.
Les Sonninkés sont mahométans, tandis que les Bambaras sont
fétichistes.
Mandé-Dioula, — Ceux-ci méritent une mention spéciale.
D'après Binger, leur nom de Dioula (ce qui veut dire : qui est
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— 203 —
du trône, de la souche), viendrait de leur fidélité à Tancienne
dynastie Za du Songhaï, en opposition avec les partisans de la
dynastie Sonni. Habitant les environs de Dienné, ils se sont, de
bonne heure, convertis à Tislamisme. Peu à peu, ils se répandirent
jusqu'à Tengrèla et aux environs de Kong. Un des leurs, Sehou,
appartenant à la tribu des Ouattara, s'empara de cette dernière
ville sur les Falaf allas à la fin du xvin® siècle (vers 1790). A partir
de cette époque, ils n'ont pas cessé de rayonner dans toutes les
directions, convertissant à l'islamisme les autres populations par
la prédication et surtout accaparant le commerce et occupant les
nœuds de communication importants, les routes de Bobo-Diou-
lassou, du Djimini, du Bodoukou.
On trouve des colonies de Mandé-Dioula isolées dans le Mossi,
le Kenedougou, le Diammara, etc., etc.
Le groupe ethnique que nous avons désigné sous le nom géné-
rique de Mandé, couvre donc toute la partie occidentale de notre
Soudan, du Sénégal et du Niger à la forêt équatoriale. La limite
de leur extension vers le sud est sensiblement marquée par le 8®
(en réalité, un peu plus au sud) de latitude nord, de la frontière
Lbérienne au Diammala. Le Bondoukou est une région de transi-
tion où l'on rencontre des Ton (d'origine achanti) et des Mandés.
Races autochtones, — Les peuplades primitives occupant toute
cette immense région et qui ont été peu à peu subjuguées ou tout
au moins pénétrées par l'élément Mandé sont fort nombreuses. Un
de leurs groupements, très important et très dense, s'étend sur le
bassin de la Haute- Volta et comprend : les Mo^ros ou Mossi, les
habitants du Gourounsi, les Monomnas ; au nord-est de Kong, les
Khomonos, DoJchozie ; dans la région du Dafina, les Daûng,
Kipirris et Sommos ; près du fleuve, les Youlsi, Talenti et Kas-
sangas.
En outre, dans le Djimini, on retrouve des Sié-né-ré (1) comme
dans le Kenedougou, où habitent aussi. les WBounig ou Gounig.
Toutes ces peuplades paraissent avoir été refoulées (en particu-
lier dans le Gouroumi) dans les régions difficiles ou boisées.
Les Ouolofs (musulmans) de notre colonie du Sénégal se rap-
prochent assez des habitants du Mossi et ont dû être autrefois
leurs voisins.
(1) Appelés plus souvent Senouf C9.
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Les Sérères (fétichistes) du Sine et du Saloum sont etlinique-
ment proches des Oulofs. Ils habitent le Baol et les rives du Saloum.
Le bassin de la Casamance est peuplé de Diobas (fétichistes),
de Banioukas (fétichistes et musulmans) et de Balantes.
Le long des rives du Niger, de Djenné au pays zaberma vivent
les derniers représentants de l'ancienne race Songhay, apparte-
nant à un type nègre fort beau, mais actuellement courbé sous
la domination Touareg.
Le pays zaberma situé sur la rive gauche du Niger entre le
12° et le 14° de latitude nord, présente une ethnographie spéciale.
Il est habité par des Haoussas originaires du Kano et venus du
Gando (Sokoto) et des Zabermas. Ces derniers se disent émigrés
d'une contrée de l'occident qu'ils appellent Malé, Ils sont proba-
blement issus d'un mélange de sang malinké et songhay.
Zahernas et Haoussas ont fait longtemps la guerre aux Foulbé
du Sokoto (1860). Ahmadou Cheïkou, notre vieil ennemi, chassé
de la rive droite du Niger par nos colonnes, vint chercher un
refuge dans le pays. Bien accueilli par les Foulbé, il ne tarda pas
à battre les Zabermas et commença à se créer un nouvel empire.
Notre arrivée dans la région l'a sauvée de sa domination.
A-, - A Vest du Bandama.
2^ Peuples de la Côte d'Ivoire.
Si maintenant nous portons nos regards sur la région située au
sud du 8° de latitude nord, nous trouvons d'abord :
1. Une épaisse couche de peuplades chez lesquelles l'élément
prédominant est la lace agni. Ces tribus, venues à des époques
plus ou moins reculées de l'Achanti occupent, d'après le capitaine
CrossoU; une sorte de zone hémicirculaire compr^^nant les rives
du Bandama, le Baoulé (où la reine conquérante Aradokou, amena
d'après la tradition locale son peuple achanti), le Morenou,
l'Anno, l'Abron, Tlndénié, le Sanwi, le Sahué, l'Akapless. Ces
peuplades se distinguent par leur humeur batailleuse et nous avons
vu le mal que nous a donné leur pacification (1).
(1) Les Cannes méritent une mention spéciale. Ils habitent donc l'Anno, tout
du long de la frontière du Baoulé, marquée par le Handama blanc. On les i-eti^ouve
également dans le Morenou.
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— 205 —
2. A l'intérieur de cette zone se trouvent de nombreuses tribus
fort différentes les unes des autres : les Attiés, les Ebriés, puis
les habitants de la lagune et de la côte : Boubourys, Fanti, Jack-
Jack. Ces peuplades paraissent avoir été re jetées de l'intérieur vers
la côte par les invasions achanti ou auti-es qui se sont produites
vers le nord. Elles ont plus ou moins dégénéré au contact des
Européens et se distinguent par leur cupidité.
B. — A rovesi du Bandama,
1. A l'ouest du Bandama, habitant les rivages du golfe de Guinée,
et s'étendant assez loin dans l'intérieur de la forêt équatoriale,
se trouve le groupe désigné sous le nom générique de Kroumen
que M. Thomann suppose appartenir à la race bakoué.
Le capitaine d'Ollone a limité leur zone d'extension : au sud,
à la côte ; au nord, au 7° de latitude N^ ; à l'ouest, au 12° et à Test,
vers le 9** de longitude ouest. Elle comprend donc une partie du
bassin du Sassandra et celui du Cavally jusqu'à la branche nord
du coude important qu'il fait vers Touest. Les tribus du groupe
kroumen sont fort nombreuses et portent les noms de Tepos,
Sapos, Kopos, Perobos, Bétés, Légrés, Godiés, Inayas, etc., etc.
2. Le bassin inférieur de la Sassandra est habité par les Neyaus
du Nihiri qui ont joué un rôle assez important dans l'histoire de
la région.
3. Au nord du 7° de latitude N, s'étend une couche de popula-
tions fort dens-es : Gons du bassin supérieur du Cavally, Dans et
Blolos du Haut-Zô, Ouobés et Los du Haut-Sassandra. Ces tribus
diverses semblent présenter des caractères analogues. Dans cette
région, les villages sont fort rapprochés et établis généralement
dans des clairières couvertes de rochers. Ces indigènes sont anthro-
pophages par goût, tandis que les Kroumen ne mangent que leurs
ennemis et cela seulement en manière de vengeance.
4. Enfin, dans la zone mêlée de bois et de clairières qui annonce
la limite septentrionale de la forêt dense, habitent des peuples qui
se sont quelque peu mêlés aux Mandé (pour la plupart Malinké)
qui vivent dans leurs villages à l'état de colonies isolées. Leurs
tribus : Guerzés du Haut-Cavally, Gouros de la rive droite du
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Bandama-Rouge, etc., etc., présentent donc des caractères intermé-
diaires entre les gens de la forêt et ceux de la brousse.
Tous les gens de la forêt se distinguent par leur amour de
Tombre et du mystère. Ils ont probablement reculé peu à peu
devant des invasions successives venues du nord, peut-être aussi
devant le déboisement mandé. Ceci peut expliquer leur grande den-
sité aux environs de la lisière de la forêt dense. Ces peuplades sont,
en général, fort belliqueuses. La chasse leur fournit la principale
nourriture. GuerzeSy Los et Gouros se livrent au commerce de la kola
qui vient alimenter les marchés de Sakhala, etc., etc.
3** Peuples du Dahomey et de son hinterland. — Notre colonie
du Dahomey et son hinterland renferment quatre races principales.
La race djége est celle du Dahoméen pur. Elle est essentiellement
guerrière et offre une réelle supériorité. Les expéditions daho-
méennes ont autrefois poussé jusqu^au Niger. Délivrée de ses pra-
tiques sanguinaires, la race djége semble appelée à un bel avenir.
Les populations Nagos et Mahis, soumises autrefois à sa domina-
tion, sont très douces et très hospitalières. Le pays Nago s'étend
entre TOuémé et son affluent TOcparo, et au delà, vers le sud, jus-
qu'à Ketou, au nord jusqu'à Tchaourou, à l'est sur le territoire
anglais. Une de ses colonies peuple même la ville de Porto-Novo.
Le pays Mahi est compris entre l'Ouémé et le Zou qu'il déborde
légèrement vers l'ouest.
Au nord de ces populations tranquilles, se trouve le territoire
des BarihaSy belliqueux et pillards, avec lesquels nous avons dû sou-
vent entrer en lutte depuis notre prise de possession du pays.
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CLIMATOLOGIE — PABTAGE EN RÉGIONS NATURELLES — FLORE
Du Niger au golfe de Guinée, nos possessions sont soumises à
trois climats différents à chacun desquels correspond une région
spéciale :
1** Zone saharienne. — Dans un chapitre précédent, nous avons
donné les principales caractéristiques de cette zone. Elle s'étend
jusqu'aux portes du Soudan occidental, prononçant des avancées
dans le Fouta et le Ferlo, dans la partie septentrionale de la boucle
du Niger et entre ce fleuve et le Sénégal sur le Kaarta et le
Baghena.
Cette région reçoit peu d'eau et ne possède guère que la flore
désertique. Ses cours d'eau sont des oueds au lit généralement sec,
parfois rempli pourtant par des trombes diluviennes. Entre Sénégal
et Niger, la limite septentrionale des eaux permanentes est sensi-
blement marquée par une ligne marquée de Segou à Koniakary, au
nord de Kayes.
Dans la boucle du Niger, la région désertique s'étend jusqu'au-
dessous du 15°. Au delà de ce parallèle, le fleuve pousse une large
oasis à végétation exceptionnelle pour la contrée, véritable Egypte
de l'ouest. Les steppes de l'ouest sont également traversées par le
Sénégal dont les inondations fécondent la vallée. Tout le reste du
pays est très pauvre, sauf une mince bande de terrain que l'agricul-
ture a réussi à transformer et qui s'étend le long de la Côte dans le
Cayor et le Baol.
La partie du Soudan qui confine au désert est marquée par une
zone de transition, plaine immense couverte de hautes herbes et
parsemée d'arbres rabougris. Elle contient les pâturages à transhu-
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— 208 —
mance du sud du Kaarta, du Macina, du Liptako, du Yatenga, du
Songhay, nourrissant de nombreux troupeaux. On peut y cultiver
le blé et on y rencontre quelques dattiers ;
2^ Aux environs du 14** commence la région tropicale souda-
nienne proprement dite, jouissant de deux saisons principales. De
juillet à novembre, elle est arrosée par des pluies venant du sud et
du sud-ouest, qui se déversent en quantité plus grande dans les
zones montagneuses.
Dès octobre, les chutes d'eau sont moins abondantes, de fortes
rosées subsistent seules. Jusqu'en novembre, les indigènes se livrent
à la récolte. En décembre et en janvier, la température fraîchit et
en février et mars tombent quelques nouvelles pluies.
Les plus hautes chaleurs sont constatées en avril et en mai
(maximum de 40 à 42** à l'ombre). Enfin, juin est l'époque des
semailles.
La région subit, en résumé, cinq mois de pluie environ contre
sept de sécheresse.
Dans le bassin de la Haute-Volta, le climat semble moins bien
réglé. En juillet et août, les pluies sont encore rares et la saison a
du mal à s'établir. L'hivernage comprend les mois de septembre et
d'octobre.
D'une manière générale, la zone tropicale est marquée par la
permanence de la chaleur humide et la grande tension de la vapeur
d'eau contenue dans les courants aériens.
Du nord au sud, la couche d'humus croît sensiblement et les cul-
tures sont de plus en plus abondantes et variées. Au-dessous du 14**
de latitude nord, les mimosas de la brousse désertique font place
aux graminées. Les arbustes se transforment en arbres : fromagers,
caïlcédrats, rôniers parsèment la savane.
Dans bien des régions, le bassin de la Haute-Falémé, par
exemple, on trouve des lianes à caoutchouc.
Entre les 13° et 9° environ, s'étend le domaine du karité ou arbre
à beurre. Quant aux dattiers, ils descendent sporadiquement jus-
qu'au sud du 11° de latitude nord.
La végétation des plateaux ferrugineux comporte le mil et le
sorgho, tandis que le riz et le maïs poussent dans les fonds sableux.
Entre les 11° et 7°30' se cultive l'igname et le 9° marque la limite
méridionale des céréales.
La Guinée française qui est comprise dans la zone tropicale et
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en offre les caractéristiques essentielles jouit pourtant d'un climat
quelque peu spécial en raison de son rapprochement de la mer et de
la masse montagneuse du Fouta Djallon qui s'étend sur le haut
pays.
Les conditions climatériques y sont, en conséquence, intermé-
diaires entre celles des régions tropicales et tempérées. La tempéra-
ture offre des minima plus prononcés et des maxima moins élevés.
Ces circonstances font du Fouta Djallon une région salubre pour
les Européens, sorte de sanatorium au milieu du royaume de la
fièvre et de la dysenterie.
De novembre à avril, les vents alizés du nord et du nord-est
viennent assécher la région, mais, dès le mois de mars, le manque
d'humidité est beaucoup moins absolu que dans les autres régions
tropicales du Soudan et, en toutes saisons, les brises de mer, les
orages et les averses sont fréquents.
Les bassins des rivières du sud sont caractérisés par une végéta-
tion spéciale très touffue comprenant des baobabs, des caïlcédrats,
des légumineuses gigantesques, du café poussant à l'état sauvage.
On y récolte la gomme copale et les lianes fournissent un latex
caoutchouteux.
La région possède deux zones boisées sensiblement parallèles à
la côte, dont l'une est voisine de celle-ci ; quant à la seconde, elle
s'étend sur le haut pays, au-dessus de 500 mètres d'altitude.
Cette dernière renferme des arbres méditerranéens tels que
figuiers, orangers et citronniers.
Entre les deux bandes de forêts, on trouve la savane parsemée
çà et là de cultures et de galeries à végétation dense bordant les
rives du cours d'eau.
On a pu donner le nom de « parc » à cette zone typique de la
région tropicale ;
3** Entre le 8** et le 7% commence la région de la forêt éqtuito-
riale.
La durée des pluies tend dès lors à l'emporter sur celle de la
sécheresse. Quand on descend vers le sud, on remarque une accalmie
dans les chutes d'eau pendant les mois de juillet et d'août et le début
de la saison pluvieuse se trouve reporté au printemps.
Entre le S" et le 7°, la saison des pluies commence en mai et la
belle saison revient en octobre.
PÉNÉTRATION FRANÇAISE 14
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- 210 —
Sur la côte de Guinée, enfin, on observe deux saisons principales
et deux secondaires :
a) Du l'*" juillet au 1" septembre, petite saison sèche ;
h) Du V^ septembre jusqu'à fin novembre, petite saison des
pluies ;
c) De fin novembre au 1" mars, grande saison sèche ;
d) Du 1" mars au 1" juillet, grande saison des pluies,
La région côtière doit donc supporter environ sept mois d'eau
contre cinq de sécheresse.
Les hauteurs annuelles de pluie observée montent jusqu'à
2 mètres.
La région du Cavally est marquée par un maximum de chutes
d'eau probablement dû aux mouvements de terrain assez nombreux
dont elle est parsemée. Il y pleut presque toute Tannée : les mois de
novembre, décembre, janvier et février sont seuls quelque peu secs.
Pendant le reste du temps, on compte en moyenne deux jours de
pluie sur trois.
D'après le capitaine d'Ollone, la température est très suppor-
table et s'abaisse sans brusquerie la nuit. La forêt dense proprement
dite est précédée d'une zone intermédiaire où s'entremêlent les clai-
rières et les bois. Les mouvements de terrain, un tant soit peu mar-
qués, restent couverts de leur dôme de verdure.
Dans le chapitre préliminaire de la présente étude, nous avons
déjà eu l'occasion de parler des limites de la forêt équatoriale. Son
épaisseur semble être avons-nous dit, de 300 à 350 kilomètres, du
Sierra-Leoné au Bandama-Bouge. Le capitaine d'Ollone, remontant
le Cavally, a trouvé sa limite septentcionale aux environs du 8** de
latitude nord. Plus à l'ouest, elle s'étend jusqu'aux sources du Niger,
en suivant une ligne sensiblement parallèle à la Côte. Dans la fourche
formée par le Bandama et le Nzi, la bande forestière s'amincit con-
sidérablement, laissant pénétrer comme un coin les savanes du
Soudan dans la forêt qui, en cette région, ne s'avance guère au nord
du 6° de latitude boréale.
A l'est du Bandama, vers le Comoe, elle reprend une épaisseur
plus grande et atteint environ 280 kilomètres de largeur dans la
Côte-d'Or anglaise. Dans l'hinterland du Dahomey, elle est sensi-
blement limitée au 7** de latitude nord.
D'une manière générale, la forêt dense est formée d'un foidUis
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— 211 —
de grands arbres servant de points d'appui à des fourrés de lianes et
à des taillis impénétrables. Le caractère luxuriant et bumide qu'ello
présente s'explique et par les conditions météorologiques et par le
reUef . Il faut remarquer en outre que la forêt vierge, par son épais-
seur, est presque impénétrable aux rayons du soleil et aux vents.
Ses feuilles arrêtent les gouttes de pluie, empêchant ainsi l'action
érosive des eaux de s'exercer sur la couche d'humus de la surface
du sol.
La forêt renferme les essences les plus variées (1). C'est, en par-
ticulier, une immense réserve de bois tïéhénisterie,
La limite nord de culture du palmier à huile s'étend un peu au
delà de celle de la forêt dense. Le kolatier est surtout abondant
au-dessus du 6^30'.
Toutes les cultures semblent, en outre, devoir réussir dans ce sol
essentiellement riche. Les légumes d'Europe y viennent bien : le
riz, le maïs et le manioc poussent facilement dans tous les endroits
débroussaillés, de même que les citronniers, orangers, etc., etc.
Citons enfin les arachides, piments et haricots. Dans le pays des Lai,
on cultive plusieurs variétés de poivre.
(1) M. Thomann a signalé dans le bassin de la Sassandra :
!• Une énorme quantité d*arbres ot de lianes donnant du caoutchouc.
2' Trois variété» de palmiers (palmier à huile, cocotier, et palmier à vin).
3» Une variété infinie de bois précieux
4» L'indigotier et le cotonnier.
5' 3 espèces de bananiers.
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CHAPITRE ^T
APERÇU GÉOLOGIQUE ET OROGBAPHIQUE
L'état des connaissances actuelles sur l'Afrique occidentale fran-
çaise ne permettent de se rendre compte de sa constitution géolo-
gique que d'une manière assez approchée. D'observations particu-
lières faites en des points souvent fort éloignés les uns des autres,
il est, en effet, difficile de déduire des données générales précises.
Un point important paraît pourtant acquis : le sol des diffé-
rentes contrées qui composent notre empire est d'origine primaire,
déchiré en outre, çà et là, d'affleurements archéens et éruptifs.
Quant à l'orographie, elle n'est pas, en général, fort nettement
marquée ; les reliefs sont peu accusés, l'aspect offert est celui d'un
plateau parsemé de rides d'altitude relative assez faible.
Au point de vue géologique comme au point de vue orogra-
phique, on peut étudier successivement :
1** La région comprise entre le Sénégal (de son embouchure à
Bakel), la Gambie et la côte (de l'embouchure du Sénégal à celle
de la Gambie), c'est-à-dire la Sénégambie proprement dite ;
2^ La région comprise au nord, entre le Sénégal et le Niger
(Kaarta, région de Kita) ;
3** La Guinée française, comprenant les rivières du sud, le Fouta-
Djallon et ses prolongements (Dinguiray, Bambouk) ;
4** Les plateaux de la boucle du Niger ;
5** La Côte d'Ivoire avec la forêt équatoriale ;
6** Le Dahomey et son hinterland.
1** Sénégambie. — Cette région s'offre sous l'aspect d'une plaine
immense de caractère quasi-désertique, sauf sur une étroite bande
de terrain le long de la côte.
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— 213 —
La zone d'inondation du Sénégal et le rivagpe océanique sont
recouverts d'alluvions récentes. L'île de G orée et le cap Vert ren-
ferment quelques roches volcaniques. Tout le reste de la contrée est
composé de terrain ardoisier ou latéritique.
La latérite (1) s'étend le long d'un arc de cercle comprenant le
Dimar, le Oualo, le Cayor, le Baol, le Sine, le Saloun, le Kip, le
Niani Ouli. Elle est en général, recouverte d'une couche de sable
très fin.
Le schiste (2) domine dans les pays situés au centre de cette
zone hémicirculaire (Ferlo, Toro, Fouta, ouest du Damga et du
Bondou). Au-dessus du schiste s'étend une couche d'argile compacte
(surtout dans le Bondou). Ce terrain se prolonge au sud de la
Haute-Gambie. « La rivière Grey coule au milieu de vastes plaines
argilo-schisteuses stériles i)endant la saison sèche et inondées pen-
dant l'hivernage » (3).
Par contre, le sol latéHtique est susceptible d'une grande fer-
tilité.
2^ Région comprise entre le Sénégal et le Niger. — Cette région
confine au désert dont elle n'est, en somme, qu'une avancée entre
les deux vallées fertiles du Sénégal et du Niger.
Dans sa partie septentrionale s'étendent les plaines sablonneuses
du Ka/irtay parsemées en de rares endroits de roches schisteuses.
Leur altitude est de 300 mètres en moyenne.
Au centre, Kita et les pays environnants (Gangaran, Baniaka-
dougou, Fouladougou) offrent des caractères mixtes entre la plaine
et la montagne. D'un plateau généralement argileux émergent, en
hauteurs étagées, des masses rocheuses de granité et de grès.
Plus au sud, dans le Birgo, en particulier, le terrain devient de
plus en plus accidenté, les montagnes se rapprochent et les vallées
se font sinueuses et profondes.
Le sol, peu fertile dans le Kaarta, est de plus en plus riche à
(1) La latérite est une argile ferrugineuse (silicate d'alumine hydraté mélangé
de quartz, et associé à de l'oxyde de fer) de couleur rouge brique.
(2) Les schistes sont des roches dures et fossiles formées d'argile et d'éléments
cristallins créés par métamorphisme {quarts y dans le cas présent).
(3) D' Ranson. Dans la Haute Gambie.
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— 214 —
mesure que Ton se rapproche du sud, les pluies exerçant leur action
bienfaisante et la proportion de sable diminuant. La brousse se
parsème d'arbres et les cours d'eau se parent d'une gakrie de ver-
dure, quelques mamelons seuls possédant une couronne de bois
continus ;
3® Guinée française, — Elle comprend la région dite t des
rivières du sud », le Fouta-Djallon et ses dépendances.
La zone des rivières du sud est, en général, formée de terrain
gréso-ferrugineux (1) d'origine détritique. Nous avons vu, dans un
paragraphe précédent, les cultures nombreuses et variées que per-
met un tel sol.
Celui du Fouta-Djallon est composé tout à la fois de roches
endogènes (2) (granitiques) et détritiques (grès et schistes).
Des phénomènes éruptifs ont donné naissance à ce nœud orogra-
phique de l'Afrique occidentale. En son centre, on trouve donc des
granités (3) formant un noyau sur lequel viennent s'appuyer des
contreforts de grès au nord et à l'est, de schistes et de grès, au sud
et à l'ouest.
La direction de l'axe du soulèvement est assez indécise. Elle
semble être celle du nord-nord-ouest, sud-sud-est. Le massif n'est
que très légèrement surélevé au-dessus de la plaine nigérienne
(200 mètres en moyenne de hauteur relative). Par contre^ du côté
de la mer, les pentes sont plus abruptes, offrant des différences de
niveau qui approchent souvent de 500 mètres.
Labé est à l'altitude absolue de 1,142 mètres et le docteur
Maclcmi estime celle des monts de Diaguina à 1,470 mètres.
Les eaux ont exercé une action très marquée sur le soulèvement,
en raison de la friabilité de ses éléments géologiques. Elles ont
modelé la surface primitive, creusant de profondes vallées.
En certains points, au contraire, où l'hydrographie n'est pas
(1) Le grès résulte de Tagglutination d'un sable par un ciment quelconque.
Dans le cas présent, ses grains sont agglutinés par de l'oxyde de fer, générale-
ment hydraté.
(2) Les rochet endogènes sont d'origine interne et dues soit à la consolidation
de la croûte primitive terrestre, soit à des épanchements en dehors de cette croûte;
les dépôts détritiques sont dus à l'action des g.gents externes sur les roches pré-
existantes (mer, fleures, vents, pluies).
(3) Agrégat de cristaux de quartz, feldspath, micA, etc., ete.
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— 215 —
encore dessinée) s'étendent des paliers au sol inculte et analogue
aux hamadas sahariennes, appelés baowrals, parsemés de scories
volcaniques projetées d'anciens cratères.
Le Fouta-Djallon est, en outre, un centre hydrographique
important d'où rayonnent la Haute-Gambie et ses affluents, les
rios Grande et Konkore, le Bafing sénégalais et le Tinkîsso nigérien.
C'est un fait digne de remarque que les montagnes ne forment
pas une ligne de partage des eaux : les cours d'eau d'un versant les
pénètrent, en effet, fréquemment et empiètent sur le domaine des
fleuves du versant opposé.
Nous avons assez longuement insisté sur la richesse du Fouta-
Djallon, en étudiant les régions naturelles du Soudan français.
Autour de ce massif sont disposés en couronne les pays accidentés
du Dinguiray, du Bambouk et du Bondou.
Le Dinguiray, d'aspect assez mouvementé, a une altitude
moyenne de 500 mètres. Les hauteurs qui prolongent vers le nord
le Fouta-Djallon et séparent la Falémé du Sénégal atteignent par-
fois de 700 à 800 mètres ;
4° Les plateaux de la boucle du Niger, — La région de la boucle
du Niger est formée de plateaux d'origine archéenne et primaire
étages comme les marches d'un gigantesque escalier. Mais les pentes
réunissant ces divers degrés sont, la plupart du temps, très douces
et le passage de l'un à l'autre se fait presque insensiblement.
La partie la plus élevée est constituée par le Mossi, plaine d'une
altitude de 700 à 800 mètres, au sol uniformément plat, de compo-
sition argilo-siliceuse d'où émergent des blocs de granité (1) et de
quartz.
Autour du Mossi s'étendent des plateaux de moindre altitude :
à l'est, le Gourma (de 300 à 400 m.), puis la plaine du Niger
(de 150 à 200 m.) ; au sud, le Gourounsi (de 600 à 700 m.). Ce der-
nier présente une constitution géologique fort variée dans ses élé-
ments : aux abords de la Volta noire, on trouve du quartz ferrugi-
neux et des sables aurifères ; ailleurs, des éléments détritiques
recouvrent un sous-sol de gneiss ou de granité. *
La végétation y est plus luxuriante que dans les contrées voi-
sines et les cultures sont abondantes, tandis que, vers le nord, le
(1) M. DB Lapparbnt a adopté Torthographe : granité.
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— 216 —
Mossi, le Tatenga et le Gourma sont surtout des pays de pâturages^
élevant des ânes ou des chevaux.
Vers le sud-ouest, le Bobo et le pays de Kong n'ofErent plus
qu'une altitude moyenne de 400 à 500 mètres (1), de même que le
Kenedougou ; le Ouassoulou, le Baoulé et T^no de 200 à 300 ; le
Bondoukou, Tlndénié et le Morenou de 100 à 200.
Les éléments géologiques dominants sont tantôt le granité,
tantôt le quartz et le grès recouverts d'argiles schisteuses ou ferru-
gineuses.
Les plateaux sont, çà et là, ridés de soulèvements dirigés géné-
ralement du nord-est au sud-ouest. Les principaux sont :
a) Le plissement qui s'étend entre le Bagoe et le Banifing, à
l'ouest de Sikasso (de 400 à 900 m.) et est constitué de grès gris
et d'argile sablonneux ;
h) L'alignement situé entre la Haute-Comoe et la Haute-Volta
noire, flanqué à l'une de ses extrémités par le pic des Komonos
(1,450 m.) et à l'autre par le plateau de Bobo-Dioulasso (800 m.).
Le sous-sol en est granitique et recouvert de grès stratifié ;
c) Dans Tarrière Dahomey, la ride de l'Atacora prolonge vers
le nord-est les chaînes de la Côte d'Or et du Togo.
Si l'altitude moyenne des plateaux de la boucle du Niger décroît
dans la direction du pays Bobo, de Kong et du Baoulé pour aller
mourir en pente douce sur la Côte-d'Ivoire, elle augmente, au con-
traire, vers le sud-ouest dans la région de la Férédogouba, du Bafing
et des sources du Niger, après avoir passé par un minimum (entre
300 et 400 mètres) dans le Haut-Bandama rouge ;
5° Côte-d^ Ivoire. Bassins côtiers et forêt êquatoriale, — Dans la
région des affluents de la Haute-Sassandra et du Haut-Niger (1)
s'élève, en effet, un nœud oiographique fort important, situé dans
le Konian et l'arrière-pays libérien (mont Kou, 1,400 m.).
A ce noyau central se rattachent plusieurs alignements monta-
gneux dont les principaux sont :
a) Entre Feredogouba et Gouan (ou Bafing Sassaudrien), un
soulèvement de direction nord-ouest-ouest, sud-est-est prenant nais-
sance près du mont Fondani (de 1,400 m. à 1,500 m.) et s'étendani
(1) RéiuUatê des missions Blondiaux^ Wœlffel et Hoitainê-ctOllone.
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— 217 —
jusqu'à la Feredogouba, sous le nom de monts Bookoulou et du
Touradougou ;
b) Plus au sud, dans la boucle du Cavally, les monts Nimba
(2,000 m.?) piolongés par les mots de Drouplé auxquels Wœlfifel
attribue 3,000 mètres d'altitude ;
c) Le nœud orograpliique du Xonian (Beyla) envoie vers le
nord l'importante ramification des monts de Gayfé (1,600 mètres
environ) entre Diou et Milo.
La région de Beyla est en même temps un centre orographique
de premier ordre où viennent prendre leurs sources le Milo et le
Diou, affluents du Niger, le fleuve Saint-Paul, le Cavally, la Fere-
dogouba, le Bafing et le Zo, ces trois derniers tributaires de la Sas-
sandra.
Là aussi commence la forêt équatoriale qui s'annonce par une
zone de clairières et de bois. Les monts Nimba et de Drouplé sont
en pleine forêt dense.
En se dirigeant vers le sud, les alignements montagneux devien-
nent plus rares et leur altitude diminue.
La chaîne située au sud du Douobé (monts Niété, Bladro, etc.)
n'a plus que 700 mètres de hauteur.
Tous ces soulèvements offrent la particularité d'un sensible
parallélisme à la côte correspondante.
Enfin, le Cavally est séparé des autres fleuves côtiers par les
monts Kédio et Niénokané (de 300 à 400 mètres d'altitude seule-
ment).
Le bassin de la Sassandra (1) est également fort accidenté,
mais ses hauteurs ne sont, en réalité, que des mamelons de 100 à
200 mètres d'élévation (mont Guiroutou, 200 mètres; colline Dagba,
125 m.). Les tertres rocheux et les ravins abondent dans cette
région. Le sol du Haut-Bandama ne possède que quelques collines
peu importantes.
Au point de vue géologique, les hauts massifs du nord (monts
Nimbo, par exemple) sont d'énormes blocs de granité. Dans cette
zone septentrionale, le sol se recouvre fréquemment d'une couche
de latérite.
Plus au sud, l'argile silico-ferrugineux s'étend presque unifor-
(1) Missions Thomann.
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— 218 —
mément sur un sous-sol granitique ; les flancs des ravins se char-
gent, par place, de blocs de quartz et de grès.
De Tautre côté du Bandama, la constitution du sol (1) semble
différer quelque peu. Son ossature est surtout formée de roches cris-
tallophylliennes (gneiss et mica-schistes), affleurements de terrain
archéen (Baoulé, par exemple). Des éruptions fort anciennes sont
venues les disloquer et ont donné passage à des roches cristallines
(granité). La partie côtière est constituée par des sables marins
quartzeux et des argiles qu'ont charriées les fleuves.
Dans l'intérieur de la région, on rencontre parfois des plateaux
d'argile ferrugineuse compacte. A proximité du Comoe, l'Anno pos-
sède un terrain de quartz et de grès. Dans le Bondoiikou et sur la
rive droite du Nzi, les roches volcaniques anciennes sont très fré-
quentes.
Des filons aurifères existent aux environs d'Assikano (partie
méridionale du Bondoukou), aux environs de Pirikrou (Comoe) et
vers les sources de l'Agueby. Sur la rive gauche du Bandama rouge
ont été signalés les gisements importants de Eami et de Kokombo.
Enfin, TAttié en possède, paraît-il, un assez grand nombre.
Au point de vue orographique, la région est dépourvue de mon-
tagnes. Elle est formée d'une suite de plateaux présentant une super-
ficie de plus en plus grande à mesure qu'on remonte vers le nord
(100 à 200 mètres d'altitude au maximum) ;
6° Dahoviey et son hinterland, — Aux sables de la côte du Daho-
mey (2) font suite des terrains d'argile ferrugineuse dans laquelle
viennent s'intercaler des couches de grès et dont l'altitude aug-
mente à mesure que l'on pénètre dans l'intérieur (hauteur relative
de Porto-Novo, 40 m., et d'Abomey, 80 m.). Le fer oolithique est
très fréquent.
Dans l'arrière-pays apparaissent des roches archéennes, gneiss
et micaschistes, à côté du granité.
Des dépôts détritiques de grès et d'argiles ferrugineuses les
recouvrent par place. Les roches volcaniques renferment des filoM
(1) Missions Houdaille, Eysséric.
(2) Missions d'Albéca, Toutée.
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— 219 —
quartzifères et pourtant ni Tor, ni l'argent, ni le cuivre n'ont encore
été signalés dans l'arrière Dahomey.
Le passage du bassin de TOuémé dans celui du Niger ne ren-
contre pas d'obstacle orographique important. La diflférence de hau-
teur relative n'est, en efEet, que de 150 à 200 mètres. C'est au nord-
ouest des sources de l'Ouémé, dans le Djougou que l'on rencontre les
altitudes les plus considérables (Ouangara, 450 mètres), annonçant
les terrains qui s'étagent jusqu'au Mossi.
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CHAPITRE VII
HYDEOGRAPHIE
I. — Bassin du Niger.
Le bassin du Niger, large de plus de 400 kilomètres dans sa
partie inférieure, va sans cesse en se rétrécissant à mesure que Ton
avance vers le nord-est et la Volta pénètre jusqu'aux environs
du 14** de latitude noid, dans la boucle que forme le Niger.
Cette particularité est probablement due à la présence entre
les 13° et 14° des plateaux du Mossi, étage supérieur des plaines
nigériennes. On a (1) d'ailleurs émis l'iiypothcse que le fleuve supé-
rieur se perdait autrefois dans les lacs voisins de Tombouctou :
c'était l'ancien Djoliba. La branche orientale du Niger, le Kouarro
ne se serait formée que postérieurement par suite d'une dislocation
qui aurait occasionné une faille immense dans le plateau soudanais.
Elle se serait produite sans doute à la même époque et sous l'efFort
des mêmes agents internes que le soulèvement du Cameroun situé
dans le prolongement du cours du Kouarro (du coude de Tosaye à
Lokodja). Les îles volcaniques du golfe de Guinée (Fernando-Po,
Acolan) se rattachaient au même système.
Le Niger porte donc trois noms différents :
1. De Kouroussa à Diafarabé, celui de Djoliba, C'est la t rivière
des chansonniers i, nom d'origine mandé ;
2. De Diafarabé à Ilo, s'étend VIssar Ber sonraï ;
3. D'Ilo à la mer, les indigènes nomment le fleuve Kouarro,
\X) De Lapparent.
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— 241 —
1** Régime du Aeuve, — Deux circonstances physiques spéciales
au Niger influent sensiblement sur son régime.
C'est tout d'abord la forme recourbée de son parcours. En raison
de celle-ci, la section du fleuve, de ses sources aux environs de Mopti
et celle qui s'étend au sud de Gaogao, reçoivent les pluies tropi-
cales, dont seule la partie supérieure du coude du Niger est
dépourvue.
D'autre part, les lacs-réservoirs de la région Dhebo-Tombouctou
jouent un rôle régulateur fort important, comme nous allons pou-
voir nous en rendre compte.
A la fin d'avril, les eaux du Djoliba s'élèvent sous l'influence
des pluies ; la crue se propage au delà de Eoulikoro et atteint, en
août, le lac Dhebo. Elle s'étend alors jusqu'à 150 kilomètres à l'ouest
du Niger, entre les 14° et 16° de latitude nord et emplit les lacs de
la région de Tombouctou (Faguibine, Tele, Fati, Horo).
Sur la rive droite, les inondations du Bani viennent s'ajouter à
celles du Niger.
Tout cet ensemble aquatique forme cette petite Egypte que les
auteurs arabes du moyen âge appelaient du nom fort bien choisi
de Ras-el-Ma, c'est-à-dire la t tête des eaux i.
A la fin d'octobre (1), la crue cesse en amont du lac Dhebo.
En fin fanvier, le Niger n'est plus qu'une rivière, à Koulikoro. C'est
alors que les lacs jouent leur rôle distributeur. Ils dégorgent l'eau
qu'ils ont absorbée en trop grande quantité et l'envoient dans la
direction de Gao-Gao et de Say, où la crue atteint son maximum en
janvier.
Le lieutenant de vaisseau Hourst, bloqué à Say par les basses
eaux, signala, dès le 18 juillet, une hausse du niveau du fleuve. Elle
était due aux pluies de la région qui durent de juillet à novembre
et donnent de l'eau au fleuve avant que celui-ci n'ait reçu l'apport
venu d'amont. D'avril à mi- juillet, le Niger subit la période des
basses eaux (2).
(1) Aux environs de Koulikoro, le maximum d'élévation des eaux est atteint
entre le 15 et le 30 septembre.
(2) Le bief de Kouroa48a k Bammaho est navigable de mai à septembre (ce mois
compris).
La section KoulikoroMopti est navigable de juin à octobre.
La section Mopti-Kabara, d'octobre à fin janvier.
La section Kahara^AnsongOy d'octobre à février.
La section Artêongo-Say de décembre à février.
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— Trz —
Donc, tandis que le Djoliba ne possède qu'une seule crue occi-
dentale, la branche orientale du fleuve en a deux : l'une lui appar-
tenant en propre et l'autre originaire de l'ouest ;
2** Cours du ûeuve, — Le Xiger comprend plusieurs sections
principales fort différentes les unes des autres :
a) Des sources à Kourmissa (ou plus exactement Kardamana)
(section non navigable).
La source du Niger est à 940 mètres d'altitude, dans le massif
du mont Daro (1,126 m.), qui fait partie du soulèvement de l'ar-
rière-pays sierra-leonain et comprend les monts Bouti, Koukourou
(760 m.), Birioua, etc., etc.
De ce nœud, tout à la fois orographique et hydrographique, des-
cendent le Fali-Kho et le Tembi-Kho, dont l'union forme le Niger,
le Mafou et le Sankaran qui lui offrent l'apport de leurs eaux ; la
Koka, affluent d^ la petite Scaicie, la Rokelle, le Bagoué et le Melli
qui vont se jeter dans l'Océan.
Torrentueux à ses sources, le Niger ne tarde pas à prendre \m
cours plus régulier. Il s'embarrasse néanmoins des rapides de Bao-
norama, de Soïa-Moreïa et de Bafara. La forêt tropicale couvre ses
bords qu'enserrent des collines ;
h) De Kouroussa à Bammàkoy la navigation ne rencontre plus
d'obstacle important.
Ses affluents de droite aux vallées d'ordinaire larges et à fond
plat coulent dans les régions fertiles de la zone tropicale dont nous
avons énuméré les productions multiples. Les principales de ces
rivières sont le Sankaran, le Milo et le Sankarani. Les indigènes
habitant les rives du Sankarani lavent les alluvions pour en extraire
l'or en quantité minime.
A Bammako, la falaise du plateau nigérien domine encore le
fleuve de 126 à 130 mètres. En aval de ce village, les roches de
Sotouba viennent obstruer le cours du fleuve ;
e) De Koulikoro à Ansongo s'étend le second bief navigable du
Niger.
Koulikoro est le point d'attache d'une flottille. La falaise rive-
raine s'y présente sous la forme de trois blocs de grès rose de
80 mètres environ de hauteur.
Les points importants sont ensuite : NyamTtia^ auprès laquelle
s'élèvent les ruines de l'antique Niani-Madonga que l'on a voulu
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— 223 —
identifier sans raison sérieuse à la capitale du Mali, Segousihoro,
Tancienne capitale des Bambaras Kouroubani, Sansanding, où la
profondeur du fleuve augmente considérablement, ce qui explique
Tancienne importance de cette localité.
Le Beledougou qui s'étend sur la rive gauche du fleuve est un
pays riche et bien peuplé, se livrant à la culture du riz, du mil, du
maïs, des patates, des arachides, du piment, du coton indigène.
Les habitants des rives du Niger sont, dans cette région, les
Somonos, provenant de croisements entre Bambaras et Kamlaris
(des environs de Bouna).
Auprès de Diafarabé, le Niger se partage en plusieurs bras dont
le principal est grossi à Mopti du Bani ou ilayel-Balevel.
Le Bagoe et le Baoulé, qui concourent à la formation de ce der-
nier, étalent leurs larges vallées dans des plaines couvertes de
hautes herbes qu'ils inondent Thiver. Les indigènes utilisent fort
peu ces cours d'eau comme moyens de transport, en raison de la
difficulté de leurs abords souvent marécageux.
Avec le Macina, les rives du fleuve ont changé d'aspect. Les
berges se sont abaissées et la plaine s'étend au loin, steppe her-
beuse nourrissant de nombreux troupeaux et souvent noyée sous
les inondations. A la sortie du lac Dhebo, le Niger se partage à
nouveau en trois bras principaux. L'un d'entre eux, le Kolikoli, est
fort marécageux. Le second, le Baia Issa, se réunit au Kolikoli
auprès de Saraféré, port d'attente de nombreuses pirogues transpor-
tant le riz et le mil à Djenné, Segou, Kabara. Le bras le plus occi-
dental, l'Issa Ber rejoint le précédent en amont d'El-Oualedji.
Vers le nord s'étend la région des lacs dont le plus important
est le Faguibine, mesurant plus de 100 kilomètres de longueur
sur 20 de largeur. Il se prolonge au sud par le lac Tele. Celui-ci est
dominé, sur sa rive droite, de collines s'élevant jusqu'à 120 mètres.
Le marigot de Itibobo met en communication le lac Tele avec le
Niger. Goundam est le principal centre de la région. Les deux lacs
Daouna sont tributaires du Faguibine. Le Fati se relie étroitement
au Niger et au lac Horo.
Ttymhouctou est distant du fleuve d'une quinzaine de kilomètres.
Au moment des hautes eaux, la crue atteint d'aboi d Koriumé, puis
ensuite Kabara.
Nous aurons l'occasion de reparler plus loin de l'antique cité
islamique.
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— 224 —
Près de ses rives, le fleuve est embarrassé d'immenses touffes de
bourgou. Il passe successivement à Rhergo, très ancien centre qui
a eu, un moment, la prétention de remplacer Tombouctou en acca-
parant son commerce, à Bemba et à Bô, restes de cités importantes.
Les masses rocheuses de Babor et Chabor marquent le défilé
de Tosaye. « C'est une faille rocheuse (1) dans laquelle le Niger
s'écoule posément i entre de hautes falaises noires. Bientôt, les
berges s'abaissent et deviennent verdoyantes. Le fleuve enserre les
îles de BouTTOuTTi et des lignes de dunes marquent ses rîves. Le
mont Tondibi possède une altitude d'une centaine de mètres.
De l'antique Gaogao naguère capitale de l'empire songhay, il ne
reste plus que des ruines de mosquée.
A Ansongo cesse le fleuve calme qui, jusque-là, s'étalait sur une
grande largeur atteignant par endroits de 8 à 12 kilomètres ;
d) W Ansongo à Boubo s'étend une première zone de rapides que
le capitaine Lenfant a nommés rapides du nord.
Les premiers de ces rapides sont ceux de Fafa, Le fleuve ren-
contre ensuite ceux de Labbezanga, dont l'importance semble avoir
été fort exagérée. « Il y a partout des brèches capables de livrer
passage à des embarcations de la taille de nos grands chalands
énoncés (2). i
Puis viennent les seuils de Firkou et de Dounzou, les rapides
de Kendadi. En ce point, le plateau nigérien commence à dominer
le fleuve : le mont Ouarba possède 200 mètres d'altitude. Le fleuve
est boidé sur chaque rive par des roches granitiques et de grès
rose, puis traverse les rapides de Tomré et de Tibi-Farca.
Jusqu'à Zinder, la région est peu peuplée. A partir de ce point,
au contraire, elle devient très peuplée et produit en abondance le
riz, le mil, le coton, l'indigo, les gommes, les arachides, le manioc
et les patates. De nombreux troupeaux paissent dans ses pâturages.
Zinder est situé dans une île que les Touareg ne pouvaient
atteindre dans leurs razzias, avant notre occupation du pays et le
rétablissement de la sécurité.
Sorbo'Aoussa est un centre très riche.
Sur la rive gauche du fleuve habitent les Courtébés, provenant
(1) Capitaine Lenfant. Le Niger, voie ouverte à notre empire africain. Tour
du monde de 1903.
(2) Capitaine Lenfant.
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— 2âS —
ct'un croisement entre Mandés et Sonraïs, analogue à celui qui a
produit les Somonos ; mais tandis que chez ceux-ci le type bambara
domine, le iype sonraï est plus prononcé chez les Courtébés. La
rive droite est peuplée de Ouagohés, de Foulbés et de Sonraïs.
La région fertile s'étend jusqu'en aval de Say. A partir de
Bouba, le Niger s'apaise et s'élargit ;
e) De Bouba à Yelloua, la navigation est assez facile, mais la
vaUée est devenue inculte, les rives du fleuve sont bordées tantôt
de roches, tantôt de marécages, à partir de Say, Cette localité ne
possède plus que 2,500 habitants environ, appartenant aux races
toucouleure, peulhe et sonraï.
En amont de Yellagoué, le fleuve s'engage dans une étroite passe
jonchée de dalles granitiques, puis bientôt décrit une suite de sinuo-
sités dont l'ensemble présente la forme d'un W, Les rives du fleuve
sr>nt alors dominées de collines s'élevant à pic à une hauteur moyenne
de 30 à 40 mètres.
Les seuils rocheux de Boumha et de Kompn présentent peu de
difficultés.
A Madékali cesse le territoire nigérien dévolu à la France.
Ilo est un grand marché situé au point de croisement des routes
menant au Dahomey, d'une part, et de l'autre au Sokoto et dans
les Etats haoussas, dont le port est Guiris, Les rives sont peuplées
de Haoussas, de Noupés et de Foulbés. Elles sont souvent maréca-
geuses ;
f) De Yelloua à Badjibo s'étend une seconde zone de rapides
dont les principaux sont ceux de Saviaré, de Tsoulou et, en aval
de Boussa, ceux de Lalo, de Garafin et de Ouourou,
Boussa est une agglomération de vingt villages. Les piroguiers
de la région sont les Kambaris, venus probablement du Kanem, il y
a quelque deux ou trois cents ans.
En face de Badjibo, sur la rive gauche du Doko et à 200 mètres
du Niger, est située l'enclave d'Arenberg, cédée à bail à la France
par l'Angleterre.
En amont de Geba s'élève, en plein fleuve, le Djou-Djou,
immense bloc de granité et de grès rose ;
g) A partir de Badjibo, le fleuve redevient calme et s'étale lar-
gement pendant 1,200 kilomètres jusqu'à son embouchure dans le
golfe de Guinée.
La région située entre Geba et Lokodja produit le karité, les
PÉNéTRATlON FRANÇAISE 15
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gommée et le cubèbe ; à mesure que l'on approcke vers le sud, la
végétation devient plus fournie jusqu'au moment où elle prend le
caractère dense de la forêt équatoriale. Les palmiers à huile pous-
sent dans cette contrée jusque vers le 9° de latitude nord, mais
abondent surtout entre le 6** et la mer.
Si nous voulons résumer cet aperçu du cours du Niger, neuf
voyons qu'il possède les biefs navigables suivants :
P Bief de Kouroussa à Bammudco (navigable de mai à sep-
tembre, ce dernier mois compris) ;
2^ Bief de Koulikoro à Ansongo comprenant les sections de :
a) Koulikoro à Mopti (navigable de juin à octobre) ;
b) Mopti à Kahara (navigable d'octobre à fin janvier) ;
c) Kahara à Ansongo (navigable d'octobre à février) ;
3^ Le bief à^ Ansongo à Say ne présente pas de difficultés insur-
montables. Il peut être parcouru par de grands chalands de
décembre à février ;
4® Les vapeurs peuvent remonter de la mer jusqu'à Badjibo (des
vapeurs anglais sont venus jusqu'à ce point approvisionner le capi-
taine Lenfant).
Nous voyons donc que la seule partie du Niger vraiment très dif-
ficile est celle qui s'étend entre Yelloua et Badjibo (rapides du sud
de Boussa) (1).
II. — Bassin du Sénégal.
1° Régime du Aeuve, — La crue produite par les pluies tombées
dans le bassin du Haut-Sénégal commence en juin. Elle s'étend de
proche en proche jusqu'aux marigots et lacs du bas fleuve qui jouent
un rôle assez analogue à celui des nappes aquatiques des environs
de Tombouctou. L'inondation s'étend peu à peu sur les rives. Le
maximum d'élévation des eaxtx n'est atteint à Saint-Louis qu'à la
fin d'octobre.
Durant l'hivernage (du l*' juillet à la fin de novembre), Kayes
est le point extrême de la navigation. Les navires ne peuvent remon-
ter que jusqu'à Podor en saison sèche ;
(1) Le capitaine Lenfant a pu néanmoins la remonter et transporter un convoi
de ravitaillement à Sorbo-Haoussa.
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— 2*7 —
2** Cours du Aeuve. — Le Sénégal est formé par la réunion du
Bafing et du Bakhay (1), le premier descendant du Fouta-Djallon,
au sud-ouest de Timbo, le second venant du nord du Bouré, qui
s'effectue à Bafoulàbé,
Le Bakhoy passe à une trentaine de kilomètres à Touest du
centre important de Kita et arrose Badoumhé par oii passe le chemin
de fer de jonction entre le bief navigable du Sénégal et le bief navi-
gable du îsiger moyen. Il est grossi sur sa rive droite du Ba-Oulé
au cours sinueux.
Le Bafing arrose le centre de KendÀwian et passe près de celui
de Koundian,
En aval de Bafoulàbé^ le Sénégal franchit plusieurs rapides :
chute de Gouvia, chutes du Felou. Au-dessous de Médine, on ren-
contre les barrages de Kayes et des Kippéi qu'on a évités lors de
la construction du chemin de fer en portant la tête de la ligne
ferrée à Kayes même, en aval des barrages.
Le principal affluent de gauche du Sénégal est la Falémé formée
de la Kounda, du Duila-Kho et du Baling-Kho qui prennent leur
source à Touest du Fouta-Djallon et au sud du 12° de latitude nord.
Elle est navigable jusqu'à 140 kilomètres environ de son embou-
chure et arrose le centre important de Sénoudébou.
A partir de Bakel (2) (68 mètres d'altitude), les rives du Sénégal
sont moins accidentées ; le fleuve coule généralement en plaine, la
rive droite offre seule quelques mouvements de terrain.
Avec Matam, les berges du fleuve deviennent plus escarpées ;
son cours est assez sinueux et forme de grandes îles dont la princi-
pale est celle dite des Bas-Fonds.
Un peu avant Soldé, le Sénégal se divise en deux bras qui
forment l'île à Morfil. Le bras du sud porte le nom de marigot de
Doué, celui du nord franchit le barrage de Mafou et arrose Podor.
En face de Dagana, se déversent dans le fleuve les eaux du lac
Cayar par le marigot de Guédayo et le petit lac Yalana. Les rives
s'affaissent progressivement et sont très boisées.
A partir de Dagana commencent les cultures de mil. A Richard-
Toll, la rivière de la Taouey déverse dans le Sénégal les eaux du
marigot de Bounoun et du lac de Guier.
(1) Bajlng veut dire rivière noire et Bakhoy, rivière blanche.
(2) Entre Mafou et Bakel, la navigation remonte plusieurs points difficiles.
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^i>
A son embouchure^ le Sénégal forme un delta très étendu dont
les principales branches sont : le marigot des MaringouiTis, prolon-
geant le cours du fleuve dans le sens est-ouest, le marigot de Ûua-
lolam, le Sénégal proprement dit, qui se dirige du nord-nord-ouest
au sud-sud-est, et le marigot de Djoss, plus méridional.
En tournant vers le sud, le Sénégal coule assez longtemps paral-
lèlement à la côte, ne laissant vers l'ouest qu'une presqu'île large
de quelques centaines de mètres qui porte le nom de t langue de
Barbarie ». A l'extrémité méridionale de celle-ci est située la barre
que Ton doit franchir pour entrer dans le fleuve, sorte de boiirrelet
de terrain sous-marin produit par le mouvement alternatif des eaux
du Sénégal et des vagues de la mer.
La ville de Saint-Louis est bâtie sur une île placée au milieu du
fleuve, en arrière de la langue de Barbarie.
III. — Fleuves côtiers se déversant dans Vocéan Atlantique,
Le Saloum est navigable jusqu'à Kaolakh,
La Gambie offre une excellente voie de pénétration vers l'inté-
rieur ; par malheur, la plus grande partie de son cours est en terri-
toire anglai?.
La Casamancc prend sa source vers le 16" de longitude ouest et
arrose Sedhiou, Zighinchor et Carabane, Elle est navigable jusqu'à
Mandina, en amont de Sedhiou, et son affluent, le Sangrogou, jusqu'à
Bona, à une cinquantaine de kilomètres de son confluent.
La région comprise entre la Guinée portugaise et le Sierra-Leone
britannique est arrosée par un grand nombre de rivières dont les
principales sont : le Compony^ le Nunez que les grands navires peu-
vent remonter jusqu'à Victoria situé à une soixantaine de kilomètres
de son embouchure, et qui passe à Bohé ; le rio Pongo, vaste embou-
chure (avec Boffa) où viennent se déverser les eaux de la Fatalla ;
le Konkoré qui prend sa source dans le Fouta-Djallon, à 717 mètres
d'altitude et reçoit le Gamiguery et le KaJcrima ; la DubréJca à
l'embouchure de laquelle est située la localité du même nom ; enfin,
la Mellacorée qui passe à Benty et est navigable jusqu'à ce point
IV. — Fleuves de la Côte d'Ivoire.
V Le cours du Cavally n'est connu d'une manière complète
que jusqu'à Gléoulo, un peu en amont du confluent du Dotjaoé. Il
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— 229 —
est formé par la réunion de cette rivière et du Goubou qui décrit
une courbe très prononcée vers l'ouest, cette courbe ayant son
sommet aux environs du 7** de latitude nord. Le cours du Cavally
est coupé de plusieurs rapides dont le principal est celui de Baïro.
Le Youhou prend sa source dans le massif montagneux Nimba-
Drouplé et le Dotcobé vers le mont Bô signalé par les indigènes au
capitaine d'OUone ;
2^ Le San Pedro prend sa source dans les monts Nienokoué
(800 m.) et Qao. Son cours a plus de 100 kilomètres ;
3" La Sassandka a été reconnue par MM. Arago, Pobéguin et
Thomann et dans sa partie supérieure par Marchand.
Elle est formée par la jonction du Tien-Ba et du Sien qui pren-
nent leur source vers 9°30* de latitude nord. Ses affluents princi-
paux sont, à gauche, la Feredogouba et le Gouan ou Baûng, puis,
plus au sud, le Zô reconnu par Woelffel. Au-dessous du confluent
de cette rivière, les rapides abondent. Ce sont d'abord ceux de
Baâlat/y puis les chutes de Nahoua où le fleuve doit franchir des
blocs énormes de granité, les rapides de Soubré, de Bidaga^ de Bou-
toubréy de Bide, de Sougou, de Zaébré, de KeJcero, de Brandé et de
Doulé. Cette voie de pénétration n'est donc que difficilement prati-
cable et cela seulement aux pirogues indigènes.
En amont de Boutoubré, les rapides deviennent très mauvais.
Un poste a été installé à Boutoubré par M. l'administrateur Tho-
mann. Sassandra est bâti à l'embouchure du fleuve ;
4" Le Daguiré qui a son embouchure près de Freno est encore
fort peu connu ;
5® Le Bandaha est formé par la réunion du Bandama-Rouge, du
Bandama- Blanc et du N'zi.
Le Bandama-Rouge prend sa source un peu au nord du 9® de
latitude boréale. Il est lui-même le produit de deux cours d'eau :
le Marahoué et le Yani.
M. Eysséric a reconnu le Bandama-Rouge et prouvé son défaut
de navigabilité. Près de Zoukrou, en particulier, le fleuve est embar-
rassé d'un véritable chaos d'écueils granitiques.
Le Bandama-Rouge a été reconnu par le capitaine Marchand. Il
prend sa source un peu au sud du 10** de latitude noid dans le Fol-
loua, et traverse le Tagara, le Gounisoro, le Kouradougou et la
région aurifère de Kami. Il est lui-même grossi du Bêlé qui descend
des environs de SaJcala. TJn peu au-dessous du 7° de latitude nord,
^^>>5QlBUOTHÈÇ)U
F
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— 280 —
le Bandama entre dans la forêt dense qui s'étend au loin sur sa rive
droite et borde seulement sa rive gauche d'une bande boisée, peu
épaisse, à la lisière de laquelle se trouve le centre d'extraction auri-
fère de Kokomho.
Vers le G** de latitude nord, le Nzi vient lui offrir l'apport de ses
eaux. Cette rivière borde la lisière occidentale du Djimini et du
Diamala, puis décrit une courbe assez prononcée vers l'est. Il est
grossi de la Poulara.
Le fleuve inférieur Bandama arrose Tiassalé oti a été établi un
poste ; puis, entre Ahoua et Bouroubourou, se parsème de rapides
qui interrompent vers ce dernier point sa navigabilité.
Grand'Lahou est construit à l'emboucliure du Bandama ;
6** La rivière Agueby arrose à ses sources une contrée aurifère,
traverse l'A gui et l'Ebrié et vient se jeter dans la lagune auprès de
Dabou ;
7** La rivière MÉ arrose la région de Bouapé et VAttié occidental;
8** Le CoMOE est le fleuve côtier de nos possessions qui pénètre
le plus avant vers le nord.
Il descend en effet des environs du mont Mina, dans le Kene-
dougou. Grossi sur sa rive droite du Léraba, il traverse une région
assez accidentée dont le principal soulèvement est celui des Xomonos
(1,450 m.), que borde à Test le Dokhozie-Kho, un autre de ses tri-
butaires.
Le Comoe passe ensuite au centre important de Mango (ou Grou-
mania), grand marché de kolas de la région et contourne l'Anno.
Dans son cours inférieur, il arrose Attahrou et Bettié, puis Petit-
Alepé, hnpérié et Grand-Bassam,
Le Comoe traverse de nombreux rapides dont les principaux
spnt : entre AJchiékrou et Ebohoué, entre Assémoane et Daron, à
Kabrankou, à AmanguaJcourou, entre Koummokourou et Ahmikou-
rou, à Dabiaba^sou, à Bouadikadjoukrou, à Amenva, entre Tonia et
Malamalasso, après Cottokrou.
Le Comoe n'est navigable pour les vapeurs (d'un faible tirant
d'eau) que jusqu'à Petit- Alépé. Au delà, les indigènes le remontent,
pendant environ 200 kilomètres, en pirogues ;
9° La rivière Bia n'appartient à nos possessions que par son cours
inférieur. Elle arrose Krinjabo et vient se jeter dans la lagune Aby ;
10° La Haute-Volta noire coule en territoire français. Elle est
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— 231 —
formée de deux rivières, le Baniûng et le Baoulé qui prennent leur
source à Touest du soulèvement de Bobo-Dioulasso,
De Sanlarany à rembouchure du Bougouri Ba^ la Volta noire
est navigable et elle est employée par une flottille (créée en 1898)
pour ravitailler nos postes de Bobo-Dioulasso^ BoroTnOy Diebougou,
Lokhosso, Léo, etc., etc.
La Haute-Volta blanche pénètre jusqu'au 14** de latitude nord.
Elle est grossie du Kougouri et du Kassimi sur sa rive droite, du
Nouahou sur sa rive gauche.
Enfin YOti prend sa source dans le Gourma qu'arrosent ses deus
bras, la Yanga et le Yerboué.
V. — Fleuves du Dahomey,
V Le Mono forme frontière entre le Dahomey et le Togo alle-
mand. Il est navigable jusqu'au barrage de Togodou, à 80 kilo-
mètres dans l'intérieur ;
2® Le KoxTFFO ou Ao est navigable jusqu'à Sorti à environ 40 kilo-
mètres de l'embouchure de la rivière ;
3® L'OrrÉMÉ est le grand fleuve du Dahomey. Il prend sa source
vers le 10** de latitude nord, sépare le Djougou du Borgouy arrose
Camotville. Sur sa rive gauche, il est grossi de VOcpara qui, pen-
dant une partie de son cours, sert de frontière entre le Dahomey et
les territoires du Niger anglais et sur sa rive droite du Zou. Un peu
en aval de Dogba, l'Ouémé se sépare en deux bras qui, tous les
deux, vont se jeter dans la lagune.
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CHAPITRE VIII
AP£RÇn £CONOMIQllK
I. — Productions naturelles.
Flore, — Dans l'étude climatologique de TAfrique occidentale
française, nous avons partagé celle-ci en trois régions naturelles
différentes : la première prolongement du Sahara, la seconde consti-
tuant à proprement i)arler la steppe soudanaise, la troisième carac-
térisée par la forêt équatoriale.
En étudiant de plus près la flore de nos possessions, nous sommes
amenés à distinguer, en outre, des zones intermédiaires.
C'est ainsi que nous rencontrons successivement :
V La région saharienne proprement dite ne possédant que la
flore désertique ;
2** La zone sahelienne s'étendant sur la rive droite du Sénégal et
entre le Niger et ce fleuve, au-dessus du 14**, qui fournit de la
gomme en très grande quantité et peut nourrir quelques troupeaux;
S*' La vallée du Niger est comme une immense oasis au milieu
du désert. La région lac Dhebo-Tombouctou, fertilisée par les inon-
dations, a souvent reçu le nom de t Nil français b. Elle produit le
blé et le riz en abondance et est appelée à devenir le grenier de
toute la partie septentrionale de la boucle du Niger. En outre, ses
pâturages nourrissent de nombreux troupeaux. Les crues du Bani
donnent la même fertilité aux environs de Dienné.
La zone de terrain qui s'étend sur les rives du fleuve entre
Zinder et Say est une seconde exception aux portes du désert. Le
riz, le coton, le mil, les arachides, l'indigo y poussent admirable-
ment ;
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— 233 —
4** Entre la région du sable et la steppe soudanienne existe une
zone de transition caractérisée par d'abondants pâturages. Elle com-
prend le Bourgou couvert de verdure toute Tannée, le Macina, le
Tatenga élevant des chevaux, des bœufs et des moutons, le Dafina,
le nord du Mossi renommé pour ses ânes et, plus à Test, le Gourma.
Le blé et Torge peuvent être cultivés dans ces pays ;
6** La région soudanienne proprement dite est limitée au nord
par le 13** et au sud par une ligne sensiblement parallèle à la côte,
passant par Kouroussa, Bissandougou, Odienné, Mango et par le 8**
de latitude boréale à Touest de ce point.
C'est la steppe immense, çà et là parsemée d'arbres et de cul-
tures. Celles-ci deviennent de plus en plus riches à mesure que Ton
avance vers le sud. Les plateaux produisent du mil et du sorgho et,
les fonds plus humides, le riz et le maïs.
Le karité ou arbre à beurre pousse entre les 13** et 9** (1). On le
rencontre dès le sud du Beledougou et les environs de Kita. Au
Dahomey, son habitat commence au nord du 8**.
Le coton (2) se trouve presque partout : dans la région de Say,
dans le Mossi, aux environs de Kong, dans le Djiminî, à Bouna,
sur la moyenne Gambie et, plus au nord, autour de Kita et dans le
Beledougou. Le coton soudanais a les soies courtes, ce qui en
diminue le prix marchand, mais il serait très probablement amé-
liorable (3).
(1) « Le karité est très répandu dans le Segou. Les moyens employés pour en
extraire la graisse sont des plus primitifs. Débarrassées de leur pulpe, les noix
sont mises dans une fosse de 2 mètres de profondeur environ sur 0",80 de diamètixî.
Elles restent ainsi pendant un ou deux mois, puis elles sont grillées, passées,
pilées et bouillies. Les indigènes mangent la pulpe qui a un goût assez agréable.
— Nous pensons que le chiffre des arbres du cercle est supérieur à 60,000. {San-
sanding en possède environ 2,000.) — La récolte commence vers la fin du mois de
juin. Les prix sont les suivants : noix de 6 à 10 francs les 100 kilogrammes. —
Bourre : de fr. 25 à fr. 35 le kilogramme. » — (Rapport du capitaine Lambert,
commandant le cercle do Segou, au lieutenant gouverneur sur le karité, 1899).
(2) Un groupe vient de se former à Paris sous le nom « d'Association coton-
nière coloniale pour développer la culture du colon dans les colonies françaises ».
Le développement de cette culture parerait au trust américain.
(3) « Le coton se cultive beaucoup dans le cercle de Segou; le spécialiste chargé
au Soudan de cette question a déclaré que sa soie était fine et nerveuse et qu'en
général elle avait de 27 à 28 millimètres de largeur. Mais l'indigène le cultive sou-
vent sans grande précaution, le laisse exposé trop longtemps au soleil après Téclo-
sion du cocon, ce qui le change en amadou et dessèche les graines qui se brisent
au moindre toucher. » (Rapport commercial et politique du cercle de Segou en 1899.)
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— 234 —
Les gommiers s'étendent à Tétat isolé jusqu'au 0^6' de latitude
nord (1).
Le tabac vient bien au-dessus du 8°30' de latitude boréale.
La culture des arachides et de Vindigotier est fort répandue.
Uigname apparaît dès le sud du IP et les céréales peuvent être
cultivées jusqu'au 9°.
6** Au-dessous de la zone soudanienne proprement dite, on ren-
contre une région intermédiaire entre la steppe et la forêt dense.
Elle s'étend sur les rivières du sud et le Fouta-Djallon et au sud de
la ligne. Kouroussa, Odienné, Manga. Elle est caractérisée par la
présence de nombreuses lianes à caoutchouc et par une exubérance
plus grande de la végétation.
Les rivières du sud et le Fouta-Djallon produisent, en outre,
des baobabs, caïlcédrats, fromagers et légumineuses gigantesques,
des arachides, du riz dans les régions basses. Le rio Pongo et la
Haute-Fatallah donnent du café, le rio Nunez de l'indigo, la Mella-
corée et la Dubréka de la gomme copale. Les premières pentes du
Fouta-Djallon portent des arbres fruitiers méditerranéens tels que
figuiers, orangers et citronniers. Ses plateaux possèdent de nom-
breux pâturages qui nourrissent les troupeaux foulbé.
Les pays voisins de la forêt dense, le Mahou (2), par exemple,
cultivent l'igname, le riz, le coton et les arachides ;
7° La forêt équatoriale est caractérisée par la présence du pal-
mier à huile, qui ne dépasse guère ses limites.
Dans la partie occidentale de la Côte d'Ivoire, sa culture s'étend
sur plus de 300 kilomètres de largeur, tandis que dans le bassin du
Bandama il n'existe qu'entre la côte et le 6° de latitude boréale et
dans le Dahomey, au sud du 7**.
Le kolatier est surtout abondant au nord du 6^*30' de latitude et
couvre une zone sensiblement parallèle à la lisière de la forêt dençe.
Le cocotier vient facilement aux environs de la côte; dans le
Dahomey, son habitat est limité à une cinquantaine de kilomètres
de celle-ci.
Le palmier à vin existe dans tout le bassin de la Sassandra et
le bananier presque partout.
Jj indigotier et le cotonnier poussent à l'état sauvage ou cultivée
(!) On on rencontre à cette latitade à Beria, dans le Haut-Dahomey. (Mission
Toutée.)
(2) Mission Blondiaux.
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Enfin, M. Thomann a signalé la présence d'une énorme quantité
d'arbres et de lianes donnant du caoutchouc et d^essences précieuses
du genre acajou.
Autour des villages, on cultive du riz de inontagne, du Tnanioc,
de rares ignames, du maïs, des haricots et un tabac assez agréable (1).
Richesses minérales. — La principale richesse minérale de
l'Afrique occidentale française est le fer que Ton trouve presque
partout.
Jj or existe soit en poudre dans les alluvions déposées par les
cours d'eau, soit dans des filons quartzifères ;
1. Sur les rives de la Hauie-Falémé (Bambouk-Sekolo-Mouralia-
Gatera) (2) ;
2. Les rivières du Fouta-Djallon roulent de l'or en petite quan-
tité ;
3. Dans le cercle de Siguiri, le Bouré et, à l'est, la région rive-
raine du Sankarani (Silouba-Sekou) ;
4. Dans la vallée du Bandama- Rouge, gisements de l<ami et de
koTioumho ;
6. Dans le Lohi, sur la rive droite de la Haute-Volta noire ;
6. Dans le BondouJiou (Sapia-Zaranou), rivière Megan, sur la
Comoe entre Alépé et Malomolosso. Dans VAttié,
Ij or n'a pas encore été trouvé au Dahomey. Le salpêtre est
assez rare et le carbonate de chaux presque introuvable.
Industrie. — La principale industrie est le tissage. Les étoffes
obtenues n'ont, en général, qu'une très faible largeur (de 15 à
20 centimèti-es).
Les principaux centres de production sont : Kong, Dienné, Bon-
douJcou, Segou, le Fouta sénégalais.
Le fer est exploité sur un grand nombre de points, en particulier
à Bobo'Dioulasso, aux environs de Kita. Les Sarakollés du Fouta-
Djallon ont une grande réputation d'habiles forgerons.
L'industrie du cuir est, en général, assez développée (chez- les
Maures, dans le Mossi, chez les Soussous, à Dienné).
(1) Mission Hastains-d'Ollone.
(2) Dans le Bondou et le Bambouk, les principaux centres aurifères sont : le
Kamanau (dans les sables de la Falemé), le Tambaoura (pépites de 2, 3 grammes
et plus), le Niagalla^ le Maeamano, le Sinikana. L'argent se trouve mêlé à Tor
en quantité très faible.
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Le lavage de l'or est, en général, pratiqué d'une façon fort rudi-
mentaire. Les indigènes exploitent fort peu les filons contenus dans
le quartz.
Commerce intérieur de VAfriq^ie occidentale française,
V Dans la boucle du Niger existe un grand courant commercial
qui s'efEectue du nord au sud et réciproquement.
Le désert, la région sahelienne et les pays de pâturage du nord
envoient, vers le sud, du sel, de la gomme et des chevaux qui sont
échangés dans les pays voisins de la forêt équatoriale contre des
noix de kola et des bananes. En outre, ï)endant leur voyage entre
ces deux zones commerciales, les caravanes se chargent de beurre
de karité, d'étofEes fabriquées à Kong, etc., etc.
Les grands marchés du nord. — Les grands marchés du nord
sont : Bammako, Segou, Dienné et Tombouctou.
D'après le Tarikh-es-Soudan, Dienné c a été fondée par les
païens au milieu du ii* siècle de Thégire du Prophète ; les habitants
ne se convertirent à Tislamisme que vers la fin du vi* siècle de
rhégire » (vers Tan 1200 de Tère chrétienne) et son auteur ajoute :
c Cette ville est un des grands marchés du monde musulman. Là se
rencontrent les marchands de sel provenant de Teghazza (1) et ceux
qui apportent Tor des mines de Bitou. » c Pour moi, disait naguère
le colonel Archinard, c'est la ville la plus riche et la plus commer-
çante que j'aie vue au Soudan. »
Dienné compte environ 8,000 âmes. Les tisserands y sont nom-
breux et fabriquent des bandes de toile, des pagnes où domine la
nuance bkue et des couvertures de couleur chaudron. La peau de
mouton tannée sert à faire des bottes, babouches, fourreaux de
sabre, selles, etc., etc.
Dienné se livre, par voie dVau, à un commerce très important
avec Tombouctou, par l'intermédiaire de laquelle elle reçoit le sel
et la gomme. En outre de ces deux derniers produits, elle exporte
vers le sud du mil, du riz, des étoffes, du bétail et reçoit en échange
le beurre de karité de la région soudanaise, les étoffes de Kong, les
kolas, les instruments en cuivre du Mossi et les bijour fabriqués
(1) Mines de sel de Teghassu^ près de Taodine,
Le Bitou correspond sans doute au Bondoukou actuel.
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— 237 —
dans ce pays. (Un million de francs environ de mouyement com-
mercial annuel.)
Tomhouctou est bâtie sur un promontoire de la falaise saha-
rienne, à 245 mètres d'altitude. Nous avons déjà eu l'occasion de
parler de sa fondation par les Touareg Maghcharen à la fin du
V* siècle de l'hégire. EUe ne tarda point à remplacer l'ancien centre
commercial de Biro (Oualâta actuel), c Ce fut à la fin du ix* siècle
que la prospérité de la ville prit définitivement son essor b (1)
(vers 1500).
Tomboùctou est, aux basses eaux, à environ 15 kilomètres du
Niger. De novembre à février, les pirogues peuvent venir accoster à
Kabara (à 9 kilomètres de la ville), c Tous les sept ans à x)eu
près (2), la crue monte jusqu'aux murs de la ville, par les vestiges
d'anciens canaux artificiels, aujourd'hui comblés. »
De la ville sainte qui c jamais n'a été souillée par le culte des
idoles » (3), est partie naguère la conquête musulmane. Tombée
successivement, comme nous l'avons vu, au pouvoir du Mali, du
Sonraï et des pachas marocains, elle a commencé à entrer en déca-
dence vers le milieu du xviii* siècle, en raison des déprédations
touareg.
C'est une cité cosmopolite. Le Tarikh-es-Soudan nous parle déjà
des gens du Tafilet et du Touât qui y habitaient en grand nombre
et de la mosquée des Ghadamésiens. Touareg, Foulbé, Arabes,
Maures, Marocains, Sonraïs, gens du Macina et du Mossi, Mandé-
Dioula se pressent sur son marché.
On trouve sur celui-ci les articles importés d'Europe, le sel de
Taodeni, la gomme des pays maures, les produits locaux : grains,
bestiaux et étoffes, les denrées soudaniennes (4). Le chiffre de son
mouvement commercial est évalué à 1,500,000 francs.
Segou est l'ancienne capitale du royaume bambara du Kourou-
bari (xviii* siècle) (5). C'est plutôt une agglomération de plusieurs
centres (Segou-Koro, ou vieux Segou ; Segou-Koura, ou Segou
neuf, Segou-Bougou et Segou-Sikoro), qu'une ville dans la véritable
acception du mot. Elle offre une grande importance commerciale
(1) Tarikheê'Soudan d'Es-Sàdi.
(2) Capitaine Lenfant.
(3) Tarikh-es-Soudan,
(4) La population de Tomboùctou ne selève guère acluellement au delà de
6,000 âmes.
(5) Puis d'Ahmadou fils d'El Hadj-Omar, fondateur de l'empire toucouleur.
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— 238 —
(un million de francs de mouvement commercial annuel). C'est un
entrepôt de sel venu surtout de Tichit, car la ban^ de sel de Tao-
deni, qui coûte de 12 à 18 francs à Tombouctou, en vaut environ
35 à Segou.
Le sel de Taodeni ne descend donc le Niger guère plus loin que
Dienné.
Les tisserands sonninkés de Segou fabriquent différentes étoffes
de cotonnade et des dampés, sortes de tapis ornés de dessins formée
par le tissage même (1).
Des ouvriers en cuir préparent les i)eaux, les tannent et les trans-
forment en équipements et harnais.
On fabrique également beaucoup de vannerie. Les centres com-
merciaux du sud sont surtout des marchés à kolas. Les missions
Wœlffel, Blondiaux et Eysséric ont permis de déterminer Texis-
tenoe d'un double alignement de marchés à kolas entre les 11** et 8*
de longitude ouest.
La PREMiÈBE ZONE Commerciale occupe les environs du 9** de
latitude boréale. Ses principaux centres sont : Beyla (poste fran-
çais), Koro, Toté, Kani et Sakala, le plus important de tous. La
population y est composée en grande partie, tantôt de Malinkés,
tantôt de Bambaras. Ils reçoivent les kolas et l'huile de palme des
villages de la seconde zone situés à la lisière méridionale de la
forêt ou dans la forêt même, tels que Gouake, Lola, N'zo, Gueasa,
Lautin, Gangouali, Touna, Seguela, Massala et Danhatogo (ces
deux derniers près du Bandama-Rouge). Le trafic des localités de
la première zone est de beaucoup le plus considérable. Ce double
alignement peut s'expliquer par la sauvagerie et l'humeur méfiante
des gens de la forêt qui craignent le contact immédiat et continu
des Bambaras et Malinkés (2).
Les kolas sont échangés contre des étoffes, de la poudre, du sel,
de la verroterie, etc., etc.
Plus à l'est, YAnno et le Bondoukou sont les deux grands centres
d'exportation des noix de kola et des bananes. Mango, capitale de
(J) «< Les colonnades dites de Se^ou sont la base du commerce et de la richesse
du cercle, les tissus prennent un grand prix en s'éloignant du cercle. C'est ainsi
qu'à Siguiri elles valent de 15 à 20 francs, tandis qu'à Tombouctou^ elles attei-
gnent jusqu'à 30 et 35 francs. » (Rapport commercial agricole du chef de cercle de
Segou, 1899.)
(2) Néanmoins plusieurs villages de la lisière de la forêt ont accepté des chefs
mandés. — L'élément mandé est un élément dévastateur de forêts.
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— Î39 —
rAnno, possède quelques tisserands. Elle reçoit les étoffes de Kong,
le sel venu de Djenné, le beurre de Ce, la ferronnerie, etc., etc.
Bondoukouy Tantique Bitou, paraît être de fondation antérieure
à 1042. C'est un centre de commerce et un nœud de communication
de premier ordre, en relation, d'une part, avec TAchanti et Grand-
Bassam qui lui fournissent les articles d'Europe et de l'autre avec
Kong et le Soudan central. Le pays produit quelques étoffes tissées
avec du coton venu de Boima. Bondoukou échange ses kolas contre
du sel et des étoffes de Kong.
Citons enfin le grand marché de Salaga situé plus à l'est, en
territoire anglais.
Voies coTnviercicdes réunissant les marchés du nord et ceux du sud.
V Route Toiïibouctou'HoTnhori'Dori, — Le sel transporté en
pirogues de Kabara à Saraféré, port fluvial du Bara-Issa, est porté
par les caravanes jusqu'à Hombori et Dori ;
2° Route Vienne (ou Bandiagara), Ouaghadougou, Salaga, —
Les caravanes venues de Dienné apportent à Ouaghadougou du
sel, des étoffes, des chevaux du Macina et du Yatenga, qu'elles y
échangent contre des ustensiles de cuivre, des bijoux fabriqués dans
le Mossi, du beurre de Ce, des ânes élevés dans la région en grande
quantité.
Le Mossi reçoit des noix de kola de Salaga, par le Mampoursi
et le Dagomba ;
3® Route Dienné, Boho-DiolassoUy Kong et Mango (ou Bondou-
kou). — Cette route est parcourue par les Mandé-Dioulas de Kong.
D'après la tradition locale, Kong aurait été fondée à la même
époque que Djenné. Les auteurs arabes ne parlent pourtant point
de cette ville dans leurs ouvrages.
Quoi qu'il en soit, les Mandés-Dioulas s'infiltrèrent i)eu à peu
dans la région et, lorsqu'ils furent en assez grand nombre, substi-
tuèrent leur pouvoir à celui des autochtones. Sekou Ouattara accom-
plit ce coup de main vers 1790.
En 1888, Binger estimait la population de Kong à 15,000 âmes.
Aujourd'hui, les ravages exercés par Samory jusqu'en 1898 ont à
demi ruiné la ville. Il faut espérer que, grâce au rétablissement de
la paix et aux qualités éminemment commerciales de ses habitants,
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— 240 —
elle ne tardera pas à se relever et à reprendre son ancienne place
de grand marché soudanais.
Kong fabrique des tissus de coton de couleur rouge et blanche.
Les indigènes ne savent pas teindre le coton, ils en sont donc
réduits à acheter à Bondoukou le fil de coton rouge qu'ils entre-
mêlent au fil blanc. Les femmes font de la vannerie.
Les Dioulas se rendent à Bondoukou et Groumania (Mango) et
échangent le sel et les étoffes venus de Dienné, les tissus de Kong,
la ferronnerie de Bobo-Diolassou contre des kolas blancs de l'Anno
ou des kolas rouges originaires de TAchanti et des étoffes grossières
fabriquées à Mango. A Dienné, ils portent diflerents tissus venant
de Kong ou de Salaga, des noix de kola, du piment rouge et du
poivre. Sur leur route, ils se livrent à quelques échanges avec les
gens de Bobo-Diolassou, fort habiles forgerons.
Les relations de Kong avec le Mossi sont ihoins suivies.
Le sel qui circule sur la route Dienné-Kong provient exclusive-
ment de Taodeni ;
4® Route Segou-Sikasso-Tengrâla-Sakhald, — Sihasso, capitale
du Kenedougou, est admirablement située, au point de vue commer-
cial, à la tête de vallées qui vont rayonner dans tous les sens. L'in-
dustrie du fer y est très développée. Son mouvement commercial
annuel est évalué à près d'un million de francs.
Tengrela était autrefois un des centres les plus riches du Fol-
lona. Sa prise de possession en 1885, par Samory, l'a conduite à la
ruine.
Les commerçants du nord viennent vendre dans le Kenedougou
des chevaux, du bétail, du sel (d'Idjil). A Sakhala et dans les mar-
chés environnants, ils échangent le sel, les étoffes, etc., etc., contre
les kolas et les bananes provenant de la forêt dense, qu'ils rapportent
à Segou avec du beurre de Ce acheté sur leur route ;
5** Route BammaJcO'Tenetou-OuassouloU'Kani. — Cette route esl
analogue et parallèle à la précédente. Les objets d'échange sont
identiques (étoffes, sel d'Idjil, bétail contre kolas, bananes, ara-
chides, beurre de Ce (1) ;
(1) « Baniniako so développe de jour en jour. La roule de ravilaillomcnl yacon
sidérablemcnt aidé. Bammako est également un des points importants du pas-
sage du sel. — De là les Dioulas se répandent dans la partie de la boucle qui se
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— 241 —
6** Ttoute de Kita-Bissandougou-Beyla, — Kita est un nœud de
routes fort important, étape nécessaire entre le Haut-Sénégal et le
Niger-Moyen ; entre le Kaarta et le Haut-Niger. Dans la ville et
ses environs, on fabrique des étoffes, partie en coton blanc du pays,
partie en coton de couleur d'origine européenne. Les bandes ainsi
obtenues n'ont que de 10 à 15 centimètres de largeur. A cette indus-
trie s'ajoutent celles des cuirs, de la teinture des étoffes surtout en
bleu). Le fer est assez habilement travaillé à Kita.
Siguiri, sur le Niger, est devenu un centre important d'achat
de caoutchouc.
Kankan, qui se trouve sur la même route commerciale, était
autrefois un marché très fréquenté (karité, gutta-percha, ara-
chides, etc., etc.).
Le commerce est fait par les Malinkés qui se répandent jusqu'à
la lisière de la forêt dense. A Beyla, ils s'approvisionnent de kola
et de bananes en échange du sel d'Idjil et des produits du nord et
du centre ;
7** Dans l'est de la boucle du Niger, il existe enfin une route
commerciale de direction est-ouest. Elle a pour point de départ
Kano, centre économique très important du Soudan anglais, passe
par le Sokoto, franchit le Niger à llo et se dirige vers le Borgou,
le Djougou et Salaga, Les Haoussas qui la fréquentent apportent
de Kano des étoffes mesurant jusqu'à 60 centimètres de largeur de
fabrication locale ou d'origine anglaise, des selles et autres objets
en cuir, du sel provenant de Bilma (venu par l'Aïr et Zinder). Ils
jouent un rôle assez analogue à celui des Mandé-Dioula sur la route
Kong-Dienné. En échange, ils rapportent des noix de kola, du
karité, etc., etc.
II. — Voie du Sénégal.
Par la voie du Sénégal remontent les produits d'Europe, étoffes,
ustensiles de tous genres, verroterie, etc., etc., qui sont échangés
trouve comprise au sud, dans un triangle dont un côté serait le Niger et un autre
côté une ligne passant par Sikasso. » (E. Baillaud. — Sur les routes du Sou-
dan). A Bammako, le mouvement commercial atteint annuellement 500,000 francs.
PÉNÉTRATION I-RANÇAISE 16
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— 242 —
contre la gomme de la région sahélienne, les arachides, du
bétail, etc, etc. (1).
Le Saloum et la Casamance se livrent au même trafic.
III. — Voie des rivières du sud.
Des rivières du sud partent plusieurs routes vers le Fouta^Djal-
lon. On peut exporter principalement de ce pays le caoutchouc,
YindigOy les fruits qui y poussent en grande quantité, les arachides,
la gomme dite t copale b, le bétail élevé sur les plateaux par les
Foulbé,
ly. — Voies de la Côte-d' Ivoire.
De ce côté, la forêt vierge interpose une barrière difficilement
pénétrable. Les principales routes sont celles qui suivent le cours
des fleuves, moitié par eau, moitié par terre.
Celle du Bandama présente le grand avantage de traverser la
forêt dense dans sa partie la plus étroite. Elle aboutit au iiaoulé,
pays belliqueux et difficile à assimiler. Le capitaine Marchand,
revenant de Kong, ramena avec lui plusieurs centaines de Dioulas,
leur montrant ainsi la route à suivre, pour venir chercher à Grand-
Lahou les articles européens (étoffes, sel, ustensiles, etc., etc.). Par
malheur, la prise de Kong et du Djimini par Samory vint entraver
ces généreux efforts. Il n'est point douteux qu'avec la sécurité, les
relations seront reprises.
Le CoMOE pénètre très avant dans le Soudan ; malheureusement,
sa navigation est difficile en raison des nombreux rapides qui par-
sèment son cours. Il traverse des régions aurifères très importantes.
V. — Dahomey.
L'arrière-pays du Dahomey est exploité, comme nous L'avons vu,
par les commerçants haoussas. Les comptoirs 3e la côte tirent, de
l'intérieur, l'huile de palme, principale richesse du pays, les noix
(1) Le Sénégal se livre aussi à un certain commerce dans la région de Tom-
bouctou. Par le fleuve les marchands apportent du mil, du karité, du kola et de la
guinée. — Ces derniers sont échangés contre les bœufs des Songhays. Ces bœufs
sont ramenés par la voie du Sahcl dans la vallée du Sénégal pour être vendus à
Médine et à Saint-Louis. (Bulletin. Comité A fr. fr. 1900.)
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— 243 —
de coco venant tles régions voisines de la mer, quelques arachides,
rhuile de coco ou coprah.
Commerce extérieur des colonies de l'Afrique occidentale française.
I. — Sénégal,
Le Sénégal est notre plus ancienne colonie d'Afrique occiden-
tale, ce qui explique le chiffre élevé de ses transactions avec les
puissances européennes, n a de tous temps exporté des gommes en
quantité très considérable, des arachides, un peu de caoutchouc,
quelques amandes de palme, des y eaux et cuirs.
Les importations consistent surtout en. beurres, larine, huile, riz,
guinées et tissus, vins, tabac, verroterie, spiritueux, conserves.
En 1887, le commerce s'élevait à :
Importations 25,812,676 fr. .
Exportations 13,944,042
Au total 39,756,718 fr.
Et, en 1899, à :
Importations 50,059,834 fr.
Exportations 23,546,425
Au total 73,606,259 fr.
De 1887 à 1899, le commerce avait donc augmenté de
33,849,541 francs.
Pour les années 1901, 1902 et 1903, les chiffres exprimant le
tnouvement commercial ont été les suivants :
Importation. Exportation.
1901 64,073,960 fr. 38,205,361 fr.
1902 42,734,929 32,001,279
1903 58,847,911 43,709,663
L'année 1902 a donc été marquée par un léger fléchissement oui
ne s'est heureusement pas répercuté sur 1903.
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— 244 —
Les principaux produits d'exportations ont été les suivants :
Arachides. Gommes. Caoulchoucs.
1902 20,524 fr. 1,647 fr. 2,195 fr.
1903 34,574 996 3,268
II. — Guinée française.
Elle exporte du caoutchouc en granae quantité, puis des pal-
mistes, de la gomme copale, des arachides et des fruits divers.
Les importations consistent en : comestibles et conserves, maté*
riaux de construction, boissons, machines, etc., etc.
En 1898, le commerce s'élevait à :
Importations 9,019,871 fr.
Exportations 7,799,968
Soit au total 16,819,839 fr.
Puis, en 1899
Importations 15,441,710 f r.
Exportations 9,461,496
Au total 24,903,206 fr.
Et en 1900
Importations 14,275,452 fr.
Exportations 9,779,772
Au total 24,055,224 fr.
En 1900, il s'est produit une baisse et une mévente du caout-
chouc. Elle est attribuable à un ralentissement de consommation en
Europe, la quantité de caoutchouc extraite continuant au contraire
à grandir. En outre, les caoutchoucs guinéens contenaient un grand
nombre d'impuretés qui ont fait refuser l'achat de stocks considé-
rables. En conséquence, l'administration s'est préoccupée, en 1901,
d'améliorer les produits reçus des indigènes en les soumettant à un
contrôle sévère.
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— 245 —
Au mois d'octobre 1901 seulement, les cours du caoutchouc se
sont relevés en Europe et, par contre-coup, les affaires ont repris
en Guinée avec un nouvel entrain.
Néanmoins, la crise de 1900 a encore agi sur les chiffres du
commerce de 1901. Ceux-ci s'élèvent à :
Importations. 7,744,587 fr. Part de la France. 3,185,093 fr.
Part de l'étranger. 4,559,484
Exportations. 7,982,599 Part de la France. 1,424,330 fr.
Part de l'étranger. 6,558,269
Au total... 15,727,186 fr
Soit un fléchissement de plus de S millions de francs sur 1900.
En 1902, les exportations se sont élevées à 11,374,389 francs, et
en 1903 à 16,468,794 francs.
De 1890 à 1903, les exportations de caoutchouc en poids se sont
élevées de 829,244 kilogrammes à 1,467,722 (1).
III. — Côte-d' Ivoire.
La Côte-d'Ivoire exporte de I'huile et des amandes de palme
en très grande quantité, des fruits et graines, des bois.
Elle importe, en échange, des denrées coloniales de consomma-
tion, du bois, des boissons, des produits chimiques, des tissus et des
vêtements, des ouvrages, métaux, etc., etc.
Son commerce a subi également un sensible fléchissement
en 1901, comme le montrent les chiffres suivants :
1898. iOOO. 1ÎK)1.
Importations... 5,598,942 fr. 9,080,873 fr. 7,285,993 fr.
Exportations. . . 5,647,156 8,074,589 6,542,703
Au total. 10,645,898 fr. 17,155,462 fr. 13,828,696 fr.
Cette sensible diminution est imputable à des causes analogues à
<?elle du commerce de la Guinée. Elle se fait moins sentir en raison
fl) Rapport d'ensemble sur la situation générale de la Guinée française en 1902.
Paris, Firmin Didot.
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— 246 —
de la moins grande quantité de caoutchouc qu'exporte la Côte-
d'Ivoire.
IV. — Dahomey,
Les exportations consistent surtout en huile (1) et amandes de
PALME (2), kolas, cocos et coprah en petite quantité, du caout-
chouc (3), des poissons secs et fumés, quelques dents d'éléphants.
Les importations consistent en saindoux, tabacs, sels, tissus (4)
(qui ont diminué) ; farines, beurre, riz, sucre, bois, boissons, savons,
ciments, parfumerie, fils, ouvrages en fer et en bois (qui ont aug-
menté).
Les chiffres suivants permettent d'apprécier la situation :
1898. 1900. imi.
Importations... 9,994,567 fr. 15,221,419 fr. 15,752,650 fr.
Exportations. . . 7,538,759 12,755,894 10,178,916
Au total. 17,533,326 fr. 27,977,313 fr. 26,231,566 fr.
En 1902 et en 1903, le mouvement commercial du Dahomey a été
le suivant :
190->. 1903.
Importations 17,090,386 fr. 11,264,258 fr.
Exportations 13,669,216 9,540,066
Au total... 30,659,602 fr. 20,804,324 fr.
Donc baisse de plus de 9,955,000 francs provenant de la durée
de rhormattau et de la sécheresse qui ont amené une mauvaise
récolte du gros régime des palmiers.
Il ne faut donc pas attribuer à cette baisse plus de portée qu'elle
n'en a en réalité, étant toute fortuite et accidentelle.
(1) L'huile de palme entre pour : 4. 74"^. 191 francs dans l'exportation .
(2) Et les amandes pour : 4.842.324 francs.
i3) Le caoutchouc pour 29.15H francs.
(4) Une partie de ceux-ci viennent de Manchester.
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CHAPITEE IX
LES VOIES DE PÉNÉTRATION FRANÇAISES DANS l' AFRIQUE OCCIDENTALE.
La question capitale que doit désoimais «e poser et résoudre la
politique française dans Touest africain est celle des voies de com-
munication.
Le précédent paragraphe a distingué à dessein, dans notre empire
colonial, deux courants commerciaux différents, Tun intérieur qui
s'épanche dans la direction du nord au sud et réciproquement des
marchés du Niger à ceux de la lisière de la forêt équatoriale, l'autre
qui draine vers la côte les productions de nos divers hinterlands.
Le premier n'a pas influé jusqu'à nos jours sur le développement
économique de nos colonies et a, d'ailleurs, été longtemps entravé
par les luttes soutenues contre Samory ; le second n'a pour origine
que des pays relativement très rapprochés de la côte.
Il s'agit donc de créer de grands collecteurs capables de les
capter l'un et l'autre et de les diriger vers la mer, de fournir en
un mot des débouchés aux grands centres de production de la
boucle du Niger.
Le gouvernement de l'Afrique occidentale a fort bien compris
cette nécessité et l'emprunt de 65 millions qu'il va contracter sera
attribué en majeure partie à rétablissement des voies de communi-
cation (1).
Le plan formé comporte, dans ses lignes générales, la jonction à
la côte de chacun des biefs navigables du Niger:
(1; 500.000 francs doivent être consacrés à l'étude du chemin de ft*r à construire
entre Thiés et Kayes; 5.000.000 serviront ù améliorer les tîeuves Sénégal et Niger;
17.000.000 seront afiectés à rachévement de la voie ferrée de Guinée et 10.000.000 à
celle de la Côte-d'Ivoire.
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— 248 —
1** Réunion du bief Eouroussa-Bammako à la mer par la voie
ferrée de la Guinée française ;
2** Réunion du bief Koulikoro-Anongo-Say à la mer par le
chemin de fer du Soudan français de Kayes à Koulikoro, et par le
cours du Sénégal régularisé ;
3** Jonction du îsiger inférieur au Dahomey par la voie ferrée
Cotonou-Parakou ;
4** La récente mission du capitaine Lenfant a prouvé qu'il était
possible de remonter le Niger avec des chalands pesamment chargés
de notre enclave de Forcados jusqu'à celle d'Arenberg et de cette
dernière jusqu'à Say, les vapeurs poussant d'ailleurs facilement
jusqu'à Arenberg.
Enfin, la Côte-d'Ivoire doit être mise en relations avec les Etats
du centre de la boucle du Niger par une voie ferrée dont le tracé
est à l'étude.
L'exécution d'une telle œuvre présentera tout à la fois des avan-
tages économiques et politiques. En raccourcissant les distances, le
rail rendra notre action plus rapide et plus efficace. Il permettra
de porter promptement des renforts sur tel ou tel point, de ravi-
tailler nos colonnes et nos postes, en même temps que d'exploiter
les ressources naturelles des pays traversés :
V Voie de pénétration du Sénégal. — Cette voie de pénétration
se compose de deux parties : le fleuve et le chemin de fer Kayes-
Koulikoro.
a) Le fleuve, — Nous avons vu qu'aux hautes eaux, le Sénégal
est navigable jusqu'à Kayes. Par malheur, même à cette époque, la
navigation est difficile en bien des points. On s'est donc préoccupé
d'améliorer le cours du fleuve. Le lieutenant de vaisseau Mazeran,
chargé d'une mission d'étude hydrographique, en est arrivé aux
conclusions suivantes : nettoyage du fleuve et enlèvement des troncs
d'aibies qui encombrent le chenal, balisage du Sénégal, réglemen-
tation sévère pour arrêter le déboisement des rives et mesures
propres à assurer le plus rapidement possible le reboisement, cons-
truction d'un chemin de halage pour les chalands du commerce,
création d'un service de la navigation qui serait chargé de tout ce
qui concerne le fleuve, etc., etc.
De la mer à Kayes, le Sénégal décrit une courbe prononcée, ce
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— 249 —
n'est donc point la voie la plus directe de pénétration, mais c'était,
jusqu'à nos jours, la plus praticable.
Le développement de notre colonie du Sénégal, dans ces d-er-
nières années, permet d'envisager actuellement la possibilité d'une
seconde solution susceptible de doubler tout au moins la première,
sinon de la remplacer. Nous voulons parler ici de la voie ferrée pro-
jetée entre Thiés sur la ligne Dakar-Saint-Louis et Kayes sur le
Sénégal (1). L'avantage qu'elle offrirait serait celui de la ligne
droite sur la ligne courbe. Une mission chargée de faire les études
relatives au tracé de ce chemin de fer a été confiée récemment au
colonel du génie Rougier ;
b) La voie ferrée Kayes-KouliJcoro, — La construction du che-
min de fer de jonction entre Sénégal et Niger a commencé dès 1881.
En 1889, il atteignait Bafoulabé. Actuellement, la locomotive va
jusqu'à Kita (309 kil.), et dans c deux ou trois ans au plus elle
parviendra au Niger » (1). Une route praticable aux voitures
Lefèvre et aux automobiles l'a d'ailleurs précédée. La longueur
totale de la voie ferrée sera d'environ 550 kilomètres ;
2® Voie de pénétration de la Guinée, — Cette voie de pénétiation
doit réunir, avons-nous dit, la côte de l'Océan au bief navigable du
Niger : Xouroussa-Bammako. Elle transportera en outre, vers la
côte, les riches productions du Fouta-Djallon et du Haut-Niger.
Dès 1881, M. de Sanderval proposait un chemin de fer qui partirait
de Boké sur le rio Nunez. A son projet, on a préféré celui du capi-
taine Salesses joignant Konakry à la région de Timbo et à Kou-
roussa. Une route a précédé la voie ferrée suivant cette direction
générale. En mai 1902, les travaux de terrassement ont atteint le
kilomètre 149 et le village de Kindia,
Le 30 novembre, la plate-forme de la ligne se développait sur
100 kilomèties et la voie était posée jusqu'au 18^ kilomètre. On
espère qu'en octobre 1903 la voie sera complètement achevée juci-
qu'à Kindia (150 kilomètres). La longueur totale jusqu'au Niger
sera d'environ 600 kilomètres ;
3** Voies de pénétration de la Côte d'Ivoire. — Les cours d'eau,
ces routes qui marchent, ont longtemps paru les seules voies de
pénétration possibles à travers l'opacité de la forêt équatoriale.
(1) Cette voie ferrée desservirait le Baoule, pays très riche en arachides. — Le
grand port du Sénégal sera alors Dakar, comme la nature semble l'avoir voulu.
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— 250 ~
De ses diverses missions exécutées de 1892 à 1894, le capitaine
Marchand avait cru pouvoir conclure à la possibilité de rétablisse-
ment d'une voie commerciale tournant les rapides du Bandama à
Tiassalé par 45 kilomètres de route, puis suivant le cours du Ban-
dama. Une autre route d'une centaine de kQomètres aurait réuni le
dernier point navigable du Haut-Bandama à Torotieri, tête de la
navigation du Bagoe coulant en sens inverse du Bandama et dans
une vallée très rapprochée. Les missions Blondiaux et Eysséric ont
prouvé que le bief moyen du Bandama, que le capitaine Marchand
supposait navigable en amont d'Amondou, comporte des obstacles
sérieux et, en particulier, les écueils de Zumou-£rou et les rs^ides
de Zou-Xrou. Des difficultés analogues ont été reconnues sur le
Bandama-Blanc aux environs de Laossou.
Le premier projet de transnigérien formé devenait donc irréa-
lisable.
D'autre part, on savait depuis plusieurs années que le Comoe
était coupé de nombreux rapides. Les missions Hostains, Pobéguin
et Thomann acquirent la même conviction relativement au Cavally
et au Sassandra.
Les voies fluviales furent donc abandonnées et, en 1898-1899,
la mission Houdaille reconnut le tracé possible d'une voie ferrée
réunissant d'une part Abidjan sur la lagune, de l'autre Petit-
Alépé, point oii le Comoe cesse d'être navigable pour les vapeurs,
à Memni, Bouapé et Kouadiokofi.
On se décida à créer un port à Abidjan. Le principe en avait
été adopté par la mission Houdaille. Mais celle-ci avait projeté de
percer le cordon littoral à Petit-Bassam par un canal mettant en
communication la lagune avec la mer, ce canal devant permettre
l'entiée de navires de 6 mètres de tirant d'eau. On s'est arrêté
récemment à des travaux moins coûteux. On se contentera d'un
canal d'une vingtaine de mètres de largeur et de 3 mètres de pro-
fondeur permettant à des petits vapeurs d'aller chercher le charge-
ment des navires mouillés devant Petit-Bassam.
Ce futur port d'Abidjan a été pris pour base d'un nouveau
tracé de voie ferrée reconnu par le capitaine du génie Crosson-
Duplessis et passant par Ery Macougnié pour se diriger ensuite sur
Kouadiokofi. Ce tracé est beaucoup plus court que celui étudié
en 1899 et son établissement rencontrera peu de difficultés dans la
nature du terrain traversé.
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— 251 —
Cette voie ferrée sera probablement prolongée vers JKong et de
là vers Sikasso, point terminus de la navigation du Baniông, sous-
affiuent du Niger ;
4** Voie de pénétration du Dahomey, — Une voie ferrée unissant
le Dahomey au Niger a été étudiée. De Kotonou au grand fleuve
soudanais, son développement sera d'environ 700 kilomètres. L'exé-
cution activement poussée a permis d'inaugurer, le 3 septembre 1902,
les 100 premiers kilomètres entre Kotonou et Attagou et, le 30 oc-
tobre, les 23 kilomètres suivants entre Attagou et Taffa. De là,
la voie ferrée gagnera Cana, Paouignan, Thaourou, Paral-ou^ tra-
versera le Borgou et atteindra le Niger (peut-être à Garou),
Elle pourra ainsi détourner à notre profit le commerce d'Ilo et
traversera, en outre, des régions éminemment propres aux cultures
tropicales comme celle d'AUada.
Elle maintiendra enfin sous notre domination le pays Bariba
dont la soumission a été difficile. Sa proximité du Soudan anglais
lui donne une importance capitale ;
5** Voie SikassO'Say. — Ces diverses voies de communication
établies, il sera peut-être utile de les relier en quelque sorte par un
chemin de fer coupant sensiblement en ligne droite la boucle du
Niger de Sikasso à Say ou un point voisin du Niger. Son établisse-
ment serait facile en raison de l'absence de soulèvement orogra-
phique important dans cette région. On pourrait la joindre au grand
central africain à Zinder (Damergou). Le ;our oii ces divers projets
seront réalisés, notre empire d'Afrique occidentale possédera vrai-
ment l'unité.
Le fil télégraphique a d'ailleurs précédé le rail entre Sikasso et
Say, Une mission spéciale a exécuté cette tâche en onze mois. Elle
a dû constamment éviter le voisinage des indigènes, ceux-ci cou-
pant les fils pour s'en fabriquer des bracelets. Dans le même but, la
ligne a été établie souterrainement à une profondeur de 1",50
environ. Sur plusieurs points, la présence de marais ou de cours
d*eau a permis d'éviter ce surcroît de travail : on s'est alors contenté
de noyer le fil. La ligne télégraphique est actuellement prolongée
du Niger au Dahomey (1).
(1) Ces renseignements m'ont été communiqués par un membre de la mission
faisant actuellement son service en France comme simple soldat. — Les fatigues
subies pour mener à bien une pareille tâche ont été énormes.
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— 252 —
Le dispositif total du système de nos voies de pénétration se
composera finalement des quatre grandes routes ferrées : Dakar-
Koulikoro ; Konakry-Kouroussa ; Côte-d'Ivoire-Sikasso ; Kotonou-
Niger ; ayant chacune un grand port à leur extrémité côtière et
réunies entre elles à leur autre extrémité par la ligne Sikasso-Say.
Conclusions,
De toute cette étude de l'Afrique occidentale française, il semble
possible de déduire quelques conclusions :
1** Au point de vue politique, nos missions d'exploration et nos
colonnes ont fait pénétrer notre influence dans la majeure partie
des contrées réservées à notre extension. Il s'agit désormais de nous
établir solidement dans nos conquêtes. Dans ce but, il semble pré-
férable de tenir les points importants avec des forces respectables,
plutôt que de disséminer nos troui)es dans vine foule de postes secon-
daires. Il est également nécessaire que chaque souverain nègre un
tant soit peu puissant ait auprès de lui un résident français. C'est là
un système bien vieux, mais qui a toujours donné d'excellents résul-
tats. Il faut par-dessus tout éviter la formation de grosses agglomé-
rations soumises au même individu. Comme le disait avec tant de
raison Binger : « Qu'un chef se fasse appeler Damel, Brack, Bour,
Bassa, Almamy, Xaba, dès qu'il commande à une population do
plus de 25,000 âmes, il doit être supprimé, sans quoi il dévaste au
lieu d'organiser et de régénérer. » Les exemples des Samory et des
Rabah sont là pour prouver la vérité de cette assertion.
Il importe enfin de laisser le pouvoir aux mains de Tautorité
militaire jusqu'à la pacification complète d'un pays, mais sous la
direction supérieure du gouvernement général pour conserver Vuni^^
de vues et d'action ;
2° Au point de vue social, nous devons nous faire une haute idée
de notre rôle civilisateur. La force brutale a une grande puissance
sur les peuples primitifs, mais c'est en somme un moyen négatif.
L'affection et la communauté des intérêts sont seules capables de
créer de grandes choses. Tout en inspirant le respect, il faut donc
provoquer l'attachement.
Certaines races, par leurs qualités intellectuelles et morales, sont
plus particulièrement aptes à recevoir la bonne semence et à nous
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— 2^)3 —
aider dans cette œuvre sociale de régénération. L'excellente race
des agriculteurs bambaras et, d'une manière générale, l'élément
mandé si vivace et si répandu dans nos possessions, qu'il se livre à
la culture ou au commerce, peuvent nous rendre des services signalés.
Plusieurs chefs indigènes sont déjà devenus nos fidèles collabora-
teurs, c Entre tous se distingue Mademba-Saye, fama de Sansan-
ding, qui a multiplié dans sa circonscription les essais agricoles
(tabac, coton, caoutchouc) » (1).
D'une manière générale, le nègre aime la culture, il s'agit donc,
par tous les moyens possibles, de l'attacher à son sol. La race blanche
soudanaise est, au contraire, essentiellement pastorale. Maures et
Foulbé peuvent donner un grand essor à l'élevage dans nos posses-
sions. Tout se résume en ce principe général : utiliser chacun sui-
vant ses aptitudes ;
3° Il est de toute nécessité d'enseigner aux indigènes des
méthodes de culture et d'exploitation. Habitant un sol privilégié,
ils ne sont que trop enclins à se contenter du nécessaire sans cher-
cher à développer leur bien-être propre ou celui de leur pays (1).
Ils devront apprendre à éviter le gaspillage tout en utilisant la
totalité des ressources de leur région. Ils peuvent, par exemple,
extraire le latex caoutchouteux d'une foule de lianes différentes au
lieu de se contenter de toujours exploiter les mêmes espèces. La
façon dont ils cultivent le café est fort rudimentaire, etc., etc.
Nos colonies possèdent d'ailleurs certaines ressources demeurées
inexploitées. Citons seulement ici le T)anc d'Arguin très riche en
poissons comestibles et capable de remplacer un jour Terre-Neuve,
Le Gourounsi possède de la soie sauvage que les indigènes utilisent
fort mal dans leur ignorance de l'élevage des vers à soie.
Au point de vue minier, une prospection complète des diverses
régions aurifères s'impose. Il s'agit de déterminer le rendement pos-
sible de chacune de celles-ci (soit en pépites, soit en poudre d'or).
Il est nécessaire que chacune de nos colonies ne se spécialise pas
(1) Nos chefs de poste se sont mis à cette tâche. C'est ainsi que dans le cercle de
Segou on a montré aux indigènes le défaut capital du métier à tisser le coton
qu'ils emploient, lequel défaut consiste dans l'étroitesse. — Il ne permet donc de
fabriquer qu'une très petite bande d'étoffe à la fois. « Il paraît nécessaire, à moins
de rester stationnaires et dans la routine, de leur donner des métiers plus grands
mais aussi simples que les leurs. Les métiers dont se servent les paysans de la
Basse-Normandie et de la Mayenne paraissent tout indiqués. » (Rapport politique et
commercial du commandant du cercle de Segou en 1809.)
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— 254 —
trop dans tel ou tel genre d^exploitation. Nous avons eu l'occasion,
à ce propos, de citer la crise de la Guinée française en 1900, causée
par la mévente du caoutchouc, sa production essentielle.
Enfin, il a déjà été suffisamment insisté sur les avantages d'une
ouverture rapide de débouchés vers la mer, qu'ils soient obtenus par
Tamélioration des voies fluviales, par la construction de routes on
par celle de voies ferrées. Dans le même ordre d^dées rentre l'agran-
dissement de nos ports et en particulier de Dàkcer, étape entre l'Eu-
rope et l'Amérique et point d'appui de notre flotte en même temps
que centre d'aboutissement futur du courant commercial sénégalien.
C« dernier sera encore accru par la soumission définitive de la
région maure. L'échec récent de la mission Blanchet montre la
grande nécessité de l'établissement de notre domination sur cette
contrée.
L'importation augmentera parallèlement à l'exportation. Il suf-
fira pour cela de faire naître chez les indigènes des besoins qui leur
étaient jusque-là inconnus. On pourra profiter de leur goût pour
les étoffes brillantes, pour les bijoux. Les instruments et machines
agricoles leur deviendront, en outre, de plus en plus nécessaires
chaque jour. Ajoutons enfin à ces différents articles l'importation
du sel qu'ils sont obligés d'aller chercher si loin.
BIBLIOGRAPHIE DU LIVRE Ul
(Afrique occidentale française)
Au point de vue historique :
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Traduction Houdas. Ernest Leroux, Paris, 1900. >
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PÈNKTRATION I'RANÇaISK 17
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LIVRE IV
La voie de pénétration du Congo.
I. Historique de la pénétration française du Congo.
II. Aperçu climatologique. — Partage en régions naturelles.
III. Constitution géologique.
IV. Étude de la région Chari-Tchad : l- physique ; 2» ethnographique et poli-
tique; 3« économique.
V. Étude de la région du Haut-Oubangui et du M'Bomou : !• physique; 2« ethno-
graphique ; 3* économique.
VI. La Sanga.
VII. La région équatoriale (Mouni, Gabon, Quelle, Niari, Congo).
VIII. Le commerce du Congo français.
IX. Les voies de pénétration. — Conclusions.
CHAPITRE PREMIER
HISTOEIQUE DE LA PÉNÉTRATION FRANÇAISE AU CONGO
Au Congo comme au Soudan, Textension de notre influence a
subi une marche lente et progressive. Les obstacles opposés par les
milieux ethnographiques ont été pourtant moindres. Là, la civilisa-
tion de rislam n'avait pas devancé la nôtre et nous n'avons pas eu
à y combattre des fondateurs d'empire tels que Samory ou Rabah.
Nos grands ennemis ont été le climat et l'impénétrabilité de la forêt
équatoriale.
Le désir de réprimer la traite des noirs, puis l'espoir d'un com-
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meroe lucratif nous conduisirent à occuper la côte du Gabon. On
voulut bientôt nouer des relations avec Tintérieur du pays et
atteindre les sources mêmes du trafic. Comme il arrive toujours en
pareil cas, on fut amené par la force des choses à pousser sans cesse
de l'avant. Le centre africain devint le but de nos efforts et, pour
Tatteindre, nos explorateurs crurent longtemps qu'il suffisait de
remonter rOgôoué. Lorsque la fausseté de cette hypothèse eut été
reconnue par Stanley et de Brazza, nos espérances se reportèrent
vers le Congo, voie naturelle de pénétration équatoriale.
Mais les compétitions européennes s'y livraient de rudes assauts
et notre colonie, resserrée entre le Cameroun allemand au nord et
l'Etat indépendant au sud-est, pouvait craindre de se voir coupée
du centre africain.
Notre diplomatie, s'appuyant sur de nombreux droits préexis-
tants, réussit à lui ménager un couloir de 250 kilomètres de largeur
entre Sangha et Oubangui, porte ouverte vers les régions du Haut-
Nil et du Tchad.
Une dernière période d'expansion vit l'utilisation des voies de la
Sangha et de l'Oubangui pour gagner la mer intérieure, objet de
nos efforts convergeant du Sahara, du Soudan et du Congo*.
L'échec de notre tentative sur le Haut-Nil nous engagea plus
avant encore dans cette entreprise et la jonction des trois missions
sur les rives du Tchad fonda vraiment l'unité de notre empire.
!*• L'établissement sur la côte du Gabon, — Les Portugais par-
vinrent aux côtes du Gabon dès la fin du xv* siècle et, au xvii* seu-
lement, les Hollandais vinrent leur faire concurrence.
En 1828-1830, le Français Banville parcourt le littoral et, s'il
faut s'en rapporter à lui, pénètre à l'intérieur, ce que nid autre blanc
n'avait fait avant lui. Quoi qu'il en soit, en 1840, le Gabon était
encore fort mal connu et on ne savait trop s'il devait être considéré
comme l'embouchure d'un grand fleuve ou simplement comme une
baie profondément creusée dans la côte africaine.
En 1848, plusieurs maisons commerciales françaises tentèrent
de fonder quelques comptoirs sur ses rives, mais ces tentatives
échouèrent en raison de l'insalubrité du pays, du manque de tra-
vailleurs et de l'insuffisance des capitaux engagés.
Dès l'année 1839, le capitaine de vaisseau Bouët-Willaumez, par
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— 260 —
un traité signé avec le roi Denis, avait obtenu pour les Français
le droit de s'établir sur la rive gauche du Gabon. Mais cette région
était fort insalubre. Une nouvelle convention signée en 1842 avec le
roi Louis nous céda le littoral sud de l'estuaire dont nous prîmes
possession en 1843.
L'année 1849 vit la fondation de Libreville.
En 1842, on traita avec le roi du Muny, en 1852 avec les chefs
du cap Esteiras et en 1862 avec ceux du cap Lopez. Toute la côte
entre le V de latitude sud et le cap Saint- Jean était donc tombée
sous notre influence ;
2^ La "pénétration dans Vhinterland, — L'idée de pénétrer dans
l'intérieur naquit dans l'esprit des commerçants européens du désir
d'échapper au courtage des peuplades gabonaises intermédiaires
entre les nations du haut pays et la cote.
Vers 1848, les navires européens venaient chercher sur la côte
du Gabon : le bois d'ébène, le santal, la cire, la gomme copal et
l'ivoire, sur celle de Loango, l'ivoire et la gomme, et enfin sur celle
du Congo les bois précieux, l'huile de palme. Ils apportaient, en
échange des cotonnades, du tabac, des fusils, de la poudre.
On voulut d'abord reconnaître les rivières qui se jettent dans
l'estuaire du Gabon.
Dès 1846, Pigeard avait signalé l'existence du Komo. Ce fleuve
avait plusieurs milles de large à son embouchure et de 700 à
800 mètres au confluent du Bogoe. On pouvait donc espérer qu'il
pénétrait assez bien dans l'intérieur.
En 1849, Ploix acheva la reconnaissance des côtes du Gabon.
En 1853, Baudin et Bouët parvinrent jusqu'aux premiers contre-
forts des monts de Cristal. Enfin, en 1857, Révérend du Mesnil
compléta l'exploration du Komo et prouva que ce fleuve ne possédait
que peu de longueur.
Dans un voyage dont l'authenticité fut très discutée, du Chailiu
remonta le Muny, puis le Temboni et constata que ces cours d'eau
n'étaient que des rivières côtières de peu d'importance.
On dut donc admettre que ni le Muny, ni l'échancrure de Monda,
ni le Komo n'étaient des voies de pénétration dans l'intérieur.
Les explorateurs portèrent dès lors leurs efEorts vers l'Ogôoué.
Du Chailiu avait révélé son existence (1857-1859) ; en janvier 1862,
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— 261 —
le commandant Carpentier reconnut la région de son emboucliure,
le Fernan-Vaz.
Servalet et Griffon (1862) remontèrent TOgôoné jusqu'à Damba
et visitèrent les lacs Zonangué, Niogé et Azingo, puis durent revenir
au Gabon en raison de l'hostilité des populations. Dans un seconc^
voyage, Serval voulut tourner la difficulté par le Ramboe et parvint
par cette voie jusqu'à l'Ogôoué.
Walker (1866), jeune négociant anglais, atteignit le confluent
de rOkouo, puis les environs de Lopé (1873).
Dans une première expédition, le lieutenant de vaisseau Aymès
(1867) poussa avec le Piannier jusqu'à la Pointe Fétiche et signa un
traité de protectorat avec le roi de M'Goumbi. Dans un second
voyage, il explora le Fernan-Vaz et passa des conventions avec les
rois du Kamma et du Bemba. En 1873, l'amiral du Quilio traitait
avec le roi Niombé. L'année 1873 vit enfin l'arrivée de Marche et
Compicgne à l'embouchure de l'Ivindo. Mais, parvenus en ce point,
ils se virent abandonnés par les Gallois et les Inengas qui les avaient
jusqu'alors escortés. Ils durent donc reculer. En 1876, le docteur
allemand Len ne put dépasser Doumé. De Brazza et Marche (1877)
remontèrent le fleuve jusqu'à la chute de Poubara en amont de
laquelle l'Ogôoué i)erd l'importance de son débit.
En 1878, de Brazza, continuant son exploration, traversa les pays
Oudoumbas et Batékés, puis gagna l'Alima, affluent de droite du
Congo. Se rejetant vers le nord, il découvrit la Likoua, autre tribu-
taire du grand fleuve équatorial.
Jusqu'à cette époque, le problème de l'Ogôoué n'avait pu être
résolu. Griffon du Bellay avait émis l'hypothèse qu'il descendait du
nord-est où devait exister un centre hydrographique important ;
après lui, Walker avait cru qu'il venait de la région des grands lacs,
du Tanganika, peut-être ; enfin, en 1877, Marche pensait que
l'Ogôoué était un bras du Congo. Les explorations de Stanley et de
Brazza vinrent lever toutes les incertitudes et démontrer :
1® Que l'Ogôoué et le Congo avaient deux vallées parfaitement
distinctes ;
2^ Que l'Ogôoué prenait sa source dans le plateau qui s'étend de
son cours supérieur jusqu'au Congo ;
3*^ Qu'en raison des nombreux rapides qui obstruent son cours,
l'Ogôoué ne peut servir de voie de communication vers l'arrière-
pays, ni de route pour gagner le Congo, par l'A 1 un a-
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— 262 —
c Jamais, pouvait dire Mizon, les produits du Goi^ Hke desoen-
dront de Franceville à la mer par TOgôeué. » Le transport d'uni?
tonne de marchandises de Franceville à la mer s'élevant à 500 francs,
Tivoire et le caoutchouc pouvaient seuls supporter de pareils frais.
A cette époque, l'Association internationale africaine était à ses
plus beaux jours et l'importance du Congo apparaissait nettement
aux nations colonisatrices. Par malheur, le fleuve était embarrassé
de cataractes de Ntamo à 500 kilomètres de la cote jusqu'à Vivi,
à 200 kilomètres de celle-ci. Stanley songea d'abord à doubler le
fleuve par une route, dans sa partie non navigable, mais, les rives
étant très accidentées, les difficultés de construction apparaissaient
fort grandes. M. de Brazza se proposa de résoudre le problème et de
trouver une voie fluviale ou terrestre conduisant de la côte française
du Congo, plus courte et plus praticable que celle de l'Ogôeué-
Alima.
En 1879, il partait de Franceville qu'il venait de fonder sur la
Passa, affluent du Haut-Ogôoué, puis gagnait le Lefini, tributaire du
Congo et le grand fleuve lui-même. Le roi des Batékés, Makoko, ne
tardait point à signer avec lui deux conventions (1880), cédant à la
France la rive droite du Stanley-Pool ; Brazzaville était fondée et,
en novembre 1882, le Parlement ratifiait les traités de 1880.
Le Congo français naquit donc en quelque sorte de la rivalité
des deux grands explorateurs de Brazza et Stanley.
Cherchant toujours un débouché vers l'Atlantique, le fondateur
de notre colonie parvint (1882) au Niari-Kouiliou. Ce fleuve pou-
vait être remonté jusqu'à Mazambe-Ntouca, par des vapeurs ne
calant pas plus de 2 mètres. Au delà commençaient les rapides.
Mais de Loudima à Biélé, le Niari devenait de nouveau navigable.
En conséquence, dès 1886, MM. Dolizie et Jacoh proposèrent
d'établir une voie ferrée entre Mandji et Loudima. De la sorte, la
voie de pénétration établie se serait composée des sections suivantes :
1** De la côte h. Mandji, le cours inférieur navigable du Kouilou ;
2® De Mandji à Loudima, route ou voie ferrée d'environ 100 kilo-
mètres de développement ;
3® De Loudima à Biédi, le cours supérieur navigable du Niari ;
4** De Biédi à Brazzaville, route ou voie ferrée dont la longueur
ne dépasserait pas 130 kilomètres^
La nouvelle route découverte paraissait offrir tant d'avantages
qu'elle fut de suite l'objet des convoitises des puissances euro-
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— 263 —
péeimes. Les Portugais inToqu^re&t le principe de la priorité des
découvertes ; le comité belge d'étude du Haut-Congo envoya en 1882
le capitaine Grant Elliott et le lieutenant Van de Velde opérer
l'exploration de la vallée du Niari. Aussi, dès 1883, le gouverne-
ment français envoya dans ses eaux la canonnière le Sagittaire sous
les ordres de M. Cordier. Ce dernier conclut un traité de protectorat
avec le Loango, coupant ainsi la route aux autres puissances.
En 188â, l'Association internationale du Congo laissa à la France
la vallée du Kouilou-Niari en échange de la rétrocession de la rive
gauche du Stanley-Pool (Acte additionnel à la convention de Paris).
Le Congo français était désormais fondé. Il ne restait plus qu'à
achever son exploration et à l'exploiter d'une façon méthodique et
rationnelle.
En 1888-1889, Crampel, parti de LastourviUe, coupa l'Ivindo
près de Kandjama, parvint près des sources de cet affluent de
rOgôoué et redescendit vers l'ouest, le N'Tem. Devant l'hostilité
(fes Pahouins, il dut couper à travers la forêt équatoriale et ne par-
vint à la cote qu'après une retraite très pénible et périlleuse.
De 1887 à 1890, Jacob, Cholet, Dclisie reconnurent le cours et le
bassin du Niari.
Enfin, en 1890, Thoiré se rendit de Franceville à Loudima, en
suivant un nouvel itinéraire à travers le pays Batéké (1);
3° La pénétration vers la région du Haut-Oubanghi, le Tchad et
le Haut-Nil. — Notre pénétration vers le centre africain se fit par
deux voies principales : VOubangui d'une part et, de l'autre, la
Sanja :
a) Voie de pénétration de VOubangui. — Rouvier remonta
r'Oubangui dès 1886. Cet affluent du Congo fut ensuite exploré
jusqu'à Bangui par Van Gèle, Gfrenfell et Dunod (1888).
En 1890, M. Ponel franchissait les rapides de Bangui où il fon-
dait un poste, reconnaissait l'Oubangui jusqu'au 5° de latitude nord
et relevait le coude qu'elle décrit vers l'est jusqu'au Kouango.
Durant le cours de cette même année, Crampel formait son projet
(1) A ces différentes explorations, on peut encore ajouter : ks explorations de
DuTREUiL DE Rhins et de PoBÉGUiN dans l'Ogoôué : celles de MM. Dechavannes
etRouMER (Alima, 1880) ; celles de MM. Guillau et Nicolas, puis Berton (N*gooué
1886 et 1890) ;Comber et Ponkl (Rivières Nkenié et N'Kéni, 1886); Guiral et de Oca
(rivières Muny et Benito, 1884-1886),
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— 264 —
grandiose consistant à unir à travers le Soudan central nos posses-
sions africaines. De Bangui, il atteignit Bembe et remonta vers le
nord, se proposant d'atteindre le Baguirmi ou le Ouadaï. Abusé par
les promesses des musulmans d'El-£outi, accompagné par une
escorte insuffisante et manquant de vivres, il tomba sous les coups
des gens de Senoussi en 1891.
M. Gaillard (1891) remonta le cours de TOubangui en amont de
la rivière Kouango jusqu'à Takoma et fonda les postes de Mobaye
et des Abiras. MM. Ponel et Bruna^he effectuèrent diverses autres
reconnaissanoes dans la même région.
Le Comité de l'Afrique française avait confié à M. Dybowsli la
iiission d'aller rejoindre et soutenir Crampel, Arrivé à Brazzaville
durant l'été de l'année 1891, il y apprit la mort du vaillant explora-
teur et résolut de le venger. Remontant l'Oubangui et ralliant
Mv Nebout, seul survivant de la mission détruite, il explora la Kemo
3t réussit à surprendre et à battre les assassins.
En 1892, M. Maistre, chargé de reprendre les missions Crampel
Pakourou, les Boubous le massacrent. La reconnaissance de la
rivière M'Bomou est opérée par M. Liotard.
En 1892, M. Maistre, chargé de reprendre les missions Crampel
et DybowsJci, part du poste des Ouaddas, suit la Kemo, oblique à
l'ouest vers le Tomi, coupe droit au nord vers le Gribingui qu'il
atteint aux environs de Tagoussou, le remonte jusqu'aux environs
du 8** 30', oblique à l'ouest et atteint la Benoué qu'il suit jusqu'à
Tola et Ibi. Il rentre par la voie du Niger,
Du côté de l'Oubangui (1894), M. Liotard est en butte aux agis-
sements de l'Etat indépendant du Congo qui a dépassé, malgré les
conventions conclues (1887), le 5** de latitude nords
Le commandant Decazes dirige du poste des Abiras une expédi-
tion contre les Boubous, meurtriers de Poumayrac que la mission
du duc d^Uzès avait déjà battus précédemment (1892-1893). Le
commandant français reconnaît la Kotto inférieure.
Le commandant Julien remonte en chaland la rivière Kotto jus-
qu'à Magha (1894) et le lieutenant Vermot reconnaît une partie du
Schinko. M. Bobichon explore la région de la rivière Bangui.
Le conflit franco-belge est alors apaisé par la signature du traité
de 1895 et M. Liotard établit sur le M'Bomou les postes de Ban-
gasso, Eafaï et Semio.
En 189/Î-1898, M. Gentil, parti de Bangui, remonte la Tomi, puis
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— 205 —
atteint la Tfana, aifluent du Gribingui, et suit son cours jusqu'au
point où il forme le Chari par l'adjonction du Ba-Mingui. Le Chari
est remonté jusqu'au lac Tchad et a la gloiie de conduire dans les
eaux de oelui-ci le vapeur Léon-Blot
M. Prins, adjoint à la mission, se rend de Fort-Crampel, sur le
Gribingui, au campement de Senoussi, vers 8**30' de latitude boréale.
En l'année 1895 se posait le grand problème de la pénétration
dans la vallée du Haut-Nil, par le M'Bomou et le Soueh. Dans un
chapitre précédent, nous avons assez longuement exposé l'origine
de cette question, son importance diplomatique et la douloureuse
solution du conflit de Fachoda. Il semble donc inutile d'insister
davantage sur ce pénible sujet. Qu'il nous soit permis néanmoins
d'adresser un profond témoignage d'admiration au capitaine aujour-
d'hui colonel Marchand et à ses intrépides auxiliaires, MM. Liotard,
Baratier, Germain, Simon, Largeau, Mangin, Fouque, Emily, Dyé,
Landeroni, de Prat, aux sergents Dat, Bernard et Venail.
La convention franco-anglaise du 21 mars 1899 vint délimiter à
l'ouest notre zone d'influence^
M. de Béhagle ayant atteint la région voisine du Tchad fut fait
prisonnier par Babah et l'administrateur Bretonnet succombait dans
un combat que lui livra ce sultan à Niellim avec le lieutenant
Braun et le maréchal des logis Martin (juillet 1899).
La seconde mission Gentil eut pour objectif le lac Tchad, aux
environs duquel on espérait sa jonction avec la mission Voulet-
Chanoine partie du Soudan. La mission Foureau-Lamy prit le même
objectif après son arrivée à Zinder.
Tout le monde connaît actuellement le triste épisode qui se
passa à l'ouest de cette localité. Le lieutenant Pallier, après la mort
du colonel Klobb, rallia les tirailleurs demeurés fidèles et, après
s'être concerté avec les officiers survivants, décida de marcher sur
la capitale de l'assassin du capitaine Cazemajou. Celui-ci, le serki
Ahmadou fut battu et Zinder tomba en nos mains le 30 juillet.
Quelques jours plus tard, le serki était tué dans une reconnaissance.
Le 3 octobre, le lieutenant Joalland prenait la route du Tchad, tra-
versait le Eanem et se portait sur Goulfeî, en suivant la route de
l'est du Tchad.
Le commandant Meynier, qui commandait son avant-garde, opé-
rait bientôt sa jonction avec le capitaine de Cointet, de la mission
du Chari. En mars, cette dernière remonte le cours du fleuve après
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— 266 —
son départ de Fort-Archambault et, d'autre part, la missioa Fou-
reau-Lamy se joint à Goulfeï au gros de la mission Afrique cen-
trale. (Joalland.)
Le 3 mars, le commandant Lamy enlève d'assaut Koussouri.
Fad-el-Allah est battu au sud-est de cette ville par une forte recon-
naissance des lieutenants Rondet et de Thézillat.
La jonction des trois missions s'opère à Mile, à Test de Karnak-
Logone. Elles traînent à leur suite les auxiliaires baguirmiens du
sultan Gaourang.
Rabah s'était porté de Dikoa sur Koussouri. Le 22 avril, le com-
mandant Lamy marche contre lui.
Le camp de Kabah, entouré d'une levée de terre de 70 centi-
mètres, est enlevé après une lutte acharnée sous les efforts concen-
triques des tioupes des trois missions. Dans un retour offensif du
sultan, le commandant Lamy tombe glorieusement en pleine vic-
toire, le capitaine de Cointet est tué, les lieutenants de Chambrun
et Galland sont blessés. Eabah est frappé d'une balle dans la tête
au moment où il fuyait, par un tirailleur de la mission Afrique cen-
trale, lui-même ancien soldat du sultan. Le lendemain, Reibell
s'empare de Logone sur Fad-el-Allah. Dikoa est emportée par une
marche forcée de 60 kilomètres*. Le gros des forces de Fad-el-Allah
est anéanti à Dégueviba et, dans la poursuite, 7,000 à 8,000 prison-
niers tombent en notre pouvoir. Les chefs rabistes font leur sou-
mission.
Une nouvelle tentative de Fad-el-Allah fut repoussée par le com-
mandant EobUlot. Le capitaine Dangeville l'atteignit dans le Bor-
nou, le battit et ses troupes durent se rendre après sa mort.
MM. Bernard et Huot de la mission Gentil avaient reconnu la
rivière Ouahm et avaient pu Tidentifier au Bahr-Sara, affluent de
gauche très important du Chari.
De 1898 à 1900, la mission Bonnel de Mézières explora la région
des sultanats de Bangasso, Eafaï, Semio et Tamboura et recueillit
des renseignements précieux sur toute cette zone frontière de nos
possession s.
M. Bobichon, assisté du commandant Roulety du capitaine
Mahieu, du lieutenant Bos mettait en valeur nos domaines du Haut-
Oubangui.
L'administrateur Superville reconnaissait, en particulier, la
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— 267 —
Haute-Kotto. M. Seg^in^ d« la société du Kouango, explorait le
cours de cette rivière.
En 1901, le capitaine LôAer, parti de Cainot sur la Sangha,
gagna le Chari par la vallée de la Baria, affluent du BaLx-Sara, puis
par le Logone et le Toubouri-Kabbi rejoignit la Benoué et revint
enfln à Carnot en longeant la frontière du Camerouiu
Le capitaine Lenfant a prouvé par sa dernière mission que Ton
pouvait suivre en bateau la voie Niger-Bénoué, Mayo-Kabbi, Tou-
bouri.
Au commencement de 1902, enfin, une mission fut organisée par
les ministères de T Instruction publique et des Colonies et confiée
à M. Chevalier, assisté de MM. Courtet, Decorse et Martret.
Elle remonta le Congo, TOubangui et parvint au fort de Possel.
A Fort-Sibut fut installé un jardin d'essai. La mission reconnut
ensuite les Etats du sultan Snoussi, le Dar Fertit, une partie du Dar
Eounga et du Dar El-Kouti, la région du lac Iro, le sud du Déka-
kiré, le Baguirmi et la région située entre le Fittri et le Bahr-el-
Ghazal. La mission est rentrée à Bordeaux le 21 février 1904, rap-
portant une énorme quantité de documents, fruit de la prospection
des terrains parcourus.
La question ouadaïenne, — Vers l'extrême est, nous nous trou-
verons prochainement en contact avec le Ouadaï. Il importe donc
de tâcher de se rendre compte de la situation actuelle de ce pays.
Du Dar Maba qu'occupaient au xvin® siècle les quatre tribus
primitives Ouadaïennes, celles-ci se sont peu à peu étendues d'une
part jusqu'au Darfour, de l'autre jusqu'aux environs des rives du
lac Tchad, sous la dynastie Sennaouiyé.
Mohammed- A'bdel Kerim Sabonne soumit à l'est le Dar Tama
(1828)^. En 1830, il se fit reconnaître par le Dar Bandala et le Dar
Sila (au sud). En 1831, il s'imposa au sultan des Boulolos, dont
l'autorité s'étendait sur le Kouka, le Fitri, les Arabes Debabas, les
Oulad-Hamed, etc. En 1832, le sultan du Baguirmi vint faire acte
de vassalité.
Mohammed-Cherif (1836-1858) s*empara du royaume des Tound-
jour sur la Haute-Bat'ha, le Dar Hoda, le Kanem, le Dagana, etc.
En 1871, le sultan Ali (1858-1874) s'empara de Massenia rebelle.
Avec lui, la puissance ouadaïenne vit son apogée.
L'apparition de Ilabah devait lui porter un coup sensible.
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— 268 —
En 1893, ce dernier battait le sultan du Baguirmi qui s'empressait
de réclamer le secours de son suzerain. Le général Ouadazen, envoyé
contre Rabah, éprouva un sérieux échec. Le Baguirmi ne tarda pas
à tomber entièrement au pouvoir de l'ennemi.
En outre, à partir de la mort de Toussef (1898), les dissensions
intestines commencèrent au Ouadaï :
Ibrahim est battu et tué par Chefeddine qui donne le pouvoir à
son neveu Ahmed-Abou-Ghazali (1900 à décembre 1901), puis ce
souverain est renversé par le djerma Othman. Doude-Mourra est
nommé roi par celui-ci au lieu d'Assyl qui s'était compromis en
entrant en relations avec le commissaire du gouvernement des pays
et protectorats du Tchad.
En avril 1901, Ahmed-Abou-Ghazali et Cherfeddine tentent de
marcher sur Abèche, mais, abandonnés par la grande majorité de
leurs soldats, ils ne tardent pas à être entourés^ Ahmed-Abou-Gha-
zali est pris.
Depuis plusieurs années, les Senoussyas sont représentés aux
Ouadaï par le Fakir Sidi-Ahmed-El-Sunni-El-Soufi qui a su garder
la neutralité dans toutes les guerres civiles. Il s'en réjouit très pro-
bablement, poursuivant peut-être en secret le but de donner le trône
du Ouadaï à Si-Cheickh-el-Mahdi.
Le Ouadaï se trouve donc pris entre les Senoussis à l'est et les
Français à l'ouest.
Ce pays peut, dit-on, mettre sur pied en temps de paix
25,000 hommes dont 10,000 cavaliers et 15,000 fantassins et ces
forces pourraient être portées à 75,000 hommes en temps de guerre.
Mais, dans de pareils calculs, on doit nécessairement faire la
part de l'imagination orientale.
Quoi qu'il en soit, la France devra suivre à l'égard du Oudaï une
politique prudente.
Le capitaine Julien dit en matière de conclusion à une fort
intéressante étude écrite sur la région et à laquelle nous avons
emprunté la plus grande partie de ces détails :
€ Tous les renseignements recueillis sont unanimes à montrer
le peuple ouadaïen, comme étant le peuple le plus farouche, le plus
orgueilleux, le plus insolent, le plus ivrogne, le plus difficile à gou-
verner de l'Afrique centrale.
€ Mais à quel résultat ne peut atteindre une bonne politique de
longue haleine, patiente, uniforme, ferme, éveillée, appuyée suivant
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— 269 —
une ligne de conduite bien déterminée une fois pour toutes, ne se
laissant pas dominer par les détails, prenant les gens comme ils
sont et non comme ils devraient être, pour les amener tout douce-
ment et sans à-coup à révolution désirée en s'appuyant sur ce Koran
qu'ils opposent pour nous combattre ? i
b) Voie de pénétration de la Sanga. — C'est seulement en 1890
qu'eut lieu la première exploration de la Sanga. Il importait pour-
tant au plus Haut point de limiter l'extension des Allemands vers
l'est.
M. Cholet remonta la Sanga, puis le Ngoko, sur le vapeur Ballay.
Parti d'Ouessa oii il était arrivé après avoir traversé le territoire
pabouin à l'est de l'Ivinda, M. Fourneau suivit la Sanga puis le
Ngoko jusqu'à N'Gama, prit la direction du nord, obliqua à l'est
vers la rivière qu'il retrouva à Malonga et reconnut le bassin supé-
rieur de la Sanga jusqu'au 5** de latitude nord. Il e£Eectua son retour
par la Mambéré après avoir été contraint à lutter contre les indi-
gènes (1890-1891).
De son côté, M. Gaillard avait remonté la Sanga jusqu'aux
rapides de Bania.
Mizon, parti à la fin de 1899 de l'embouchure du Niger, opéra son
retour par le Congo en traversant l'Adamaoua et en descendant le
Liboumbi et la Sanga (1892).
En 1892, MM. Ponel et Fredon poussèrent jusqu'à Madigali sur
la rivière Ouahm, en coupant le Bali et le Baoni, affluents du Lobaï.
M.Gentil explore la Haute-Sanga et M. de Brazza, parvenu à
Koundé, négocie avec les sultans de Ngaoundéré et de Tola, par
l'intermédiaire de PoneL
En 1894, M. Clozel remonte la Mambéré jusqu'à Tendira et fonde
le poste de Carnot, puis atteint le Wan, le suit jusqu'à Ousékongo
et revient à Tendira.
De 1895 à 1898, M. Perdrizet prend pour tâche l'exploration de
la même région. A l'ouest, il pousse jusqu'à Kounde et à l'est
remonte la rivière Ouahm (ou Wan) jusqu'au delà du 15° de longi-
tude est.
Les missions Bernard et Huot et Lôfler mirent en communica-
tion, comme nous l'avons vu ci-dessus, les bassins de la Sanga et du
Chari (1) ;
(1) En mars 1902, des troubles ont éclaté sur la Haute-Sanga par suite du départ
du capitaine Lofler commandant le cercle. Plusieurs factoreries ont été pillées,
deux agents de Compagnies commerciales ont été tués. L'ordre a été depuis rétabli.
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— 270 —
4** U organisation du Congo français, — Dès 1886 , le Gabon
avait été disjoint des établissements français du golfe de Guinée et
joint à nos nouvelles possessions de l'Ogôoué et du Kouilou-Niari
avait formé la colonie du Congo sous l'administration d'un lieute-
nant gouverneur et sous l'autorité d'un commissaire général du gou-
vernement.
Cette organisation se trouva complétée par un décret du 11 dé-
cembre 1888, modifié bientôt lui-même par celui du 30 avril 1891.
Le décret du 13 juillet 1894 sépara nos établissements du Haut-
Oubangui, au point de vue administratif et politique, de la colonie
du Congo français. On se proposait ainsi de donner à notre action
une impulsion plus prompte et de partager en quelque sorte la tâcbe
à effectuer.
Diaprés le décret du 28 septembre 1897, la colonie est administrée
par un commissaire général du gouvernement qui a sous ses ordres
un lieutenant gouverneur du Congo, un lieutenant gouverneur de
rOubangui et des administrateurs, dont celui du Chari, portant le
titre de commissaire du gouvernement.
Le siège du gouvernement est à Libreville où le commissaiie
général est assisté d'un conseil d'administration.
Après la défaite et la mort de Rabah, les territoires du bassin du
Chari furent organisés en territoire militaire, en raison de l'insécu-
rité régnante. Le lieutenant-colonel Destenave en reçut le comman-
dement, ainsi que la surveillance du Eanem et du Ouadaï. (Décret
du 5 septembre 1900,)
Par le décret du 5 juillet 1902, la région du Tchad cessa de cons-
tituer un territoire militaire et fut directement rattachée à la colonie
du CongOk Elle gardait cependant l'autonomie de son budget dont
le commissaire général devait être l'ordonnateur tout en pouvant au
besoin déléguer ses pouvoirs à l'administrateur politique de la
région.
Les troupes stationnées dans les divers territoires dépendant du
Congo étaient placées sous les ordres d'un commandant supérieur
résidant à Libreville. L'administration du Chari fut confiée à
M. Fourneau. Le lieutenant gouverneur du Congo français fut
M. Gentil qui fixa sa résidence à Brazzaville.
Enfin, le décret du 29 décembre 1903 a mis fin à cette extrême
centralisation: Il a séparé l'énorme groupement congolais en quatre
parties : Gabon, Moyen-Congo, Oubangui, Chari et Tchad. Chacune
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— 271 —
d'entre elles possède un gouverneur et un budget particuliers. Mais
le gouverneur du Moyen-Congo a en même temps le titre de com-
missaire général de la colonie entière. Le budget du Moyen-Congo
a une section spéciale où seront inscrites les recettes et les dépenses
communes à Tensemble de nos possessions du Congo. Donc, unité
financière grâce à cette section spéciale et unité politique, grâce
aux pouvoirs du commissaire général ;
5° La question du rio MounL — L'Espagne possédait depuis de
longues années quelques établissements sur les petites îles de Corino
et d'Elobey. Par suite de quelques traités' passés avec des chefs de
la côte, elle prétendait y posséder des droits sérieux. En outre, par
application fort exagérée du principe de Thinterland, elle n'hésitait
pas à revendiquer tout le pays situé en arrière de la partie du lit-
toral comprise entre le cap Esteiras et la frontière du Cameroun
allemand, jusqu'au 15° longitude est de Paris. Ces territoires avaient
pourtant été reconnus par nos explorateurs, par Crampel et Four-
neau, en particulier. Crampel avait signé les traités dans toute la
vallée du Temboni et dès 1890 nous avions aocupé la région de la
Sanga.
La convention franco-espagnole du 27 juin 1900 est venue
remettre les choses au point. L'enclave espagnole se trouve désor-
mais délimitée au sud par une ligne tirée de l'embouchure du rio
Mouni jusqu'au 9° de longitude est de Paris, à l'est par ce méridien
et au nord par la frontière allemande. Le droit de préemption nous
est en outre réservé sur cette enclave espagnole.
Le même accord a réglé la question également discutée depuis
fort longtemps de l'enclave espagnole saharienne du rio de Ora.
En 1901, M. Bonnel de Mézières a été désigné pour diriger la
section française de délimitation de la possession espagnole du rio
Mouni. Le capitaine du génie Roche et le sous-lieutenant Duboc,
de l'artillerie, accompagnent sa mission ;
6° La question du Cabinda. — La frontière séparant le Congo
français de l'enclave portugaise du CaBinda avait été déterminée
par la convention du 12 mai 1886, conclue entre la France et le
Portugal.
Dans la pratique, la commission de délimitation rencontra cer-
taines difficultés, résultant de la connaissance incomplète de la
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— 272 —
région frontière au moment de la signature de l'acte du 12 mai 1886.
En conséquence, un nouvel accord est intervenu le 23 janvier
1901, entre la France et le Portugal ; M. Fourneau a été chargé de
diriger la commission française de délimitation ;
7** La question de la frontière du Cameroun, — La frontière
franco-allemande du Cameroun a été fixée par la convention du
15 Tuars 1894.
En 1900, un différend a éclaté entre les agents français de la
société du Ngoko et les commerçants allemands établis dans trois
factoreries sur cette rivière au mépris de l'acte de 1894 qui nous
céda sa possession du parallèle 2**10' jusqu'à son embouchure dans
la Sanga. Des observations du capitaine Jobit (1899-1900) il devrait
même résulter une rectification de frontière en notre faveur.
Le lieutenant allemand de Stein, administrateur du territoire
de Sangha-Tfgoko, déclara. se conformer aux observations contraires
du docteur allemand Plehn et laissa établir des factoreries sur le
Ngoko, violant ainsi formellement l'acte de 1894.
Une commission mixte de délimitation franco-allemande a
reporté notre frontière légèrement plus au nord, suivant le paral-
lèle 2n2'60" au lieu du parallèle 2°10'.
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CHAPITBE II
APERÇU CLIMATOLOGIQUE — PARTAGE EN RÉGIONS NATURELLES
Du lac Tchad à la côte congolaise de TAtlantique, on rencontre
successivement :
V Une région de transition entre le désert et la zone tropicale.
Cette région est celle du Damergou, du Ouadaï, du Darfour. Au
point de vue climatologique, elle est caractérisée par le peu de durée
des pluies et par l'élévation de la température, Taire de maximum
thermique commençant vers la latitude de 12** pour s'étendre au
nord jusque vers le 20* parallèle.
En conséquence, les cours d'eau du nord du Ouadaï ne possèdent
qu'un cours souterrain, offrant ainsi le type de l'oued saharien,
tandis qu'au sud ce pays a des eaux permanentes^
La région de Zinder reçoit des pluies de juin à septembre (2).
La végétation offre un aspect quasi-désertique. Les acacias, les
mimosées et le palmier doum sont surtout abondants. Aux alentours
de lieux habités, on trouve en outre quelques baobabs, de grands
gommiers, des tamariniers, des ficus. Le Damergou produit une
grande quantité de mil. Certaines parties de ces régions de transi-
tion offrent pourtant une extrême aridité, tel est le désert Amberkey
à Pouest d'Abecher.
En descendant vers le sud, les pluies d'été deviennent rapide-
ment plus importantes. Il tombe annuellement dans le Baguirmi
1 mètre d'eau ;
2* La région tropicale, — Cette région offre, d'une manière géné-
rale, les caractères de la steppe soudanienne. Deux saisons princi-
pales s'y partagent l'année : celle des pluies et celle de la séche-
(!) FouREAU, D'Alger au Congo par le lac Tchad,
PÉNÉTRATION FRANÇAISE IS
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_ 274 —
resse. La température moyenne oscille entre 20*^ et 30°. L'aspect de
cette zone est assez analogue à celui des plaines nigériennes. La
brousse s'étend presque partout, dominée çà et là d'arbustes et par-
fois de grands arbres. Le karité pousse jusque vers le 8** de latitude
boréale ; le sud du Ouadaï produit quelque cotons Les plantations
se composent surtout de sorgho et de mil.
En descendant vers l'équateur, les rives des cours d'eau se rap-
procbent de plus en plus du type forêt galerie, ofiFrant une végéta-
tion vigoureuse d'arbres et de lianes dont plusieurs espèces donnent
du caoutchouc. En outre, on rencontre assez fréquemment, à partir
du 8® parallèle, des bois assez toufEus, parsemant çà et là les steppes.
Le bambou y domine avec quelques cycadées. Les bas-fonds pro-
duisent des palmiers. Entre les 5° et 6**, les borassus font leur appa-
rition formant de véritables forêts, anciens restes peut-être de la
partie septentrionale de la forêt dense, aujouid'hui disparue.
Dans la région tropicale, l'Adamaoua jouit d'une situation par-
ticulière en raison de son caractère montagneux. Il est, sous ce rap-
port, comparable à notre Fouta-Djallon. L'été y est très pluvieuse
et la sécheresse commence dès la fin de l'automne. Cette période de
Tannée subit le souffle de l'harmattan, vent venu du nord comme
le sirocco.
En hiver, on y constate des températures relativement très
rigoureuses descendant au-dessous de 6"* (1).
Les sommets sont le plus souvent boisés et les plateaux couverts
de pâturages». Dans les fonds s'étale une végétation quasi équato-
riale de bananiers et de papyrus ;
3** La région équatoriale. — La forêt dense ne commence guèi«,
dans le bassin du Congo, qu'aux environs du 5** de latitude nord.
Dans l'Etat belge, sa lisière ne dépasse guère le 4* parallèle et décrit
une courbe sensiblement semblable à celle du fleuve.
Son approche est annoncée par la présence du palmier à huile
poussant à l'état isolé au delà du 5** et par celle des bananiers appa-
raissant dès le 6\ La culture de l'igname et du manioc remplace
celle du mil.
Les essences de la forêt congolaise sont les mêmes que celles de
(1) MizoN, Voyage dant VAdamaoua.
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— 275 —
la forêt guinéenne et nous avons suffisamment insisté sur oelles-ci
dans un chapitre précédent.
Dans la région comprise entre Ouesso sur la Sanga et les monts
de Cristal, on rencontre fréquemment de grands espaces défrichés.
Les chaînes montagneuses que doivent traverser rOgôoué et le
Kouilou Niari avant de parvenir à la mer sont le plus souvent cou-
vertes de brousse. Au sud, une ligne tirée de Loango au Congo et
à peu près parallèle au 5° de latitude méridionale marque la limite
extrême de la forêt dense.
Aux environs de Téquateur, au Gabon et dans le bassin de
rOgôoué, on distingue deux saisons pluvieuses et deux saisons
1** De janvier à Tnaiy grande saison des pluies. Le thermomètre
atteint 35° ;
2** De mai à septembre, grande saison sèche, la température
moyenne est d'environ 24° ;
3° De septembre à décembre, petite saison des pluies ;
4° De décembre au 15 janvier, petite saison sèche, subissant
pourtant de fréquents orages, annonçant déjà la grande saison des
pluies.
Au sud de Téquateur, Tordre de succession des saisons change.
A la grande époque des pluies succède sans transition nettement
marquée la grande saison sèche, puis viennent la petite saison des
pluies et la petite saison sèche».
La hauteur d'eau observée annuellement est de 2",40 à Libre-
ville ; près de l'embouchure du Congo, à Banana, elle n'est plus
que de 0",72.
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CHAPITRE III
CONSTITUTION GEOLOGIQUE
Le sol charien et congolais, comme la presque totalité de
l'Afrique, est constitué de terrains archéens et primaires.
Les terrains alluvionnaires, sablonneux et argileux se partagent
la cuvette du Tchad et le Bas-Chari (1), mais à mesure que
Ton remonte le fleuve, les roches font leur apparition. Le bassin du
Gribingui et la zone à larges ondulations qui sépare les eaux du
Tchad de celles du Congo possèdent un sous-sol ferrugineux recou-
vert d'une argile rougeâtre susceptible de produire une végétation
plus ou moins vigoureuse suivant son épaisseur (2).
Entre les 5** et 7® de latitude boréale, existe un soulèvement gra-
nitique (3) qui s'étend du plateau de Bani et des monts Karé dans
la région de la Haute-Sanga et du Haut-Ouahme, aux Eagos du
Haut-Gribingui. Les rapides de ce cours d'eau sont eux-mêmes
dallés de granité et de gneiss.
Le bassin du M'Bomou a un sous-sol de mica, de gneiss, de
micaschiste parsemé d'olignite et d'hématite rouge et recouvert de
couches argileuses.
Les pays baignés par la Kotto (ou Kouto) et le Kouango con-
tiennent de grands plateaux ferrugineux (3), l'action des eaux
ayant érodé la couche superficielle d'humus qui les recouvrait. Des
pyrites cuivreuses accompagnent parfois la limonite, en particuliei
dans l'Etat belge sur la rive gauche du M'Bomou.
On a signalé sur la ligne de partage des eaux de cette rivièI^e et
du Bahr-el-Ghazal des blocs erratiques contenant du manganèse
(1) Missions Gentil, Fcureau, Maistro, Lofler.
(2) Missions Maistre et Gentil.
(3) Mission Lofler.
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— 277 —
et des traces de houilles schisteuses, seuls vestiges carbonifériens
que possède TAfrique.
La région des hauts plateaux qui s'étend du Cameroun allemand
au Haut-Ogôoué et au Congo, est recouverte de grès et de sable
quartzeux reposant sur un fond paléozoïque. Aux environs de l'em-
bouchure de la Léfini, le terrain possède un filon de quartzite veiné.
Le Haut-Ogôoué coule d'abord entre des rives au sol gréseux
recouvert d'argile rougeâtre^ Près du confluent de la rivière Sébé,
le quartzite veiné fait son apparition. Le cour€ moyen du fleuve est
parsemé de rapides produits par des affleurements schisteux. Dans
la région des monts de Cristal, il traverse des gneiss, des micas-
chistes et des granités. Sur ces contreforts archéens viennent s'ap-
puyer les terrains récents d'alluvions qui forment son delta.
Les bancs de calcaire du littoral gabonais sont recouverts
d'épaisses couches de limonite. Les terrains qui bordent le Como
sont également d'origine alluviale (argile grise recouverte de
couches marneuses blanches et de dépôts d'argile limoneuse).
Plus au sud, le Kouilou-Niari, de sa source à la mer, pénètre un
sol de calcaire gris, puis de granité et de quartzite veiné. Le Lou-
dima à la côte reparaît le grès quartzeux des hauts plateaux.
La caractéristique générale de la minéralogie de notre colonie
du Congo est la grande abondance de fer qu'elle renferme. Il se pré-
sente sous la forme d'hématite, d'olignite, de magnétite ou de
limonite (1) suivant l'ancienneté du terrain qui le contient.
Le cuivre est exploité dans la région de M'Boka-Sanga, sur la
rive gauche du Niari moyen. L'existence de l'or dans le bassin con-
golais est encore problématique. Du zinc, du plomb, de Y argent en
petite quantité se rencontrent dans les gisements de fer.
(l) La limonite est du sesquioxyde de fer hydraté ; résultat de l'action violenta
des eaux sur l'oligiste ou l'hématite rouge (sesquioxyde de fier anhydre).
^XBIBLrOTHÉQU'-
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CHAPITEE IV
ÉTUDE DE LA RÉGION DU TCHAD CHAHI
I. — Etude physique.
Nos possessions du Tchad-Congo se partagent, comme nous
l'avons vu, en trois grandes régions naturelles détei minées par le
climat et la végétation spéciale qui appartiennent en propre à cha-
cune d'elles.
Au point de vue physique, l'une quelconque de ces régions n'est
point, dans toute son étendue, identique à elle-même. C'est ainsi
qu'aux confins du désert la dépression du Tchad apparaît comme
une exception assez analogue à la petite Egypte formée par le Niger
entre Zinder et Say et située à une latitude analogue à celle du
giand lac.
Dans l'étude du bassin du Chari, nous distinguerons donc :
A. La région tchadienne, comprenant elle-même :
1° La dépression du Tchad ;
2° Les plateaux sur lesquels s'appuie cette dépression, à l'ouest :
région du Damergou-Zinder, à Test : Kanem et Ouadaï ;
'3° Le bas Chari, région souvent recouverte par les eaux et pro-
longeant vers le sud la dépression du Tchad et comprenant sur la
rive droite du fleuve le Baguirmi et sur la rive gauche la zone du
Ba-Ili et du Logone.
B. Le Haut-Chari et les pays arrosés par le Bahr-Sara-Ouahme,
le Gribingui et le Ba-Mingui, ceinture méridionale de la dépression
Tchad-Bas-Charî, formée de plateaux d'une altitude moyenne de
400 mètres.
G. Le soulèvement granitique à larges ondulations situé entre
les 5"* et 7° de latitude boréale, dan» la zone de partage des eaux
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— 279 —
entre Chari et Sanga, s'étendant des monts Dés et Karés aux monts
Bola et aux Kagas du Haut-Gribingui et de la Haute-Tomi (alti-
tude de 500 à 900 mètres).
A. La région tchadienne,
V La dépression du Tchad. — Le lac Tchad occupe la partie
centrale d'une dépression bornée à Test par les terrasses du Ouadaï,
au nord par les monts du Tibesti et de l'Air, à l'ouest par les pla-
teaux du Damergou, au sud-ouest par la région montagneuse de
TAdamaoua, au sud par les plateaux du Haut-Chari.
Son altitude ne dépasse guère 250 mètres, alors que Zinder est
à une élévation de 470 mètres, celle d'Agadès, un des points les
plus bas de l'Aïr, étant de 474 mètres et celle de l'oasis d'Agadem
de 370 mètres. Au nord-est, les monts du Tibesti offrent des altitudes
variant entre 2,000 et 2,700 mètres ; à l'est, les terrasses du Ouadaï
dépassent 400 mètres ; au sud, le confluent du Chari et du Gribingui
est à environ 380 mètres.
La dépression tchadienne est donc très nettement marquée :
elle occupe peut-être l'emplacement d'une mer peu à peu disparue
en raison de l'assèchement général dû aux courants aériens et à la
perméabilité du sol.
Le lac lui-même est une immense nappe d'eau de 300 kilomètres
de longueur sur 130 de large (1). Sa profondeur est loin d'être
constante. En certains points, elle atteint en effet de 7 à 8 mètres
et en d'autres 1 mètre seulement. La partie ouest du Tchad présente
les plus grands fonds, les eaux se déplaçant dans cette direction. La
partie orientale est par contre encombrée de bancs de sable.
Lorsque les premiers explorateurs atteignirent le lac, ils fui-ent
très étonnés de se voir arrêtés par des marécages, au lieu de trouver
la mer intérieure que les nations européennes avaient voulu con-
quérir.
Les bords du lac sont, en effet, fort vaseux et encombrés de véri-
tables forêts de roseaux, de joncs et de cyperus de plus de 3 mètres
de hauteur, séjour d'élection des hippopotames et des éléphants. La
rive septentrionale est recouverte de mares et de lagunes, « sortes
(1) 200 de longueur sur 180 de largeur, d'après le lieutenant-colonel Destenave
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— 280 —
de tentacules du Tchad dont les méandres capricieux et difficiles
s'avancent fort loin dans les terres et qui sont les caractéristiques
très particulières de tout ce côté du grand lac » (1). Leurs eaux
sont souvent natroneuses et communiquent avec le Tchad, au
moment de la crue tout au moins. Celle-ci atteint sa plus grande
extension à la fin de septembre. Dans sa partie nord-est, le lac
s'avance alors d'environ 100 kilomètres à l'intérieur des terres ;
au sud, il recouvre les environs de Dagana, de Goulfeï et de Koussri;
par contre, ses empiétements vers l'ouest sont peu considérables.
Il existe un courant important dans la partie orientale du lac
Tchad :
« A son embouchure dans le Tchad, le Chari s'étale sur des bancs
argileux à peine recouverts en saison sèche de 60 à 80 centimètres
d'eau.
« Dès qu'on veut marcher vers l'est, à hauteur d'Hadjer-el-
Hamir, on est arrêté par une suite ininterrompue de marécages (2).
« Au delà d'Hadjer-el-Hamir, et dès qu'on s'élève vers le nord-
est, on tombe dans le sillon du Bahr-el-Ghazal, qui présente l'as-
pect d'un véritable fleuve de 6 kilomètres de largeur, dont les rives
sont nettement marquées. A hauteur du Dar Kessaguer, le fleuve
se divise : le véritable fleuve remonte au nord, tandis que la branche
orientale continue vers l'est et va se perdre dans la plaine basse de
Kiour-kiour, vaste marécage coupé d'îlots de vase noire (3).
« Au nord de Mishilèla, une branche secondaire semble se diriger
actuellement vers Massa-Kari et vers la dépression du Bahr-el-Gha-
zal : le courant aux hautes eaux s'y fait encore sentir (4).
« La branche principale du Bahr-el-Ghazal dont les bras ont
une profondeur de 3",60 à 4™,50 court à travers les îles sablonneuses
des Kouris, parallèlement à la côte du Kanem et s' infléchissant de
plus en plus vers Test jusqu'à la convexité de Kindill. Il en est ainsi
jusqu'à Matakeh, où le Bahr-el-Ghazal paraît s'infléchir au sud-
ouest et s'infléchir de plus en plus (5).
a Le Bahr-el-Ghazal, conclut M. le lieutenant-colonel Deste-
ll) FouREAU, D'Alger au Congo par le lac Tchad
(2) Lieutenant-colonel Destenave, Le Lac Tchad, Revue générale deê êciences,
juin 1903.
(3) Capitaine Dubois, ReconnaUsance du Bahr-el-Ghazal.
(4) Capitaine Truffert, Le Bahr-eUGhasal et l archipel Kouri.
(5) Lieutenant D'Huart, Relation inédite citée par le lieutenant-colonel Destenave.
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— 281 —
nave, semble donc être la continuation dans le Tchad du cours du
Chari, dont les débordements alluvionnaires sur ses deux rives ont
déterminé la formation de ces plateaux vaseux qui augmentent
chaque année par suite de la diminution de la crue du fleuve et de
la force de son courant.
< La convexité de Kindill semble attester par sa forme si accen-
tuée que le Bahr-el-Ghazal, parvenu au terminus de son cours, a
perdu sa puissance d'érosion devant ce vaste promontoire » (1).
Certaines années voient des crues assez considérables pour donner
un cours momentané au Bahr-el-Ghazal, oued dont le lit d'ordinaire
desséché s'étend jusqu'au Tibesti. Cet oued a pu être qualifié
d' « effluent » en raison de cette particularité (2).
Immédiatement après la saison des pluies, Nachtigal Ta vu
couler « dans une rigole entourée d'une épaisse végétation ».
Le Bahr-el-Ghazal met le Tchad en communication avec la
dépression de Bodelé qui est comprise entre le plateau de Egheï et
les premières terrasses du Borkou. Sur sa rive occidentale, le lac
reçoit la Kouradougou qui seri)ente entre deux berges très boisées
présentant les caractères de la forêt galerie, possédant de 4 à 5 mètres
d'élévation et distantes l'une de l'autre de 40 à 50 mètres.
Ce cours d'eau, formé par la réunion de la rivière de Thaba et
du Ouaoubé, baigne, par son cours supérieur, la région de Kano.
Son bassin est d'ailleurs entièrement compris dans la zone d'in-
fluence anglaise.
Le Tchad est parsemé d'îles (3) nombreuses, 80 environ appar-
tenant à trois genres différents.
Les unes, fort basses, ne sont que des bancs de sable émergeant
de la surface liquide ; d'autres sont recouvertes de plantureux her-
bages ; les troisièmes enfin sont plus étendues et possèdent une sta-
bilité plus grande. Celles-ci produisent de belles plantations de mil
et de nombreux villages habités par une j)opulation de Bondoumas
et de Kouris, pirates aujourd'hui soumis à notre autorité, que l'on a
évaluée à 50,000 âmes et dont nous reparlerons plus loin.
(1) Lieutenant-colonel Destenave. Le lac Tchad, Revue générale des sciencei.
juin 1903.
(2) LoRiN, L'Afrique à Ventrée du XX» siècle.
(3) « Les deux principaux agents de formation des îles du Tchad sont : !• le
Chari et les tributaires du lac ; 2*» Les vents du nord et du nord-est ; lieutenant-co-
lonel Destenave, loc. cit.
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— 282 —
La navigation est souvent difficile snr le Tchad en raison de
véritables lames fort redoutables produites par de fréquentes tem-
pêtes ;
2" La dépression du Tchad est bornée à l'ouest par les plateaux
du Damer gou et de Zinder.
Le Damergou offre l'aspect d'une plaine couverte de cultures de
mil. « La campagne est riante et semble une plaine cidtivée de
France (1). » Elle est pai semée çà et là de gommiers, de tadent,
de kologo et de korunka. C'est bien là le commencement de la nature
soudaniennek. De nombreuses mares conservent l'eau des pluies et,
avec les puits des lieux habités, assurent un arrosage suffisant. Des
jardins entourant les villages produisent des dattes, du tabac, du
piment, des oignons, des potirons, des pastèques, du coton. M. Fou-
reau parle de jujubiers énormes « sous l'ombre desquels plus
de 100 chevaux pourraient tenir à l'aise ».
A quelques kilomètres à l'ouest de Zinder se trouvent une série
de cuvettes « dans lesquelles croissent des palmiers-dattiers dont le
nombre n'est pas inférieur à 100,000, mais dont la culture est mal
faite » (2).
Le capitaine Joalland dépeint la région sous des couleurs très
séduisantes : « Qu'il me suffise de dire que le pays de Zinder est un
pays riche où le blé, le citronnier, le mil, le maïs, le riz, les dattes,
en un mot tous les produits soudanais poussent en abondance. >
Ajoutons à cela que le climat est très sain en raison de la longue
durée de la sécheresse, la saison des pluies ne comprenant que les
mois de juin, juillet, août et septembre.
Au nord-est de Zinder, le pays d'Elalhous est surtout une région
de pâturages où paissent les troupeaux des Touareg du Damergou
consistant en chevaux, moutons, bœufs et chameaux. Le Damergou
est, en effet, la zone de transition entre les pasteurs chameliers et
les pasteurs vachers. Zinder possède en outre des autruches privées.
A l'est s'étend le Manga dont les cultures sont peu importantes,
les indigènes se contentant d'exploiter le sel des lacs et de se pro-
curer, par son échange, les denrées nécessaires à leur existence.
D'une manière générale, la végétation est beaucoup moins abon-
dante dans la contrée qui sépare le pays de Zinder du Bornou.
(1) FOURÊAU, loC. cit.
(2) Lieutenant Métain.
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— :283 —
Celle-ci se déroule en steppe ondulée, la plupart du temps recou-
verte de brousse, les arbres sont moins nombreux et ne recouvrent
quelque puissance que dans les fonds humides^
Le sol est de sable blanc argileux et parfois accidenté de col-
lines n'atteignant pas une cinquantaine de mètres d'élévation.
A mesure qu'on se rapproche du Tchad, les mares deviennent
plus fréquentes. Ce sont successivement : le grand lac d'eau douce
de Guezafa, la dépression de Kouaounsi recouverte par les eaux
durant la saison des pluies, la mare de Dessaoua, le marigot de
Denkka. A partir de Kakara, dernier village avant le Tchad, s'étend
un long espace sans eau, d*environ 100 kilomètres. Aux abords
mêmes du lac, on rencontre des plantations de coton.
La rive septentrionale du Tchad qui porte le nom de Chitati est
peu cultivée ; par contre, à l'est de colui-ci, on retrouve à la lati-
tude de Zinder un pays analogue dont la fertilité est encore accrue
par les inondations des hautes eaux. C'est le Kanem. < Au sud du
Chitati jusqu'à cette grande zone déserte qui sépare le Ouadaï du
Kanem existe un pays riche en grains, en dattes, en bétail (1). »
Le Kanem, ruiné par les déprédations de Babah, ne tardera pas a
reconquérir son ancienne prospérité avec le rétablissement de la
paix dans ces régions si longtemps troublées.
En s'éloignant vers l'ouest, on trouve successivement un sol noir
et crevassé par le séjour des hautes eaux, puis un plateau de peu
d'élévation séparant le Chari du lac Fitri. Des marais annoncent
l'approche de oelui-ci, nappe d'eau dont il faut < environ deux
jours de marche pour faire le tour » (2).
Dans le Fitri vient se jeter le Batha impuissant à atteindre le
Tchad, sorte d'oued auquel la saison des pluies donne de l'eau chaque
année. Un filet liquide coule toute l'année sous le sable à une pro-
fondeur de 0™,50 à 1 mètre et une végétation arborescente couvre
ses rives^
Au delà commence la région des steppes qui s'étend jusqu'à la
lisière du Ouadaï et qui renferme le désert d'Amberkei où ne pous-
sent plus que des acacias, des mimosées et quelques arbres à bois
d'ébène et où il faut aller chercher l'eau jusqu'à 75 mètres de pro-
fondeur. A celui-ci succède le Dar Ziyoud, pays plus élevé. On arrive
(1) Relation du capitaine Joalland à la Société de géographie de Paris en mai
1901 (Bulletin du comité de V Afrique française,^ de juin 1901).
(2) Capitaine Nachtigal.
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— 234 —
enfin au Dar Maba qui fut au Ouadaï ce que rile-de-France avec
Paris était à la vieille France.
Vers la fin du xviii* siècle, la famille ouadaïenne, formée de
quatre tribus, était concentrée dans cette région accidentée. « Géo-
graphiquement, le Dar Maba immédiatement au nord des dépres-
sions les plus septentrionales de la Bat'ha, se compose de deux
chaînes granitiques en certains points, gréseuses en d'autres, orien-
tées généralement nord-est-sud-ouest, distantes l'une de l'autre
de 30 à 60 kilomètres, mais reliées entre elles par des chaînons
secondaires, séparant des vallées latitudinales. La plus onaiatale de
ces deux chaînes débute dans le nord-nord-est par les monts Matba
et Malanga, puis le massif de Abou-Sénonne ou Ab-Senane ou
Kodoï ou encore Korraj, pour finir par celui de Kalinego ou Kelin-
guen. La plus occidentale commence au mont Chibi, se prolonge au
massif de Dabou, pour se continuer par celui de Koudougo. Les
massifs de Kalmégo ou Keliguen et de Koudougo détachent, au sud,
leurs derniers contreforts sur les « Oudianes > (pluriel de Ouadi,
vallon, vallée), naissant de la Bat'ha septentrionale, à l'est et à
l'ouest d'Abeché. Entre les monts Matha au nord-nord-est et le
mont Chibi à l'ouest s'ouvre une large trouée nord-nord-ouest, sur
le pays des Arabes Mohamides, par conséquent sur la partie supé-
rieure du Bahr-el-Ghazal vers le Borkou et le Dar Gor-âne. ITn
peu en arrière de cette trouée, placées i)our ainsi dire en sentinelle
à 15 kilomètres environ à l'est et sur la latitude du mont Chibi, se
dressent en un demi-cercle, face au nord-ouest, les montagnes de
Ouara. Celles-ci abritent dans un étroit vallon, toujours face au
nord-ouest, entre elles et le mont sacré Torega, la capitale Ouara-
Kebir.
Les montagnes de Ouara servent de trait d'union entre le massif
Koudougo et les monts Matba, c'est-à-dire sud-ouest-nord-nord-est,
et entre le mont Chibi et le massif de Abou-Senone, c'est-à-dire
ouest-est.
« L'altitude la plus élevée au-dessus du sol paraît être de 400 à
500 mètres.
« Pendant la saison des pluies (trois niois sur douze), les lits à
sec se transforment en d'impétueux torrents roulant sur la Bat'ha,
qui est l'altération du mot arabe « batihat », qui veut dire lit très
vaste d'un torrent ; tandis qu'en saison sèche, le Dar Maba étant
pauvre en eau, les puits creusés dans chaque village vont chercher
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le précieux liquide jusqu u ^* 80 longueurs d'homme, soit de 100
à 160 mètres (1). »
Les productions du Ouadaï sont assez analogues à celles du
Damergou. Ses pentes méridionales sont susceptibles de produire du
coton. Vers le nord-est se trouvent le plateau d'Egheï, la dépression
du Bodelé, les contreforts du Borkou et les monts du Tibesti. Ces
derniers font partie de la longue dorsale montagneuse qui s'étend
du massif central saharien jusqu'à la région des grands lacs. Leurs
deux sommets culminants sont le Tousiddé (2,700 mètres) et le
Tarso (2,400 mètres). Au nord-est, les monts Tummo ne dépassent
guère 900 mètres. Vers le sud-ouest, le Ouadaï est réuni au Baguirmi
par une série presque ininterrompue de cultures ;
3"* Le Bas'Chari est en quelque sorte le prolongement de la
dépression du Tchad auquel il fournit assez d'eau pour lui i)er-
mettre de lutter contre la sécheresse environnante. Le fleuve a un
cours relativement lent dans un terrain presque horizontal. Il ren-
ferme beaucoup de hauts-fonds et de fréquents bancs d'huîtres.
Aux basses eaux, sa largeur est d'environ 300 mètres au point
où il se jette dans le lac Tchad.
Chose assez particulière, « plus on remonte le Chari et plus il
est beau et majestueux i (2).
Après Koussri, il prend une largeur de 400 à 500 mètres et, plus
loin, de 500 à 1,200 mètres. Enti'e Niellim et Gaoura, il se partage
en de nombreux bras et couvre près de 12 kilomètres d'ouest à esU
Au confluent du Bahr-Sara, sa largeur n'est plus que de 120 à
160 mètres.
Les berges, d'abord assez boisées près du confluent, s'élèvent
bientôt jusqu'à 5 et 8 mè'tres et se couvrent d'une végétation tro-
picale.
Près de Togbao, les monts de Niellim culminent à une centaine
de mètres. Avant Fort-Archambault, le Chari traverse l'amas
rocheux de Thâlibé.
Le principal affluent de gauche du Bas-Chari est le Logone que
le lieutenant Kieffer a reconnu navigable jusqu'à Laï. Le capitaine
Lôfler a prouvé l'existence d'une dépression soupçonnée depuis
il) Le Dar-Ouaclaï. — Capitaine Julien: Supplément du bulletin du comité de
V Afrique française do février, mars, avril, mai 1904, d'après les renseignemenls
recueillis dans sa mission auprès de Senoussi, sultaa de Dar-el-Kouti.
2; FouriRAU, loc. cit.
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quelque temps déjà et mettant en communication la vallée du
Logone et celle du Mayo-Kebbi, affluent de la Bénoué. Cette dépres-
sion s'embranche sur le Logone, près de Saf oussou, et descend d'abord
veis le sud-ouest. Large de plus de 2 kilomètres, à son origine, elle
se rétrécit bientôt et pénètre dans le lac de Toubouri. Celui-ci
mesure environ 1,500 mètres de largeur sur 25 kilomètres de lon-
gueur, dans la dir<^ction du sud-ouest.
Il est dominé par « les trois montagnes Daoua dont le relief
imposant sur la plaine e!<t de 250 mètres environ ».
Après le lac de Toubouri, les mares se succèdent et parmi
celles-ci Tétang de Tikem de 8 kilomètres de longueur. Enfin, le lao
de Léré n'a pas moins de 75 kilomètres de long sur 3 de large.
A partir de là commence le cours du Mayo-Kebbi qui sort du Tou-
bouri par trois cascades de 10, 12 et 60 mètres (capitaine Lenfant).
A la saison des pluies, la dépression s'emplit d'eau sur toute son
étendue et les pirogues mettent en communication Bénoué et
Logone. Entre? cette dernière livière et le Chari s'étend la région du
Ba-Ili, couverte de maiéeages aux hautes eaux.
Du Babo au Chari, la plaine est souvent sillonnée de landes
dénudées de 300 à 400 mètres de largeur « dont le fond craquelé
couvert d'empreintes d'animaux » (1) de grande taille indique le
caractère aquatique au moment de la crue.
Plusieurs de œs sillons deviennent alors de véritables rivières
que les indigènes parcourent sur leurs pirogues. Bahr-Sara, Bo-Bo
et Baria inférieurs sont alors réunis par une nappe liquide presque
ininterrompue. Maistre a suivi un de ces sillons de Daï à Laï.
Durant la saison sèche, au contraire, Teau est peu abondante en
dehors des puits.
Sur la rive gauche du Logone, le sol s'élève peu à peu, marquant
le commencement des plateaux locheux qui séparent le bassin du
Chari de celui de la Bénoué.
A Palla (406 m.) et Lamé viennent mourir les derniers contre-
forts de l'Adamaoua. La brousse s'épaissit et la végétation devient
plus puissante. Palla est entourée d'une véritable forêt de palmiers.
Le principal affluent de droite du Chari inférieur est le Ba-Ir
ou Bahar-Er-Reguig (la petite rivière, en arabe), sorte de bras sep-
tentrional du fleuve qui traverse le Baguirmi.
(1) Capitaine Lofi.kr.
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Celui-ci reçoit annuellement 1 mètre d'eau. Les cultures du
Bagnirmi, comme celles de la moyenne partie de la région traversée
par le Bas-Chari et ses affluents, sont : le sorgho, les haricots ara-
chides, les oignons, Tindigo, le coton. Le riz sauvage pousse dans
tous les marigots au moment de la saison des pluies. Le karité
abonde.
Les pâtuiages du Baguiimi nourrissent d'assez bons chevaux
que Ton exporte vers le sud jusqu'à Daï. La région des marais est
pernicieuse au bétail en raison des taons innombrables que produit
rhumidité. On ne rencontre plus de bœufs au-dessous de Laï.
B. Haut'Chari,
Le Haut-Chari est formé par la réunion de trois rivières : le
Ba-Mingui, le Gribingui et le Bahr-Sara-Oua. On s'est fort préoc-
cupé ces derniers temps de savoir lequel de ces trois cours d'eau
est véritablement le bras supérieur du fleuve.
Le Bahr-Sara-Oua a environ 600 kilomètres de développement
et de 300 à 400 mètres de largeur près de son confluent, tandis que
le Ba-Mingui n'a que 500 kilomètres de longueur au maximum
avec une largeur d'une centaine de mètres au point où il se jette
dans le Gribingui. Quant à ce dernier, sa largeur maxima ne
dépasse pas 80 mètres, et sa longueur 400 kilomètre*. On a donc pu
émettre l'hypothèse que le Bahr-Sara-Oua est le vrai Chari supé-
rieur. Pour régler d'une façon définitive cette question, il faudrait
connaître l'importance relative du volume d'eau apporté par cha-
cune de ces trois rivières.
Le Ba-Mingui n'a guère été exploré que dans la partie de son
cours parallèle au Gribingui, du confluent du N'Délé à son embou-
chure. Sa source est probablement située vers le point de rencontre
du 8* parallèle et du 20** de longitude est.
Le Gribingui descend de la légion de hauts plateaux qui marque
la zone de séparation entre le bassin du Chari et celui du Congo. Il
est formé par la réunion à Fort-Crampel du Gribingui propre-
ment dit, de la Nana et de la Koddo.
Pendant cette première partie de son cours, il traverse des pla-
teaux légèrement ondulés, au sol ferrugineux, tantôt recouverts de
brousse, tantôt boisés. Ses rives, ainsi que celles de ses affluents,
sont du type forêt-galerie.
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Des bananiers, ananas, papayers, des arbres et des lianes à caout-
chouc annoncent déjà de loin Tapproche de la région équatoriale.
Avant d'arriver à Tagoussa, le Gribingui qui, depuis Fort-
Crampel, coulait en terrain sensiblement plat, laisse sur sa rive
gauche une petite chaîne de collines d'une trentaine de mètres d'élé-
vation. Il x>ossède en ce point 45 mètres environ de largeur. Avant
de recevoir le Ba-Mingui, il se rétrécit ; les parois rocheuses for-
mant ses rives se rapprochent parfois et ne laissent entre elles qu'un
étroit espace pour le passage des eaux qui s'y engouffrent avec vio-
lence. En outre, le Gribingui qui est embarrassé de six rapides
formés de grandes dalles de gneiss et de granité qui émergent aux
basses eaux^
La Ouahme ou plutôt Oua prend sa source entre les 12* et 13** de
longitude est près des derniers contreforts du sud-est de l'Ada-
maoua.
EUe reçoit bientôt l'apport des eaux de plusieurs rivières des-
cendant des plateaux qui forment la zone de partage entre le bassin
du Chari et celui de la Sanga. Elle remonte ensuite vers le nord,
laissant sur sa rive gauche les monts Karés, puis à Bobo, point,
marqué par un rapide, s'incline brusquement de nouveau vers l'est
Non loin de Bengey, la Oua est grossie sur sa droite par la rivière
Ba qui possède environ 35 mètres de largeur.
Jusqu'aux environs de Garao, la Oua est encaissée et encombrée
de rapides. En aval de l'île Goba, elle devient navigable pour les
vapeurs fluviaux aux hautes eaux. Les pirogues seules peuvent
remonter en amont. Sur sa rive gauche, près de Bougodji, elle est
dominée par le Kaga-Bokro, colline d environ 200 mètres et sur sa
rive droite, à une vingtaine de kilomètres en amont de Devo par le
Kaga Nioro, d'une altitude analogue.
La Oua traverse de vastes plaines herbeuses produisant du mil,
du manioc, du tabac, de la sésame, des patates, des courges. Ses
rives sont en général peu boisées. Il n'en est pas de même de son
affluent la Fafa. Celle-ci vient du sud où elle prend sa source vers
le e** parallèle et est bordée de forêts profondes, riches en caout-
chouc. Elle est navigable en aval du confluent de la KoumL
Peu après Deva, la Oua prend le nom de Bahr-Sara et remonte
vers le nord en décrivant un ooude assez brusque, traverse la région
de Daï inondée aux hautes eaux et reçoit la Baria grossie du Ba-bo
dont on a fait longtemps un affluent du Logone. Le capitaine
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LôRer a démontré réoemment la fausseté très probable de cette hypo-
thèse. Le Bahr-Sara vient enfin confluer avec le Gribingui, un peu
en aval de Fort-Archambault.
C. Zone de partage des eaux entre Chari et Congo.
Elle est constituée par un soulèvement granitique qui s'étend
entre les 5® et 7° parallèles et sur lequel viennent s'appuyer les
plaines de moindre altitude composant la région supérieure de la
Oua et du Gribingui.
A Touest, ce soulèvement prend naissance dans les monts Dé
situés entre le Lim, affluent du Logone et le Ba-Bo, affluent de la
Baria. Il se prolonge au sud-est par les monts Karés, d'une altitude
d'environ 860 mètres sépaiant la Baria de la Oua.
Le nœud du système est marqué par le plateau de Bam (835 m.),
centre hydrographique très important d'oii divergent la Bolé, le
Kouri et le Paré, affluents de droite de la Oua, la Bali qui est très
probablement la Haute-Lobaï congolaise et la Baoni ou Baé,
affluent de la Bali. Il faut bien remarquer que ces difféi'ents pla-
teaux ne possèdent qu'une altitude relative très faible et que les
Kagas et même les montagnes culminent à des hauteurs peu consi-
dérables.
Entre la Bali et les eaux du bassin charien, se trouve un cirque
mamelonné formé par les Kagas Bogali, Dogari, Goriama et
Bakajuta.
Le kaga Gofone sépare la vallée de la Bali de celle do la Sanga.
Dans cette région de la ligne de partage des eaux (1), les rivières
sont bordées de forêts-galeries touffues oii abondent les arbres et
lianes à caoutchouc et les bananiers. La culture principale est celle
du manioc et des ignames.
Le soulèvement se prolonge à Test de la Bali par dos plateaux à
larges ondulations de 600 à 700 mètres parsemés çà et là de kagas
(Kaga Tonguéla entre Bali et M'Bi 700 mètres, Kaga Bokaro, Kaga
Bola et Kaga Tchan^apa entre M'Poko et Tomi).
Les monts Bolo, entix? Ombolla et Tomi, n'en sont que la conti-
nuation. Entre Tomi et M'Bembi, le plateau 'le Mandabaré atteint
(Ij Clozei., Lofi.kr, Hernaud et Hl'Ot.
PÉNÉTRATION ERANÇAISE 10
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700 mètrres. En remontant plus au nord, les altitudes descendent
entre 500 et 600 mètres vers les sources de la N ana et Ghribingui.
Dans cette région, le pays est monotone et uniformément acci-
denté, coupé de nombreux ruisseaux coulant généralement dans un
lit encaissé (1). La végétation est abondante et se ressent de l'ap-
proche de l'Equateur. De grandes herbes à larges feuilles s'élèvent
à 3 et 4 mètres ; les forêts galeries renferment des arbres géants :
fromagers, palmiers, arbres et lianes à caoutchouc.
Les plateaux formant la ligne de séparation même des eaux
offrent l'aspect « de tables rondes presque unies où la végétation
est moins abondante (2) ».
IL — Ethnographie de la région Tchad-Chari,
Les vagues de l'Islam sont venues déferler de la Tripolitaine au
Tchad, de l'Arabie et l'Egypte au Darfour et au Ouadaï étendant
leurs remous extrêmes jusqu'au Moyen-Chari, jusqu'aux sources des
affluents du Haut-Oubangui et du M'Bomou.
Devant leur submersion, les populations noires que l'on ren-
contre de nos jours au Ouadaï, au Kanem et au Bomou ont reculé
progressivement vers les régions du grand lac, laissant seulement
dans les oasis quelques-unes de leurs fractions vouées dès lors à
l'oppression des tribus nomades.
Il semble d'autre part que les migrations foulbés, dans leur
marche du nord-est vers l'Adamaoua, le Sokoto et le Soudan occi-
dental, ont semé sur leur route quelques traînards que l'on ren-
contre aujourd'hui dans le bassin du Tchad comme dans tous les
pays de pâturages. Tels sont les Chouas, indigènes de couleur très
peu foncée, répandus par petits groupes sur tout le Bomou et sur la
rive est du Chari (3).
Enfin, des peuples d'origine nilotique (groupe banda), fuyant
les razzias musulmanes, se sont peu à peu étendus sur la région de
M^Bomou, du Haut-Oubangui et du Haut-Gribingui, subjuguant
ou repoussant devant elles les autochtones (groupe mandjia). Ces
derniers se sont par contre-coup éloignés vers l'ouest couvrant les
vallées de la Eafa, de la Oua, d^ la Bali et de la Mambéré.
(1^ Maistre, Gentil, FouREAr.
i;:^) Maistre.
(8) Four EAU.
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Tous ces mouvements de migration ont donné naissance à
rethnographie aujourd'hui si embrouillée du pays du Tchad et du
Chari, comme à celle du M'Bomou et du Haut-Oubangui.
a) Domaine de VIslam. — Le Damergou et le pays de Zinder (1)
sont i)euplés de Béribéri, de sédentaires Haoussas et Bornouans.
Zinder était autrefois, en effet, tributaire de Tempire du Bornou.
Les Haoussas se sont implantés dans la région par suite de ses rela-
tions fréquentes avec le Sokoto et le Kano.
Toute la région située au nord du Damergou et du Tchad est
parcourue par des tribus touareg qui peuvent être ramenées à trois
groupements principaux :
1** Des tribus indépendantes des grandes confédérations touareg.
Ce sont les Kel-Gharoug, les Cheurfeu, les Imersanten, les Ikaska-
gen, les Izagaguen, les Kel-Tammat, les Ibandaren, les Kel-
Azaoua, etc. ;
2* Les Keloui qui s'étendent entre TAïr et Zinder et se divisent
en Air Zeggaren et en Air Kewalen. La première de ces deux
fractions est de race plus pure que la seconde fortement métissée et
semi-sédentaire.
Kel Azouiareg et Kel Tafidest sont les principales tribus keloui
fréquentant le Damergou ;
3** Les Aouellimiden de Vouest et, parmi eux, les Kelgress par-
courent la région située entre TAdrar, TAïr et Zinder.
Le Chitati, situé sur la rive nord du lac Tchad, est habité par
des Oulad-Sliman, Arabes blancs et métissés. Ce sont des pasteurs
aux mœurs vagabondes et pillardes qui ont ruiné le Eanem par leur
venue. Elément parasite, ils oppriment la population noire des
KanemhouSy très travailleuse et de mœurs douces.
En outre, entre la région de Zinder et celle du Darfour, entre
le Tchad et le Tibesti, on rencontre partout des Tebbous, peuplade
nomade, farouche et difficilement abordable.
Enfin, le sud du Eanem est habité par diverses tribus arabes
dont les principales sont celles des Hammadios, des Oulad Bokhters
et des Bohalios. Ces derniers sont autrefois venus de ifédine.
Le Kanem a été pacifié par le colonel Destenave en 1901 et
en 1902, à la suite du premier combat de Bir-Alali, du combat de
(1) Capitaine Jonllan, capitaine Moll.
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Mondo et du deuxième engagement de Bir-Alali (20 janvier 1902),
livré aux Touareg et aux Senoussistes. TJne dernière tentative de ces
derniers sur Fort-Pradié a été repoussée en 1902. La question
senoussite apparaît comme un. point noir à l'horizon. Jusque-là, en
effet, le Madhi, s'en tenant à la propagande islamique, ne s'était
livré à aucun acte d'hostilité contre nous. Il occuperait actuelle-
ment Toasis El-Gueroo à trois jours à Test du Borkou d'où il diri-
gerait ses intiigues au Ouadaï, tentant de constituer contre nous
une véritable confédération musulmane.
Des lettres très compromettantes ont été trouvées sur un de ses
lieutenants tué au deuxième combat de Bïr-Alali. Elles prouvaient
la complicité de Gaourang, roi du Baguirmi et notre protégé qui,
délivré par nous de Rabah ne demanderait pas mieux de nous
chasser de la région pour en demeurer seul maître.
Xous avons tenté de reconstituer le royaume de Kanem en met-
tant à sa tête le chef Halifa Djeraba.
Du côté du Ouadaï, nos postes extrêmes s'avancent jusqu'au lac
ritri.
Le pays de Fitri est habité par des Boulalos d'origine arabe et
parents de la tribu des Oulad-Hamed fort réjmndue dans toute la
région par des Abou-Simmins et des noirs autochtones.
Le Ouadaï i^nferme de nombreuses tribus arabes : Djeradinas,
Oulad Hamed, Khozzams, Zebedos, Naoulinas, Salamats, des Mis-
«iryas au teint rougeâtre et des Koukas autochtones (1).
Durant ces dernières années, ce pays a été agité par de nom-
bieuses révolutions. Le sultan Ahmed-Gliazali, chef du parti
national, a été récemment détrôné et remplacé par Doud-Mourra,
représentant du parti sonoussiste^
Les peuplades musulmanes occupent plus au sud le Dar-Rounga
et le pays de Kouti, siège de la puissance de Snoussi qu'il ne faut
pas confondre avec le Mahdi d'El-Gueroo.
Snoussi est venu faire sa soumission au colonel Destenave.
Xéanmoins, on ne doit lui accorder qu'une confiance très relative.
Il conserve la responsabilité du meurtre de Crampel, bien qu'il ait
prétendu pouvoir la rejeter sur Rabah.
Les musulmans n'ont pas dépassé au sud le 7° de latitude boréale.
Leur influence sur le Chari s'arrête aux environs de Fort-Archam-
(1) NACilTlGAU
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— 293 -
bault. Les Smoiissous, lors de notre arrivée dans le pays, faisaient
de fréquentes incursions sur la rive gauche du fleuve, rançonnant et
pillant les noirs.
Les îles du Tchad sont habitées par une population de Boudou-
mas et de Kouris comprenant environ 50,000 âmes. Pour les sou-
mettre et les contraindre à cesser leurs brigandages, on a dû aller
les attaquer dans leur domaine insulaire et leur livrer plusieurs
combats sanglants. Le colonel Destenave, parcourant le lac sur le
Léon-Blot, a reçu leur soumission.
Du lac Tchad jusqu'aux environs de Fort-Archambault, à
mesure qu'on avance vers le sud, on rencontre des tribus nègres de
moins en moins influencées par l'Islam.
Les Baguirmiens diffèrent physiquement des peuples avoisi-
nants. La couleur de leur peau est très foncée et leur visage, d'une
grande largeur, est sensiblement aplatie
Les Bouas qui s'étendent sur la rive droite du Chari de Milton
à Fort-Archambault ne sont pas encore complètement convertis
à l'islamisme.
b) Domaine fétichiste, — Il semble que l'on peut ranger en
trois grands groupes les différentes tribus noires qui habitent le
bassin du Moyen-Chari et du Gribingui.
Ces groupes correspondent aux migrations dont nous avons
indiqué les directions générales :
V Groupe Sara. — Les Saras occupent le Gribingui et le Bahr-
Sara inférieur. Ce sont de très beaux hommes, presque des géants
aux membres bien musclés, particularité assez rare chez les nègres
et de couleur noire assez foncée.
Les Daghas et les N'Gamas, habitant un peu plus à l'ouest,
semblent être ethniquement leurs parents, ainsi que les Tummoks
et les AretouSy ceux-ci représentant un étage inférieur de la race.
Aux Saras, on peut rattacher les Lakas rencontrés sur la Baria
par le capitaine Lôfler et par Maistre dans la région de Palla. t Les
Lakas sont une race superbe, leur stature est très haute ; les hommes
faits dépassent tous 1"*,80. Leurs épaules sont larges, leurs bras ner-
veux, leurs jambes musculeuses. Admirables de forme, ils repré-
sentent le plus beau type d'homme qu'il m'ait été donné de ren-
contrer. •
Ce sont d'excellents cavaliers, comme d'ailleurs les Saras et les
Gaheris. Ces derniers s'étendent sur la région de Laï. Ils sont éga-
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— 294 —
lement fort bien bâtis et possèdent des traits réguliers. De mœurs
guerrières et pillardes, ils font de fréquentes expéditions contre
leurs voisins. Maistre les a vus réunis en petites armées dépassant
2,000 hommes ;
2* Groupe Mandjia. — Les Mandjùis possèdent une haute sta-
ture, mais des membres grêles. Ils sont d'ailleurs assez mal faits et
possèdent une physionomie bestiale. De la région de la Haute-Nana
et du Haut-Gribingui qu'ils habitent, ils se sont percé un chemin
par la vallée de la Koiuni et celle de la Fafa jusqu'à la Oua dont ils
occupent la rive gauche. Ils enserrent de toutes parts les popula-
tions bandas (1).
Les Bakotos de la Bali, les Akahas et, d'une manière générale,
les Bagas de la Haute-Membéré semblent appartenir à la même
race que les Mandjias,
Toutes ces peuplades sont anthropophages.
Les OuiaS'Ouias et les Aoukas (2) du Gribingui ressemblent aux
Mandjias, mais avec des traits plus réguliers et des mœurs moins
farouches.
Les Mandjias se livrent à une culture très étendue et sont de
grands producteurs de manioc, ignames, etc., etc.
3** On a réuni (3) sous le nom de Bandas diflférentes tribus en
grande partie d'origine nilotique qui s'étendent entre les 5^ et 7* de
latitude nord.
Leurs principales tribus sont, dans le bassin du Chari : les
Fngourras, les N'Gaos, M'Bis et M'Brés du Haut-Gribingui, les
Badas, Gaboukos, Bourouas, Boosas, Mangos, de la rivière Oua.
Toutes ces peuplades manquent de cohésion et résistent difficilement
aux efforts des Mandjias. Certaines d'entre elles sont pourtant fort
braves et guerrières. Tels sont les N'Oaos, très intelligents et musul-
mans convaincus (4).
4® Les îles du Tchad sont habitées au sud-est par les Kouris qui
appartiennent à la race kanembou et au nord-est par les Boudou-
mas, très probablement d'origine foulbé.
Les Kouris sont fort noirs de teint, c Us sont venus de Test et
conservent d'étroites relations avec les villages du Eanem ; ceux de
(1) Bernahd et HuoT.
(2) Gentil-Maistre.
(3. Gentil.
(1) Gentil.
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— 29» —
la partie sud émigrf^nt peu à peu dans les îles (1). • « Les Kouiis
sont sédentaires et habitent des villages construits en roseaux.
Cependant, les pasteurs suivent leurs troupeaux qui sont obligés
d'aller d'île en île quand rherbe d'une île est tondue : mais ces
petites migrations ne s'étendent pas à plus d'une journée ou deux
de marche du village^ Ils sont guerriers, braves et aiment assee à
razzÎAT Iwirs voisins pour capturer des troupeaux, des chevaux et
des femmes. Ils sont adroits conducteurs de pirogues, mais ne
s'écaitent jamais des rives (2). •
Ils cultivent du petit mil et, en plus grande quantité^ le gros
mil ou sorgho, le maïs, les pastèques. Us i)ossèdiMit aussi quelques
plantations de coton.
Les Boudoumas c disent être venus du Sokoto voilà environ
trois siècles i (3). C^ sont surtout des pasteurs- se nourrissant exclu-
sivement de mil et de lait. Leur nombre va chaque jour en dimi-
nuant et ils seront finalement submergés par les £ouri&
Les Boudoumas c filent et savent tisser le coton » (4). Leur prin-
cipale culture est le mil.
III. — Etude économique de la région T chad-Chari,
a) Zinder est un centie économique d'une assez grande impor-
tance. C'est une ville d'environ 12,000 à 15,000 habitants, partagée
en deux parties : la ville proprement dite et le village de Zengou,
ce dernier comptant à lui seul de 4,000 à 5,000 âmes. On rencontre
à Zinder des Touareg, des Arabes, des Haoussas, des Tripolitains for-
mant une colonie nombreuse.
Les tisserands du pays fabriquent des cotonnades dont la largeur
ne dépasse pas 8 centimètres. Leur coloration est obtenue à l'aide
de l'indigo avec le natron comme mordant. L'industrie des cuirs
produit de la sellerie, des grandes bottes haoussas en filali souple.
Les forgerons, potiers et bijoutiers possèdent une assez grande
habileté.
Zinder est en communication avec Kano qui lui fournit les
étoffes, du café, du sucre, du thé. Les Anglais, après avoir opéré
l'investissement économique de Kano par l'affluence de leurs pro-
(1) Lieutenant-colonel Destenave, loc. cit.
(2) Capitaine Truffert, le Bahr el Ghcual et l'archipel Koari.
(3) Lieutenant-colonel Destenave, loc. cit.
(4) Lieutenant-colonel Destenave, loc. cit.
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— 29G —
duits sur son marché, s'en sont récemment emparés. Avaikt la ruine
de Kouka, les caravanes de Zinder se rendaient également au
Bornou.
Les Tebbou apportent le sel de Bilma et les Touareg approvi-
sionnent la ville en gibier et en viande sécbée.
Nous avons déjà assez longuement parlé des relations commer-
ciales qui unissent le Damergou à l'Aïr dont il est véritablement
le grenier à mil. Le marché de Zinder est très animé. On y trouve,
en outre des produits énumérés ci-dessus, des haricots, des ara-
chides, du riz, des piments, des oignons, du tabac, des peaux tan-
nées, des noix de kola venues du sud et on y vend des bœufs, des
chevaux, des ânes et des moutons ;
b) Le Kanem a été ruiné par les brigandages de Rabah, mais
on peut espérer qu'avec la sécurité renaîtra son ancienne prospérité.
La région, fertilisée par les crues du lac Tchad, est susceptible de
produire des céréales, du riz et du coton en grande quantité. Le
bétail y est très abondant, ainsi qu'au Baguirmi ;
c) Les commerçants de ce dernier pays s'avancent assez loin vers
le sud. La mission Maistre a trouvé à partir de chez les Saras, les
étoffes composées de bandes de diverses couleurs que produit
Massenya et a rencontré les premiers commerçants baguirmiens à
Garenki, sur le Bahr-Sara inférieur ;
cl) Abescher, capitale du Ouadal, est en communication, d'une
part, avec le Darfour, Khartoum et Dongola; de l'autre, avec le
Tibesti,. le Fezzan et la Tripolitaine (1) ;
e) Dans la partie occidentale du bassin du Chari, les caravanes
de VAdamaoua s'avancent jusqu'à Palla et Laï, venant du grand
centre de Tola (2). Elles vendent les troupeaux élevés sur les pla-
teaux de l'Adamaoua par les pasteurs foulbé et échangent les diffé-
rents produits soudaniens habituels ;
f) Plus au sud, Koiindé, ville foulani, est un grand marché
d'ivoire. Elle se trouve sur la route des caravanes haoussas venant
de Sokoto et de Kano par Yola et poussant jusqu'à Gaza sur la
Libombi, affluent de la Kadeï (3).
Telles sont les principales voies commerciales de la région Tchad-
Cbari.
(1) Voira ce sujet le chapitre consacré au Sahara.
(2) Yola a été pris par les Anglais et son Émir mis en fuite.
(3) MizoN.
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^ 297 —
D'une manière générale, le bassin du Chari produit donc :
1° Autour du Tchad et dans le Damergou : du bétail, du grain,
des plumes d'autruche, du riz, du coton ;
2° Dans la région du Moyen-Ciiabi : du grain (sorgho, mil), du
harité (qui s'étend jusqu'au-dessous du 8**), des piments, des ara-
chides ;
S*" Dans la région du Geibingui : du caoutchouc, du manioc, des
ignames, des arachides,
La plupart de ces productions ne peuvent donner lieu qu'à un
commerce local. Mais il ne faut pas oublier que le développement
de ce commerce local augmentera la prospérité de notre nouvelle
colonie. En outre, le coton, les plumes d'autruche, le caoutchouc sont
des produits susceptibles de supporter le transport en Europe.
Enfin, le grain et le bétail, si abondants dans le bassin du Chari,
peuvent avantageusement ravitailler notre Congo.
Les belles populations du Chari (Saras, Lakas, etc.) sont suscep-
tibles de nous fournir d'EXCELLENTS auxiliaires.
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CHAPITEE V
ÉTUDE DE LA RÉGION — HAUT-OUBANGUI m'bOMOX7
L'immense régiom qui s'étend sur la rive droite du M'Bomou et
du Haut-Oubangui offre d'une manière générale l'aspect de la
steppe soudanienne couverte de graminées de 3 à 4 mètres de haut
s'étendant à perte de vue. Elle est parsemée, par places, d'arbustes
de petite taille tels que gommiers, eupliorbes, acacias, etc., etc.,
Seuls, les bords des cours d'eau sont couverts d'une épaisse végé-
tation d'arbres et de lianes encbevêtrés, du type forêt-galerie. Ces
rivières sont d'ailleurs très rapprochées les unes des autres^ Des
plateaux ferrugineux les séparent souvent.
La région de la Kemo-Tomi et du Kouango inférieur renferme
quelques bois interrompant de loin en loin la monotonie de la
steppe. Les essences qui les composent sont surtout des borassus
au-dessous du parallèle o"30' et des bambous et cycladées au delà
de cette latitude.
A l'approche de la ligne de partage des eaux entre Chari et
Oubangui, le sol s'élève et s'accidente de mouvements de terrain à
grande amplitude évitant les brusques transitions.
Maistre a passé d'un bassin à l'autre en traversant t de vastes
plateaux formant une série de tables rocheuses presque unies où la
végétation est moins abondante », d'une altitude moyenne d'en-
viron 500 mètres.
Dybowski a rencontré la même ligne de faîte aux environs de
Yabanda à une hauteur de 600 mètres.
Le bassin de la Haute-Kotto est séparé de celui du Ba-ilingui
par des Kagas (Kartza, Lelé, seuil rocheux de Béré-Béré, mont
Dambou), ayant également une altitude d'environ 600 mètres.
Les plateaux de transition qui leur servent d'assises vont se sou-
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— 299 —
der vers Test aux monts Marpa et de Manga partageant les eaux
entre M'Bomou et Chari d'une part, Nil de Tautre.
Les principaux cours d'eau de la région sont :
1** 1j Ouhangui formé par la réunion de TOuellé et du M'Bomou.
1. Le Haut-M'Bomou est navigable de Temboucliure de M'Bokou
•aux cataractes de Baguené près de Rafaï ; — 2, De ces cataractes à
celles de WGouiourou (bief de Rafaï) ; — 3. Des cataractes de
N'Goufourou à celles de Bozégui (bief de Bangassa) ; — 4. Le
M'Bomou inférieur est navigable entre les cataractes de Bozégui et
les chutes Hausses (près de Ouango) ; — 5. Le bief navigable sui-
vant s'étend des chutes Hausses au rapide de Sétéma (Oubangui).
Aux hautes eaux, les vapeurs peuvent atteindre Ouango, mais ne
dépassent pas ce point. Au delà, on ne peut employer que des cha-
lands ou des pirogues pour gagner la région des sultanats par le
M'Bomou ; — 6. L'Oubangui offre im autre bief navigable des
rapides de Mohaye à celui de Sétéma; — 7. Du rapide de VEléphant
situé au-dessous de Ouadda aux rapides de Mohaye. Le rapide de
l'Eléphant fait partie d'une série de rapides interrompant la navi-
gation en amont de Bangui pendant une soixantaine de kilomètres.
En dehors des rapides, l'Oubangui est un cours d'eau majestueux
et large aux eaux calmes. Dans son cours supérieur, il est, en résumé,
navigable par vapeurs sans rompre charge du rapide de VEléphant
à Ouango. La navigation n'est difficile dans cette zone qu'aux mois
de mars et d^avril ;
2** Le M'BoJ^ou, affluent de droite du M'Bomou, est navigable
pendant la majeure partie de son cours des chutes de Zaoua à son
conûuent ;
3* La Ouarra est encore peu connue^ Elle arrose, dans son cours
supérieur, des plateaux de près de 700 mètres d'altitude, derniers
contreforts de la chaîne de partage M'Bomou-Nil ;
4® La ChinJco a un cours important formé par l'apport des eaux
de nombreuses rivières descendant des monts de Manga. Elle est
assez longtemps navigable ;
5® Il en est de même de la Bali que l'on remonte sans peine jus-
qu'au delà de Basso ;
6** La Kotto, ou mieux Kouta, affluent de droite de l'Oubangui, a
été explorée par M. Superville.
Cette rivière est une importante voie de communication vers le
Darfour et le Ouadaï.
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- 300 -
Elle est navigable depuis son emboucliure jusqu'à Foro (Baran
Bokia), p<»ndant 420 kilomètres environ avec les biefs suivants :
a) De V embouchure au rapide de Kamho, 61 kilomètres acces-
sibles aux petits vapeurs ;
h) De Kamho à la chute de Ceiembela, 31 kilomètres dont
impraticables par eau ;
c) De Ceremhola à la cbute de Boutou, 141 kilomètres sans obs-
tacle sérieux. A la chute de Bouton, 4 kilomètres doivent être faits
par la voie de terre ;
d) De la chute Bouton à la chute Gourou, où Feau tombe d'une
hauteur de 5 mètres, 52 kilomètres ;
e) De la chute Gourou à Foro (Baian Bakia), 130 kilomèties
navigables (1).
La Kotto est grossie de la Kouinou et de la Boungou ; celle-ci
est navigable aux hautes eaux pendant trois journées.
Le bief de la Kotto, qui est compris entre le confluent de la
Koumou et celui de la Boungou, est navigable en toutes saisons pour
les pirogues.
A Tembouchure de la Koumou, elle possède encore 80 mètres de
large, elle en a 90 à Baran-Bakia (Foro) et 200 dans son coui-s
inférieur.
De Baldas-Hongojo, sur la Koumou, part la route des caravanes
du Ouadaï et du Darfour (2).
La Haute-Kouta renferme des plateaux boisés et sablonneux
contenant fréquemment des roches ferrugineuses ;
7° Le Kouango a été reconnu récemment par M. vSeguin. Sa lar-
geur moyenne est de 150 à 200 mètres. Son lit est souvent parsemé
d'îles, de roches et de bancs de sable qui rendent la navigation assez
pénible. La rivière peut néanmoins être remontée en pirogue jusqu'à
la chute de B'rrou. Ses affluents ne sont guère que des torrents ;
8** La Kcmo est navigable en pirogue jusqu'à 165 kilomètres
environ de son confluent avec l'Oubangui (3). Son affluent, la
ToMi, peut être remontée aux hautes eaux jusqu'au Krebedje (4).
Elle est actuellement employée comme voie d'accès au Chaki ;
(1) Mission Superville (1901).
(2) Mission du lieutenant Bos (1901).
(3) Mission Dybowski (1891'.
(I) Mission Gentil ilS97). —Navigable aux hautes eaux pour les vapeurs et aux
basses eaux pour les pirogues.
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— 301 —
9° La rivière Ombella descend de la région des Kagas de la
ligne de partage des eaux. Elle est navigable pendant une partie
de son cours (70 kilomètres). Le plateau dit des monts Bolo la
séparent de la Tomi ;
10° La M'Poko a été reconnue par MM. Bernard et Rousset. Sa
largeur est de 40 à 50 mètres dans son cours inférieur. Elle a été
reconnue navigable jusqu'à Abengou à 90 kilomètres de son affluent
avec rOubangui.
En résumé, toute la région de la rive droite du M'Bomou et du
Haut-Oubangui est fort bien arrosée et possède des voies de péné-
tration fluviale nombreuses.
II. — Ethnographie.
L'ethnographie du M'Bomou et du Haut-Oubangui résulte de la
superposition de peuplades venues à des époques différentes de la
vallée du Nil et du Bahr-el-Ghazal. Ces peuplades, dans leur mou-
vement de Test à Touest, ont peu à peu subjugué ou repoussé les
autochtones. C'est ainsi que les N'Dys (ou N'Dris, ou N'Dérés), qui
conservent encore aujouid'hui le souvenir de leur ancien pays situé
sur les bords d'un grand fleuve du nord-est, sont d'abord parvenus
dans la région du coude de l'Oubangui et de là se sont étendus jus-
qu'à la Kadeï, affluent de la Haute-Sanga.
D'une manière générale, toutes ces populations peuvent se rame-
ner aux grands gioupes suivants :
1° Les A^zandés des sultanats de Semio et de Rafaï ;
2® Les N'Sal-arras du pays de Bangassa ;
3** Le groupe Banda, dont nous avons déjà parlé à propos de
l'ethnographie du bassin du Chaii, qui s'étend sur la Haute-Kouta,
le Kouango, la K-emo et la Tomi, l'Onibella et le M'Poko.
Au milieu de ces populations d'origine nilotique sont noyés les
restes des autochtones d'un degré très inférieur :
1° Groupe Azandé, — Ce groupe porte aussi le nom de Niam-
Niam. Originaires de la vallée du Nil, les A'zandés se sont étendus
sur toute la région des sultanats do Rafaï, Semio et Tamboura. Ils
sont intelligents et susceptibles de profiter d'une influence civi-
lisatrice.
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— S02 —
Leur race tendrait malheureusement à disparaître (1). La cou-
leur de leur peau est le brun rougeâtre et leur figure n'est pas désa-
gréable malgré un nez très large et des lèvres lippues. Ils ne sont
€ anthropophages que par occasion » et ont t une vague croyance
à un« vie d'au-delà • .
Le pays de Rafaï est, en outre, habité par des Gabous et des
M'Biris et celui de Semio par des A^Karei très primitifs vivant
dans la brousse, des Sérês, Pombios, Bellandos et Gallos,
Les sultans sont des souverains puissants possédant chacun une
armée de 4,000 fusils environ. Le degré de leur civilisation est assez
avancé comparativement à celui de leurs voisins ;
2** Groupe N^Sàkarra. — Les N'SaJcarras ont des mœurs beau-
coup plus sauvages et sanguinaires. Ils ont la passion de la chair
humaine au même degré que les Bondjos du Moyen-Oubangui. Leur
coiffure en forme de casque et la forme de leurs armes attestent
leur origine nilotique.
Venus de Test, ils ont peu à peu repoussé les autochtones sur la
rive droite de la Kouta et vers ses sources bien que ceux-ci soient
bien supérieurs en nombre (2).
Ces derniers, Patris, Vidris, Tombagos, Oudssos, M'BelUs,
appartiennent au groupe banda (3).
3® Groupe Banda. — Ce groupe contient de foit nombreuses peu-
plades possédant entre elles des différences plus ou moins accen-
tuées. Ils comprennent des tribus habitant dans Tintérieur dee
terres et se livrant à la culture et des tribus de pêcheurs* et piro-
guiers répandues le long de TOubangui.
Certaines d'entre elles offrent d'ailleurs ce double caractère :
a) Les tribus de l'intérieur comprennent, en allant de l'est à
l'ouest :
Les Vidris, Tombagos, Ouassos, M'Bellés de la Haute-Kouta.
Les Boubous (ou Bougbos, ou Âlangbos) occupent le pays situé
entre la Kouta et le Bangui^ Ils sont essentiellement agriculteurs et
assez farouches.
(1) Mission Bonnel de Mézièrcs.
('^) I.a population N'Sakarrà a él6 évaluée à 120,000 individus. Les Patris auto-
chtones ont à eux seuls 200, OiX) représentants.
(3) Ces peuples ont été visités par M. Charles Pierre.
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— 303 —
Les Langouassis du Kouango sont de fort beaux hommes élancés
et bien faits, mais possédant une figure rendue hideuse par les jnuti-
lations qu'ils pratiquent dans leurs lèvres et dans leur nez pour y
introduire des blocs d'étain ou de cuivre «il manière d'ornement.
Ce sont de grands producteurs de grains et d'ignames.
On doit considérer les Fouros, Yacous, Lindos et Dakoas comme
leurs proches parents, mais ces derniers sont d'un abord plus facile.
Les N'Gapons du Haut-Kouango et du Haut-Gribingui sont des
hommes trapus et solidement musclés. Ils se livrent à la culture et
ne mangent pas leurs ennemis tués au combat. Ils sont des forge-
rons habiles. Ils font usage des mêmes couteaux de jet que les
Niam-Niam.
Toutes ces peuplades parlent la langue banda.
Les N'Dris (ou N'Dis, ou N'Dérés) dont nous avons déjà parlé
occupent la région située entre la rivière M'Poka et l'Ombella, les
plateaux de la zone de partage des eaux entre Oubangui et Chari
et le bassin de la Kadei. Ils sont anthropophages et mangent leurs
morts. La chasse et quelques cultures leur fournissent la nourriture
nécessaire. Leur industrie est peu développée et ils ne savent pas
travailler le fer.
Les Togbos qui habitent la région de la Tomi ont avec eux beau-
coup de points de ressemblance, mais sont ouvriers plus habiles ;
b) Les bords de l'Oubangui sont peuplés par :
Les YakoTTUis, commerçants, pêcheurs et habiles forgerons. Ils
fabriquent leurs armes avec le mimerai de fer provenant de la
rivière, traité par la méthode catalane. Ils se montrent très hostiles
aux Européenfli.
Les Dendis sont des métis de Yakomas et de N'SaJcarras, sorte
de peuple tampon voué aux pillages et aux incursions de ces der-
niers.
Les Sangas se rapprochent assez des Yakomas et des Banziris,
mais sont plus guerriers que ces derniers. Ils mangent leurs
ennemis.
Les Banziris appartiennent à une race vraiment remarquable,
robuste, saine et de belle apparence. Leur profil est droit sans pro-
gnathisme et ils ne sont pas lippus. Leur teint est plutôt cuivré que
noir. Leurs femmes sont t gentilles, gaies et admirablement
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- 304 —
faites » (1). Ils se civiliseront facilement et pourront fournir
(Vexcellents auxiliaires. Ce sont les grands piroguiers de l'Ou-
bangui.
Les Sabangas des bords de la rivière Ombella possèdent égale-
ment des traits fort réguliers et un caractère très fier. Ils ont dû
être repousses vers TOubangui par des invasions musulmanes. La
forme recourbée de leurs sabres et de leurs poignards atteste, en
effet, leur contact ancien avec des populations adonnées à Tisla-
misme*
Les Ouaddas, cultivateurs et commerçants d'ivoire, sont anthro-
pophages.
Les Bouzerous, Bondjos d'un degré inférieur, sont chétifs et laids.
Ils vivent du fleuve.
Les Bond j os sont d'excellents piroguiers. Leurs barques attei-
gnent parfois une longueur de 20 mètres. Ils font beaucoup de com-
merce, mais leur humeur belliqueuse et indépendante les rend diffi-
cilement maniables. Ils se nourrissent de poisson fumé, d'hippopo-
tames, d'huile de palme, mais préfèrent par-dessus tout la chair
humaine. Ils s'étendent sur tout le Moyen-Oubangui de l'Ibenga à
Bangui.
III. — Etude économique.
Dans ces pays d'accès difficile, habités en outre par des popula-
tions farouches, le mouvement commercial a eu peu d'envergure
jusqu'à nos jours. Les échanges n'avaient lieu que de tribu à tribu
dans des villages frontières, les indigènes n'osant accomplir de longs
parcouis en pays étranger, dans la crainte d'être gardés en escla-
vage ou même mangé».
Certaines peuplades détenaient en quelque sortes le monopole du
commerce par la facilité qu*ils avaient d'interrompre les communi-
cations fluviales. Tels étaient les Bondjos du Moyen-Oubangui et
les Ouatldas habitant les rives du coude de ce cours d'eau.
Le seul trafic d'extension plus grande avait lieu dans l'arrièie-
pays des sultanats.
Actuellement encore, les Ouadaïens viennent acheter des esclaves
(1) BoNNEL DF. Mkzii.hes. Mtssîon par Colrat de Montroziek, Paris, Pion, 1902.
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— 808 —
et de rivoire dans la région de la Haute-Kotto où ils importent en
échange des chevaux, des ânes et de Tétain (1).
De même, les habitants du Darfour sont en relations avec le pays
de Ziber et de la Haute-Chinko.
Il est à craindre que les Anglais, établis dans la vallée du Bahr-
el-Ghazal, ne tentent de détourner le commerce à leur profit vers le
Nil et la voie ferrée appelée à doubler ce fleuve.
Le plus grand obstacle que nous rencontrions dans la région est
en effet, la giande distance séparant les pays de production des
débouchés maritimes. La durée totale du voyage fluvial de Brazza-
ville à Bangasso est d'environ trente-un à trente-quatre iours et
Brazzaville est à plus de 400 kilomètres de Loango. Les frais de
transport de France à Banghi dépassent 130 0/0 et le kilogramme
de marchandises subit un supplément de 60 centimes pour parvenir
sur le Haut-M'Bomou. Dans Tétude des voies de pénétration pro-
posées, nous reviendrons sur cette question capitale pour notio
colonie.
Productions, — Les cultures de la rive droite de FOubangui
consistent en mil, sorgho, manioc (celui-ci dans les régions les plus
méridionales), patates, ignames, sésame, choux caraïbes, tabac, maïs.
Le café pousse à Tétat sauvage et serait susceptible d'amélioration.
D'une manière générale, ces produits ne peuvent donner lieu
qu'à un commerce local, leur valeur ne leur permettant pas de subir
les frais nécessités par le transport.
Sont seuls exportables vers la côte : l'ivoire, le caoutchouc, la
gutta-percha peut-être, les plumes d'autruches et d'aigrettes :
V On a pu dire que c les éléphants et les noirs furent les pre-
miers habitants i du continent africain (2). Devant les invasions,
les uns et les autres se sont peu à peu rapprochés de la forêt équa-
toriale. Les éléphants vivent d'ordinaire par bandes de 15 à 20. Ils
tendent manifestement à disparaître. L'ivoire n'est donc qu'un pro-
duit à* exploitation momentanée.
Les dents du Congo sont d'ordinaire de plus grande taille que
celles de la région du Tchad. L'ivoire vaut de 12 à 20 francs le kilo-
gramme en Europe et ses frais d'achat et de transport doivent
s'élever en moyenne à 5 francs ;
(1) Mission Superville.
(2) CoLRAT DE MoNTROZiER. MUiion Donnel de Méslèreê.
PÉNÉTRATION FRANÇAISE 20
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— 806 —
2** Le caoutchouc provient de lianes grimpantes telles que la
Landolphia lavigeria, ou rampantes comme la Landa ou enfin
d'arbres de grande taille : le Hknia africana, par exemple. Le caout-
chouc est le produit de l'avenir^ lies indigènes ont besoin d'ap-
prendre des bons procédés de récolte, évitant le mélange des impu-
retés au latex obtenu.
Le caoutchouc peut se vendre 9 francs le kilogramme ;
3® Les belles plumes d'autruche valent à Paris de 10 à 12 francs
la pièce (de 400 à 600 francs le kilogramme) et coûtent au Soudan
de 40 à 50 francs le kilogramme.
Les autruches abondent, surtout dans le Ouadaï ; on en trouve
encore à Zinder.
L'arrière-pays des sultanats pourrait peut-être en élever.
Enfin, le pays produit certaines autres denrées susceptibles de
donner lieu à des transactions locales telles que la gomme arabique
fournie par l'acacia ethica, le copal (trichylobicmn hornemannium),
la gutta-percha.
Le coton vient bien ainsi que l'arbre à étoffe (urastigma
Wogelia), Les indigènes font des vêtements avec son écorce battue
et travaillée.
Citons enfin Vindigo et Vorseille, plantes tinctoriales, la vanille^
le café.
Les épices ne poussent qu'en petite quantité.
Il est à remarquer que les lianes et arbres à caoutchouc qui,
d'ordinaire, abondent dan^s les forêts-galeries des rives des cours
d'eau, poussent au contraire en dehors de ces fourrés, dans la région
du £ouango (1).
(1) Mission Seguin.
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CHAPITEE VI
BASSIN DE LA SANGA
Le bassin de la Sanga appartient à la fois à la zone tropicale
par son cours supérieur et à la zone équatoriale par son cours moyen
et inférieur^
Cette rivière descend des plateaux de la ligne de partage des
eaux entre Ghari et Gongo^ prolongements des terrasses extrêmes
de l'Adamaoua. Elle est formée par la réunion de la Mambéré et de
la Kadeï. La Mambéré est navigable des rapides de Bossom, près
de Tendira, à ceux de Djoumbé en aval de Bania. De ce point à
Ouesso, elle redevient navigable aux pirogues pendant la plus grande
partie de Tannée. Aux basses eaux^ les vapeurs calant de 0°^^70
à 0°*,80 remontent la Sanga jusqu'à Ouesso et aux hautes eaux jus-
qu'à Bayanga (pendant huit mois) et jusqu'à Bania pendant quatre
mois seulement.
La Mambéré est grossie de la Nana. La rive gauche de cette
rivière est couverte de mamelons tantôt boisés^ tantôt herbeux,
d'une altitude variant entre 500 et 600 mètres, séparés les uns des
autres par des nombreux ruisseaux aux allures torrentielles qui
vont grossir la Nana. La vallée même de oelle-ci est très peu
boisée et forme une vaste savane. C'est un cours d'eau peu pro-
fond, mais au courant très rapide. Quant à la Mambéré, elle a dans
son cours moyen une largeur de 60 à 80 mètres. La région qui
s'étend entre sa vallée et celle de la Nana est très accidentée et
habitée par des Bagas, proches parents des Mandjias de la Oua.
De la Mambéré à la Kadeï, les mouvements du terrain prennent
une amplitude plus grande et les arbres deviennent rares : c'est le
domaine de la steppe herbeuse. Le pays est très bien cultivé par les
Bagandas dont les villages sont très nombreux.
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- 308 —
La Kadeï prend sa source non loin de Eoundi, ville foolani ;
son cours est encore peu connu. Il n'en est pas de même de son
affluent, la Libombi qui a été explorée par MM. Ponel, Clozel et
Perdrizet.
Aux environs de Oaza, on retrouve des K'Dérés de même race
que les N'Dys (ou X'Dris) de TOubangui.
Dans tout ce pays se sont infiltrés des Foulbé de TAdamaoua.
C'est une zone de transition entre Tislamisme et le fétichisme.
La Sanga prop^ement dite réunissant à Nola les eaux des nom-
breuses rivières qui s'étalent en éventail entre le 3*30' et le 6^ de
latitude boréale, entre dans la légion équatoriale et ses rives se
bordent de l'épaisse végétation qui est sa caractéristique, celle-ci
s'étendant au loin dans l'intérieur de la contrée. Elle traverse néces-
sairement le pays des M'Fan-Zem, fraction de la grande race
pahouine, celui des Basangas et des Bousindés et le plateau Bafou-
rou inférieur.
Son principal affluent de droite est la N'Goko dont nous possé-
dons le cours moyen et inférieur où ont été établies plusieurs facto-
reries (1). Cette rivière est accessible aux vapeurs durant 80 kilo-
mètres.
La Sanga ouvre une voie de communication fort utile, permet-
tant de drainer vers le Congo les produits des régions qu'elle tra-
verse.
Au point de vue de la pénétration vers le Tchad, son importance
est moins grande. Bania, point extrême de la navigation pour les
vapeurs (et cela pendant quatre mois de l'année seulement) est, en
effet, à plus de 350 kilomètres en ligne droite de Oarao où com-
mence la navigabilité de la Oua par vapeurs fluviaux.
Les productions du bassin de la Sanga sont, dans son cours
supérieur, analogues à celles du Haut-Oubangui et dans son cours
inférieur, à celles de la région équatoriale que nous allons étudier.
(1) En particulier la factorerie Emile Loubct, dont rétablissement est une pro-
testation contre les agissements des coir.mcrçants allemands,
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CHAPITRE VII
LA REGION ÉQUATORIALE (gABON, OGOOUÉ, NIARI, CONGO)
I. — Etude physique,
La région du Congo proprement dit qui s'étend de chaque côté
de Téquateur entre le 2** de latitude boréale et le 4**30' de latitude
australe est actuellement bien mieux connue que celles du Haut-
Oubangui et du Chari. Nous nous contenterons donc d'en décrire la
physionomie générale.
En allant de Test à Touest, on rencontre successivement à partir
du 14* de longitude est :
V La vallée même du Congo ;
2* Des plateaux de 300 à 400 mètres ;
3^ Les hauts plateaux de la zone do partage des eaux entre
Kouilou-Niari et Ogôoué d'une part, Congo de l'autre ;
4® Des terrasses successives descendant vers la mer, parsemées
de rides nombreuses sensiblement parallèles à la côte, dont les plus
occidentales ne sont autres que les fameux monts de Cristal ;
5* Une bande forestière entrecoupée de clairières herbeuses ;
6^ La zone maritime.
V Vcdlée du Congo, — La vallée du Congo inférieur est le pro-
longement de celle de l'Oubangui ; de Zongo à son confluent, ce
dernier roule ses eaux majestueuses sur une largeur moyenne
de 3 kilomètres.
A l'époque de la crue, sa profondeur dépasse 5 mètres, mais aux
basses eaux la rivière est obstruée par de nombreux bancs de sable
et n'a plus guère qu'un mètre de fond.
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— :jio —
Près du confluent de TOubangui, la largeur du Congo est d'en-
viron 6 à 6 kilomètres. Il est parsemé d*îles très nombreuses et
après avoir reçu la Sanga et la Likuala atteint sa largeur maxima
qui dépasse 18 kilomètres. Elle ne tarde pas à diminuer et» près de
la Léflni, le Congo ne mesure plus que 3 kilomètres d'une rive à
l'autre.
Au-dessous du 4^ de latitude australe» il s'étale largement dans
le Stanley Pool dont la partie centrale est occupée par une grande
île. Plus bas, commencent les nombreux rapides qui obstruent son
cours pendant 450 kilomètres, entre le confluent du Djoué et Vivi
(rapide N'gouloufi, rapides de Tchoumbou, chute Itounznia, chutes
d'Tellala).
Ces chutes sont produites par des barrages de rochers, prolon-
gements dans le lit du fleuve des monts de Cristal. Avant de par-
venir à la mer, le Congo a donc à accomplir une pénible tache. Il
redevient calme et navigable à partir de Matadi.
On peut supposer que toute la région qu'il baigne était autre-
fois une vaste mer intérieure. Les eaux ont réussi, peu à peu, à se
creuser des passages vers l'océan à travers les rebords des différentes
terrasses qui avaient réussi jusque-là à les contenir et s'écoulèrent
surtout par le large sillon du Congo.
Les grands lacs Toumba et Léopold-II qui s'étendent entre
Téquateur et le 3® de latitude australe ne seraient que les restes de
l'ancienne mer intérieure.
Les principaux affluents du Congo inférieur sont, sur sa rive
droite : la Sanga dont nous avons étudié le cours ; la Likouala-Mos-
soka, navigable sur 140 kilomètres aux vapeurs et sur près de 300
aux pirogues ; l'Alima, reconnue navigable sur 350 kilomètres par
Ballay, et la Léfini sur 150 (de Brazza) ;
2** A partir de la vallée du Congo, la plaine adjacente s'élève peu
à peu, par des paliers successifs, de l'altitude de 350 mètres (1) à
celle de 500 mètres
Ces plateaux sont recouverts de prairies verdoyantes, parsemées
çà et là de bois, les rives des cours d'eau étant en outre bordées de
forêts-galeries touffues ;
3** La zone de partage des eaux entre Ogôoué et Kouilou Niarî,
(1) Loukolila, un peu en amont du confluent de la Sanga et du Conjç osur laHve
belge du Congo, est à une altitude de?30 mètres; lô coude de l'Alima à 352 mètres.
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- 311 —
d'une part, Congo de Tautre, est formée de plateaux d'une altitude
de 700 à 800 mètres de hauteur. Ceux-ci consistent en longues
plaines sablonneuses reposant sur un fond de grès quartzeux et ne
I>ossédant qu'une végétation clairsemée. Ils sont coupés de grands
vallonnements où prennent naissance les cours d'eau des deux
versants
C'est ainsi que la Likouala-Mossaka descend du plateau pahouin
où elle prend sa source à une altitude d'environ 550 mètres, la
Lékéti dans le plateau des Achicouya à plus de 800 mètres, le Niari
dans le plateau Batéké à 625 mètres ;
4® A la région des hauts-plateaux succède une zone de plaines'
élevées dont l'altitude s'abaisse progressivement de 450 à 300 mètres
et dont le sous-sol est formé de grès stratifié recouvert d'argile. Ils
sont parsemés de rides nombreuses, collines couvertes de verdure
séparées par des ruisseaux aux rives boisées ou montagnes alignées
parallèlement à la côte. La végétation est beaucoup plus puissante
que sur les hauts-plateaux. A partir du 11** de longitude orientale,
la forêt s'étend presque uniformément sur tout le pays avec une
densité toujours plus grande aux abords immédiats des cours d'eau.
Aux collines boisées succèdent les rides montagneuses désignées
sous le nom générique de monts de Cristal.
Dans cette zone nouvelle, la broussaille remplace presque par-
tout la forêt ; seuls, les ravins sont couverts d'une épaisse végétation,
tandis que les ravins apparaissent dénudés.
Les monts de Cristal sont formés par des chaînes parallèles pré-
sentant une altitude variant entre 800 et 1,500 mètres.
La première de ces chaînes est constituée par le mont Moheko
(1,000 m.), sur la rive droite de l'Ogôoué, le Bikoutchi sur sa rive
gauche et, plus au sud, les monts Dessoua (800 m.), Liboundji,
Birogou (784 m.).
Le Birogou est un centre hydrographique important d*où des-
cendent la Likoko, affluent de l'Ogôoué, la Lolo et l'Ofoué égale-
ment ses tributaires, le N'Gouné, le fleuve Nyanga et la rivière
Louété, affluent du Niari.
Une seconde chaîne est marquée par le mont Soumbo d'où des-
cendent le Komo et le Temboni, le mont Mekié (800 m.), le mont
Obombi situé sur la rive gauche de l'Ogôoué, le mont Loumandjogo
et les monts Moukandé qui longent la rive gauche de l'Ofoué.
Enfin, les monts de Cristal proprement dits entre Temboni et
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— 312 -
Ogôoué, prolongés au sud par lc3 monts Issogué forment une troi-
sième chaîne. En avant de celle-ci s'étend sur la rive gauche de
rOgôoué, et toujours parallèle à la mer, le contrefort des monts
Achankolo, Ofoubou-Oréré et Igoumbi-Andélé ;
5** Avec les derniers contreforts occidentaux des monts de Cristal
apparaît à nouveau la forêt dense.
Les collines sont désormais entièrement boisées à leur sommet
comme sur leurs flancs.
De loin en loin apparaissent quelques clairières herbeuses.
Cette bande forestière est particulièrement dense entre le Koui •
lou-Niari et le 5*30' de latitude australe, où elle porte le nom de
Mayombe et s'étend sur une largeur d'environ 150 kilomètres (1) ;
6* Le sol s'abaisse peu à peu et la forêt s'éclaircit, la zone marû
time commence. A la végétation dense succède une bande de terrain
couverte de grandes herbes et de papyrus, parsemée çà et là de pal-
miers isolés et enfin le sable annonçant le rivaga.
Le littoral présente deux aspects différents :
aj Au nord du cap Esteiras, les monts de Cristal envoient des
prolongements jusqu'à la côte : tels sont les Sept-Monts situés entre
le Benito et le Carapo, tel est encore le mont de la Mître qui culmine
à 1,200 mètres, au nord du rio Mouni. Dans cette région, la côte est
donc assez élevée et forme un nombre considérable d'estuaires (rio
Campo, rio Mouni, rio Benito, Monda) ;
b) Après le cap Esteiras, l'aspect du littoral change complète-
ment. C'est ainsi que la rive gauche du Gabon est fort basse, con-
trairement à la rive droite où a été bâtie Libreville pour cette raison.
Le rivage devient sablonneux, souvent marécageux. Les man-
gliers et les palétuviers couvrent de grands espaces. L'eau séjourne
dans de nombreuses lagunes qui rendent la contrée fort malsaine.
Le Fernan-Vaz et le pays de Kamma jouissent, sous ce rapport,
d'une situation déplorable.
Ils sont formés de larges plaines à demi submergées où viennent
aboutir quantité d'embouchures obstruées par des bancs de vase.
Plus au sud, on rencontre encore de fréquentes lagunes qui
8*étranglent en approchant de la mer. Telles sont les lagunes N'Gteue,
N'Dogo, et M'Banio. Dans leurs marécages viennent se perdre de
(1) Les itinéraires du capitaine Jobit et du capitaine Lôfler ont noté la limite Est
de la forêt qui, dans l'intervalle compris entre 1* et 3* lat-sud se tient à peu près
entre !()• 30* et 11- long. Est.
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— 313 —
petits fleuves côtiers issus des premiers contreforts des monts de
Cristal.
L — Hydrographie.
V Fleuves côtiers du Nord. — Les principaux de ces fleuves
côtiers sont : le Campo ou N*Tcm qui descend du mont Mitshue,
centre hydrographique important d'oii sortent également le Djah et
rivindo.
Le rio Benito, qui porte le nom de Wpleu dans son cours supé-
rieur. Il prend sa source dans de vastes marais par 9*^0' de longitude
est et 1**10' environ de latitude nord et a environ 250 kilomètres de
parcours. Ses 150 kilomètres sont navigables aux pirogues, les
100 kilomètres suivants sont coupés de chutes nombreuses, enfin les
50 derniers sont accessibles aux vapeurs (1).
Le Benito se trouve compris dans les territoires que nous avons
cédés à l'Espagne.
Le rio Moùni est un large estuaire oii viennent déboucher le
Banié et le Temboni. Le cours supérieur de ce fleuve ne nous appar-
tient plus.
La Monda s'offre sous la forme d'un golfe s'avançant profondé-
ment dans l'intérieur des terres dans un sens peipendiculaire à
l'estuaire du Gabon ;
2* Ce dernier s'ouvre entre la pointe Pongara et la pointe Santa-
Clara et s'enfonce de 70 kilomètres dans le continent. L'île Coinquet
et l'île aux Perroquets le divisent en deux parties : le bassin exté-
rieur a un fond variant entre 9 et 10 mètres, tandis que le bassin
intérieur ne peut convenir qu'aux bâtiments calant moins de
4 mètres.
Dans le fond de l'estuaire du Gabon, se jette le Komo. Ce i)etit
fleuve descend de la région du mont Soumbo. Il n'est navigable aux
vapeurs qu'à partir de l'île Ningué-Ningué.
Le Rhamhone prend sa source dans les derniers contreforts des
monts de Cristal et possède une assez grande profondeur ;
3** UOgôoué, — L'Ogôoué prend sa source dans le plateau des
Achicouya et traverse successivement les différentes régions que
nous avons étudiées.
a) Mission Lesieur-Foret. (Nov. 1899-1900)
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— 314 —
Son premier affluent important, la Passa, est une belle rivière
navigable à 15 kilomètres de son confluent. Franceville a été fondée
sur ses rives.
Un peu en amont, TOgôoné est coupé par la chute Poubara et,
en aval, par les rapides Mopaka et Bangania.
Jusqu'à la rivière N'Koni, il coule entre des rives découvertes
ondulées par des collines couvertes de villages et de cultures. A
partir du confluent du N*Koni, ses bords se couvrent de végétation
et conservent cet aspect jusqu'à la région des montagnes.
La chute de Doumé, en aval de l'embouchure de la rivière Sébé,
est formée par des blocs de quartz et de grès qui obstruent le fleuvft.
Celui-ci possède dans ces parages une largeur d'environ
1,200 mètres.
A partir de Doumé, les rapides deviennent moins fréquents et
un bief navigable toute l'année s'étend du rapide de Boundji, en
aval de Lastoursville, au confluent de l'Ivindo. Jusqu'à celui-ci,
rOgôoué suit une direction sensiblement parallèle à la côte ; en
amont, il coule au contraire presque perpendiculairement à celle-ci.
Dans cette partie de son cours, il possède aux hautes eaux une lar-
geur d'environ 300 mètres qui est réduite des deux tiers pendant la
sécheresse.
Après la chute de Booué et les rapides N'Jégo et Paghé, il entre
dans des gorges souvent fort resserrées marquant la traversée de la
région montagneuse. C'est ainsi qu'il n'a plus qu'une cinquantaine
de mètres d'une berge à l'autre dans son passage entre le Mokeko
et la Bikoutchi. Ce défilé a reçu dans le pays le nom de porte de
rOkanda.
TJn peu après avoir longé les contreforts méridionaux des monts
Obombi, il doit franchir le rapide des Apingisw Ses berges sont
broussailleuses jusqu'au confluant de la rivière Okouo, au delà eUes
se boisent à nouveau.
A partir de N*Djolé, l'Ogôoué devient navigable pour les vapeurs
et s'étale majestueux entre des rives élevées. Au delà de Lambaréné,
son cours d'eau est souvent obstrué par des îles sablonneuses. Il
coule alors paresseusement en terrain plat jusqu'au commencement
de son delta. La forêt qui couvrait ses bords fait place à de hautes
herbes parsemées par endroit de palmiers et de papyrus qui font
bientôt place aux palétuviers et aux mangliers^
Avant d'arriver à la mer, le fleuve se partage en de nombreux
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— ai5 —
bras et reçoit leê eaux de plusieurs lacs (Azinga, Zîlé, Zonan-
gué, etc., etc.).
Les principaux affluents de TOgôeué sont : sur sa rive gauche,
la Lolo navigable sur 150 kilomètres et le N'Gounié praticable aux
Tapeurs jusqu'à la chute Samba.
Sur sa rive droite, il reçoit VIvindo, navigable jusqu'aux envi-
rons de Kaudjama, qui descend du centre hydrographique du mont
Mitshue.
Le Djah est probablement l'affluent le plus important de
rOgôoué ;
4** Le Kouilou'Niari. — Le Kouilou-Niari prend sa source dans
le plateau Batéké. Son cours est difficile jusqu'à Komba ; à partir
de ce point, il devient navigable jusqu'à Loudima, Les monts Livin-
dou le rejettent alors vers le nord jusqu'à Makabana, puis il redes-
cend suivant une direction sensiblement perpendiculaire à la côte.
De son embouchure à Kàkamoëka, il est navigable pour les petits
vapeurs.
Son développement total est d'environ 600 kilomètres.
II. — Etvde eihnogra/phique,
La mer seule a pu arrêter les migrations des peuples africains.
C'est ainsi qu'aux approches de l'Océan on observe un entassement
singulier de populations superposées les unes aux autres.
On a voulu voir dans les A'Koas ou Okoas, ces nains répandus
tout du long de l'équateur, dans les ténèbres de la forêt dense, les
premiers occupants de la région. Sont-ce vraiment les autochtones ?
La question est assez difficile à résoudra Quoi qu'il en soit, ils ont
dû être considérablement décimés, probablement par le contact des
autres populations. Ils ne vivent que de chasse, ne faisant aucune
culture et souvent tenus en sujétion par leurs voisins.
Les Boubous, dont la taille ne dépasse pas 1°,50, semblent être
les intermédiaires entre les A'Koas et les autres tribus. Ce sont les
premiers habitants des rives de l'Ogôoué.
OeB groupements primitifs ont été traversés par les Ombékés
comprenant les M'Pougnés et Schekianis qui entourent l'estuaire
du Gabon, les Ouroungous de la rive droite du Bas-Ogôoué et les
N^Komis ou Kamas de la rive gauche.
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— 316 —
Tous ces Gabonais sont de giands et beaux Hommes, trop sou-
vent corrompus par le voisinage des premiers traitants. Ils ont le
goût des choses brillantes, des belles étoffes, des bijoux et trafiquent
de tout, même de leurs femmes.
Les Galois et Inengas qui leur succèdent de chaque côté de
rOgôoulé appartiennent à la même origine, de même que les
Apindjis. Les Galois sont les grands piroguiers du fleuve sur lequel
ils s'aventurent assez loin de leur pays. Ils sont remarquables par
l'élégance de leurs formes et la petitesse des extrémités.
Tous ces indigènes sont de purs nègres ;
3® En arrière de ceux-ci s'étendent les BaJcalais, grands chas-
seurs et à demi nomades^ Ils ont été peu à peu repoussés sur la rive
gauche de l'Ogôoué par l'invasion pahouine.
Aux Bakalais paraissent se rattacher les Chebos (1) des envi-
rons de Bandji, les Chakés et les OkotaSy ces derniers, habitant la
rive gauche du fleuve, à hauteur du confluent de la rivière Okoua
et au nord-est de Lastoursville.
Ces diverses tribus parlent une même langue. Les Bokotos (2)
de rivindo (rive gauche) sont doux et travailleurs. Ils entretien-
nent de belles cultures ;
4** Sur toute la région du nord de l'Ogôoué est venue s'étendre
l'invasion pahouine. C'est le peuple migrateur moderne presque
contemporain. Il est originaire du nord-est et diffère profondément
des peuplades avoisinantes. Les Pahouins se divisent en Ossyebai
habitant la rive droite du Bas-Ivinda et celle de l'Ogôoué entre
Booué et N'Djolé ; en M^Fan Botchis ou Pahouins proprement dits,
occupant tout le pays de la mer à la Sanga, entre le P de latitude
boréale et la frontière du Cameroun et en M* Fan Dzem ou Djima
s'étendant entre N'Goko et Sanga. Ils sont, en général, de faille
moyenne. Leur teint est assez clair et rapi>elle celui des Niam-Niam.
Leur nez est droit, leur chevelure crépue et leur barbe longue, par-
tagée en plusieurs tresses. Ils se taillent les dents en pointe et }e
font des tatouages peints en rouge sur le corps.
Ce sont surtout des chasseurs et des commerçants, se livrant peu
à la culture. Ils travaillent assez bien le fer. Les peuples voisins ont
(1) P. DE Brazza, Voyagea dans V Ouest africain.
(2) Crampel, i^ mission.
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- 317 —
une grande peur des Pahouins anthropophages et se sont peu à
peu retirés sur la rive gauche de TOgeoué ;
5* La rive gauche du Niari est occupée par les Bassoundis culti-
vateurs et la rive droite par les Babembés ;
&* Entre les sources du Niari et celles de l'Ogôoué, habitent les
Batékés, population de mœurs très douces utilisant la fertilité dos
plateaux. A la même langue se rattachent les Obambds ou Ombétés
de l'intérieur des teries, au nord do Franceville. Ils sont originaires
des forêts et ont une haine invétérée des riverains de TOgôoné.
Les Adoumas s'étendent sur les bords de ce fleuve, entre Doumé
et Bandji Très industrieux, ils paraissent posséder Tinstinct du
négoce. Ils font des paniers, des filets et des nattes et se livrent
aussi à la culture ;
7** La population des Loangos est dégénérée. Au contact des
Européens, ils ont pris tous les vices. Leur constitution physique
semble s'en être ressentie elle-même. Ils sont chétifs, laids et mal
faits.
Aux Bassoundis et aux Batéhés succèdent sur la rive droite du
Congo les Balalis essentiellement commerçants.
Les Afourous, souvent aussi appelés Boubanguis, bordent le
fleuve jusqu'au delà du confluent de TOubangui. Ils sont grands et
solides, mais ont un visage fort laid. Des tatouages, en forme de
bourrelets, couvrent leurs tempes. Ils vivent sur le fleuve et du
fleuve, servant d'intermédiaires commerciaux.
Les Baloîs de l'Oubangui possèdent des traits assez réguliers, un
nez presque droit et des lèvres peu épaisses, ne se joignant pas. Leur
front est tatoué de rayures longitudinales.
Enfln, les Bonjos anthropophages et farouches s'étendent jus-
qu'aux environs de la Lobaï. Leur prognathisme est fort accentué.
III. — Etude éconorrUque.
1" Pioductions. — a) Littoral. — La rive droite de l'estuaire du
Oabon est plus riche que la rive gauche malsaine et i>eu habitée.
Les plantations de la région produisent des bananes, des arachides,
des ignames, du maïs, du café, du cacao, de la vanille. Les indigènes
cultivent le manioa
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— 318 —
Le cocotier introduit depuis longtemps déjà dans la colonie
pousse très bien à proximité de la mer. On rencontre la liane à
caoutchouc dès que l'on s'avance quelque peu dans les terres.
Les principales plantations de la côte sont celles de Ponia-Mina,
de Batavia, du Lazaret, de Sibangue, le jardin d'essai de Libreville,
dans la région du Oabon. Dans celle du Feman-Yaz, les plantations
de la mission catholique et de Ningué-Sika. Dans celle de Loango,
enfin, la plantation du Cayo ;
b) Région de la forêt dense, — La région des forêts produit : de
nombreux bois d'ébénisteetb, en particulier dans le Mayombe. Les
principaux sont : Yébène, Vûkoumé (Boswellia Elanieana), le boû
rouge, le Ngonsho ou bais de fer, Voba assez analogue au teck, etc.
Des PLANTES OLEAGINEUSES : le palmier à huile ou Elœis Gui-
neensis dont le sarcocarpe et l'amande fournissent l'huile de palme ;
Vàrctchide.
Des PLANTES TEXTILES : le cotonnier poussant près des villages et
V arbre à ouate.
Le CAOUTCHOUC fourni i>ar des arbres ou des lianes du genre
Landolphia.
Les EÉsiNEs et le copal dans la forêt de Mayumbe.
La GUTTA.
Des FBuns tels que : Vananas, la banane, nourriture des indi-
gènes de la forêt, Vobo ; le citronnier et Yoranger ont pu s'accli-
mater.
Les populations de la région se nourrissent de patates douces,
dHgnames, de manioc.
Les Bassoundis de la rive gauche du Kouilou-Niari ont des
champs de bananiers hauts parfois de 5 à 6 mètres. Us cultivent
en outre le palmier à huile, le manioc, le raphia ;
c) Région Tnontagneuse, — Dans le pays des Apindjis comme
dans celui des Okandas et des Bakàlais, on retrouve les mêmes
plantes alimentaires et, en outre, du chanvre, des cannes à sucre,
des courges, des champignons, etc., etc. ;
d) Région des hauts-plateauœ, — La fertilité des hauts-plateaux
sablonneux est moins grande que celle des terrains boisés et argi-
leux. On y récolte du mais, de la sésame, des arachides et le n^jou^
sCrie de fève*
' Au delà du 12** de longitude orientale, on cultive du mil en assez
grande quantité ;
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- S19-
e) Vallée du Congo. — Dans la forêt-galerie qui borde le Congo
poussent une partie des essences de la forêt dense : palmiers à huile,
rotangs, raphias. Les indigènes cultivent la banane, le maïs, les
ignames, et, sur VOubangui, le sorgho.
Faune. — Ivoire. — L'éléphant devient assez rare et n'existe
plus guère que dans la forêt dense pahouine. Aux environs de Braz-
zaville, on ne le rencontre que fort exceptionnellement.
Les singes existent en grande quantité et sont susceptibles de
fournir d'assez belles fourrures.
Les riverains du cours d'eau ont de grandes ressources dans la
pêche. Quant au gibier, il se compose d'antilopes, de buffles, de
cailles, de perdrix grises. La bécassine et les oiseaux d'eau peuplent
la région du littoral Les oiseaux de proie sont fort nombreux ainsi
que les panthères, léopards et chats-tigres ;
2^ Relations commerciales. — Les transactions commerciales ont
eu lieu fort longtemps par l'intermédiaire des tribus voisines de la
côte. Sur les cours d'eau, seules voies de pénétration vers l'intérieur,
certaines peuplades s'arrogeaient le droit d'entraver, suivant leur
volonté, tout trafic et de prélever des droits sur les produits
d'échange. En 1868, les traitants ne pouvaient dépasser la tribu des
Inengas et nous avons vu que les premiers voyages d'exploration
furent entrepris dans le but de s'affranchir de cette tutelle gênante.
Les Oalois tenaient le cours inférieur du fleuve ; les Pahouins, par
leur arrivée sur l'Ogôoué, coupaient les communications avec l'est ;
enfin, les Adoumas accaparaient le négoce du haut-fleuve. Il en
était de même dans la région du Como où les M'Fans se faisaient
les intermédiaires de tout trafic et en particulier de celui de l'ivoire
et dans celle du Kouilou-Niari.
Les traitants de Brazzaville étaient obligés de se servir des
Batékés qui étaient en relations avec les tribus en amont et celles
de l'intérieur.
Jusque vers 1848, les négriers se livraient à la traite d'une façon
fort étendue. On a calculé que, vers 1840, 160,000 esclaves étaient
importés de la côte d'Afrique à destination du Brésil, de Cuba, des
petites Antilles.
A ce <f bois noir •, on ajoutait dans l'exportation les essences
précieuses, le copal, l'ivoire, la gomme et l'huile de palme.
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— 320 —
Il semble qu'actuellement les principaux produits susceptibles
d'un commerce rémunérateur sont en premier lieu :
Le caoutchouc, dont la quantité x)eut s'accroître ;
Les hoi$ JPéhénitierie ;
Jj ivoire, ressource provisoire, en raison de la grande diminution
des éléphants ;
Jj huile de palvie.
En outre, de nombreux produits qui ne pourraient, par exemple,
s'exporter du Haut-Oubangui en raison de son éloignement.
Tels sont les anancts, la vanilley le cacao, les arachides, les résines,
le copal, le café, les noix de coco, les bananes, la gutta, la gomme, etc.
Les principaux articles d'importation sont : les étoffes et coton-
nades, les perles, les conserves servant à la nourriture des colons,
les machines agricoles, les ustensUes de tout genre, les farineux ali-
mentaires, les denrées coloniales, les boissons et spiritueux.
Les chefs de la région des sultanats de TOubangui et du
M'Bomou n'acceptent guère que des armes (surtout à tir rapide),
de la poudre, surtctut en paiement de l'ivoire. Dans cette contrée,
on peut échanger 200 kilogrammes de caoutchouc contre tin fusil
(mission Bonnel de Mézières).
La main-d'œuvre indigène est payée à l'aide de perles baîakas
blanches et rouges, de chapeaux, d'étoffes de médiocre qualité, etc.
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CHAPITRE VIII
COMHEBCE DE LA COLONIE DU CONGO
En 1894, k chiffre des importations s'élevait à 4,604,953 francs,
celui des exportations à 5,592,699 francs; au total, 10,597,650 francs.
En 1899, le chiffre des importations est monté à 6,690,263 francs
et celui des exportations à 6,625,041 francs, c'est-à-dire, au total,
13,315,304 francs.
Soit près de 3 millions de francs d'augmentation en cinq ans.
Sur le chiffre des exportations, le caoutchouc était représenté par
3,015,195 francs, Tivoire par 1,878,000 francs et les essences pré-
cieuses d'ébénisterie par 1,150,600 francs.
En 1900, on a pu relever :
Importations. Exportations.
De France 4.862.922 2.608.212
Des colonies 15.620 1.586
Del'étranger 5.676.321 4.929.687
10.554.863 7.539.515
18.094.378 "
En 1901, la crise des caoutchoucs sur le marché d'Europe a pro*
duit une légère diminution dans ces chiffres, mais cette diminution
n'a été que temporaire et Tannée 1902 a donné, paraît-il, un nouvel
essor au négoce.
Les chiffres de 1901 étaient :
Importations. Exportations.
De France 4.037.125 2. 405. .599
Des colonies 16.515 770
De l'étranger 3.387.582 4 . 115.811
7.441.252 6.522.180
13.963.432
PÉNÉTRATION l'RANÇAlSE 21
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— 322 —
Soit un peu plus que le chiffre de 1899.
En 1902, les exportations se sont élevées à 8,428,000 francs, mais
les importations ont un peu baissé (5,687,000 francs).
Exploitations et concessions. — TJn décret du 28 mars 1899 a
réglementé l'exploitation des forêts au Congo français^ Nul ne peut
entreprendre une exploitation dans les bois du domaine s'il n'est
muni d'un permis du commissaire général ou de son délégué. Il eet
fait réserve des droits dont jouissent actuellement les indigènes et
qu'ils devront pouvoir continuer à exercer.
Le domaine public a été organisé par un décret du 8 février 1899.
Le reste de la colonie a été réparti entre 37 concessionnaires ou
groupes de concessionnaires.
La question des concessions est actuellement à l'ordre du jour.
Il semble que les compagnies se soient laissées aller à un mouve-
ment d'emballement. Elles comptaient trouver une végétation ana-
logue à celle de l'Etat belge du Congo. Or, celui-ci est presque entiè-
rement recouvert par la forêt dense, alors que seule une partie assez
petite de notre colonie i^mplit cette condition excellente pour la
production de l'huile de palme, du caoutchouc et des bois précieux.
Nous avons vu en outre que l'ivoire tend de plus en plus à dispa-
raître.
En£n, les cahiers des charges sont très minutieux et assez
durs (1)^ Néanmoins, les concessionnaires se sont mis résolument
à l'œuvre et ont commencé la reconnaissance et la mise en exploita-
tion de leurs domaines.
Jjélevage sera peut-être également susceptible de donner de
bons résultats dans certaines régions.
On a réussi à acclimater du gros bétail à Loudima et à Bras^za-
ville (races bovines de l'Adamswua).
Les indigènes du Congo-Inférieur possèdent déjà des chèvres et
des moutons. Des essais heureux ont été faits dans ce sens à Lou-
dima où d<»s ânes ont été également importés et se sont multipliés.
Enfin, le cheval semble pouvoir être élevé au Congo.
(1) M. Paul Leroy -Beauliea a consacré des pages fort intéressantes à celte ques-
tion des concessions. (De la Colonisation ches les Peuples modernes.) Consulter
en outre d€ nombreux articles du Bulletin du Comité de V Afrique française année
1901-1902.
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CHAPITEE IX
LES VOIES DE PBNÉTttATION
Nous avons déjà observé que la question capitale est actuelle-
ment celle des voies de communication. Il importe que le8 produits
de notre Haut-Oubangui, du M'Bomou, du Chari puissent parvenir,
dans le temps minimum et au prix de transport le moins cher pos-
sible, aux débouchés maritimes. Il en est d'ailleurs de même pour
nos articles d'importation.
Or, il faut actuellement de trente-un à trente-quatre jours pour
se rendre de Brazzaville à Bangasso et le prix de transport des
marchandises de France à Banghi s'élève à 130 0/0 de leur valeur.
Ces chiffres sont plus éloquents que toute discussion.
Nous avons vu que, dès l'origine de notre colonisation, on s'est
préoccupé de résoudre oe problème^ On a d'abord songé à utiliser
les voies fluviales, mais on a bien vite reconnu qu'aucune des
rivières de l'embouchure du Gabon ne pénétrait assez loin dans l'in-
térieur des terres, puis, après les belles explorations de M. de Brazza,
que l'Ogôoué ne possédait pas toute l'étendue désirable et, en outre,
ne présentait que quelques biefs navigables.
La voie Ogôoué-Alima n'était pas assez directe pour atteindre
le Congo découvert pour ainsi dire par Stanley, et la seule route de
pénétration naturelle vers l'intérieur.
Mais le cours inférieur du Congo ne coulait pas en territoire
français et d'ailleurs était impraticable à la navigation : les Belges
avaient entrepris la construction de leur voie ferrée de N'Dola, près
Léopoldville à Matadi. On ne pouvait éternellement rester à la
merci de l'étranger et subir ses conditions de transport. C'est alors
que nos explorateurs et, en particulier M. de Brazza, cherchèrent
à joindre Brazzaville à la côte de notre colonie :
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— 324 —
a) Dès 1886^ MM. Dolizie et Jacob proposèrent d'établir une
voie ferrée entre Mandji et Loudima.
De la sorte, on aurait obtenu une voie de communication, pré-
sentant les sections suivantes :
1** De la côte à Mandji, le bief navigable du Kouilou inférieur ;
2** De Mandji à Loudima, une route ou une voie ferrée d'environ
100 kilomètres de développement ;
3^ De Loudima à Biédi, le cours navigable du Niari moyen ;
4** De Biédi à Brazzaville une route ou une voie ferrée dont la
longueur ne dépasserait pas 130 kilomètres.
Par malheur, la région qu'aurait à parcourir la voie ferrée de
Loango à Loudima présente des difficultés tenant à son caractère
montagneux. En outre, de i)etits vapeurs peuvent seuls employer le
bief Loudima-Biédi. Enfin, de Brazzaville à Bangbi, il y a environ
vingt-sept jours de voyage^ Il y aurait donc intérêt à reporter plus
haut, sur le Congo, le point d'aboutissement de la voie ferrée le
reliant à la mer ;
b) La mission Oswald, chargée par la société du Haut-Ogôoué
de l'étude d'une route muletière, a déduit des conclusions montrant
la possibilité de l'établissement d'une voie ferrée réunissant Libre-
ville ou le confluent de l'Alima. M. Bourdarie s'est fait l'apôtre
actif et convaincu de ce projet qui offre les avantages suivants :
1^ Traverser des régions de collines mamelonnées et de plateaux
ne présentant aucune difficulté importante pour la construction
d'une voie ferrée ;
2** Desservir l'ensemble de la colonie du Congo et en outre
l'unir (1) à la région du Tchad en adjoignant à la voie Gabon-
Alima-cours du Congo et de l'Oubangui : la ligne Bangui-Fort-
Crampel (le Gribingui devenant navigable en ce point) ;
3** Offrir le moindre développement de voie ferrée.
Son seul désavantage semble tenir à ce qu'il n'est point la voie
la plus courte ni la plus rapide pour se rendre de Libreville à
Bangui.
La voie Libreville, confluent de l'Alima-Congo, Oubangui suit,
en effet, sensiblement les deux côtés d'un angle droit. En outre,
personne ne peut mettre en doute que remonter un fleuve est plus
long que parcourir la même distance en chemin de fer ;
(1) Par la voie la plus courte.
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— 325 —
c) M. Fourneau a étudié, dans sa mission de 1899, un autre tracé
marqué par Libreville, Kandjama (sur l'Ivindo), Ouesso. De là, la
voie ferrée pourrait atteindre Bangui, parcourant à peu près l'hypo-
tliénuse du triangle rectangle de la voie Bourdarie. Une voie secon-
daire mettrait en communication Ouesso à Carnot et à la OuaLm
(ou Oua), affluent du Chari*
L'inconvénient de ce projet réside dans le grand développement
à donner à la voie ferrée (1,230 kilomètres de Libreville à Bangui).
En outre, cette voie serait quelque peu excentrique '(surtout en
»e contentant de joindre Ouesso à Carnot et à la Oua sans cons-
truire la voie Ouesso-Bangui).
La route de jonction du bassin du Congo à celui du Tchad serait
beaucoup plus longue que la voie Bangui-Fort-Crampel,
Enfin, M. Fourneau lui-même a constaté Texistence de maré-
cages sur le parcours de son tracé.
L'avantage de son projet réside, encore une fois, dans l'économie
de temps et de distance entre Libreville et Bangui ;
d) Enfin, M. Paul Leroy-Beaulieu prône la construction du
Grand-Central africain de Philippeville à Alger, au Tcbad et à
rOubangui. Au point de vue impérial, cette voie de communication
présenterait d'énormes avantages, mais, au point de vue commercial,
elle semble insuffisante, ne desservant qu'indirectement et par Tad-
jonction du système fluvial de l'Oubangui les rives de cours d'eau
et le Congo lui-même.
Que conclure de l'analyse sommaire de ces différents projets ?
Il est surtout nécessaire de ne pas perdre de temps et de se
décider pour un des projets proposés, l'établissement d'une bonne
voie de pénétration s'imposant pour les raisons déjà énoncées.
Le projet Libreville-Ouesso-Bangui-Fort-Crampel serait le plus
direct et le moins long.
Le projet Libreville, confluent de l'Alima, Congo, Oubangui,
Bangui-Fort-Crampel exigerait des dépenses moins considérables.
La voie lac Tchad-Cbari-Oubangui est surtout d'ordre politique ;
e) La mission LeiiTant, utilisant les renseignements rapportés par
le capitaine Lôfler, a prouvé qu'il existait une autre voie de pénétra-
tion vers le Tchad. Elle est constituée par le Niger, prolongé par la
Bénoué. On entre ensuite dans le Mayokabi, affluent de cette der-
nière rivière : t Le Mayokabi circule dans une plaine bordée de
hauteurs uniformes d'une altitude moyenne de 110 à 115 mètres. Cet
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— 326 —
aspect, quand on remonte la rivière, dure jusqu'au village de Lata,
à 80 kilomètres de Léré. De Lata, il faut faire une vingtaina de kilo-
mètres pour gagner le Toubouri...
c ... Le Toubouri est à 110 mètres d'altitude au-dessus du Kabi/
La rivière sortant du Toubouri s'engage dans des gorges semées de
rapides, puis, près de Lata, elle tombe brusquement par trois cas-
cades successives formant un gigantesque escalier dont le spectacle
est terrifiant et inoubliable. La cascade supérieure a une dizaine de
mètres de hauteur et la cascade inférieure 50 à 60 mètres. De Lata
à Gouroiinsi, il ne peut donc être question de navigation, il y a une
journée de portage.
€ ... A partir de Gourounsi commence le Toubouri et a recom-
mencé notre navigation. Le Toubouri est un marais large et pro-
fond dont les rives ont à peine 6 mètres de hauteur et qui a 100 kilo-
mètres de long. Il présente une série de mares et de plaines herbeuses
qui constitueraient des rizières splendides entre les marais des
Peulhs. La communication entre le Toubouri et le Logone est xcne
dépression de terrain de 2 à 3 kilomètres de large et d'une vingtaine
de kilomètres de long ressemblant à un parc étroit avec des pelouses,
des arbres et des villages. Du côté gauche (en montant) existe une
rivière mal tracée à travers des herbes assez espacées, et reliant des
étangs et des trous d'eau... Durant la période du maximum de la
crue (du 15 août au 1*' octobre), des vapeurs calant 3 pieds d*eau
y circuleraient à l'aise. Et du 20 juillet au 25 octobre, la navigation
y est possible pour des chalands calant 2 pieds... Par cette route, on
peut aller de Bordeaux au Tchad en soixante-dix jours au lieu de
cinq mois qu'on met par le Congo. Le prix de transport de la tonne
ne paraît pas devoir revenir à plus de 500 francs au lieu de
2,000 francs, i (Capitaine Lenfant.)
BIBLIOGRAPHIE DU LIVRE IV
Marcel Dubois et Auguste Terrier. Un siècle dexpansion coloniale.
Paris, 1902, Challamel in-8<».
Leroy-Beaulieu Paul. De la colonisation chez les peuples modernes.
Paris, 1902, tome second.
Les antres ouvrages généraux cités dans la bibliographie des quatre
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Du Quilio. Voyage dans VOgovcay {Rev. mar, et coloniale, tome XLI,
avril-juin, 1874).
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Abd-er-Rhaman Gaourang, sultan de Baguirmi (Avril 1898 — mai 1899).
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juillet 1902).
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C"« Truffert. Le Bahr-el-Ghazal et V archipel Kouri.
€»• Julien. Le Dar-Ouadaî (Suppléments au Bulletin du Comité de
r Afrique française de février, mars, avril et mai 1904).
C*»® Lenfant. Communication au Comité de l'Afrique française (25 tnai
1904).
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TABLE DES MATIÈRES
LIVRE I
Préface 5
La pénétration française en Afrique. — Ses caractéristiques, ses résul-
tats 7
Introduction : De la nécessité de Texpansion coloniale pour les peuples
contemporains et en particulier, pour la France 7
Chapitre 1. — Aperçu général du continent africain 17
Bibliographie du chapitre 1 29
CHAPfTRB II. — La diplomatie et la pénétration française en Afrique ... 31
L — Historique de la pénétration française en Afrique
jusqu*en 1890 31
IL — La question Congo-Nil 34
III. — La question de la boucle du Niger 1890-1904. . . 40
Bibliographie du chapitre II 46
Chapitre III. — I. — Morcellement de notre empire colonial africain con-
sidéré des côtes, mais unité par rapport au centre
du continent . 46
II. — Nos colonies africaines sont surtout des colonies
' d'exploitation 48
III. — Obstacles rencontrés par notre pénétration en
Afrique (climat, terrain) 49
IV. — Islamisme, fétichisme, anthropopliagie 50
Bibliographie du chapitre III 55
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— 332 —
LIVRE II
LA VOIE DE PÉNÉTRATION DU SAHARA
Chapitre I. — Historique de la pénétration saharienne o7
A. — Les voyages d'exploration 57
B. — La question de la frontière franco-marocaine et le
Touàt . .* 60
C. — La région-tampon entre sud-oranais et Maroc. Organi-
sation de la frontière 78
D. — Organisation administrative des territoires du Sud. 87
Chapitre II. — Le problème des origines du Sahara, sa constitution géolo-
gique 89
Chapitre III. — Orographie et Hydrographie. — Régime pluvial. — Floi*e.
— Richesses minérales 94
Chapitre IV. — Étude physique des diverses régions du Sahara 100
Sahara central ou sud-algérien lOi
1° Sahara algérien occidental ICI
2" Sahara algérien oriental 103
3 *> Le massif central saharien 105
4** Le Sahara méridional 107
Chapitre V. — Les races du Sahara . 110
1*> Tribus arabes 111
i*» — maures .'. . 112
3*» Le groupe chàambà 112
4*» Les Touareg 113
a — Touareg du Norvl 114
b — Touareg du SnJ 116
Chapitre VI. — Les oasis du Sahara septentrional 118
1« Tafilcl. ....... ^ 118
2" (Jroupe loualieii 120
a — TouJll proprement dit 122
b — Gourara 123
c — Tidikcll. . . . ' 124
3" Ouargla 130
t" Le Fezzan 131
CuAprrRE VII. — Les voies commerciales du Sahara 133
l** Routes directes du Maroc au Soudan 133
2'^ Routes du Touàt à Tombouctou. 135
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— 333 —
3** Roule d'Ouargla à Kano 136
A** Les routes du Fezzan vers lo Soudan 139
a — route de Ghadamès àKano parTAïr 140
b . — roule do G liai ou Mourzouk fi Kouka 140
c — roule de Tripoli au Ouadai 141
Moyens propres à ramener vois nos possessions le courant commercial. 141
Chapitre VIH. — La question du Transsaharion 144
1° d*Oran à Tombouctou 144
2° D'Alger à Tombouctou 145
3'» De Biskra au Soudan central par Ouargla 146
4«> De Gabès à Bilma et au Tchad . 147
Raisons d'établissement du transsaharien 147
1° Trafic saharien susceptible aélre accompli par une
voie ferrée 148
V Trafic saharien susceptible d'ôli-e accompli par une voie
ferrée unissant le Maghreb au Soudan 149
Conclusion 150
Bibliographie du Livre H 152
LIVRE III
Chapitre L — Histoire du Soudan, des origines à la formation de Tempire
d'El-Hadj-Omar (Ghana-Melli-Songhaï). Domination maro-
caine. Royaume de Segou. Macina 159
Royaume do Segou • 167
Royaume du Macina 168
Chapitrb 11. — Historique de la pénétration française dans TAfrique Occi-
dentale 170
— IIL — Organisation de l'Afrique Occidentale française 190
— IV. — Aperçu ethnographique de l'Afrique Occidentale française . 191
— V. — Climatologie. Partage en régions naturelles. Flore 207
— VI. — Aperçu géologique et orographique 212
— VII. — Hydrogi-aphie 220
I. — Bassin du Niger 220
IL — Bassin du Sénégal 226
III. — Fleuves côtiers se déversant dans l'Océan Atlantique. 228
IV. — Fleuves de la Côte d'Ivoire 228
V. — Fleuves du Dahomey 231
Chapitre VIIL — Aperçu économi([ue 232
I. — Productions naturelles 232
H. — Voie du Sénégal 241
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— Sal-
in. — Voie des rivières du Sud %it
IV. — Voies de la Côte d'Ivoire 242
V. — Dahomey U3
Chapitre IX. — Les voies de pénétration françaises dans TAfrique Ceci-
dentale 247
Bibliographie du Livre III 254
LIVRE IV
LA VOIE DE PÉNÉTRATION DD CONGO.
Chapifre 1. — Historique de la pénétration française an Congo 258
— n. — Aperçu climatologique. Partage en régions naturelles. ... 273
— III. — Constitution géologique 276
— IV. — Élude de la région du Tchad. Chari 278
^ V. — Étude de la région Haut Oubanghi. M'Bomou 298
-^ VI. — Bassin de la Sanga 307
— VII. — La région équatoriale (Gabon, Ogooué, Niari, Congo). . . 309
— VIII. — Commerce de la colonie du Congo 32i
— IX. — Les voies de pénétration 323
Bibliographie du Livre IV 326
Paria. — Irap. Paul Dupont, lié, rue Monlmarlre. 00.6.1906.
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Librairie Maritime et Coloniale
AUGUSTIN CHALLAMEL, KDUrEUR
17, rue Jacob, Paris
OUVRAGES SUR LES COLONIES
L'Algérie « L'Orîejit
Cartes d-es Colonies françaises
Publications du Ministère des Colonies à l'occasion
de l'Exposition de 1900
Ouvrages de l'Institut colonial international de Bruxelles
et de la Société d'études coloniales de Belirique
Publications de l'Exposition nationale coloniale de Marseille
BIBLIOTHÈQUE D'AGRICULTURE TROPICALE
Publications périodiques
La Revue Coloniale
Explorations — Missions — études géographiques et historiques
(Publication du Minislcn' dct» Colonies)
Un numéro de 68 pages tous les mois
Abonnement annuel 15 fr.
L'Agriculture pratique des pays chauds
BULLETIN MENSUEL
du Jardin Colonial et des Jardins d'essai des Colonies
l/n numéro de 88 pages aoec illastrations tous les mets
Al)ontionient annuel.- 20 fr.
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